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Rue Saint-Michel, Rennes |
Famille de marchands aux XVIIe et XVIIIe
siècles, les Jouaust ont vécu à Rennes [Ille-et-Vilaine], sur les paroisses
contiguës de Saint-Germain – rue Haute [rue de Saint-Malo] - et de Saint-Aubin
- rue Saint-Michel.
D’abord marchand comme ses
ancêtres, Marin-Anne-Jacques-Xavier Jouaust (1765-1812) finit son existence
comme contrôleur des Postes aux lettres.
Son fils Jacques-Charles Jouaust, né
rue Saint-Michel à Rennes, le 16 prairial An IX [5 juin 1801], devint imprimeur
en caractères à Paris, où il fut associé, dès 1826, avec
Alexandre-Joseph-Eugène Guiraudet (1792-1860), breveté le 27 mars 1820, 315 rue
Saint-Honoré [Ier], vis-à-vis l’église Saint-Roch :
« M. Casimir Périer a
déposé hier à la chambre des députés trois pétitions contre le projet de loi
sur la presse : l’une des ouvriers de l’imprimerie de MM. Guiraudet et Jouaust,
l’autre des ouvriers de M. Smith, la troisième des ouvriers des ateliers
d’assemblage, satinage et brochure de M. Barba fils. »
(Le Constitutionnel,
jeudi 11 janvier 1827, p. 3)
Jacques-Charles Jouaust épousa
Damasine-Joseph Préseau, née hors mariage à Beaufort [Nord], le 15 ventôse An
XII [6 mars 1804], marchande de modes, qui lui donna deux fils : Damase,
le 25 mai 1834, et Émile, le 19 avril 1837.
L’Imprimerie Guiraudet et
Jouaust déménagea en 1851 au 338 rue Saint-Honoré. Ce fut elle qui, de 1854 à
1857, imprima les ouvrages composant la « Bibliothèque elzévirienne »
de Pierre Jannet (1820-1870). Le 23 juillet 1858, Jacques-Charles Jouaust fut
breveté, en remplacement de Guiraudet, démissionnaire. Il mourut en son
domicile, 51 rue Argenteuil [Ier], le 19 décembre 1864. Sa veuve lui
survécut jusqu’au 7 février 1891, quand elle décéda en son domicile du 12 rue
Saint-Hyacinthe [Ier]. Ils furent tous deux inhumés au cimetière de
Montmartre [27e division].
Damase Jouaust In Le Panthéon de l'Industrie, 19 mai 1878 |
Damase Jouaust rejoignit
l’atelier paternel quand il eut terminé ses études au collège Bourbon [lycée
Condorcet, IXe] et obtenu sa licence en droit : il y fut initié
aux premières notions de l’art typographique par Jules Petit, prote de la
maison Jouaust depuis 1832.
Damase Jouaust fit ses premières
armes, sous le pseudonyme « E. Jouot », dans le journal Le Théâtre,
dont le rédacteur en chef était Louis Herlem. Le 23 août 1864, à Paris [IIe],
il épousa Marie-Alexandrine-Sara Fortin, née à Paris le 18 mai 1839, fille de
Charles-Frédéric Fortin (1806-1878) et de Alexandrine Prestat (1815-1886),
marchands de dentelles, 11 rue des Filles-Saint-Thomas [IIe], maison
où est mort Brillat-Savarin (1755-1826), auteur de La Physiologie du goût.
Le jeune couple aura quatre enfants : Charles-Marie-Frédéric, le 7
décembre 1865, Alexandre-Edmond-Charles, le 21 février 1867, et
Marie-Joséphine-Amélie-Laure, le 24 mai 1869, nés 36 rue Saint-Marc [IIe] ;
Frédéric-Marie-Joseph-Maurice, le 3 août 1877, né 3 rue David [XVIe].
Frappé deux fois dans son affection paternelle par la perte de deux jeunes
fils, en 1868 et en 1874, Damase Jouaust s’isola pendant plusieurs années et se
réfugia dans le travail.
En 1865, Damase Jouaust succéda
à son père décédé. Amoureux passionné de littérature, il était né pour être
éditeur :
le 20 octobre 1866, il
acheva d’imprimer pour Alphonse Lemerre, libraire-éditeur 47 passage Choiseul,
le premier livre de Verlaine, les Poèmes saturniens (in-12, couverture
datée 1867).
De 1866 à 1870, il imprima la
plupart des publications de l’Académie des Bibliophiles, dont toutes les premières
qui parurent en 1866 :
Photographies BnF |
De la bibliomanie, par Bollioud-Mermet [2e
édition de la réimpression] (in-16) ; Salluste. Lettres à César (in-32)
; La Seizième Joye de mariage (in-16) ; Testament politique du
duc de Lorraine (in-18) ; Jean Second. Les Baisers (in-32)
; La Semonce faicte à Paris des coquus en may Vc xxxv (in-8)
; Noms des curieux de Paris (in-18) ; Les Deux Testaments de
Villon, suivis du Bancquet du boys (pet. in-8). L’Académie des
Bibliophiles avait été fondée par des bibliothécaires : Paul Chéron
(1819-1881), de la Bibliothèque impériale ; Lorédan Larchey (1831-1902),
de la Bibliothèque Mazarine ; Jules Cousin (1830-1899) et Anatole de
Montaiglon (1824-1895), de la Bibliothèque de l’Arsenal ; Louis Lacour
(1832-1891), de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
En 1869, sa maison d’édition était
créée sous le nom de « Librairie des Bibliophiles » :
il prit
comme marque une ancre marine, surmontée de la devise « OCCVPA
PORTVM » [tiens le port].
Il voulut publier des livres qui
soient en même temps de véritables objets d’art. Pour ce faire, il fit graver de
nouveaux caractères elzéviriens, employa des fleurons et des lettres ornées, pour
donner plus de clarté aux divisions d’un ouvrage, et du papier vergé ou papier
à la forme, pour lui assurer une durée illimitée. Il agrémenta ses publications
par la gravure à l’eau-forte, la préférant à la gravure sur bois, bien que
moins coûteuse, et à la gravure au burin, dont le prix était presque
inabordable pour les éditeurs :
Photographie Les Libraires associés |
son premier ouvrage contenant des
eaux-fortes fut Les Sept Journées de la reine de Navarre, suivies de
la huitième (1872, 8 fascicules in-16, 9 planches à l’eau-forte par
Flameng). Il écrivait souvent lui-même les notices et les notes de ses
éditions. Il fut un des premiers à user du catalogue imprimé au nom du
libraire : « Nous livrons à tous les libraires, au prix de 5 francs
par cent, et par quantités de cent au moins, des exemplaires de notre catalogue
imprimés à leur nom. Sur leur demande, la dsrnière [sic] page de notre
catalogne [sic] pourra être remplacée par l’annonce de leurs publications
personnelles, dont ils devront payer en plus la composition. » (Catalogue
de la Librairie des Bibliophiles, mai 1878, p. 32). Il publia un Courrier
trimestriel de la Librairie des Bibliophiles, envoyé gratuitement sur
demande.
Souhaitant rendre accessibles à
un plus grand nombre d’amateurs ses éditions de bibliophiles, Damase Jouaust
créa plusieurs collections, pour tous les goûts et pour toutes les bourses [les
tirages sont variables et les indications les concernant sont souvent
imprécises] :
Les « Romans
classiques du XVIIIe siècle
». Collection complète en 6 vol. gr. in-8 (1867-1873) : Manon Lescaut,
par l’abbé Prévost (1867) ; Le Diable boiteux, par Le
Sage (1868) ; Paul et Virginie (1869) ; Candide ou
l’optimisme (1869, portrait de Voltaire gravé à l’eau-forte) ;
Histoire
de Gil Blas de Santillane (1873, 2 vol., portrait de Lesage gravé à
l’eau-forte par A. Nargeot d’après Guélard).
Les « Classiques
français ». Collection complète en 18 vol. in-8 (1867-1877), divisée en 2
séries : la première commencée par l’Académie des Bibliophiles et terminée
par Jouaust ; la seconde entièrement publiée par Jouaust.
Photographie B.M. Bordeaux |
Les Essais de
Montaigne (1873-1875, 4 vol., portrait gravé à l’eau-forte par Gaucherel). Œuvres
de François Villon (1877).
Le « Cabinet du
bibliophile ». Collection pour les amateurs de raretés et de curiosités
littéraires, complète en 38 vol. in-16 elzévirien (1868-1890) :
de Le
Premier Texte de La Bruyère (1868) à Les Lunettes des princes
(1890).
La « Collection
bijou ». Collection d’éditions de luxe ornées de gravures, complète en 8
vol. in-16 (1872-1889), avec couvertures parcheminées ornées d’un fleuron tiré
en couleur et texte encadré d’un filet rouge : Daphnis et Chloé (1872, compositions
d’Émile Lévy gravées à l’eau-forte par Flameng, dessins de Giacomelli gravés
sur bois par Rouget et Sargent, couv. impr. en or et bleu), Paul et Virginie
(1875, compositions d’Émile Lévy gravées à l’eau-forte par Flameng, dessins de
Giacomelli gravés sur bois par Rouget et Sargent, couv. impr. en violet et or),
Atala ou les Amours de deux sauvages, suivi de René (1877, compositions d’Émile Lévy gravées à l’eau-forte par
Boutelié, dessins de Giacomelli gravés sur bois par Rouget et Sargent,
couv. impr. en vert et or), Psyché (1880, compositions d’Émile Lévy
gravées à l’eau-forte par Boutelié, dessins de Giacomelli gravés sur bois par
Sargent, couv. impr. en bleu et or), Aminte (1882, compositions de
Victor Ranvier gravées à l’eau-forte par Champollion, dessins de H. Giacomelli
gravés sur bois par Méaulle, couv. impr. en bleu et or), Poésies de Anacréon
(1885, compositions d’Émile Lévy gravées à l’eau-forte par Champollion, dessins
de Giacomelli gravés sur bois par Rouget, couv. impr. en bleu et or), Idylles
de Théocrite (1888, compositions d’Émile Lévy gravées à l’eau-forte par
Champollion, dessins de Giacomelli gravés sur bois par Berveiller, couv. impr.
en bleu et or),
L’Orestie (1889, dessins de Rochegrosse gravés à
l’eau-forte par Champollion, couv. impr. en bleu et or).
La « Petite bibliothèque
artistique ». Collection d’éditions de luxe in-16 ornées de gravures, complète
en 110 vol. in-16 (1872-1890) : de Les Sept Journées de la reine de
Navarre, suivies de la huitième (1872, 8 fascicules, 9 planches à
l’eau-forte par Flameng, couv. impr. en rouge et bleu)
Photographie Pierre Osik |
aux Mémoires de
Madame de Staal-de Launay (1890, 2 vol., 41 eaux-fortes par Lalauze, couv.
impr. en bistre et bleu).
« Les Petits
Chefs-d’œuvre ». Collection qui s’adresse au plus grand nombre d’acheteurs,
complète en 55 vol. in-16 (1872-1891), avec des couvertures vertes : de Voyage
autour de ma chambre (1872)
Photographie Librairie Le Feu follet |
aux Œuvres choisies du chevalier de Bonnard
(1891).
Les « Grandes publications
artistiques ». Collection d’éditions de luxe gr. in-8, ornées de gravures.
Fables de La Fontaine (1873, 2 vol., 12 dessins originaux reproduits par l’héliogravure ou gravés à l’eau-forte au choix des amateurs et 1 portrait de La Fontaine par Flameng), édition dite « des douze peintres » ;
Les Quatre Livres de l’Imitation de Jésus-Christ (1875, dessins de Henri Lévy gravés à l’eau-forte par Waltner) ;
Fables de La Fontaine (1873, 2 vol., 12 dessins originaux reproduits par l’héliogravure ou gravés à l’eau-forte au choix des amateurs et 1 portrait de La Fontaine par Flameng), édition dite « des douze peintres » ;
Les Quatre Livres de l’Imitation de Jésus-Christ (1875, dessins de Henri Lévy gravés à l’eau-forte par Waltner) ;
Théâtre complet de J. B. Poquelin de Molière
(1876-1883, 8 vol., dessins de Louis Leloir gravés à l’eau-forte par Flameng).
« Les Conteurs
français ». Collection complète en 10 vol. in-8 écu (1874-1883) : Œuvres
du seigneur de Cholières (1879, 2 vol.),
Nouvelles récréations et joyeux
devis de B. Des Périers, suivis du Cymbalum Mundi (1874, 2 vol.), Contes
et discours d’Eutrapel (1875, 2 vol.), L’Heptaméron des nouvelles
(1879, 2 vol.), L’Élite des contes du sieur d’Ouville (1883, 2 vol.).
La « Nouvelle bibliothèque
classique ». Collection qui s’adresse au plus grand nombre d’acheteurs,
complète en 75 vol. in-16 elzévirien (1876-1892) :
des Œuvres poétiques
de N. Boileau (1876, 2 vol.), Mémoires du chevalier de Grammont
(1876), Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur
décadence (1876), Théâtre de J.-Fr. Regnard (1876, 2 vol.) et Œuvres
de Mathurin Regnier (1876), aux Œuvres choisies de Voltaire (1887-1892,
10 vol.) et aux Contes de La Fontaine (1892, 2 vol.).
« Les Petits
classiques ». Collection complète en 9 vol. in-16 (1878-1890), avec
une couverture brique : Contes de Boufflers (1878, portrait gravé
par Lalauze),
Photographie Librairie du Cardinal |
Œuvres choisies de Fontenelle (1883, 2 vol., portrait
gravé par Lalauze), Œuvres choisies du prince de Ligne (1890, portrait gravé
par Lalauze), Théâtre choisi de J. de Rotrou (1882, 2 vol., portrait
gravé par Lalauze), Œuvres choisies de Saint-Évremond (1881, portrait
gravé par Lalauze), Lettres de V. Voiture (1880, 2 vol., portrait gravé
par Lalauze).
« Les Chefs-d’œuvre
inconnus ». Collection complète en 19 vol. in-16 (1879-1890), avec des couvertures
bleu pâle imprimées en bleu : de Le Tombeau de Mlle
Espinasse (1879, eau-forte par Lalauze), La Petite Maison (1879,
eau-forte par Lalauze)
et Le Voyage à Paphos (1879, eau-forte par
Lalauze), au Voyage à Montbard (1890, eau-forte par Lalauze).
La « Nouvelle collection
moliéresque ». Collection complète en 17 vol. in-16 (1879-1890), avec des
couvertures de couleur crème, imprimées en noir : de l’Oraison funèbre
de Molière (1879)
au Premier registre de La Thorillière (1890).
Le « Cabinet de
vénerie ». Collection complète en 11 volumes in-16 (1880-1888), avec une
couverture uniforme, couleur chamois, dont les titres sont imprimés en
bistre : Discours de l’antagonie du chien & du lièvre (1880), La
Chasse du loup, nécessaire à la maison rustique (1881), Le Bon
Varlet de chiens (1881), Le Livre de l’art de faulconnerie et des chiens
de chasse (1882, 2 vol.), Débat entre deux dames sur le passe temps [sic]
des chiens et des oiseaux (1882),
Le Livre du roi Dancus (1883), La
Conférence des fauconniers (1883), La Muse chasseresse (1884), Le
Lièvre, poème (1885), Nouvelle invention de chasse pour prendre
et oster les loups de la France (1888).
La « Bibliothèque des
dames ». Collection complète en 17 vol. in-16 (1881-1885), avec des
couvertures bleu pâle imprimées en bistre et bleu et des frontispices gravés
par Lalauze :
Le Mérite des femmes (1881), La Princesse de
Clèves (1881), Les Contes des fées ou les Fées à la mode (1881, 2
vol.), Œuvres choisies de Mme Des Houllières (1882), La
Vie de Marianne (1882, 3 vol.), Œuvres morales de la Mise de
Lambert (1883), Souvenirs de Mme de Caylus (1883), Lettres
à Émilie sur la mythologie (1883, 3 vol.), Valérie (1884), Mémoires
de Madame Roland (1884, 2 vol.), Éducation des filles (1885).
La « Bibliothèque
artistique moderne ». Collection complète en 17 vol. in-8 écu (1883-1891),
avec des couvertures de couleur crème imprimées en bistre et bleu : Contes
choisis de Alphonse Daudet (1883, 7 eaux-fortes par E. Burnand),
Photographie Librairie du Cardinal |
Le Roi
des montagnes (1883, dessins de Charles Delort, gravés par Mongin), Le
Capitaine Fracasse (1884, 3 vol., dessins de Charles Delort, gravés par
Mongin), Une page d’amour (1884, 2 vol., dessins d’Édouard Dantan,
gravés à l’eau-forte par A. Duvivier), Jocelyn
(1885, dessins de Besnard, gravés par de Los Rios, portrait gravé par
Champollion), Servitude et grandeur militaires (1885, dessins de Julien
Le Blant, gravés à l’eau-forte par Champollion), Le Chevalier des Touches
(1886, dessins de Julien Le Blant, gravés par Champollion), Graziella
(1886, dessins de Bramtot, gravés par Champollion), Nouvelles de Mérimée
(1887, dessins de Aranda, de Beaumont, Bramtot, Le Blant, Merson, Myrbach,
Sinibaldi, gravés par Le Rat, Lalauze,
Toussaint, Champollion, Géry-Bichard, Manesse, Em. Buland), Gérard de Nerval
(1888, dessins d’Émile Adan, gravés à l’eau-forte par Le Rat), Théâtre de
Alfred de Musset (1889-1891, 4 vol., dessins de Charles Delort, gravés par
Boilvin).
Les « Curiosités
historiques et littéraires ». Collection complète en 7 vol. in-18
(1884-1887) :
Photographie Librairie du Cardinal |
Voyages de Piron à Beaune, suivis de ses amours
avec Melle Quinault (1884), Les Almanachs de la Révolution (1884),
Madame la comtesse de Genlis. Sa vie, son œuvre, sa mort
(1885), Parades inédites (1885), Le Régiment de la calotte
(1886), Lettres d’amour d’Henri IV (1886), Discours sur les duels de
Brantôme (1887).
La « Bibliothèque des
mémoires ». Collection complète en 11 vol. in-16 (1888-1891), avec une
couverture rose imprimée en rouge et noir : Mémoires de l’abbé de
Choisy, pour servir à l’histoire de Louis XIV (1888, 2 vol.), Mémoires
d’Agrippa d’Aubigné (1889),
Mémoires sur la Bastille (1889), Mémoires
de Louvet de Couvrai sur la Révolution française (1889, 2 vol.), Mémoires
de la Dsse de Brancas, suivis de la correspondance de Mme
de Châteauroux et d’extraits des Mémoires pour servir à l’histoire de
Perse (1890), Mémoires de Mme de La Fayette (1890), Mémoires
de Marmontel (1891, 3 vol.).
Des publications ne rentrèrent
pas dans les collections ordinaires : Recueil général et complet des
fabliaux des XIIIe et XIVe siècles
(1872-1890, 6 vol. in-8) ;
Comédiens et comédiennes (1875-1877, 16
livraisons gr. in-8), par Francisque Sarcey ;
Photographie Librairie du Cardinal |
Mémoires-Journaux de
Pierre de l’Estoile (1875-1883, 11 vol. gr. in-8), le tome XII et dernier fut
édité par Alphonse Lemerre en 1896 ; Œuvres diverses de Jules Janin
(1876-1883, 17 vol. in-18 Jésus) ;
Bibliothèque musicale du Théâtre de
l’Opéra (1878, 2 vol. gr. in-8).
Photographie Bertrand Hugonnard-Roche |
Octave Uzanne (1851-1931) débuta
sa carrière de bibliographe chez Damase Jouaust, avec des notices sur les Poètes
de ruelles au XVIIe siècle
(1875-1878, 4 vol. in-18), une préface pour Édouard (1879, in-12), par
Madame de Duras, et des notices pour les Lettres de Vincent Voiture
(1880, 2 vol. in-12).
Photographie BnF |
Pendant le siège de Paris, du 22
octobre 1870 au 22 février 1871, Damase Jouaust rédigea et publia la Lettre-Journal
de Paris. Gazette des absents, destinée à être expédiée par ballon, qui
laissait deux pages blanches pour la correspondance privée.
Photographie Camille Sourget |
En 1874, la
Librairie des Bibliophiles fut le dépositaire principal de la revue éphémère
fondée par Charles Cros, la Revue du monde nouveau, qui ne comptera que
trois numéros : dès le premier numéro parut l’essai en prose de Mallarmé
intitulé « Le Démon de l’analogie ». À partir de 1876, Jouaust fut
l’éditeur de la Gazette anecdotique, littéraire, artistique et
bibliographique publiée deux fois par mois par le publiciste Georges
d’Heilly, pseudonyme d’Edmond-Antoine Poinsot (1833-1902).
« La Librairie des
Bibliophiles, dirigée par l’imprimeur Jouaust, si justement surnommé le prince
de la typographie et à qui les amateurs les plus grincheux sont redevables de
tant de publications hors ligne, s’attache maintenant à donner, vers la fin de
l’année, ses éditions à gravures. Rien ne diffère autant de ces derniers
ouvrages, malgré une grande apparence d’analogie, que ce qu’on appelle
vulgairement les livres illustrés, où les images sont répandues à profusion, au
grand préjudice d’une exécution soignée. Dans les livres à gravures de M.
Jouaust, au contraire, chacune des planches est une œuvre sérieusement étudiée
et a la valeur artistique d’un véritable tableau. Aussi le nombre en est-il
forcément restreint. Mais les véritables amateurs aimeront toujours mieux voir
un éditeur consacrer à la publication de quelques gravures hors ligne les fonds
qu’il aurait pu disperser sur un plus grand nombre de sujets d’un mérite
secondaire.
La moisson est abondante cette
année pour les bibliophiles. Parmi les richesses que leur offre leur librairie
favorite, voici une splendide édition de Molière, dont le premier volume paraît
actuellement et qui doit en compter huit. Depuis quelque temps, il n’est pas un
éditeur, petit ou grand, illustre ou inconnu, qui n’ait été piqué de l’ambition
louable d’éditer Molière. Parmi toutes ces éditions, il en est de belles, il en
est même d’admirables, au double point de vue littéraire et typographique.
Je n’exagère rien en disant que
cette édition de M. Jouaust est certainement le plus beau monument qu’on ait
jamais élevé à la gloire de notre grand poète. Et jamais, depuis nos éditeurs
les plus fameux, on n’avait poussé aussi loin l’art du livre. L’impression,
faite dans le format grand in-8°, sur le plus beau papier de Hollande qui se
puisse voir, est relevée par des en-tête, fleurons, culs-de-lampe, lettres
ornées du plus beau style Louis XIV. Le texte, soigneusement et savamment
collationné sur l’édition princeps, ajoute à l’émerveillement du livre
l’attrait d’un incomparable régal de lettré.
Le premier volume
contient : L’Étourdi, Le Dépit amoureux, Les Précieuses
ridicules et Sganarelle.
M. Jouaust a eu l’ingénieuse
idée de confier au célèbre peintre Louis Leloir le soin difficile d’illustrer
ces splendides volumes. On ne peut rien imaginer de plus gracieux et de plus
solide en même temps que ces remarquables compositions de Leloir, gravées par
Flameng de sa meilleure pointe, et dont chacune est un charmant et spirituel
tableau de genre. Tout en restant fidèle à la vérité historique, à l’exactitude
du costume, M. Leloir a su imprimer dans ces dessins un cachet tout à fait
personnel, et son Molière portera, avec un reflet aussi exact que possible du
siècle de Louis XIV, le caractère de l’époque à laquelle il aura été publié.
Ensuite, dans une collection où
l’on a vu paraître successivement ces délicieux bijoux typographiques qui
s’appellent : l’Heptaméron, le Décaméron, les Cent
Nouvelles, Gulliver, Manon Lescaut, Le Voyage sentimental,
voici un Rabelais en cinq volumes, pour lequel le peintre-graveur
Boilvin a fait des eaux-fortes d’une puissante originalité et des Contes de
Perrault, en deux volumes, les Contes en vers et les Contes en
prose, accompagnés, de planches où l’ingénieux talent de composition de M.
Lalanzo le dispute à la finesse et au brillant de sa gravure.
Dans un genre tout différent, voici
une nouvelle édition de l’Éloge de la folie, d’Érasme, avec les 83
dessins d’Holbein, au prix très abordable de cinq francs. On sait que ces dessins
ont été tracés à la plume par Holbein sur les marges d’un exemplaire de l’Éloge
de la folie. Le précieux volume qui les porte est conservé au musée de
Bâle, dans une vitrine qui le protège contre les mains des visiteurs. Par une
faveur tout exceptionnelle accordée à M. Jouaust, le directeur du musée a
consenti à ce que le volume fût, pendant plusieurs jours, porté chez un
photographe par une personne qui, chaque soir, le venait rapporter à sa place.
C’est ainsi qu’on a pu obtenir la photographie sur bois de tous les dessins, et
les graver ensuite sur les bois mêmes qui avaient reçu l’épreuve
photographique, comme des dessins au crayon, mais avec une garantie
d’exactitude que n’aurait jamais présentée la copie la plus habilement faite.
N’oublions pas non plus, dans
cette revue sommaire des merveilles sorties des presses impeccables de M.
Jouaust, la très intéressante publication des Colloques d’Erasme, en
trois beaux volumes in-8. Elle est ornée, en tête de chaque dialogue,
d’ingénieuses vignettes à l’eau-forte, dans lesquelles l’artiste, M. Chauvet,
s’est fait remarquer par une grande simplicité d’exécution et une entière
fidélité de détails, qui conviennent merveilleusement à l’œuvre qu’il avait à
interpréter.
Nous voulons aussi rappeler les
éditions de Paul et Virginie et de Daphnis et Chloé, avec leurs
pages élégamment encadrées de rouge, et dans lesquelles l’œil se promène
alternativement sur les gracieuses compositions d’Émile Lévy finement gravées
par Flameng, et sur les ingénieux ornements dus au crayon de Giacomelli. Ce ne
sont plus là des livres, mais de véritables bijoux ciselés par les mains
exercées d’artistes en renom, à placer jalousement dans des écrins.
A côté de tous ces beaux livres
que je viens de signaler à l’attention des lecteurs, et qui, en raison de leur
prix élevé, ne peuvent être à la portée de toutes les bourses, M. Jouaust a
créé une collection de Classiques au prix étonnant de trois francs le
volume. Le difficile n’était pas de faire des volumes à trois francs – bien des
libraires vous donnent à ce prix des livres qui ne valent pas cinq sous – mais
c’était de faire des éditions d’amateurs qui pussent satisfaire les exigences
des enragés bibliophiles qui ne peuvent consacrer de grosses sommes à l’achat
de leurs livres.
M. Jouaust a complètement
réussi. Sa Nouvelle Bibliothèque classique, qui se compose à l’heure
actuelle de neuf volumes, a été universellement appréciée et goûtée des
délicats.
Les Satires de Régnier, Grandeur
et Décadence des Romains, de Montesquieu, les Œuvres poétiques de
Boileau, le Théâtre de Régnard, les Mémoires de Gramont, les Œuvres
de Courier, la Satire Ménippée, sont les ouvrages par lesquels a débuté
cette importante collection, destinée à devenir la plus considérable de la
Librairie des Bibliophiles, et qui comprendra les chefs-d’œuvre de la
littérature française et étrangère.
Je ne connais pas de plus utiles
et de plus charmantes étrennes à donner que ces volumes, pour lesquels M.
Jouaust, en vue de la saison, a fait faire de beaux cartonnages. »
(Octave Mirbeau. In L’Ordre
de Paris, 28 décembre 1876)
La maison Jouaust a obtenu
diverses médailles aux expositions de Paris (1867 et 1878), de Lyon (1872), de
Vienne (1873) et de Philadelphie (1876). En 1872, Damase Jouaust fut fait
chevalier de la Légion d’honneur et fut promu officier en 1881.
Membre de la Société des Gens de
lettres, Jean-Benoît Sigaud (1847-1925), dit « Sigaux », domicilié
136 rue Saint-Honoré, travaillait avec Damase Jouaust depuis plusieurs années.
Le 30 juin 1883, il s’associa avec Jouaust pour une durée de cinq ans, constituant
la Société en nom collectif « D. Jouaust et J. Sigaux ». En 1887,
l’imprimerie et la librairie Jouaust déménagèrent 7 rue de Lille [VIIe].
Le bibliophile Damase Jouaust utilisait
un petit ex-libris [41 x 27 mm], dessiné par Jules Chauvet (1828-1898) et
imprimé par Auguste Delâtre (1822-1907) : l’ancre marine est accompagnée
d’un livre dont le plat supérieur porte « NON LOQVITVR NISI ROGATVS »
[ne parle que si on l’interroge].
Renonçant à la lutte qu’il
menait depuis de longues années pour assurer la prépondérance diminuée de sa
librairie, Damase Jouaust quitta les affaires par lassitude et par
découragement. Le goût des beaux livres, qu’il exécutait à tant de frais, et qu’il
était obligé de vendre très cher, était un peu passé de mode, en raison surtout
du resserrement de la bourse des amateurs. Le 1er octobre 1891, il
céda, à un prix dérisoire, son fonds d’éditeur à Ernest Flammarion (1846-1936),
éditeur 26 rue Racine [VIe], près l’Odéon.
Au mois de décembre
suivant, il édita à 300 exemplaires une brochure intitulée Ultima,
renfermant des articles de Francisque Sarcey, Gaston Deschamps, E. Spuller, Ph.
Gille, Firmin Javel, Fernand Bournon, Maurice Du Seigneur, précédés d’un petit
portrait gravé par Lalauze.
La véranda du restaurant Marguery 36 boulevard Bonne Nouvelle |
Le 28 mars 1892, il assista au diner
que lui offrirent ses collaborateurs artistiques et littéraires, ainsi qu’un
groupe de bibliophiles, au restaurant Marguery, 36 boulevard Bonne Nouvelle [Xe] :
Eugène Abot, Émile Adan, Georges Bengesco, Fernand Bournon, Chalvet, Chardon,
baron de Claye, Dammann, Emmanuel Déborde de Montcorin, Ferroud, Antoine
Girard, Alexandre Huré, Jeannin, Émile Jouaust, Lafenestre, Marc Laffont,
Lalauze, Léon Lemaire, Lips, Mareuse, Mariani, de Montaiglon, Auguste Moreau,
Jules Petit, Édouard Poinsot, Saint-Prix, F. Sarcey et Wittmann furent présents.
Le menu avait été imprimé par Georges Chamerot et encadré dans une eau-forte de
Lalauze. Le compte-rendu du banquet fut tiré à cent exemplaires.
Le 1er janvier 1893,
il céda son imprimerie à Léopold Cerf (1844-1901), imprimeur-éditeur 13 rue de
Médicis [VIe].
Vivant depuis dans une retraite
absolue, Damase Jouaust mourut des suites d’une longue et douloureuse maladie,
à l’âge de 58 ans, le dimanche 26 mars 1893, en son domicile du 7 rue Scheffer
[XVIe]. Ses obsèques eurent lieu à Notre-Dame-de-Grâce de Passy, en
présence de quelques amis. Au cimetière de Montmartre, où a eu lieu
l’inhumation, deux discours ont été prononcés : le premier par Georges
Chamerot, président de la Chambre syndicales des imprimeurs typographes, puis
par Jules Petit, le prote de l’imprimerie Jouaust, qui l’avait vu naître.
Familles Prestat et Jouaust Cimetière du Père Lachaise |
Sa
dépouille fut transférée plus tard au cimetière du Père Lachaise [41e
division]. Sa veuve, Sara Fortin, domiciliée alors 3 rue Nicolo [XVIe],
décéda le 2 mai 1921 au 8 rue Frédéric Bastiat [VIIIe], près des
Champs Élysées.