Entrée et façade du Palais Royal, rue de Valois. |
Plan de Paris en 1830, par X. Girard. |
Joseph
Crozet, naquit à Paris, le 7 août 1808. Il succéda à son père,
Claude Crozet, libraire, 1 rue du Lycée [rue de Valois, Ier]
depuis 1809, après son décès le 22 décembre 1829.
Le
20 février 1830, il épousa, à Paris, Marie-Ursule Techener, de
quatre ans sa cadette, sœur
de Joseph Techener (1802-1873), qui avait ouvert une librairie en
1827 au 12 place de la Colonnade du Louvre [Ier],
puis s'installa 17 quai Voltaire [VIIe].
En
1835, Joseph Crozet déménagea au
15 quai Malaquais [VIe],
dans le petit hôtel de Chimay, entre l'ancien Musée des monuments
français [aujourd'hui Palais des Beaux-Arts] et le grand hôtel de
Chimay :
Plan de Paris en 1830, par X. Girard. |
Anatole France (1844-1924) habitera
ce petit hôtel de 1844 à
1853, Honoré Champion (1846-1913) y fondera sa librairie en 1874,
son fils Pierre Champion (1880-1942) y
naîtra.
«
C'est lui qui, avec M. Techener, son beau-frère, est allé
reconquérir sur l'Angleterre, à force de sollicitudes et d'argent,
ces trésors du Roman
de chevalerie,
du Mystère et
de la Moralité,
dépouilles opimes de nos bibliothèques, qu'on pouvoit croire
irrévocablement perdues. C'est lui dont le tact ingénieux et
délicat nous a rendu le goût de la vieille reliure, et qui a fait
revivre par ses conseils assidus l'art délicieux de Gascon, de
Deseuille et de Padeloup, dans les habiles essais de Thouvenin et
dans les merveilleux travaux de Bauzonnet. » [sic]
(Ch.
Nodier. « Nécrologie. Joseph Crozet. » In Bulletin
du bibliophile. Paris,
Techener, 1841, N° 11,
janvier-février, p. 459-460)
Crozet
fit des ventes, à la Maison
Silvestre, 30 rue des Bons-Enfants [Ier].
Du
mercredi 19 au mardi 25 mars 1834, le cabinet de Pierre Revoil
(1776-1842), qui avait passé à Paris les quatre dernières années
de sa vie : Catalogue des livres anciens, rares et
précieux, imprimés et manuscrits, composant le
cabinet de M. le chevalier Revoil, ancien professeur de
peinture à l'Académie de Lyon (Paris, Crozet, 1834, in-8).
Du
22 janvier 1835 à avril 1840, le fonds des frères Jean-Jacques De
Bure (1765-1853) et Marie-Jacques De Bure (1767-1847) : Catalogue
des livres faisant partie du fonds de librairie ancienne et moderne
de J. J. et M. J. De Bure frères, libraires de la
Bibliothèque royale (Paris, De Bure frères et Crozet,
1834-avril 1840, 8 vol. in-8).
Le
jeudi 26 novembre 1835 : Catalogue de bons livres, anciens
et modernes, presque tous d'une belle condition,
provenant de la bibliothèque de M. M. (Paris, Crozet,
novembre 1835, in-8, [2]-40 p., 632 lots).
En
1837, Crozet succéda aux frères De Bure dans la fonction de
Libraire de la Bibliothèque royale, rue Richelieu [IIe]
: cette bibliothèque était alors ouverte, pour les lecteurs, tous
les jours (excepté les dimanches et les fêtes), de 10 à 15
heures, et, pour les curieux, les mardis et vendredis, aux mêmes
heures.
«
J. Crozet, beau-frère de Techener, était alors libraire de la
Bibliothèque Royale ; son magasin du quai Malaquais, n° 15,
contenait les plus beaux livres, les plus belles reliures, les
raretés les plus insignes. Ce magasin voyait tous les jours se
réunir un cénacle de bibliophiles, qui causaient livres et
reliures, sous la présidence de Charles Nodier, qu'on écoutait et
consultait comme un oracle. Crozet parlait peu et ne se compromettait
guère ; Nodier lui avait fait une réputation de connaisseur fin et
délicat, de bibliophile expérimenté. Tous les habitués du magasin
de Crozet se persuadèrent aisément que les éloges de Charles
Nodier n'avaient rien d'exagéré. Crozet fut ainsi sacré le plus
savant libraire de Paris.
Cependant
Crozet était absolument incapable de faire un bon catalogue, et même
un simple catalogue de livres, quoiqu'il connût les livres et qu'il
fût très-habile à distinguer les reliures en nommant les relieurs.
Il avait, dans le travail, une hésitation perpétuelle ; il passait
son temps à défaire et à refaire ce qu'il avait fait. Ainsi, après
avoir levé lui-même toutes les cartes pour le catalogue de la
bibliothèque de Pixérécourt [sic], il s'était mis à remanier de
diverses façons ces cartes, qui offraient les plus étranges
disparates. Il les avait d'abord abrégées, puis augmentées, puis
diminuées ; il changeait le lendemain son ouvrage de la veille. Ce
fut bien pis, quand il voulut classer les cartes surchargées de
ratures : il les brouilla et rebrouilla, sans parvenir à leur donner
un ordre systématique.
Le
pauvre homme suait sang et eau ; il en était malade. Le
découragement s'emparait de lui et il désespérait d'arriver à un
résultat quelconque. Charles Nodier avait beau l'exhorter, le
conseiller, le réconforter ; rien ne faisait : Crozet restait
absorbé dans son impuissance. Pixérécourt [sic], d'ailleurs, ne
lui laissait pas un moment de repos ; il le pressait, il le
maudissait. “
Vous me ferez mourir d'impatience et de chagrin ! lui
disait-il sans cesse ; mon catalogue ne sera pas prêt en temps
utile, et ma vente est manquée ! ”
Enfin,
un matin, Crozet apparut, pâle et tremblant, chez Pixérécourt
[sic] ; il s'excusa des retards continuels occasionnés par son
mauvais état de santé, et il manifesta timidement l'intention de
suspendre son travail, sinon de le cesser tout à fait. Guilbert de
Pixérécourt [sic] entra dans une de ses plus furieuses colères.
Crozet était bien décidé à n'en pas supporter davantage : il
déclara donc, avec calme et fermeté, qu'il renonçait au catalogue
et à la vente des livres de ce bibliophile si difficile à
contenter, et il prit congé de lui, sans vouloir rien entendre. »
(P.-L.
Jacob, bibliophile. « Guilbert de Pixérécourt [sic] ». In Le
Bibliophile français - Gazette
illustrée. Paris, Bachelin-Deflorenne, N° 5, mars 1869, p.
273-274)
La
bibliothèque de René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844)
fut vendue du mardi 22 janvier au mardi 26 février 1839, en 29
vacations : Catalogue des livres rares et précieux et de la plus
belle condition, composant la bibliothèque de M. G. de
Pixerécourt (Paris, J. Crozet, décembre 1838, [8]-4-vii-[1
bl.]-414 p., 2.313 lots), suivi d'une description détaillée du n°
1.910 et avec « Des livres de M. de Pixerécourt », par Charles
Nodier, et une « Préface » de Paul Lacroix. Le total de la vente
s'éleva à 74.956 francs et 65 centimes. Pixerécourt considéra que
sa vente n'avait pas réussi :
«
Quant à moi, j'ai été assassiné par le petit Crozet ; il a laissé
vendre à vil prix des livres charmants, sur lesquels j'ai
perdu 90 pour 100. Il n'a soutenu que ce qui lui convenait, et j'ai
perdu au moins 30,000 francs sur ma vente. » (P.-L. Jacob,
bibliophile. « Guilbert de Pixérécourt [sic] ». In Le
Bibliophile français – Gazette illustrée. Paris,
Bachelin-Deflorenne, N° 5, mars 1869, p. 283-284).
Les
plaintes de Pixerécourt étaient exagérées : les livres s'étaient
vendus à des prix élevés, sinon excessifs, et le propriétaire
avait retiré ceux qui ne trouvaient pas preneur à leur valeur
réelle.
Du
lundi 10 au samedi 29 février 1840, en 18 vacations, ce fut celle de
Victor de Saint-Mauris (1797-1868) : Catalogue de beaux livres
anciens et modernes et de quelques manuscrits précieux provenant de
la bibliothèque de M. le comte de ST-M***
, membre de la Société des Bibliophiles français (Paris, J.
Crozet, 1840, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-202-[2] p., 2.200 lots).
Du
lundi 11 au mercredi 13 mai 1840, en 3 vacations, la bibliothèque
d'Eugène P. : Catalogue de livres anciens, la plupart
rares et curieux, provenant de la bibliothèque de M. Eug. P.
(Paris, J. Crozet, avril 1840, in-8, 36 p., 267 lots).
Crozet
réalisa aussi quelques éditions, en particulier : La Deffence et
Illustation de la langue francoyse, par Joachim du Bellay
(Paris, Crozet, 1839) ; deux ouvrages de Théodore-Edme Mionnet
(1770-1842), conservateur-adjoint du Cabinet des médailles de la
Bibliothèque du Roi et membre de l'Institut : Atlas de géographie
numismatique (Paris, Crozet, Constant Potelet et Rollin, 1838) et
Poids des médailles grecques d'or et d'argent du Cabinet royal de
France (Paris, Crozet et Constant Potelet, 1839).
Joseph
Crozet mourut prématurément, à Paris, le samedi 6 février 1841, à
cinq heures du matin.
«
La mort de M. Crozet laisse un grand vide dans la librairie ancienne
; il s'était occupé avec succès de la bibliographie des livres
rares et curieux. Les amateurs ont fait une grande perte qu'il sera
difficile de réparer.
M.
Crozet laisse un beau fonds de librairie, et un établissement en
pleine prospérité. Nous savons que sa veuve serait disposée à
traiter de cet établissement à des conditions très-raisonnables.
Tout le monde sait que la librairie de M. Crozet est située sur le
quai Malaquais. »
(Feuilleton
du Journal de la librairie, N° 8, 20 février 1841, p. 5).
Sa
veuve, qui épousera Alphonse Porte, en secondes noces, à Paris, le
28 avril 1842, confia à Romain Merlin (1793-1871), libraire 7 quai
des Augustins [quai des Grands-Augustins, VIe],
la rédaction du catalogue de vente du fonds de la librairie.
Cette
vente commença, à la Maison Silvestre, le lundi 17
mai, et se poursuivit jusqu'au lundi 7 juin 1841, pendant 18
vacations : Catalogue des livres composant le fonds de librairie
de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale […].
Première partie. (Paris, R. Merlin, 1841, in-8, [4]-124 p.,
1.859 + 23 bis = 1.882 lots) ; les pages 22 et 25 du catalogue sont
chiffrées respectivement 23 et 21.
Pendant la vente, on
pouvait lire, dans le Feuilleton du Journal de la librairie (N°
23, 5 juin 1841, p. 6-7) :
« Avis à MM. les
Libraires.
Paris, le 20 mai 1841.
J'ai l'honneur de vous
prévenir que je viens de céder le fonds de librairie ancienne et
moderne qui était exploité par mon mari, quai Malaquais, n. 15, à
M. COLOMB DE BATINES. La
confiance que vous vouliez bien accorder à M. CROZET,
m'engage à venir vous prier de la reporter sur son successeur, qui
entre dans le commerce de la librairie avec des connaissances
acquises, et qui, j'en suis persuadée, ne négligera rien pour
remplir d'une manière satisfaisante les commissions que vous
daignerez lui adresser.
J'ai l'honneur, etc.
Ve CROZET.
Paris, le 20 mai 1841.
Porté par mes goûts
vers le commerce de la librairie ancienne, dont j'ai fait depuis
long-tems, comme amateur de livres, une étude approfondie, je viens
d'acquérir le fonds de feu M. CROZET, libraire
de la Bibliothèque royale. J'ose espérer que vous voudrez bien me
continuer la confiance dont vous l'honoriez, et je chercherai à la
justifier en m'acquittant avec célérité et intelligence des
commissions que vous daignerez m'adresser.
A la partie des livres
rares, curieux, singuliers, tirés à petit nombre ou sur papier de
luxe si bien exploitée par M. CROZET, j'en
joindrai une autre non moins importante et non moins recherchée
aujourd'hui, c'est la librairie historique des provinces,
comprenant tous les ouvrages relatifs à leur histoire générale et
particulière, et ceux écrits dans leurs divers patois. Quant à MM.
les auteurs ou éditeurs de livres dans ces spécialités, à qui il
conviendra de faire choix à Paris d'un libraire dépositaire qui
s'occupe sérieusement de leur placement, au lieu de les reléguer
dans un coin de son magasin, ainsi que cela se fait d'habitude, je
prendrai la liberté de réclamer d'eux la préférence. Je donnerai
de la publicité aux ouvrages qui seront déposés chez moi, en les
mentionnant dans un Bulletin de ma librairie qui sera publié
tous les deux mois, et adressé gratuitement aux amateurs de livres
et à toutes les personnes qui en feront la demande par lettre
affranchie.
Enfin, je m'occuperai de
la rédaction des catalogues de ventes de livres, et recevrai
les commissions des personnes qui ne pourraient y assister.
J'ai l'honneur, etc.
P. COLOMB DE
BATINES.
15, quai Malaquais.
»
Venu de Vienne [Isère],
Paul Colomb de Batines s'etait rendu acquéreur du fonds de Crozet et
voulut s'occuper spécialement de librairie historique des provinces
de la France.
Frère
jumeau de Marie-Laurence-Virginie Colomb, Étienne-Paul-Cyrus
Colomb, était né à Gap [Hautes-Alpes], le 14 novembre 1811. Son
père était le vicomte Jean-Paul-Cyrus Colomb (Gap, 8 avril
1782 – acte à la date du 22 août-Gap, quartier de Puymaure, 18
juillet 1835), juge-auditeur à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence
[Bouches-du-Rhône] en 1808, puis avocat général au même lieu en
1814, procureur du Roi à Marseille [Bouches-du-Rhône] en 1815, puis
premier avocat général à la Cour royale de Paris la même année,
maître des requêtes au Conseil d'État
en 1819 et député des Hautes-Alpes en 1815, réélu de 1822 à
1830. Sa mère était Marie-Jeanne-Françoise Blanc (Gap, 14 novembre
1790-8 juillet 1856), fille de Étienne
Blanc, maire de Gap. Ils s'étaient mariés à Gap, le 30 avril 1806.
Hôtel de Batines, 5 rue Centrale, La Côte-Saint-André. |
Originaires de La
Côte-Saint-André [Isère], selon Gustave de Rivoire de La Batie
(Armorial de Dauphiné. Lyon, Louis Perrin, 1867, p. 164),
Saint-Marcellin, par Alexandre Debelle. Album du Dauphiné (Grenoble, Prudhomme, 1837, 3e année, p. 130). |
ou
de Saint-Marcellin [Isère], selon Joseph Roman (Dictionnaire
topographique du département des Hautes-Alpes. Paris, Imprimerie
nationale, 1884, p. 11),
La Roche-des-Arnauds |
les Colomb étaient venus se fixer à La
Roche-des-Arnauds [Hautes-Alpes] au XVIe
siècle, où ils étaient devenus seigneurs de Batines, écart de la
commune. Suivant une tradition de famille, celle-ci serait originaire
de Gênes [Italie] : il est en effet curieux que leur devise soit en
italien, « En fedelta finiro la vita. » [En fidélité je finirai
la vie]. Leurs armes étaient : « Tiercé en fasce de gueules, or et
sable. L'or chargé de trois colombes d'azur, becquées de gueules ».
Ayant conçu, comme
l'avait fait son père avant lui, le projet de former une
bibliothèque publique à Gap, Paul Colomb de Batines, qui était
alors surnuméraire au ministère des Finances, avait couru les
ventes, les librairies et les quais de la Seine : il était parvenu à
réunir environ 2.000 volumes, dont il avait fait imprimer le
catalogue, qui formèrent le premier fonds de la Bibliothèque de
Gap, installée au collège, dans une salle du rez-de-chaussée
indépendante et ouverte à partir du 15 novembre 1829. C'est à
cette époque qu'il avait suivi, à la Sorbonne, les conférences
d'Abel-François Villemain (1790-1870) sur La Divine
comédie de Dante. Mais,
ayant alors oublié trop souvent son bureau, Colomb de Batines avait
été remercié, et avait entrepris des études de droit à Grenoble
[Isère] et à Aix-en-Provence.
Colomb de Batines au Café [détail]. (Musée de l'ancien évêché de Grenoble) Photographie J.-M. Barféty |
Devenu avocat, et vicomte
à la mort de son père, il avait épousé, à Vienne, le 30 janvier
1837, Charlotte-Marie-Louise David (°1819), fille de Jean David,
receveur de l'enregistrement. Il avait écrit alors dans la Revue
de Vienne, puis s'était lié avec Jules Ollivier (1804-1841),
qui l'avait chargé des articles bibliographiques dans sa Revue du
Dauphiné. S'il avait porté la lumière sur la bibliographie du
Dauphiné, Colomb de Batines avait négligé ses intérêts
matériels.
Il dut mettre en vente une partie de sa bibliothèque, à
Lyon [Rhône], Salle du 42 quai du Port-du-Temple, du mardi 26 au
samedi 30 novembre 1839, en 5 vacations : Catalogue d'une partie
des livres composant la bibliothèque de M. C. de B. (Lyon,
Fontaine, et Paris, Dumoulin et Techener, 1839, in-8, [4]-43-[1 bl.]
p., 418 + 18 bis = 436 lots).
En 1841, il décida de
quitter Vienne pour Paris, où il s'établit libraire par amour pour
les livres : le noyau de sa librairie fut sa propre bibliothèque, à
laquelle il joignit le fonds de Crozet dont il se rendit acquéreur.
Il devint également
éditeur : Traité de la législation et de la jurisprudence des
chemins de fer, par H. Nogent St-Laurens (Paris, Colomb de
Batines, 1841) ; Légendes e t chroniques suisses, par G. de
Valayre (Paris, Colomb de Batines et J. Belin-Leprieur fils, 1842) ;
Nouvelle bibliothèque bleue ou Légendes populaires de la France,
par Charles Nodier (Paris, Colomb de Batines et J. Belin-Leprieur
fils, 1842) ; Histoire des traités de 1815 et de leur exécution,
par J. Crétineau-Joly (Paris, Colomb de Batines, 1842) ; Histoire
des rois et des ducs d'Aquitaine et des comtes de Poitou, par
A.-D. de la Fontenelle de Vaudoré et J.-P.-M. Dufour (Paris,
Derache, Dumoulin, Techener et Colomb de Batines, 1842, t. I) ;
Roisin. Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille,
par Brun-Lavainne (Lille, Vanackere, et Paris, Colomb de Batines,
1842) ; Les Poésies du duc Charles d'Orléans publiées sur le
manuscrit de la Bibliothèque de Grenoble (Paris, J.
Belin-Leprieur et Colomb de Batines, 1842) ; Histoire littéraire
du Maine, par Barthélemy Hauréau (Le Mans, Adolphe Lanier, et
Paris, Colomb de Batines, 1843-1845, 3 vol.) ; etc.
En 1842, il ressuscita Le
Bibliologue de Joseph-Marie Quérard, dont il réutilisa la
vignette de titre, sous le nom de Le Moniteur de la librairie
ancienne et moderne, bimensuel dont le premier numéro parut le
15 janvier 1842.
Comme son prédécesseur,
il fit quelques ventes aux enchères publiques, reprenant celles du
fonds de Crozet, en la Salle Silvestre.
Du jeudi 2 au lundi 20
décembre 1841, en 16 vacations : Catalogue des livres composant
le fonds de librairie de feu M. Crozet, libraire de la
Bibliothèque royale ; publié avec des notes littéraires et
bibliographiques de MM. Charles Nodier, G. Duplessis et Leroux
de Lincy. […]. Seconde partie contenant les raretés
bibliographiques et les belles reliures. (Paris, Colomb de
Batines, Successeur de Crozet, 1841, in-8, viij-196 p., 1.652 + 58
bis + 8 ter = 1.718 lots). Vingt exemplaires du catalogue ont été
tirés sur grand papier de Hollande, et 5 avec titre en rouge.
« Tout ce qui rend un
livre recommandable et précieux, l'importance de ce qu'il contient,
le nom de son auteur, son extrême rareté, sa parfaite conservation,
l'antiquité ou la beauté de l'édition, la grandeur du papier et
des marges, fut constamment l'objet des recherches de M. Crozet, et
lui échappa rarement. Il rehaussa encore ce luxe bibliographique par
l'éclat et la somptuosité des reliures, et l'on trouvera dans notre
Catalogue de vrais chefs-d'œuvre
en ce genre dus à MM. Bauzonnet, Niedrée et Koehler, auxquels il
serait injuste de ne pas adjoindre M. Simonnin, qui s'entend si bien
à restaurer, ou pour mieux dire, à refaire un livre.
[…]. Mais la partie la
plus riche de notre Catalogue, celle qui renferme le plus d'articles
hors ligne, est sans contredit la classe des Belles-Lettres.
On y trouvera une belle suite de nos anciens poëtes français, la
plupart d'éditions originales ; le rare Mistère de la passion
(n° 782), qui a successivement appartenu à Girardot de Préfond et
à Mac-Carthy ; sept précieux Romans de chevalerie (nos
828-835), admirables de conservation et de reliure ; enfin, un
beau manuscrit in-folio (n° 1000), contenant l'Evangille des
Quenouilles et les Advineaux amoureux. L'article le plus
précieux de cette série, selon nous, celui qui doit séduire tout à
la fois le bibliomane et le bibliophile, est un Recueil factice
(n° 748) annoté par La Monnoye, contenant 48 petits poëmes,
chansons et facéties italiennes, imprimés dans les premières
années du XVIe
siècle. » [sic]
(« Avertissement », p.
v-vj)
Nombreuses
étaient les reliures de Derome, Bauzonnet et Niedrée. Outre Colomb
de Batines, les principaux acheteurs furent Joseph Techener,
Guillaume Chimot et Victor Tilliard. Deux vacations supplémentaires
suivirent : Catalogue
des livres de feu M. Crozet,
libraire
de la Bibliothèque royale. Seconde partie. - Supplément. (Paris,
Colomb de Batines , Successeur de Crozet, 1841,
in-8, [4]-24 p., 197 [chiffrés 1.652-1.848] + 2 bis = 199 lots et 10
autographes).
«
Quelques personnes, dans des intentions qu'il ne nous appartient pas
de qualifier, ont fait courir le bruit que Madame Crozet, depuis la
mort de son mari, avait cédé une partie de ses livres de fonds.
Nous sommes autorisé à déclarer, et pouvons attester au besoin,
que cette allégation est de toute fausseté. Madame Crozet, depuis
cette époque, n'a vendu que quelques unités desdits ouvrages, et
toujours au prix fort. » (p. [2-3])
Le 15 avril 1842 : Notice
de quelques ouvrages provenant des bibliothèques de MM. de L*** et
J. O***. (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8.
Les 26 et 27 mai 1842 :
Catalogue de livres en nombre provenant du fonds de feu M. Crozet,
libraire de la Bibliothèque royale (Paris, Colomb de Batines
et Guilbert, 1842, in-8, 12-[1]-[1 bl.] p., 115 lots).
Le 10 juillet 1842, Paul
Colomb de Batines déménagea 7 rue d'Anjou-Dauphine [rue de Nesle,
VIe], au rez-de-chaussée : voulant se livrer
exclusivement à la gestion d'un « Comptoir de la librairie des
provinces » et à la rédaction du Moniteur de la librairie,
il annonça le 15 août qu'il désirait céder le fonds de librairie
ancienne qu'il avait acquis de Crozet. Depuis le 1er
juillet, le « Comptoir des Imprimeurs-Unis », société en nom
collectif fondée pour l'exploitation en commun des livres édités
par les imprimeurs Jules Belin-Leprieur, Maximilien Béthune,
Jean-Charles Crapelet, Charles Lahure, Louis Ducessois, Eugène
Duverger, Henry Fournier, André Henry et Paul Renouard, et gérée
par Gustave Comon, ancien libraire, était installé au 15 quai
Malaquais.
Du jeudi 15 au mercredi
21 septembre 1842, en 6 vacations, eut lieu la dernière vente Crozet
: Catalogue de bons livres provenant du fonds de feu M. Crozet,
libraire de la Bibliothèque royale […]. Quatrième et
dernière partie. (Paris, Colomb de Batines et Guilbert, 1842,
in-8, [2]-53-[1 bl.] p., 698 + 9 bis + 1 ter = 708 lots).
« Il sera vendu au
commencement de chaque vacation une trentaine de lots de 15 à 20
volumes, en total plus de deux mille bons ouvrages en bon état et
bien complets, que le temps n'a pas permis de cataloguer ; plus, des
défets d'ouvrages anciens, précieux pour les amateurs et les
vendeurs de vieux livres. » (« Avis », p. [2])
« Cette quatrième et
dernière partie du catalogue Crozet n'est pas aussi bien rédigée
que les précédentes. On y trouve pourtant bien des articles curieux
qui méritaient quelques observations bibliographiques. On lit en
tête une note qui nous a chagrinés : […]. Pourquoi n'avoir pas
pris le temps nécessaire pour tout cataloguer ? Tout le monde y eut
gagné ; car le catalogue, qui ne contient que 698 articles, en
aurait pu offrir le double. Il n'y avait pas, dans la librairie de M.
Crozet, un seul livre qui fût indigne d'être catalogué. »
([Paul Lacroix]. «
Nouvelles et faits divers » In Bulletin de l'Alliance des
arts, N° 6, 10 septembre 1842, p. 88-89).
« Que ce dernier
catalogue soit moins bien rédigé que les précédents, le fait est
vrai ; je n'avais pas cru devoir faire de l'érudition
bibliographique au sujet d'une notice qui n'était pas destinée à
aller entre les mains des amateurs de livres. Mais ce qui a le plus
chagriné M. Paul Lacroix, c'est une Note dont je l'avais fait
précéder et dans laquelle j'annonçais qu'il serait vendu en lots
plus de deux mille bons ouvrages, que le temps (phrase clichée et
toute industrielle) n'avait pas permis de cataloguer. […].
M. Paul Lacroix raisonne
ici en amateur de livres, et nullement en homme qui, voulant faire
son métier de catalographe consciencieusement, doit, avant tout,
chercher à tirer le meilleur parti possible des livres dont on lui a
confié la vente. Si j'avais rédigé mon catalogue selon ses
prescriptions, tout le monde n'y aurait pas gagné, comme il le
prétend. Mme Crozet y aurait grandement perdu, je crois,
si je m'étais amusé à cataloguer des livres, fussent même des
Galiot du Pré et des Elzévirs, qui étaient, soit
piqués, soit déchirés, soit rognés à la lettre, soit enfin dotés
de défauts qui, malgré leur rareté ou leur mérite intrinsèque,
les font peu dans cet état rechercher de l'amateur de livres, même
le moins difficile. Mme Crozet, je le répète, y aurait
grandement perdu, si j'avais catalogué des livres d'une aussi piètre
condition, ou des ouvrages que l'on voit figurer journellement dans
les boîtes à 6 et 10 sous de nos bouquinistes parisiens. Cette
manière d'opérer n'est possible qu'en Belgique, où l'on vend
jusqu'à 500 nos par vacation et où l'on adjuge à tous
prix. En France, on ne vend d'habitude (et c'est là un tort, selon
moi) que de 100 à 130 articles par vacation, et, en général, les
frais à la charge du vendeur se montent à 12 pour 100 (non compris
le 5 pour 100 payé par l'acquéreur en sus du prix d'adjudication,
ce qui fait le 17 pour 100), lorsque toutefois le produit de la
vacation arrive à 1000 francs. Si j'avais catalogué tous les livres
restants du fonds Crozet, les frais auraient été plus que
quintuplés, et je ne serais pas arrivé à faire 200 fr. par
vacation. En veut-on la preuve : les 698 articles catalogués (et il
en est au moins 10 qui se sont vendus de 50 à 100 francs) n'ont
produit qu'une somme de 2,440 francs, c'est-à-dire un peu plus de
400 francs par vacation. J'avais cependant fait un choix scrupuleux
de tout ce qui m'avait paru bon à nomenclaturer ; seulement il en
est plus d'un tiers que je n'aurais pas fait figurer dans ma notice,
si l'on ne m'avait recommandé de la grossir le plus possible. Mais,
dit M. Paul Lacroix, il n'y avait pas dans la librairie de M.
Crozet un seul livre qui fut indigne d'être catalogué. C'est
encore une erreur ; il s'y en trouvait un fort grand nombre, et il
est facile d'en donner l'explication. Outre qu'il est bien difficile
à un libraire, quel qu'il soit, de na pas s'embouquiner quelque
peu, il arrivait fort souvent à M. Crozet d'acheter des lots de 20 à
30 volumes pour un seul article qui lui convenait, et dont, grâces à
Simonnin et Bauzonnet, il comptait faire un livre digne
d'un amateur de livres. […]
Le métier de
catalographe, lorsqu'on veut s'en acquitter consciencieusement, n'est
pas chose aussi facile que nombre de gens veulent bien se l'imaginer
; à moins de cumuler la science des Barrois, des Debure
et des Merlin, il est bien difficile, quelque connaissance que
l'on ait de la vieille librairie, de ne pas rebuter parfois quelques
bons volumes ; mais en vendre sciemment plus de deux mille à la
douzaine, je ne m'aviserai jamais de faire une bévue aussi forte et
aussi préjudiciable. » (Colomb de Batines. « Réponse au bulletin
de l'Alliance des Arts au sujet de la quatrième partie du Catalogue
Crozet. » In Le Moniteur de la librairie ancienne et moderne,
1er octobre 1842, p. 13-14).
« M. Colomb de Batines,
dont nous nous plaisons à reconnaître le savoir et l'intelligence,
s'est ému bien à tort […].
Résumons-nous : il faut
cataloguer tout article qui peut être mis sur table à 1 franc,
parce qu'il est alors susceptible de monter à un prix quadruple par
la concurrence des amateurs, qui font seuls la fortune d'une vente de
livres. »
([Paul Lacroix]. « Des
livres à cataloguer. » In Bulletin de l'Alliance des arts,
N° 8, 10 octobre 1842, p. 113-115).
Du samedi 15 au vendredi
28 octobre 1842, en 12 vacations : Catalogue d'une jolie
collection de bons livres anciens et modernes (Paris, Colomb de
Batines, 1842, in-8, [2]-121-[1] p., 1.526 lots), suivi d'un
Supplément au catalogue d'une collection de bons livres dont la
vente commencera le 15 octobre 1842 (Paris, Colomb de Batines,
1842, in-8, 8 p., 99 lots).
Du jeudi 3 au mercredi 16
novembre 1842, en 12 vacations : Catalogue d'une belle collection
de livres en différentes langues sur l'histoire et la littérature
de l'Espagne, du Portugal et de leurs colonies, provenant
de la bibliothèque de feu M. de Sampayo (Paris, Colomb de
Batines, 1842, in-8, VIII-108 p., 1.242 lots).
Du lundi 26 au jeudi 29
décembre 1842, en 4 vacations : Catalogue d'une collection
d'ouvrages sur l'histoire des provinces de la France (Paris,
L'Alliance des arts et Colomb de Batines, 1842, in-8, [2]-50 p., 662
lots).
Du 20 au 25 mars 1843, en
6 vacations : Catalogue d'une curieuse collection de livres sur
l'histoire générale et particulière et sur les idiomes des
provinces de la France (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8,
[2]-61-[1] p., 919 lots).
Du 16 au 19 mai 1843, la
vente eut lieu à la Salle du 2 place de la Bourse : Catalogue de
beaux livres anciens et modernes, la plupart en belle reliure
en maroquin, provenant de la bibliothèque de feu M. le comte
de G*** (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8).
Le 22 mai 1843, Salle
Silvestre : Catalogue des autographes, la plupart de
l'époque impériale, provenant de la collection de M. P. de
G., valet de chambre de l'empereur (Paris, Colomb de
Batines, 1843, in-8, 16 p., 155 lots).
Du 26 au 28 juin 1843,
même Salle : Catalogue de bons livres français et étrangers,
la plupart sur les sciences
naturelles et médicales et sur la littérature classique,
composant la bibliothèque de feu M. le docteur M. E. (Paris,
Colomb de Batines, 1843, in-8, 54 p., 589 lots).
Vers la fin de l'année
1834, Pierre-Alexandre Gratet-Duplessis (1792-1853), recteur de
l'académie de Douai, avait trouvé, à la Bibliothèque, deux livres
en mauvais état. Après étude, il avait été persuadé qu'ils
étaient la Biblia pauperum et de l'Historia S. Johannis
:
« Ces productions
xylographiques étaient trop précieuses pour qu'on les laissât dans
le triste état où elles se trouvaient ; Douai et Lille n'offrant
pas d'ouvriers assez habiles pour rétablir le texte et le papier, il
fallut les envoyer à Paris ; là seulement il était possible de
calquer d'après un exemplaire de la bibliothèque du Roi. M.
Duplessis, qui voulut bien se charger de ce soin, confia ces deux
ouvrages à M. Crozet, successeur de M. Debure en qualité de
libraire de la bibliothèque royale, qu'il faisait travailler pour
lui-même depuis longtemps déjà. Des années se passèrent, et,
malgré les réclamations de M. Duplessis, la restauration des deux
ouvrages n'était point encore achevée ; la maladie des artistes, la
nécessité d'achever d'importants travaux y mettaient toujours
obstacle. Tout à coup, M. Crozet est atteint d'aliénation mentale
et il meurt sans avoir pu arranger ses affaires. M. Duplessis, qui
avait lui-même un nombre assez considérable de livres chez M.
Crozet, écrit à la veuve de ce libraire pour être remis en
possession de ce qu'il avait confié à son mari ; mais, mal secondée
par ses commis, cette veuve ne peut, malgré sa bonne volonté,
mettre la main sur les livres en question. Cependant un an après, M.
Duplessis parvient à retrouver la Bible des pauvres et
quelques-uns des livres qui lui appartiennent. En 1843, M. Colomb de
Bastine [sic], successeur de M. Crozet, disparaît ; ses livres sont
saisis : et ceux qui sont chargés de dresser l'inventaire, ne
trouvent ni l'Historia S. Johannis ni aucun des cent cinquante
volumes qui manquent encore à M. Duplessis personnellement. Tous ces
ouvrages furent perdus.
Qu'est devenu l'Historia
S. Johannis Evangelistæ
? Peut-être a-t-on retrouvé sa trace, sept ans plus tard, dans
le numéro 1754 du catalogue d'un eminent collector (M. Libri)
dont la vente a eu lieu à Londres en février 1850. Le catalogue
disait que cet exemplaire était non rogné, comprenait
quarante-huit feuillets dont deux ajoutés en fac-simile mais si
admirablement qu'on pourrait défier quelqu'un de s'en apercevoir.
Or, notre exemplaire était aussi non rogné, il avait aussi
quarante-huit feuillets, parmi lesquels deux en si mauvais état que
la restauration n'était point possible. Les démarches faites auprès
de M. le Procureur général, pour protester au nom de la ville
contre cette vente, ne pouvaient pas aboutir ; ce livre fut vendu à
Londres à un prix très-élevé et perdu à jamais pour la ville de
Douai. »
([Abbé Chrétien
Dehaisnes]. Catalogue méthodique des imprimés de la bibliothèque
publique de Douai, avec une notice historique. - Droit. Douai,
Imprimerie Dechristé, 1869, p. LIII-LIV).
En 1843, Colomb de
Batines aurait joué « un mauvais tour à l'un de ses confrères,
qui n'est pas le moindrement gentilhomme, et celui-ci, pour s'en
venger, au risque de déshonorer une famille toute entière, eût
poursuivi à outrance notre étourdi, s'il n'avait pas eu le bon
esprit, après avoir reconnu la gravité de sa faute, de fuir de
France. »
(J.-M. Quérard. Le
Quérard. Paris, Au bureau du Journal, N° 1, Janvier 1855, p.
121).
Fixé à Florence en
1844, Colomb de Batines fut directeur du Corriere dell'Arno et
travailla chez Seymour Kirkup (1788-1880) et à la Laurenziana.
« MM. les libraires qui
auraient mis des livres en dépôt à la librairie ancienne de M.
COLOMB DE BATINES, rue
d'Anjou-Dauphine, n° 7, sont priés d'adresser, franco, leurs
réclamations à M. FAUQUET, 19, rue de la
Monnaie, dans un délai de huitaine ; passé ce délai, il sera
procédé à la vente des livres dépendant de cette librairie. »
(Feuilleton du Journal de la librairie, N° 22, 1er
juin 1844, p. 3).
Les livres composant la
librairie furent vendus aux enchères publiques, du 18 au 22 avril
1845, à la Salle Silvestre : Notice d'une partie de livres
d'assortiment et en nombre (Paris, Delion, 1845, in-8, 26 p., 333
lots).
Colomb de Batines publia
quelques bibliographies, dont la Bibliografia dantesca (Prato,
Alberghetti, 1845-1846, 2 vol. in-8), qui fut le monument de sa vie.
Pons de l'Hérault
(1772-1853) voyagea en Italie entre 1846 et 1848. Il séjourna
longtemps à Florence et il s'intéressa à la situation des lettres
et des arts dans la patrie alors endormie des Médicis. Il rencontra
Colomb de Batines, qui lui donna sur les bibliothèques publiques et
privées de Florence des renseignements qu'on trouverait
difficilement ailleurs.
« Les grands seigneurs
de ce pays sont en général fort ignorants, et ne mettent jamais le
pied dans les bibliothèques de Florence. La Magliabechiana est la
seule bibliothèque de Florence fréquentée par les travailleurs
italiens, dont beaucoup ne sont que des lecteurs simplement. A la
Riccardiana on ne rencontre guère que des élèves des Ecoles
Pies, qui vont copier leurs devoirs sur des traductions. Quant à
la Laurenziana où j'ai travaillé des mois entiers, je n'ai jamais
trouvé plus d'un compagnon, et, tout au plus une fois sur cent, il
était florentin. Les Italiens, vous devez le savoir, ne radote que
de Dante : eh bien ! le vieux gardien de la Laurenziana qui est là
depuis quarante ans, m'a assuré que j'étais le premier qui avait
visité et consulté les nombreux et précieux Codices Dantesques
conservés dans cet établissement.
Il existe actuellement à
Florence peu de bibliothèques particulières ; nous ne sommes plus
dans ce temps où les grands seigneurs se faisaient gloire et honneur
de se constituer les Mécènes des gens des lettres et de réunir de
nombreuses et précieuses collections de livres qu'ils mettaient
généreusement à leur disposition. Les bibliothèques, qui jadis se
transmettaient de génération en génération comme un héritage de
famille, vont actuellement chaque année se détailler à Paris, à
la salle Sylvestre [sic] au
plus offrant et dernier enchérisseur, ou enrichir les magasins du
célèbre libraire de Londres Payne. Le grand seigneur florentin de
nos jours se borne à aller chaque jour aux Cascine et à la Pergola.
Parmi les bibliothèques particulières encore existantes, je citerai
les suivantes :
Palatina ou bibliothèque
particulière du grand duc. […] celle du marquis Rinuccini
[…] celle du Marquis Capponi (Gino) […] celles des
Familles Strozzi et Baldovinetti […] celle de la
famille Martelli […] celle de la famille Frullani […]
celle de la famille Roselli del Curio […] celle des
Panciatichi […] celle du Marquis Riccardi Vernaccia […]
la collection de Romans de chevalerie de Mr. Moradei […] Mr.
Seymour Kirkup, peintre anglais fixé à Florence, érudit aussi
instruit que modeste, a réuni une assez grande collection de livres
dans laquelle il y a bien des choses précieuses. Il a notamment six
manuscrits dantesques et un beau manuscrit du roman français de
Lancelot du Lac, dans lequel se trouvent des passages qui ne
se trouvent pas dans les textes français ou italiens imprimés.
C'est l'homme le plus complaisant que l'on puisse trouver, et il met
sa collection à la disposition de tous ceux qui veulent la
parcourir. […] le prince Louis Bonaparte, fils du Prince de Canino
[…] celle de l'Académie des beaux arts, celle de la Société
des Georgofili et celle de l'Académie de la Crusca. »
(Léon G. Pélissier. «
Notes inédites du bibliographe Colomb de Bâtines [sic] sur les
Bibliothèques de Florence (1847) ». In Dr. O. Hartwig. Centralblatt
für Bibliothekswesen. Leipzig, Otto Harrassowitz, s. d. [1898],
p. 33-48).
Colomb de Batines mourut
prématurément, à Florence, le 14 janvier 1855.
Renseignements complémentaires sur le blog
"Bibliothèque dauphinoise" de J.-M. Barféty
http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/colomb_de_batines.html