D'une famille normande
originaire d'Amfréville-la-Campagne [Eure], sur le plateau du
Neubourg, Philibert-Auguste Sautelet est né à Lancié [Rhône], le
6 pluviose An VIII [26 janvier 1800], de Marie-Antoinette Carrichon
et de Nicolas-Balthazar Sautelet (1776-1842). Ce dernier ira
s'établir à Cologne [Allemagne], où, professeur de langues et
membre correspondant de l'Académie royale des sciences,
belles-lettres et arts de Rouen depuis 1833, il termina sa carrière.
Sautelet et Balzac au collège de Vendôme |
Auguste Sautelet fut le
condisciple de Honoré de Balzac (1799-1850) au collège de Vendôme
[Loir-et-Cher, Hôtel de Ville depuis 1982], dirigé par les
Oratoriens et fort célèbre à cette époque. Ils se retrouvèrent,
à la fin de 1814, à Paris, à la pension du royaliste
Jacques-François Lepître (1764-1821), 9 rue Saint-Louis [37 rue de
Turenne, IIIe], comme élèves au lycée Charlemagne
[IVe], puis à la Faculté de droit.
Étudiant,
Sautelet suivit les cours de philosophie de Théodore Jouffroy
(1796-1842), au collège Bourbon [lycée Condorcet, IXe],
puis d'histoire de la philosophie moderne de Victor Cousin
(1792-1867), à la Sorbonne. En 1821, il participa à une réunion
qui se tint dans un café de la rue Copeau [rue Lacépède, Ve],
au coin de la rue de la Clef, chez un étudiant en médecine nommé
Philippe Buchez (1796-1865), pour la fondation de la Charbonnerie,
société française de carbonarisme.
Il fut un moment avocat
d'affaires, ce qui ne l'empêcha pas de se mêler au monde de la
littérature et du journalisme. Il fréquenta Étienne-Jean
Delécluze (1781-1863), critique d'art, qui écrira dans son Journal
:
« Sautelet, le libraire,
l'un de mes amis, est un très drôle de corps. Depuis qu'il a ouvert
son commerce, il se sert avec beaucoup d'adresse de ses amis, qui
sont presque tous dans les lettres, pour achalander sa boutique et y
faire vendre tout ce qui paraît de nouveau, tout ce qui peut flatter
le goût et les idées à la mode. C'est lui qui a publié le Théâtre
de Clara Gazul, les pamphlets de Courier, etc. Il fait très bien
son état de libraire et de plus, est répandu dans toutes les
sociétés de Paris. »
Il rencontra, dans le «
grenier » [ 4e étage] du 1 rue Chabanais [IIe],
au coin de la rue Neuve-des-Petits-Champs, ceux que Delécluze
rassembla à partir de 1820, parmi lesquels se trouvaient de nombreux
avocats de formation : Friedrich-Albert-Alexander Stapfer
(1802-1892), traducteur de
Faust ; Jean-Jacques
Ampère (1800-1864), épris d'Ossian ; Édouard
Monod (1798-1887), enthousiaste de Byron.
Ce premier groupe,
constitué d'élèves de Cousin, grossit jusqu'en 1823 : le
pamphlétaire Paul-Louis Courier (1772-1825), le baron Adolphe de
Mareste (1784-1867), ami de Stendhal, Stendhal (1783-1842), l'avocat
saint-simonien Antoine Cerclet (1797-1849), le journaliste Prosper
Duvergier de Hauranne (1798-1881), le professeur Ludovic Vitet
(1802-1873), Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc (1781-1857), père
du célèbre architecte et beau-frère de Delécluze.
Viendront compléter le
groupe en 1824 et 1825 : Charles de Rémusat (1797-1875),
Paul-François Dubois (1793-1874), le directeur du Globe,
Prosper Mérimée (1803-1870), le naturaliste Victor Jacquemont
(1801-1832), le botaniste Adrien de Jussieu (1797-1853), l'historien
François-Auguste Mignet (1796-1884), Joseph-Victor Aubernon
(1783-1851), l'helléniste Henri Patin (1793-1876), Hygin-Auguste
Cavé (1796-1852) et Adolphe Dittmer (1795-1846), qui écriront Les
Soirées de Neuilly (Paris,
Moutardier, 1827), Théodore Leclercq (1777-1851), le comte
Agénor de Gasparin (1810-1871) et son beau-frère Achille de Daunant
(1786-1867).
En 1825, Sautelet reprit
le brevet de Jacques-Charles Brunet (1780-1867), le 22 mars, puis
s'associa avec Jean-Baptiste-Alexandre Paulin (1796-1859), le 28
avril, pour fonder un commerce de librairie
Restaurant Champeaux, 13 place de la Bourse |
et d'édition, place de
la Bourse [IIe], à l'angle de la rue Vivienne et de la
rue Feydeau.
Il débuta par les Œuvres
complètes de Molière. Édition
revue sur les textes originaux, précédée de l'éloge de
Molière par Chamfort et de sa vie par Voltaire, et ornée de
culs-de-lampe gravés par nos meilleurs artistes (Paris, Ambroise
Dupont et Roret, A. Sautelet et Comp., Verdière, 1825, gr. in-8),
édition compacte, en très petits caractères elzéviriens de Jules
Didot, publiée en 5 livraisons, formant le premier volume d'une
collection de Classiques.
Dès 1818, le libraire
Théodore Desoer, 2 rue Christine [VIe], avait donné le
prototype des éditions compactes, une édition des Essais de
Montaigne, avec glossaire et table analytique, en un seul volume
in-8 de près de 500 pages, imprimé par Armand Fain, place de
l'Odéon [VIe], en petits caractères, sur deux colonnes.
Ces éditions compactes, qui n'étaient pas faites pour être lues,
mais consultées, n'ont pas enrichi la librairie.
Sautelet
édita ensuite une centaine d'ouvrages, fut l'éditeur du Producteur,
le dépositaire du Globe et le gérant du National.
1825
Œuvres
complètes de Molière, avec des notices historiques et
littéraires, précédées de sa vie par Voltaire et de son
éloge par Chamfort (Paris, Sautelet, 1825-1826, 6 vol. in-8 à 2
col.). Les notices ne sont composées que de fragments, empruntés,
sans réserve, aux éditions de Petitot, Auger et Taschereau.
Sept
discours prononcés dans le Parlement britannique, par divers membres
du ministère anglais, pendant la session de 1825 (Paris,
Delaforest et Sautelet, mai 1825, in-8). Traduits de l'anglais.
Nouveau
christianisme, dialogues entre un conservateur et un novateur (Paris,
Bossange père et A. Sautelet et Cie,
1825, in-8), par Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon.
Œuvres
complètes de Voltaire (Paris, A. Sautelet et C°, Verdière,
Ambroise Dupont et C°, Rapilly, Furne, 1825-1827, 3 vol. in-8 à 2
col.).
Théatre [sic] de
Clara Gazul, comédienne espagnole (Paris, A. Sautelet et
Cie, 1825), par Mérimée. On trouve dans quelques
exemplaires un portrait de Clara Gazul qui n'est autre que celui de
Merimée habillé en femme.
Code des émigrés
[Seconde édition] (Paris, Bossange père, Ponthieu, Mongie,
Sautelet et Compagnie, Béchet, 1825, in-8), par P. L. Le Caron,
avocat.
Pèlerinages d'un
Childe-Harold parisien, aux environs de la capitale, en
Lorraine, en Alsace, à Lyon et en Suisse, extraits
du portefeuille de M. D.-J.-C. Verfèle [Denis-Joseph-Claude
Lefèvre] (Paris, Ambroise Dupont et Cie, A. Sautelet et
Cie, 1825, 2 vol. in-8). Child Harold's pilgrimage
(London, John Murray, 1812)
est un poème de lord Byron, qui fait partie des œuvres
majeures du Romantisme.
Comptabilité rurale
ou Méthode abrégée et facile pour régir des biens en
parties-doubles (Paris, Carpentier-Méricourt, Sautelet et
Renard, 1825, in-4), par Cyrille de La Tasse, receveur des
contributions directes de l'arrondissement de perception de Claye,
près Paris.
Œuvres
dramatiques de J. W. Goethe, traduites de l'allemand ;
précédées d'une notice biographique et littéraire sur Goethe
(Paris, A. Sautelet et Cie, 1825, 4 vol. in-8).
Journal hebdomadaire
des arts et métiers […] de l'Angleterre (Paris,
Charpenay et Sautelet et Ce, 1825, puis J. Degousée,
Sautelet et Cie, Aimé-André, 1826, in-8).
L'Industrie et la
Morale considérées dans leurs rapports avec la liberté par
Charles-Barthélemy Dunoyer, ancien rédacteur du Censeur
européen (Paris, A. Sautelet et Cie, 1825, in-8).
Traité de la
typographie, par Henri Fournier, imprimeur (Paris,
Imprimerie de H. Fournier, 1825). Au verso du faux-titre :
« SE
TROUVE CHEZ
L'AUTEUR, RUE
DE SEINE F. S.-G., N° 14 ;
SAUTELET ET
CIE, LIBRAIRE,
PLACE DE LA BOURSE. »
Histoire de la
peinture en Italie, par M. de Stendhal. Seconde édition
(Paris, Sautelet et CIE
[sic], 1825, 2 vol. in-8). Cette deuxième édition est
fictive. Stendhal essaya de vendre le stock de la première, encore
presque intact, en changeant seulement la page de titre et une note
de la préface.
Chefs-d'œuvre
de Thomas Corneille, précédés de son éloge historique par
De Boze (Paris, Sautelet, 1825).
L'Iliade d'Homère.
Traduction nouvelle par M. Dugas-Montbel (Paris, Sautelet et
Compagnie, 1825, 2 vol. in-8).
L'Odyssée d'Homère,
traduction nouvelle par M. Dugas-Montbel (Paris, Sautelet et
Compagnie, 1825, 2 vol. in-8).
Le Producteur,
journal [philosophique,
à partir du tome 3] de l'industrie, des sciences et
des beaux-arts (Paris, Sautelet et Cie, 1825-1826, 3
vol. in-8).
1826
Œuvres
complètes de J. J. Rousseau, citoyen de Genève (Paris,
Verdière, A. Sautelet et C°, A. Dupont et Roret, 1826, gr. in-8 de
1.708 p. à 2 col.).
Œuvres
complètes de La Fontaine ornées de trente vignettes dessinées par
Devéria et gravées par Thompson (Paris, A. Sautelet et Cie,
1826, gr. in-8 à 2 col.). Imprimerie de Rignoux, rue des
Francs-Bourgeois-S.-Michel. Au verso du faux-titre : « H.
BALZAC, ÉDITEUR-PROPRIÉTAIRE,
RUE DES MARAIS-S.-GERMAIN, N° 17. » Avec une « Notice sur
la vie de La Fontaine » par H. Balzac. Balzac se rendit à Alençon
les 17 et 18 avril 1825 pour signer un traité avec le graveur et
libraire Pierre-François Godard (1797-1864) ; le contrat sera signé
le 17 avril, mais, pour une raison qu'on ignore, il ne sera pas
exécuté ; en définitive, la gravure sera confiée au célèbre
Thompson. Il y a 6 exemplaires du texte sur papier de Chine : on ne
connait que ceux de Pixerécourt, de San Donato et de Balzac, relié
par Thouvenin en demi-veau fauve, dos à nerfs, avec les initiales «
H. B. »
Chefs-d'œuvre
de Pierre Corneille, avec les examens de Voltaire et de La
Harpe, précédés de sa vie par Fontenelle, et de son
éloge par Gaillard (Paris, Sautelet, 1826, 4 vol. in-8).
Œuvres
complètes de Beaumarchais, précédées d'une notice sur sa
vie et ses ouvrages par La Harpe (Paris, Furne, A. Sautelet et
Cie, 1826, 6 vol. in-8).
Physiologie du goût
[sic], ou Méditations de gastronomie transcendante (Paris, A.
Sautelet et Cie, 1826, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme
Brillat-Savarin.
Fragmens [sic]
philosophiques, par Victor Cousin (Paris, A. Sautelet
et Compagnie, 1826, in-8).
La Revue américaine,
journal mensuel (Paris, A. Sautelet et Cie, Malher
et Cie, 1826-1827, 3 vol. in-8).
Proverbes
dramatiques, par M. Théodore Leclercq (Paris, A. Sautelet
et Cie, 1826-1828, t. IV-VI, 3 vol. in-8).
Le Catholique,
ouvrage périodique dans lequel on traite de l'universalité des
connaissances humaines sous le point de vue de l'unité de doctrine
; publié sous la direction de M. le baron d'Eckstein (Paris,
A. Sautelet et Cie, 1826-1828, 10 vol. in-8).
Histoire de Hainaut,
par Jacques de Guyse (Paris, A. Sautelet et Cie, et
Bruxelles, Arnold Lacrosse, 1826-1829, 7 vol. in-8, véritablement 8
volumes, le 5e volume étant subdivisé en deux). Les
volumes 8 à 15 ont été publiés par Paulin, Paris, et Lacrosse,
Bruxelles, 1830-1833.
Ivanhoe. Vignette de titre, t. XXXV |
Œuvres
complètes de sir Walter Scott (Paris, Charles Gosselin, A.
Sautelet et C°, 1826-1833, 84 vol. in-18). 84 vignettes de titre, 1
carte générale d'Écosse
en couleurs, 29 cartes et 88 vignettes hors-texte. Les tomes 81 à 84
portent la date de 1833. Sautelet fit connaître Walter Scott en
France.
1827
Vie de Napoléon
Buonaparte, empereur des Français, précédée d'un
tableau préliminaire de la Révolution française, par sir
Walter Scott (Paris, Charles Gosselin, Treuttel et Wurtz, A.
Sautelet et Cie, 1827, 18 vol. in-18).
Histoire de la Garde
nationale de Paris, depuis l'époque de sa fondation jusqu'à
l'ordonnance du 29 avril 1827 (Paris, A. Sautelet et Cie,
1827, in-8), par Ch. Comte, auteur du Censeur européen.
Histoire de la
contre-révolution en Angleterre, sous Charles II et Jacques
II (Paris, A. Sautelet, 1827, in-8), par Armand Carrel.
Manuel du juré,
ou Exposition des principes de la législation criminelle,
dans ses rapports avec les fonctions de juré (Paris, A. Sautelet
et Compagnie, 1827, in-8), par Victor Guichard et J.-J. Dubochet,
avocats à la Cour royale de Paris.
Manipulations
chimiques, par Faraday, professeur de chimie à
l'Institut royal de Londres (Paris, A. Sautelet et Cie,
1827, 2 vol. in-8), traduit de l'anglais par Maiseau.
Traité de législation
(Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 4 vol. in-8), par
Charles Comte, avocat à la Cour royale de Paris.
Histoire de New-York,
depuis le commencement du monde jusqu'à la fin de la domination
hollandaise (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2
vol. in-8), par Diedrick Knickerbocker [pseudonyme de Washington
Irving], auteur du Sketch Book.
Histoire du
soulèvement des Pays-Bas sous Philippe II, roi d'Espagne
(Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), par le
marquis de Chateaugiron, membre du conseil-général du département
de la Seine.
Procès de la relation
historique des obsèques de M. Manuel (Paris, Sautelet, 1827,
in-8). Les obsèques de Jacques-Antoine Manuel (1775-1827), député
de la gauche, furent l'occasion d'une grande manifestation populaire.
Mémoires sur la cour
d'Élisabeth,
reine d'Angleterre, par Lucy Aikin (Paris, A. Sautelet
et Cie, Charles-Béchet, 1827, 3 vol. in-8).
Lettres sur les
élections anglaises, et sur la situation de l'Irlande
(Paris, Sautelet, 1827, in-8), par Prosper Duvergier de Hauranne.
Lettre de la girafe au
pacha d'Égypte,
pour lui rendre compte de son voyage à Saint-Cloud (Paris, A.
Sautelet et Cie, 12 juillet 1827, in-8), par Girafe de
Sennaar [pseudonyme].
Lettre à Monsieur le
rédacteur du Journal des débats sur l'état des affaires publiques,
par N. A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et Cie,
12 juillet 1827, in-8).
Seconde lettre de la
girafe au pacha d'Égypte,
en lui envoyant son album enrichi des dernières noirceurs de la
censure (Paris, A. Sautelet et Cie, 8 août 1827,
in-8), par Girafe de Sennaar [pseudonyme].
Insolences de la
censure, et considérations sur la politique en général du
ministère, par N. A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et
Cie, 1827, in-8).
Charles Sept à
Jumiège. Édith,
ou le champ d'Hastings. Poèmes, suivis de poésies,
par Ulric Guttinguer (Paris, Sautelet et Cie, 1827,
in-8).
Lettres sur l'histoire
de France pour servir d'introduction à l'étude de cette histoire,
par Augustin Thierry (Paris, Sautelet et Compagnie, Ponthieu
et Compagnie, 1827, in-8).
Roméo et Juliette,
nouvelle de Luigi da Porto (Paris, Sautelet et Compagnie, 1827,
in-8).
Œuvres
complètes de J. Fenimore Cooper (Paris, Charles Gosselin, Mame &
Delaunay-Vallée, A. Sautelet & Cie, 1827-1830, 27
vol. in-18). Frontispices, vignettes et cartes dessinés et gravés à
l'eau-forte par Alfred et Tony Johannot. Sautelet fit connaître
Fenimore Cooper en France.
1828
Revue française
(Paris, A. Sautelet et Cie, N° I-janvier 1828 au N° VI-novembre
1828). Continuée par Alexandre Mesnier, place de la Bourse, à
partir du N° VI-janvier 1829.
Lettres
sur le système de la coopération mutuelle et de la communauté de
tous les biens, d'après le plan de M. Owen. Par Joseph Rey,
de Grenoble (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828,
in-8).
L'Éducation
progressive, ou Étude du cours de la vie ; par Mme
Necker de Saussure (Paris, A. Sautelet & Cie,
1828, t. I). Le tome II a été édité en 1844 par Paulin et Garnier
frères.
Physiologie
du goût, ou Méditations de gastronomie transcendante [2e
édition] (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828,
2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.
Essai
sur l'histoire générale du christianisme, par Charles Coquerel.
Seconde édition (Paris, A. Sautelet et Cie,
1828, in-8).
Proverbes
dramatiques, par M. Théodore Leclercq [5e édition]
(Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, 6 vol. in-8).
Voyage
en Italie et en Sicile, par L. Simond, auteur des Voyages en
Angleterre et en Suisse (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1828, 2
vol. in-8).
Faust,
tragédie de M. de Goethe, traduite en français par M.
Albert Stapfer, ornée d'un portrait de l'auteur, et de
dix-sept dessins composés d'après les principales scènes de
l'ouvrage et exécutés sur pierre par M. Eugène Delacroix
(Paris, Ch. Motte et Sautelet, 1828, in-fol.).
Premier
véritable livre de peintre. Il faudra attendre 1874 pour voir Manet
illustrer Le Fleuve de Charles Cros.
Dans
le livre de peintre, l'artiste ne doit pas être interprété par un
graveur, mais doit graver lui-même. Au XIXe
siècle, l'invention de la lithographie leva cet obstacle majeur
entre le peintre et le livre : l'artiste put désormais dessiner sur
une pierre comme sur du papier.
A. Sautelet et Compagnie
s’associa en avril 1828 avec différents éditeurs [Aimé André,
Hector Bossange, Bachelier, Firmin Didot père et fils, A. et W.
Galignani, Janet et Cotelle, F. G. Levrault, Jules Renouard, Treuttel
et Wurtz] pour fonder à Bruxelles la Librairie parisienne, française
et étrangère [438 rue de la Madelaine (sic)], et combattre ainsi
sur son propre terrain la contrefaçon belge.
Œuvres
complètes de P. L. Courier, ornées du portrait de l'auteur
(Bruxelles, Librairie parisienne, française et étrangère,
1828, 4 vol. in-8).
En
juin 1828, Sautelet déménagea de la place de la Bourse au 14 rue de
Richelieu [Ier].
Poésie française au
seizième siècle. Tome I. Tableau historique et critique de la
poésie française et du théatre [sic] français au seizième
siècle, par C.-A. Sainte-Beuve (Paris, A. Sautelet et
Compie, Alexandre Mesnier, 1828, in-8).
Poésie
française au seizième siècle. Tome II. Œuvres
choisies de Pierre de Ronsard (Paris, A. Sautelet et Compie,
Alexandre Mesnier, 1828, in-8), par C. A. Sainte-Beuve.
Histoire de Michel
Lambert, ou de l'influence de l'économie domestique […]
par M. **** (Paris, A. Sautelet et Compagnie, Alexandre Mesnier,
1828).
Mémoires,
correspondance et opuscules inédits de Paul-Louis Courier
(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 2
vol. in-8).
Économie
politique des Athéniens,
ouvrage traduit de
l'allemand de M. Auguste Boeckh (Paris,
A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, 1828, 2 vol. in-8).
Histoire
des Gaulois, depuis les temps les plus reculés jusqu'à
l'entière soumission de la Gaule à la domination romaine
(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 3
vol. in-8), par Amédée Thierry.
Nouveaux fragmens
[sic] philosophiques, par Victor Cousin (Paris, Pichon
et Didier, Sautelet et Cie, Alex. Mesnier, 1828, in-8).
Œuvres
complètes de Thomas Reid, chef de l'École écossaise,
publiées par M. Th. Jouffroy [2e édition] (Paris,
A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828-1829, 6 vol.
in-8).
1829
Histoire
de la navigation intérieure de la France (Paris, A. Sautelet et
Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par J. Dutens.
Histoire
du droit municipal en France (Paris, A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Raynouard.
Histoire
de Pologne avant et sous le roi Jean Sobieski. Par N.-A. de Salvandy
(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 3
vol. in-8).
Théorie
des richesses sociales, par le comte Frédéric Skarbek
(Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2
vol. in-8).
Œuvres
de P. E. Lemontey, de l'Académie française (Paris, A.
Sautelet et Cie, Brissot-Thivars, Alexandre Mesnier, 1829,
5 vol. in-8).
Traité
de droit pénal, par M. P. Rossi, professeur de droit
romain à l'Académie de Genève (Paris, A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, et Genève, J. Barbezat et Cie, 1829, 3
vol. in-8).
Manuel
de l'histoire de la philosophie,
traduit de l'allemand
de Tennemann, par
V. Cousin, professeur
à la Faculté des lettres de l'Académie de Paris
(Paris, Pichon et Didier, Sautelet et Cie,
1829, 2 vol. in-8).
L'Inconnu,
fragments (Paris, Sautelet et Cie, A. Mesnier, 1829, 2
vol. in-8), par Francisque-Alphonse de Syon.
Lettres
sur l'histoire de France, pour servir d'introduction à
l'étude de cette histoire ; par Augustin Thierry [2e
édition] (Paris, Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier,
1829).
Frontispice, tome I |
Physiologie
du goût [sic], ou Méditations de gastronomie transcendante
[3e édition] (Paris, A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme
Brillat-Savarin.
Mémoires
complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de
Louis XIV et la Régence (Paris, A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, 1829-1830, 21 vol. in-8).
Œuvres
complètes de Paul-Louis Courier (Paris, A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, 1829-1830, 4 vol. in-8).
Gazette littéraire,
revue française et étrangère de la littérature, des
sciences, des beaux-arts, etc. (Paris, A. Sautelet
& Ce, 1829-1830, in-4). Continuée par Paulin.
1830
Paradoxe sur le
comédien. Ouvrage posthume de Diderot (Paris, A. Sautelet et
Cie, 1830).
Lettres inédites de
Duché de Vanci (Paris, Lacroix et Sautelet, et Marseille,
Camoin-Anfonce et Compe, 1830), par Colin et Raynaud.
Nouveau traité
d'économie sociale (Paris, A. Sautelet et Cie,
Alexandre Mesnier, 1830, 2 vol. in-8), par Barth.-Charles Dunoyer,
ancien professeur à l'Athénée, l'un des auteurs du Censeur
européen.
Les procès de presse se
multipliaient alors et des condamnations étaient souvent prononcées.
Parmi ces procès, trois surtout, celui du Globe, celui du
National et celui de l'Association bretonne [en appel],
attirèrent l'attention publique. Ces trois procès répondaient en
effet aux préoccupations du moment, qui se débattaient dans la
presse.
Le 10 mars 1830, Dubois,
gérant du Globe, et Sautelet, gérant du National,
comparurent devant la 6e chambre de police correctionnelle
en présence d'une assistance considérable. Le National était
poursuivi pour attaque contre les droits que le Roi tenait de sa
naissance, pour attaque contre les droits en vertu desquels le Roi a
donné la Charte, pour attaque à l'autorité constitutionnelle du
Roi et pour provocation, non suivie d'effet, à attenter à la vie du
Roi et des princes de la famille royale.
Le 19 mars, le même
avocat du Roi dirigea, avec plus de violence, les mêmes accusations
contre le gérant du Globe.
Le débat se prolongea
pendant trois audiences encore pour les répliques du ministère
public et des avocats, toujours avec la même affluence. Le 3 avril,
les deux jugements furent rendus, et les deux journaux condamnés, le
National comme coupable d'attaque contre l'autorité
constitutionnelle du Roi, contre le droit qu'il avait de donner la
Charte et contre l'ordre de successibilité au trône ; le Globe,
comme coupable des mêmes délits et, en outre, d'excitation à la
haine et au mépris du gouvernement. En conséquence, le gérant du
National fut condamné à trois mois d'emprisonnement et 1.000
francs d'amende, et le gérant du Globe à quatre mois
d'emprisonnement et 2.000 francs d'amende.
Le National reçut
une assignation à comparaître le vendredi 14 mai 1830 devant la 6e
chambre de police correctionnelle, prévenu d'avoir commis les délits
de diffamation et d'injure envers un corps constitué, le Conseil
d'Instruction publique, et d'outrage envers un fonctionnaire, le
ministre de l'Instruction publique, en publiant, dans Le National
du 6 mai, l'article intitulé « Procès
intenté à M. Dubois par le conseil de l'Université. »
Le matin du 13 mai 1830,
on trouva Sautelet, gérant du National et l'un des chefs
d'une des premières maisons de librairie de Paris, mort dans son
lit, 10 rue Neuve-Saint-Marc [IIe] : il s'était brûlé
la cervelle. Il fut inhumé au cimetière Montmartre.
Le lendemain, 14 mai, le
National était signé : « A. Thiers, rédacteur en chef, signant
provisoirement le journal, en remplacement de M. Sautelet, décédé.
» Le National ne parlait point dans ce numéro du suicide de son
gérant ; on y lisait seulement : « On a appelé aujourd'hui à la
sixième Chambre, jugeant correctionnellement, l'affaire du National
; mais le gérant, M. Sautelet, étant mort hier, la cause a été
renvoyée à huitaine, pour produire l'acte de décès. »
« Aujourd'hui à neuf
heures du matin, les restes mortels de notre malheureux ami M.
Sautelet ont été rendus à la terre.
Le deuil était conduit
par M. Chignard, ancien avocat de la ville de Paris, beau-frère du
défunt [Jean-François Chignard (†
1841), époux de Antoinette-Adèle Sautelet (1801-1844)]. Plus
de trois cents personnes, parmi lesquelles on distinguait des
députés, des hommes de lettres, des artistes, et entre autres MM.
Béranger, Cousin, Dubois, Isambert, Delécluse, Manuel jeune,
Scheffer, Jouffroy, de Rémusat, Lebrun, Bérard, Georges La Fayette,
Mérimée, Vitet, Cauchois-Lemaire, Dunoyer, Comte, Ballanche, Armand
Bertin, Tissot, etc., etc., suivaient à pied le convoi, et un grand
nombre de voitures de deuil marchaient à la file. On s'étonnait, à
la vue de ce nombreux concours, qu'un si jeune homme eût déjà pu
devenir l'objet d'une considération si générale. La position
politique qu'il avait prise depuis six mois comme représentant d'une
feuille quotidienne, n'était pour rien dans les devoirs qu'on venait
rendre à sa mémoire. L'étrange et déplorable nature de sa mort
n'avait point non plus grossi le cortège en y amenant de simples
curieux. La seule amitié, et l'amitié la plus affligée, avait fait
les frais de la triste cérémonie et lui donnait un degré de pompe
qui se voit rarement, même à la suite des hommes qui ont assez vécu
pour jouer quelque rôle dans le monde. M. Sautelet était le
compagnon d'études d'une foule d'hommes qui commencent à marquer
aujourd'hui dans toutes les carrières, et, dans cette multitude de
directions différentes, pas un ne s'était séparé de lui. Répandu
de bonne heure dans le monde, il avait inspiré partout, sans
efforts, la bienveillance à la fois douce et vive que lui-même
portait dans toute sa personne. Depuis six ans, enfin, qu'il s'était
fait libraire, il n'avait presque pas eu une relation d'affaires qui
ne fût devenue bientôt une relation d'amitié. C'était l'un des
jeunes gens de Paris les plus connus, les plus recherchés, les plus
aimés. Il atteignait à peine trente ans.
Le convoi s'est rendu
directement de la rue Neuve-Saint-Marc au cimetière Montmartre. Le
cercueil, descendu dans la fosse, a été aussitôt recouvert, et un
gémissement de tous les assistants a été le seul adieu fait à ces
restes infortunés. On s'était, suivant la coutume, formé en cercle
autour de la tombe, et l'on attendait, comme si la douleur commune
eût voulu quelque chose de plus que le lugubre bruit de la pelle des
fossoyeurs. Tous les yeux s'étaient tournés vers M. Cousin, et
peut-être l'éloquent professeur allait-il céder à cette muette et
unanime invitation ; mais, en ce moment, il s'est souvenu que
Sautelet avait été l'un de ses élèves les plus distingués, on
peut même dire un de ses disciples chéris, et ce souvenir et l'idée
de cette mort cruelle ont étouffé la parole prête à sortir de sa
bouche. Personne après lui ne s'est senti le courage de venir
demander à l'ombre d'un malheureux jeune homme pourquoi la vie lui
fut si amère, et quelle fatalité lui a fait fuir si tôt les
consolations d'une amitié qui n'eût demandé que de savoir ses
chagrins. On s'est dispersé, emportant une douleur au-dessous de
laquelle seraient restés peut-être tous les discours.
La génération à
laquelle appartenait notre malheureux ami n'a point connu les
douleurs ni l'éclat de ces grandes convulsions politiques dont le
souvenir fournit tous les jours, sur la tombe des hommes d'une autre
époque, de si faciles lieux communs oratoires. Mais, à la suite de
ces orages, qui ne peuvent se rencontrer que de loin en loin, notre
génération a été plus qu'une autre en butte aux difficultés de
la vie individuelle, aux troubles et aux catastrophes domestiques,
circonstances faites pour intéresser partout ailleurs que sur le
bord d'une tombe.
Peut-être l'ami que nous
regrettons a-t-il été de très bonne heure l'une des plus
touchantes et des plus pitoyables victimes de ces obscures
tribulations qui peuvent accabler une destinée à peine formée ; on
n'a que trop lieu de le croire. Mais il faut laisser étendu sur sa
tombe un voile qu'il n'a pas voulu déchirer. Ce que l'on peut
rapporter de sa courte vie, c'est ce que tant de personnes qui le
pleurent aujourd'hui en ont connu. Combien de nous, hommes de son
âge, se souviennent de l'avoir vu, jeune encore, abandonné à
lui-même, au sortir de la vie d'étudiant, qu'il avait menée
tristement, entrer dans le monde avec une figure charmante, le goût
de toutes les choses élevées, la facilité de mœurs
la plus heureuse, l'esprit le plus ouvert, avec des manières
réservées qui sentaient la défiance de soi, un laisser-aller
naturel qui exprimait la confiance et qui l'inspirait à la première
vue ! Accueilli comme très peu de jeunes gens l'étaient, tout lui
souriait alors, et pourtant il avait déjà l'invincible
pressentiment d'une mort funeste. Ce pressentiment devint, à la
longue, une disposition habituelle d'esprit qu'il ne craignait plus
de montrer, et que chaque contrariété nouvelle fortifiait
malheureusement en lui.
Depuis plusieurs années,
il avait fondé un commerce qu'il avait su rendre brillant en n'y
consacrant qu'une très petite partie de son temps. On avait pu
croire qu'il avait donné enfin à sa vie un intérêt capable de la
lui faire aimer. Il avait montré une capacité peu commune en
affaires, la sagacité et la décision d'esprit d'un véritable
spéculateur ; il avait su se placer au-dessus de sa besogne, et
pourtant n'en mépriser aucun détail, rester homme du monde en
faisant son état, travailler en marchand et ne pas descendre d'une
certaine hauteur intellectuelle à laquelle ses excellentes études
et la portée naturelle de son esprit l'avaient placé. Il était
dans cette situation lorsqu'il se joignit à nous, et nos lecteurs
n'ont point oublié avec quelle fermeté pleine de mesure et quel
sentiment parfait de ses convenances personnelles il s'était
dernièrement présenté pour soutenir devant les tribunaux celles de
nos opinions qui lui avaient valu une condamnation qu'il était au
moment de subir.
Voilà l'homme que nous
avons perdu. Faut-il dire qu'il a conduit son dessein avec une
résolution, une présence d'esprit, un calme désespérant ; que
c'est après avoir employé une nuit entière à mettre ordre à ses
affaires et à écrire à ses amis qu'il s'est frappé ; qu'enfin,
par la plus déplorable des fatalités, il a échappé, le soir même
de la catastrophe, à une conversation cherchée par celui de ses
amis qui avait le plus d'intérêt à l'observer, conversation qui
devait infailliblement l'amener à une confidence et sauver ses jours
? Tous il nous a fallu nous rappeler de ces cruels indices qui
n'acquièrent de valeur que quand il n'est plus temps … Que ce
sera-t-il passé dans cette âme formée aux leçons de Cousin, et
qui croyait à sa propre immortalité, qui tous les jours avec nous
se consolait à y croire ? Entre la dernière lettre, écrite à cinq
heures et demie du matin, et le coup fatal, quelques minutes se sont
passées encore. Qui nous dira les terribles délibérations
auxquelles ce peu de minutes a été employé ? Du moins l'infortuné
n'a point eu à essuyer de convulsions physiques : sa mort a été
aussi prompte que la fatale explosion. […]
Il écrivit quinze
lettres ; la dernière à cinq heures du matin. Celle-ci, adressée à
une famille [Albert Stapfer] qui n'était pas la sienne, mais qui lui
en avait tenu lieu pendant les malheurs d'une jeunesse quelquefois
pauvre et abandonnée, commençait par ces mots, qu'on ne saurait
lire sans attendrissement : “
La nuit est bien avancée, et je n'ai plus guère de présence
d'esprit pour vous entretenir de la résolution que j'ai prise. Si ma
nature faible, indolente, avait pu être changée, elle l'aurait été
par vous tous… J'ai été incorrigible...” […]
On
n'entendit point l'arme à feu. Le théâtre de la catastrophe était
une petite chambre située à l'extrémité la plus reculée d'un
appartement très vaste. Ce ne fut qu'à l'heure où l'on entrait
habituellement chez lui, dans la matinée, qu'on le trouva baigné
dans son sang et déjà refroidi. »
(Œuvres
politiques et littéraires d'Armand Carrel. Paris, F. Chamerot,
1859, t. V, p. 305-309 et p. 321-322 )
« De nombreuses oraisons
funèbres ont été faites en l'honneur du libraire Sautelet, qui a
mis fin à ses jours, la semaine dernière, par un suicide. Il étoit
entrepreneur de deux journaux, qui, apparemment, ne contribuoient pas
à réveiller en lui les principes de religion. Ses amis paroissent
émerveillés de la quantité de monde qui s'est fait un devoir de
l'accompagner au champ du repos. La chose n'est cependant pas
si difficile à expliquer : c'étoit un de ces enterremens comme ils
les aiment, et qui n'exposent point les gens à s'enrhumer dans les
églises, ainsi que le craint l'honorable M. Bavoux. Or, ils doivent
savoir qu'il existe à Paris quelques mille amateurs qui ne cessent
d'épier ces sortes de bonnes fortunes, pour aller recueillir les
beaux discours qui se prononcent aux funérailles sans prêtres :
cette fois-ci, néanmoins, les curieux ont été trompés dans leur
attente ; M. le professeur Cousin, dont le défunt avoit été le
disciple, s'est trouvé tout à coup sans voix, et, au grand
étonnement de l'assistance, il a laisser enterrer M. Sautelet sans
panégyrique. Il aura compris que cette inhumation, et surtout le
genre de mort qui l'avoit amenée, ne sentoient pas trop la bonne
école, et que, pour un grand maître de philosophie, il n'y avoit
pas là de quoi se vanter. » [sic]
(L'Ami de la religion,
journal ecclésiastique, politique et littéraire.
Paris, Adrien Le Clere et Cie, 1830, t. 64, mercredi 19 mai 1830, N°
1646, p. 42-43)
« Vous me demandez, mon
cher ami, de vous détailler les causes de l'acte de désespoir
auquel s'est porté notre malheureux Sautelet. Hélas ! il en est
mille. Tout a concouru à amener ce funeste événement. Le peu de
secours qu'il avait trouvé dans sa famille, lui fit entreprendre la
librairie avec l'argent d'autrui, ce qui rendait nécessaire de sa
part une économie dont il ne fut jamais capable. Il s'ensuivit que
pendant que les affaires de sa maison prospéraient, les siennes
propres allaient de mal en pis. Cette situation critique le devint
bien davantage par suite de sa liaison avec Mme B***,
liaison qui l'empêcha deux années durant de s'occuper de son
industrie, et le jeta dans des dépenses disproportionnées avec ses
moyens. Pour se tirer d'embarras, il alla jusqu'à engager sa
propriété. Le temps était venu où il ne pouvait plus rien
dissimuler à Paulin. Il n'a pas eu la force de lui faire cet aveu de
son vivant. Ajoutez à cela l'horrible chagrin où l'avait plongé la
conduite de Mme B*** à son égard, la perspective d'une
détention qui devait lui ôter tout moyen de s'occuper de ses
affaires personnelles. Que sais-je encore ? Peut-être des motifs
plus secondaires, des misères, des riens. Quand la coupe est
remplie, une goutte d'eau la fait déborder. Comment se fait-il,
dites-vous, que nous n'ayons rien deviné ? Ah ! mon cher ami, son
air de franchise le servait si merveilleusement, lorsqu'il voulait
cacher ce qu'il éprouvait. Vingt fois Paulin, se doutant de l'état
de ses affaires, s'était jeté à ses genoux pour obtenir un aveu,
et toujours Sautelet, à force de paraître calme, avait fini par le
tranquilliser. Pour son chagrin de cœur,
ses propos sur Mme B*** nous avaient convaincus qu'il n'en
ressentait aucun. La misérable femme !... Mais nous causerons de
tout cela dans un mois.
Sachez maintenant que,
Dieu merci, on a trouvé moyen de tout arranger. Paulin, grâce à un
secours momentané, fera honneur à ses engagements. M. Chignard
s'est parfaitement conduit, et la douleur de sa femme va au delà de
ce que j'aurais attendu.
Mes parents étaient
partis pour Taley deux jours avant l'affreuse catastrophe. Ma mère
est dans une affliction profonde ; c'est pour elle, à bien peu de
chose près, comme si elle avait perdu un de ses fils.
Venez, mon cher Ampère,
venez combler le vide qui s'est fait près de moi ; venez parler de
cet être excellent, unique. Sa perte est comme un lien de plus qui
m'attache à vous. Il était si rare que nous nous vissions sans
qu'il fût en tiers dans nos entrevues ! Ou sa personne même était
présente, ou nous parlions de lui.
Adieu, je vous embrasse
de cœur. »
(Albert Stapfer à J.-J. Ampère, Paris, 4 juin 1830. In André-Marie Ampère et Jean-Jacques Ampère. Correspondance et souvenirs. Paris, J. Hetzel et Cie, 1875, t. II, p. 22-24)
« Un des premiers de
cette nouvelle génération qui ait porté sur lui-même des mains
violentes, ce fut M. Sautelet, le jeune libraire qui avait assisté à
la double naissance de deux grandes feuilles entourées d'estime et
d'adhésions unanimes, la Gazette des Tribunaux et le
National. M. Sautelet, par son esprit net et vif ; par la
grâce et l'éloquence de sa parole, par sa jeunesse, par les amitiés
qui l'entouraient, par le charme d'un noble cœur,
était réservé à un grand avenir. Il avait pour associé M.
Paulin, un homme excellent, dévoué, d'un rare mérite, d'une
intelligence éprouvée, et qui l'aimait comme on aime son propre
frère ; il avait pour ami intime Armand Carrel ; Carrel a écrit
l'oraison funèbre de Sautelet en quelques pages stoïques,
intitulées : De la mort volontaire. Ainsi, pour Sautelet, il
n'y avait que des promesses heureuses ; son nom sur un livre était
une garantie, et déjà il avait obtenu deux ou trois de ces rares
succès dans la vie d'un libraire qui suffiraient à toute une
fortune. Il était l'éditeur des Mémoire de M. le duc de
Saint-Simon, que la censure impériale avait mutilés et réduits
de moitié, que MM. Sautelet et Paulin publiaient in extenso,
pour la première fois, dans une édition excellente, et dont les
exemplaires, très-recherchés de ceux qui aiment les bons livres,
ont doublé de prix aujourd'hui. Avec les Mémoires de Saint-Simon
et la Physiologie du goût, autre publication de M. Sautelet,
un de ces livres qui ont leur place, une maison de
librairie serait riche à tout jamais : par quel accident, par quelle
méprise a-t-on vu ce jeune homme attenter à sa vie, à l'instant
même où ses amis allaient triompher de cette monarchie qu'ils
avaient vouée à l'exil ? La mort de Sautelet fut un événement
dans tout Paris, elle fut un deuil pour beaucoup de gens,
malheureusement elle fut un exemple pour plusieurs qui, certes,
n'étaient pas des héros, et qui ne demandaient pas mieux que de
vivre, en attendant la fortune et la gloire. »
(Jules Janin. Histoire
de la littérature dramatique. Paris, Michel Lévy frères, 1855,
t. I, p. 63-64)
Saisie des presses du National 27 juillet 1830 |