dimanche 28 août 2022

Albert Quantin (1850-1933), actif propagateur des doctrines de l’Union Centrale des Arts Décoratifs

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Malgré sa grande réputation de son vivant, l’imprimeur et éditeur Albert Quantin fut étonnamment oublié par le
Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, ainsi que par les historiens du livre, qui ignorèrent jusqu’à nos jours la date de sa mort, faute de ne pas avoir consulté son dossier de la Légion d’honneur. Seuls, Le Petit Parisien (18 juin 1933, p. 2), le Journal des Débats (20 juin 1933, p. 2) et l’Encyclopédie Chronologique des Arts Graphiques, par René Billoux (1943, p. 176), lui rendirent un discret hommage.  


 

Jean Quantin, époux de Jeanne Hogou, marchand sur la paroisse Saint-Vincent de La Chartre-sur-le-Loir [Sarthe] au milieu du XVIIe siècle, est à l’origine d’une lignée de juristes, passée à Bessé-sur-Braye [Sarthe] un siècle plus tard :

Jean Quantin, huissier, né le 4 novembre 1676 à La Chartre, où il épousa Marie Pillette le 12 juillet 1701 ;

Claude Quantin, notaire et procureur fiscal du bailliage du marquisat de Courtanvaux, époux de Marguerite Cousty le 7 juin 1734 à Lhomme [Sarthe], décédé à Bessé le 7 janvier 1777 ;

Château de La Gavolerie, Bessé-sur-Braye


Claude-Michel Quantin, notaire à Bessé de 1793 à l’An VIII, baptisé le 7 septembre 1750 à Bessé, où il épousa Anne-Madeleine Aubert le 17 février 1778 et où il mourut le 12 juin 1828, dans son château de La Gavolerie ;

Claude-Michel-Pierre Quantin, percepteur des contributions de Bessé, où il est né le 6 janvier 1779, où il épousa Madeleine-Sophie Pothée le 13 brumaire An V [3 novembre 1796] et où il mourut le 18 octobre 1854 ;

Jérosme Quantin, principal clerc de Dreux, notaire à Tours [Indre-et-Loire], puis notaire à Saint-Calais [Sarthe] de 1831 à 1839, né à Bessé le 17 vendémiaire An XIV [9 octobre 1805] et décédé le 15 août 1862 à Tours, où il avait épousé, le 22 novembre 1842, Laure-Virginie Gasnier, née et décédée dans cette dernière ville un 27 septembre, respectivement en 1813 et en 1871.

Fils de Jérosme Quantin et de Laure Gasnier, Albert-Jérôme-Marie Quantin est né le 19 janvier 1850, à Bréhémont [Indre-et-Loire], à 30 km au sud-ouest de Tours.

Portail monumental de l'Imprimerie Mame, Tours


Après avoir terminé ses études classiques au lycée de Tours, Albert Quantin entra en 1868 dans l’Imprimerie Alfred Mame (1811-1893), 3-37 rue Néricault Destouches [incendiée en juin 1940 et démolie en 1952], pour y faire son apprentissage technique ; pendant le siège de Paris (1870-1871), il alla organiser à Bordeaux [Gironde], dans l’Imprimerie Lanefranque, 23-25 rue Permentade, le service de l’impression typographique des dépêches photomicroscopiques réalisées par le photographe René Dagron (1819-1900) et portées à Paris par pigeons voyageurs.



Le 1er janvier 1873, il entra à l’Imprimerie Jules Claye (1806-1886), locataire du 7-9 rue Saint-Benoît à Paris [VI], comme directeur des travaux.


Marque de Albert Quantin, éditeur


Il succéda à Claye le 15 mai 1876 et, devenu propriétaire des 5, 7, 9 et 11 de la rue Saint-Benoît, transforma en 1878 l’imprimerie en y adjoignant une librairie d’édition. En 1879, il devint l’imprimeur de la Chambre des Députés.

Albert Quantin
(Henri Avenel. La Presse française au vingtième siècle. Paris, Ernest Flammarion, 1901, p. 415)

 

Le 4 décembre 1876, à Paris [IV], Quantin épousa Jeanne Ansart, née le 20 mai 1855 dans la capitale, fille de Sélim-Hippolyte Ansart (1829-1897), chef de la Police municipale, et de Prudence-Louise-Jeanne Mayet ; la cérémonie religieuse fut célébrée le lendemain, dans l’église métropolitaine de Notre-Dame.

Quantin demeurait alors 18 rue Bonaparte [VI]. Le couple déménagea à plusieurs reprises, successivement : 1 rue de Beaune [VII] en 1880, - où mourut sa fille Madeleine, dans sa septième année, le 24 avril 1884 -, 6 rue du Regard [VI] en 1888, 40 boulevard des Invalides [VII] en 1900.

Château de Glatigny, Savigny-sur-Braye


En 1890, Quantin fit l’acquisition du château de Glatigny [Savigny-sur-Braye, Loir-et-Cher], à 200 km de Paris, qu’il fit rebâtir dans un style néo-gothique, comprenant un corps de logis central encadré de deux pavillons de factures différentes.

Jusqu’en 1878, Quantin publia des extraits de la Gazette des Beaux-Arts, sous l’adresse « Imprimerie Jules Claye, A. Quantin successeur », parmi lesquels : Des œuvres et de la manière de Masaccio, par M. Henri Delaborde (1876), Le Blason de Molière. Étude iconographique, par Benjamin Fillon (1878).

Chaque volume de sa collection des « Petits conteurs du XVIIIe siècle » (1878-1883, 12 vol. in-8) comporte une note bio-bibliographique par Octave Uzanne : Contes du chevalier De Boufflers, de l’Académie Française (1878) ; Contes de l’abbé De Voisenon, de l’Académie Française (1878) ; Contes de Augustin-Paradis De Moncrif, de l’Académie Française (1879) ; Contes du chevalier De la Morlière. Angola (1879) ; Contes dialogué de Crébillon-fils, censeur royal (1879) ; Facéties du comte De Caylus, de l’Académie des Inscriptions (1879) ; Contes de Charles Pinot Duclos, de l’Académie Française (1880) ; Contes de J. Cazotte. Mille et une fadaises. La Patte du chat. Contes divers (1880) ; Contes de M. le baron de Besenval, lieutenant général des armées du Roi (1881) ; 

Contes de Restif De La Bretonne 


Contes de Restif De La Bretonne [sic]. Le Pied de Fanchette ou le Soulier couleur de rose (1881) ; Contes de Fromaget. Le Cousin de Mahomet (1882) ; Contes de Godard d’Aucour. Fermier Général. Mémoires turcs (1883).

Sa « Petite bibliothèque de luxe » (1878-1885, 10 vol. in-8) rassembla des romans célèbres : Bernardin de Saint-Pierre. Paul et Virginie (1878, eaux-fortes de Fr. Régamey) ; Benjamin Constant. Adolphe (1878, eaux-fortes de Fr. Régamey) ; Madame de La Fayette. La Princesse de Clèves (1878, eaux-fortes de F. Masson) ; 

J. Cazotte. Le Diable amoureux


J. Cazotte. Le Diable amoureux (1878, eaux-fortes de F. Buhot) ; Madame de Krüdener. Valérie (1878, eaux-fortes de M. Leloir) ; L’Abbé Prévost. Manon Lescaut (1879, eaux-fortes de Lalauze) ; A. Furetière. Le Roman bourgeois (1880, eaux-fortes de Dubouchet) ; Chateaubriand. Atala, René, Le Dernier Abencérage (1882, eaux-fortes de R. de Los Rios) ; Denis Diderot. Le Neveu de Rameau (1883, portrait et deux eaux-fortes par Saint-Elme Gauthier) ; Madame de Tencin. Mémoires du comte de Comminges. Le Siège de Calais (1885, eaux-fortes de Dubouchet).

Sa collection des « Petits chefs-d’œuvre antiques » (1878-1889, 14 vol. in-32) contient : Apulée. L’Amour et Psyché (1878, gravures d’après Natoire) ; Longus. Daphnis et Chloé (1878, gravures de Scott) ; Musée. Héro et Léandre (1879, gravures de Méaulle) ; Ovide. Les Amours (1879, gravures de Méaulle) ; A. Tatius. Leucippe et Clitophon (1880, gravures de Méaulle) ; Lucien. Dialogues des Courtisanes (1881, illustrations par H. Scott et F. Méaulle) ; Virgile. Les Bucoliques (1881, illustrations d’Auguste Leloir) ; 

Poésies de Anacréon et de Sapho


Poésies de Anacréon et de Sapho (1882, illustrations de P. Avril) ; Apollonius de Rhodes. Jason et Médée (1882, gravures de Méaulle) ; Horace. Odes et Épodes. Chant séculaire (1883, gravures de Méaulle) ; Théocrite. Les Idylles (1884, gravures de Méaulle) ; Properce. Les Élégies (1885, gravures de Méaulle) ; Lucius. L’Ane (1887, illustrations de Poirson) ; Catulle. Odes à Lesbie et épithalame de Thétis et Pélée (1889, illustrations de Poirson).

La Chronique Scandaleuse 

 

Ce fut chez Quantin qu’Octave Uzanne fit paraître sa collection de « Documents sur les mœurs du XVIIIe siècle » (1879-1883, 4 vol. gr. in-8) : La Chronique Scandaleuse (1879), Anecdotes sur la comtesse Du Barry (1880), La Gazette De Cythère (1881), Les Mœurs Secrètes du XVIIIe Siècle (1883).

Photographie BnF

 

Les principaux ouvrages que Quantin édita furent de grandes publications artistiques où, pour la première fois depuis le XVIIIe siècle, l’illustration fut représentée par de grandes estampes hors-texte et des gravures à l’eau-forte imprimées directement dans le texte. On peut citer particulièrement La Renaissance en France, par Léon Palustre (1879-1885, 3 vol. in-fol., dessins et gravures sous la direction de Eugène Sadoux) et les Monuments de l’art antique, publiés sous la direction de M. Olivier Rayet (1884, 2 vol. in-fol.).

La collection des « Petits poètes du XVIIIe siècle » (1879-1886, 12 vol. in-8) fut publiée sous la direction d’Octave Uzanne : Poésies et œuvres diverses du chevalier Antoine Bertin (1879) ; Poésies choisies et pièces inédites de Alexis Piron (1879) ; 

Poésies et lettres facétieuses de Joseph Vadé 


Poésies et lettres facétieuses de Joseph Vadé (1879) ; Poésies diverses de Desforges-Maillard (1880) ; Poésies diverses et pièces inédites de Lattaignant, chanoine de Reims (1881) ;  Poésies diverses du cardinal De Bernis (1882) ; Poésies de Gilbert (1882) ; Poésies choisies de Gresset (1883) ; Poésies diverses du chevalier De Bonnard (1884) ; Poésies choisies de Gentil-Bernard (1884) ; Poésies de Malfilâtre. Poèmes, odes et traductions (1884) ; Poésies diverses du chevalier De Boufflers (1886).

Sous le titre « Les Grands Maîtres de l’Art », des monographies considérables et d’un luxe inusité, format grand in-folio, ont été consacrées à Hans Holbein, par Paul Mantz (1879), 

François BoucherLemoyne et Natoirepar Paul Mantz


François Boucher, Lemoyne et Natoire, par Paul Mantz (1880), L’Œuvre de Rembrandt, décrit et commenté par M. Charles Blanc (1880), Antoine Van Dyck, sa vie et son œuvre, par Jules Guiffrey (1882), La Vie et l’Œuvre de Jean Bologne, par Abel Desjardins (1883), La Vie et l’Œuvre de Titien, par Georges Lafenestre (1887), Roger Ballu. L’Œuvre de Barye (1890) : elles reproduisent, avec un soin extrême, les œuvres les plus célèbres de l’artiste.

En 1880, Albert Quantin fonda deux revues : Le Livre (1880-1889, 10 vol. in-4), revue littéraire mensuelle, dont chaque livraison comprenait un fascicule de « Bibliographie rétrospective » et un fascicule de « Bibliographie moderne » ; la Revue des arts décoratifs (1880-1884, 4 vol. in-4), publiée sous le patronage de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’Industrie et du Musée des arts décoratifs, organe officiel de ces deux Sociétés.

Photographie François Regis Prevost, Bordeaux

 

Par opposition avec ses publications d’un grand prix, Quantin a fondé à la même époque une « Bibliothèque de l’enseignement des Beaux-Arts » bon marché, espèce d’encyclopédie artistique pour la vulgarisation de l’art, qui a réuni des illustrations des plus soignées à des textes demandés à des écrivains de premier ordre. Cette collection fut couronnée par l’Académie française [Prix Montyon] et par l’Académie des Beaux-Arts [Prix Bordin]. Elle atteignit son 31e volume en 1888, avec L’Architecture grecque, par V. Laloux.


 

Pour la première fois, les Œuvres complètes de Victor Hugo (1880-1889, 48 vol. in-8) ont été réunies par la librairie Quantin, associée alors avec la librairie Jules Hetzel [1847-1930), 18 rue Jacob [VI], dans une édition définitive d’après les manuscrits originaux et « ne varietur ».

C’est chez Quantin que parurent L’Éventail (1882, in-8, ill. par Paul Avril), grâce auquel « nombre de femmes devinrent bibliophiles », L’Ombrelle. Le Gant. Le Manchon (1883, in-8, ill. par Paul Avril), 

Son altesse la femme (p. 20)
Photographie BnF


Son altesse la femme (1885, in-8 carré, ill. en couleurs de Henri Gervex, J.-A. Gonzalès, Albert Lynch, Adrien Moreau, Louis Kratké et Félicien Rops), et La Française du siècle. Modes, mœurs, usages (1886, in-8 carré, frontispice et pl. gravés par Eugène Gaujean d’après Albert Lynch), par Octave Uzanne.

La « Petite bibliothèque de poche » (1882-1888, 4 vol. in-32) réunit Xavier de Maistre. Voyage autour de ma chambre (1882, portrait inédit, 6 gravures de C. Delort), De Beaumarchais. Le Mariage de Figaro (1884, 5 eaux-fortes de Valton), 

Le Sage. Turcaret 


Le Sage. Turcaret (1886, 5 dessins de Valton) et De Beaumarchais. Le Barbier de Séville (1888, 5 eaux-fortes de Valton).


 
Le Père Goriotscènes de la vie parisienne (p. 46)
Photographies BnF

Le principal titre de gloire professionnelle de Quantin fut sa collection des « Chefs-d’œuvre du roman contemporain » (1882-1889, 12 vol. pet. in-4 anglais) : Le Père Goriot, scènes de la vie parisienne (Coll. Calmann Lévy, 1885, 10 compositions par Lynch) et La Cousine Bette (Coll. Calmann Lévy, 1888, 10 compositions par G. Caïn), par H. de Balzac ; Gerfaut (Coll. Calmann Lévy, 1889, 10 ill. de Adolphe Weisz), par Ch. de Bernard ; Monsieur le Ministre (s. d. [1886], 10 compositions par Adrien Marie), par Jules Claretie ; Sapho, mœurs parisiennes (Coll. Charpentier, 1888, 10 ill. de Rejchan), par Alphonse Daudet ; Monsieur de Camors (Coll. Calmann Lévy, 1885, 11 compositions par Rejchan), par Octave Feuillet ; Madame Bovary, mœurs de province (1885, 12 compositions par Albert Fourié) et Salammbô (s. d. [1887]10 compositions par A. Poirson), par Gustave Flaubert ; Germinie Lacerteux (1886, 10 compositions par Jeanniot), par Edmond et Jules de Goncourt ; Raphaël, pages de la vingtième année (s. d. [1887], 10 compositions par Ad. Sandoz), par A. de Lamartine ; Mauprat (Coll. Calmann Lévy, 1882, 10 compositions par Le Blant) et La Mare au diable (Coll. Calmann Lévy, 1889, 17 ill. par Edmond Rudaux), par George Sand.

Bien que n’appartenant pas à la même série, Jacques Vingtras. L’Enfant, par Jules Vallès (1884, 12 eaux-fortes par Renouard) et les Histoires extraordinaires d’Edgar Poe, traduites par Charles Baudelaire (1884, 13 gravures hors texte), leur sont généralement joints lors des ventes.


 

Livre considérable, L’Art Japonais, par Louis Gonse (1883, 2 vol. in-fol., 64 pl. h.-t. de H. Guérard, 1.400 ex.) contribua à la diffusion du japonisme en France.

Ses récompenses – médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1878, médaille d’or et diplôme d’honneur à l’Exposition universelle d’Amsterdam en 1883 -, valurent à Quantin d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur le 26 septembre 1883.

Dans les Voyages de Gulliver (s. d. [1884], gr. in-8) et Le Vicaire de Wakefield (s. d. [1885], gr. in-8), traduits par B.-H. Gausseron, l’illustration en chromotypographie de Victor-Armand Poirson (1858-1893) fit sa première apparition.


 

L’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande, par P. Villars (1885, in-4, 4 cartes en couleurs et 600 gravures) fut le premier volume de la collection « Le Monde pittoresque et monumental ». Suivirent : Les Environs de Paris, par Louis Barron (500 dessins par G. Fraipont, 1 carte en couleur) ; L’Extrême Orient, par Paul Bonnetain (1887, nombreux dessins d’après nature) ; L’Italie du Nord, par G. de Léris (1889, nombreux dessins d’après nature).

Les Bébés des Jardins de Paris (1885, ill. J. Grigny)
Photographie BnF

 

En 1885, l’« Encyclopédie enfantine », comprenant un grand nombre d’ouvrages divers, alphabets et collections d’albums, introduisit Quantin dans le domaine du livre pour enfants.



Le succès de son imprimerie et de sa maison d’édition exigea des disponibilités financières que Quantin trouva dans l’association avec un négociant, Louis-Henry May, et la transformation de son entreprise en Société Anonyme, en 1886, sous la raison sociale « Maison Quantin. Compagnie générale d’impression et d’édition » :

 


7-11 rue Saint Benoît (juin 2022)


« Les locaux de la société Quantin, la Compagnie générale d’imprimerie et d’édition, étaient répartis entre trois immeubles : aux 5, 7 et 9. Au numéro 5, elle occupait le rez-de-chaussée et le premier étage. Une partie du rez-de-chaussée fut louée par Quantin aux bureaux de la revue Le Monde Moderne. Le reste correspondait au magasin et aux ateliers Quantin. Quelques appartements furent également réservés aux employés de la société. Le premier étage servait aux bureaux. Au 7, Quantin installa au rez-de-chaussée ses ateliers de presses manuelles (deux machines et huit ouvriers), son imprimerie typographique avec presses mécaniques composée de trois ateliers. Le premier étage servait d’ateliers de brochage, de composition, de corrections et de magasins de caractères. Le deuxième et le troisième étages étaient destinés aux ateliers de composition : trente compositeurs au deuxième et dix au troisième étage. La façade de ce bâtiment, aujourd’hui occupée par un hôtel est dédiée à l’imprimerie. Les références abondent, non seulement dans les murs de soutènement latéraux terminés par des chapiteaux aux allures corinthiennes, ou dans les angelots joufflus et fessus, qui serrent des presses destinées davantage à écraser le raisin qu’à serrer des feuillets, mais aussi dans le dessin des fines colonnes de fonte et des trois arches du troisième étage.

Au numéro 9, le bâtiment surmonté d’une véranda était entièrement occupé par Quantin : ateliers de machines et presses au rez-de-chaussée ; magasin de la librairie au premier étage ; ateliers de composition au deuxième ; ateliers de presses à bras au troisième et au quatrième et un atelier de photogravure au cinquième. La librairie et les magasins de livres se trouvaient au numéro 11. »

(Béatrice Bouvier. « Pour une histoire de l’architecture des librairies : le Quartier latin de 1793 à 1914 ». Dans Livraisons d’histoire de l’architecture, n° 2, 2e semestre 2001, p. 20)

Nos amis les livres

 

La « Compagnie générale d’impression et d’édition » édita en particulier : Nos amis les livres (1886, in-18, frontispice gravé par Henri Manesse d’après Albert Lynch), Les Zigzags d’un curieux (1888, in-18, frontispice gravé d’après Félix Buhot), Le Miroir du monde (1888, grand in-8 carré, ill. par Paul Avril) et Le Livre moderne (1890-1891), revue de la Société des Bibliophiles contemporains, par Octave Uzanne ; Portraits et fantaisies (1887) et Le Comte d’Orsay. Physiologie d’un roi de la mode (1890), par le comte G. de Contades ; 

La Dame aux camélias, par Alexandre Dumas Fils


La Dame aux camélias, par Alexandre Dumas Fils (Collection Calmann Lévy, s. d. [1887], ill. de A. Lynch) ; Sacher Masoch. Contes Juifs. Récits de famille (1888, in-4, 28 [i. e. 27] héliogravures hors texte, 100 dessins dans le texte, par Gérardin, Alphonse Lévy, Émile Lévy, Henri Lévy, Edward Loevy, Schlesinger, Vogel, Worms) ; La Babylone électrique, par A. Bleunard (1888, in-4, ill. de Montader) ; Contes choisis (1889), par Champfleury ; Les Tapisseries coptes, par M. Gerspach (1890).

En 1890, la « Compagnie générale d’impression et d’édition » fusionna avec la « Librairie des imprimeries réunies. Ancienne Maison Morel », 13 rue Bonaparte, dont Jean-Claude Motteroz (1830-1909) était le directeur, pour former la S. A. « Ancienne Maison Quantin. Librairies-Imprimeries réunies », dont May et Motteroz furent les directeurs. Les successeurs de la maison Quantin publièrent : Rondes et chansons du premier âge (1890), par Hippolyte Ryon ; L’Art gothique (1890), par Louis Gonse ; 

Le YachtHistoire de la Navigation Maritime de Plaisance


Le Yacht. Histoire de la Navigation Maritime de Plaisance (1890), par Philippe Daryl ; Le Paroissien du célibataire (1890, in-8, ill. par Albert Lynch gravées à l’eau-forte par Eugène Gaujean, 1.100 ex.), Les Ornements de la femme : l’éventail, l’ombrelle, le gant, le manchon (1892, in-18, édition complète et définitive), La Française du siècle. La Femme et la Mode. Métamorphoses de la parisienne (1892, grand in-8, nouvelle édition illustrée de plus de 160 dessins inédits par Albert Lynch et Émile Mas, avec un frontispice en couleurs de Félicien Rops), Vingt jours dans le nouveau monde (s.d. [1893], in-8, 175 ill. d’après nature), 

Bouquinistes et bouquineurs. Physiologie des quais de Paris


Bouquinistes et bouquineurs. Physiologie des quais de Paris (1893, in-8, frontispice gravé par Henri Manesse, ill. par Émile Mas, 1.600 ex.), La Femme à Paris (1894, grand in-8, 20 h.-t. gravés d’après Pierre Vidal, couverture par Léon Rudnicki), 

Contes pour les bibliophiles 


Contes pour les bibliophiles (1895, grand in-8, ill. par Albert Robida) 



et Les Quais de Paris. Etudes physiologiques sur les bouquinistes et les bouquineurs (1896, 500 ex.), par Octave Uzanne.

Après avoir publié environ cinq cents ouvrages, Quantin resta pendant quelque temps éloigné des affaires. 



En 1895, il fonda Le Monde Moderne, revue mensuelle illustrée d’intérêt général, qu’il céda à Félix Juven (1862-1947) en 1905.  

En 1897, deux entreprises se partagèrent l’activité rue Saint-Benoît : l’« Ancienne Maison Quantin. Librairies-Imprimeries réunies », dirigée alors par Motteroz et Louis Martinet (1874-1954), et la « Société Française d’Édition d’Art », dirigée par May. Cette dernière édita : 

L’Art dans la décoration extérieure des livres 
Photographie BnF


L’Art dans la décoration extérieure des livres (1898, grand in-8, 128 pl. h.-t.) et Monument esthématique du xIxe siècle. Les Modes de Paris. Variations du goût et de l’esthétique de la femme (1898, in-8, ill. François Courboin), par Octave Uzanne ; Pompei. La Ville. Les Mœurs. Les Arts (1899), par Pierre Gusman.

Albert Quantin fut membre de plusieurs Sociétés savantes : Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France (1878), Association des Artistes. Peintres, Sculpteurs, Architectes, Graveurs & Dessinateurs (1879), Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois (1887), Société archéologique de Touraine (1889), Société historique et archéologique du Maine (1890), Société d’agriculture, sciences et ars de la Sarthe (1890), Société nationale d’acclimatation de France (1891), Société nationale d’Horticulture de France (1891), Société des agriculteurs de France (1891).

Albert Quantin fut aussi auteur. On lui doit : Le Devoir de l’Assemblée Constituante. La Paix avec la République (Bordeaux, Librairie Centrale, Février 1871, in-8), Alde Manuce et l’hellénisme à Venise, par Ambroise Firmin-Didot. Rapport de M. A. Quantin (Paris, E. Brière, 1875, in-8) [Extrait des procès-verbaux de la Société fraternelle des protes de Paris], Les Origines de l’imprimerie et son introduction en Angleterre (Paris, A. Quantin et Cie, 1877, in-4, 275 ex.), M. Alfred Mame et la Maison Mame (Paris, A. Quantin, 1883, gr. in-8) [Extrait de Le Livre. Bibliographie rétrospective, 10 mars 1883, p. 65-72], Histoire de Germaine (Paris, A. Quantin, 1885, in-8), L’Exposition du Siècle (Paris, Le Monde moderne, 1900, in-fol.), Histoire prochaine, roman socialiste (Paris, E. Fasquelle, 1910, in-12), En plein vol, vision d’avenir (Paris, Alphonse Lemerre, 1913, in-18), La Corse. La Nature – Les Hommes – Le Présent – L’Avenir (Paris, Perrin et Cie, 1914, in-16).

 


Membre de la Société des Bibliophiles contemporains depuis sa fondation en 1889, Quantin utilisait un ex-libris [74 x 58 mm et 30 x 25 mm] dessiné par Claudius Popelin (1825-1892), qui est sa marque d’éditeur : dans un cartouche flanqué d’un homme et d’une femme tenant une guirlande de fruits et de feuillages, un livre ouvert porte ses initiales « A Q » ; au-dessus, un flambeau et la devise « LIBER LIBRO » [Libre par le Livre], qu’il partageait avec Jules Claretie (1840-1913) ; au-dessous, petit monogramme « CP » [Claudius Popelin].


 

La bibliothèque de Quantin fut dispersée en trois ventes : Catalogue de beaux livres anciens et modernes composant la Bibliothèque de M. A*** Q*** (Paris, A. Prath, 1903, 3 vol. in-8).

La première partie eut lieu à l’Hôtel des commissaires-priseurs, 9 rue Drouot, salle 10, du lundi 5 au samedi 10 janvier 1903, en 6 vacations ; la deuxième partie dans la même salle, du lundi 26 au jeudi 29 janvier 1903, en 4 vacations ; la troisième partie se déroula à la Salle Silvestre, 28 rue des Bons Enfants, salle 1, du jeudi 19 au mercredi 25 février 1903, en 6 vacations.

Veuf depuis le 1er juin 1900, et demeurant 8 bis rue de l’Arrivée [XV], Quantin épousa, le 5 septembre 1908 à Paris [XVI], Paschal-Clémence Thorel, née le 5 janvier 1866 à Les Grandes-Ventes [Seine-Maritime], à 22 km au sud-est de Dieppe.

Photographie Archives nationales

 

Retiré aux Grandes-Ventes depuis 1918, Albert Quantin y mourut le 17 juin 1933 et y fut inhumé le 21 juin. Sa veuve lui survécut jusqu’au 23 avril 1960.

 

 

 

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