A l’occasion de la publication
de La Bibliophilie en 1894 (Paris, Techener, 1895), par D’Eylac [A. de
Claye], Jules Le Petit écrivait, dans Le Courier du Livre (N° 12 -25
Juin 1895, p. 102-103) :
« M. de Claye est un bibliophile militant, ardent, convaincu. Il connaît de la passion des livres les satisfactions parfois immenses et les ennuis variés. Il sait la joie des trouvailles imprévues et aussi le regret poignant des acquisitions manquées, l’émotion tantôt douce, tantôt décevante, des recherches couronnées de succès ou des investigations infructueuses. Il a cette supériorité sur la plupart des écrivains qui s’adonnent à la bibliophilie par mode ou par occasion, d’exprimer des sensations vécues, au lieu de paraphraser, comme beaucoup d’autres, des lambeaux de lectures ou des fragments de conversations.
A d’autres points de vue, il a
encore, sur la majorité de ceux-là, le privilège de pouvoir rester indépendant,
de savoir résister à une tentation souvent séduisante, celle de subordonner ses
jugements à l’hommage plus ou moins avantageux de volumes brillants, donnés en
vue “ de la réclame ” ; ce qui l’engage à rendre compte seulement, - comme
il le déclare, - des livres qu’il trouve dignes d’éloges, ou dont le mérite
littéraire et artistique comporte de judicieuses critiques.
On peut dire, à propos des trois
volumes de la Bibliophilie, que l’attrait, loin de s’épuiser, va
toujours croissant.
Il faut donc souhaiter que M. de
Claye continue longtemps à doter les bibliophiles de ces recueils
documentaires, qui formeront pour l’avenir une histoire toute prête des beaux
livres parus à notre époque, des bibliothèques que cette fin de siècle aura
vues disparaître, des progrès de la reliure et des fluctuations, bizarres
autant que fréquentes, du goût des livres à notre époque.
Il déclare lui-même, dans l’une
de ses préfaces, que son but est d’arriver à reconstituer peu à peu “ l’état
civil ” de nombreux livres intéressants ou précieux, en signalant leur passage
chez divers possesseurs et en notant les prix atteints par ces mêmes livres en
leurs successifs avatars. C’est là, en effet, un des côtés intéressants et un
grand mérite de sa méthode descriptive.
En terminant, je demande à M. de
Claye la permission de lui faire une toute petite remarque, et je le prie de
m’aider à éclaircir la simple question suivante :
Il cite dans le cours de son
dernier volume cet amusant sixain, que Pixerécourt adressait, dit-il, à ses
livres :
Gardez-vous
bien de me quitter,
Quoiqu’on
vienne vous emprunter.
Chacun
de vous m’est une femme
Qui peut
se laisser voir sans blâme
Et ne se
doit jamais prêter. [sic]
Je croyais que ces vers étaient de Colletet. Je me rappelle les avoir vus, vers 1868 ou 1869, calligraphiés superbement (avec cette attribution) sur la porte de la bibliothèque du libraire Curmer, qui était passionné bibliophile autant que galant mari. Jules Janin, dans l’Amour des livres, en accorde la paternité à Condorcet. Et l’auteur d’une mignonne brochurette, intitulée : les Ennemis des livres, parue à Lyon, en 1879, les cite incomplètement comme étant de d’Alembert. Voilà plusieurs opinions différentes : laquelle est la bonne ? Je serais heureux si quelque bibliophile voulait bien me donner à ce sujet un renseignement certain. »
L’auteur de cette épigramme est bien Guillaume Colletet (1598-1659), élu membre de l’Académie française en 1634. On la trouve p. 26 de ses Epigrammes (Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1653).
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