La famille Turgot,
transplantée de Bretagne, est une des plus anciennes de la Normandie
et porte pour armes « D'hermines, fretté de gueules de 10 pièces
».
En 1445, le fief des
Tourailles [Athis-Val-de-Rouvre, Orne] entra dans la famille, par le
mariage de Philippine Bertrand avec Jean Turgot, seigneur de La
Bionnière [Tinchebray-Bocage, Orne], arrière-grand-père de Louis
Turgot († 1589). Louis
Turgot eut deux fils qui formèrent deux branches distinctes :
l'aîné, Jean Turgot (†
1608), continua celle des Tourailles ; le second, Antoine Turgot (†
1616), fonda celle de Saint-Clair [Ménil-Gondouin, Orne].
Le fils de ce dernier,
Jacques Turgot († 23 mai
1659), seigneur de Saint-Clair et de Soumont [Soumont-Saint-Quentin,
Calvados], fut le premier qui s'établit à Paris, en 1619, maître
des requêtes aux Conseils du Roi ; il fut inhumé en l'église des
Incurables [chapelle de l'hôpital Laënnec, 42 rue de Sèvres,
VIIe]. Ses deux fils formèrent deux branches : Antoine
Turgot († 15 février
1713), qui fut inhumé en l'église des Incurables, celle des Turgot
de Saint-Clair ; Dominique Turgot (†
12 septembre 1670), qui fut inhumé au couvent des Petits-Augustins
[École nationale
supérieure des Beaux-Arts, 14 rue Bonaparte, VIe], celle
des Turgot de Soumont.
Sous l'Ancien Régime, on
ne connaît que trois catalogues de ventes de bibliothèques ayant
appartenu à des membres de la famille Turgot. Chronologiquement :
1. Bibliotheca
Turgotiana : seu Catalogus librorum bibliothecæ
ill. et rev. D. D. Dominici-Barnabæ
Turgot de Saint-Clair, epicopi [sic]
Sagiensis (Paris,
Gabriel Martin, 1730, in-12, [1]-[1 bl.]-[2]-296 p., 3.904 lots).
2. Catalogue
des livres de la bibliothèque de M.*** (Paris, Piget, 1744,
in-8, [1]-[1 bl.]-xi-[1]-514 p., 5.552 lots).
3. Catalogue
des livres de la bibliothèque de feu M. Turgot, ministre
d'État (Paris,
Barrois l'aîné, 1782, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-148 p., 3.058 lots).
Le
premier est celui de Dominique-Barnabé Turgot (1667-1727), évêque
de Séez [Orne] ; le deuxième est anonyme ; le troisième est celui
d'Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), contrôleur général des
Finances du roi Louis XVI.
Dès
1746, le libraire Gabriel Martin révéla que le catalogue anonyme
était celui de « M. Turgot » (Catalogue
des livres de feu M. l'abbé d'Orléans de Rothelin.
Paris, Gabriel Martin, 1746, p. 554, n° 4.885). En 1754, le même
libraire précisa « Turgot de S. Clair » (Catalogue des
livres provenans de la bibliothéque de feu M. De Boze. Paris, G.
Martin, 1754, p. 157, n° 1.203)
: cette précision fut reprise l'année suivante par son confrère
Marie-Jacques Barrois (Catalogue
des livres de la bibliothèque de M. Secousse. Paris,
Barrois, 1755, p. 422, n° 7.442). Il ne pouvait s'agir que de
Marc-Antoine Turgot (1668-1748), seigneur de Saint-Clair, ancien
maître des Requêtes sous le roi Louis XV.
En 1767, le libraire
Guillaume-François De Bure, dit « le jeune », fut le premier à
identifier « M. Turgot » avec le prévôt des Marchands de Paris
(Catalogue des livres provenans de la bibliotheque de M. L. D. D.
L. V. [M. Le Duc De La
Vallière]. Paris,1767, t. II, p. 260, n° 5.350)
; ce qu'il confirma deux ans plus tard, à propos d'un exemplaire «
avec les prix à l'amiable, mis en marge », prouvant que la
bibliothèque n'avait pas été vendue « en bloc », mais aux
enchères (Supplément
à la Bibliographie instructive,
ou Catalogue des
livres du cabinet de feu M. Louis Jean Gaignat. Paris,
1769, t. II, p. 227, n° 3.462). L'abbé R. Duclos confirma
l'information donnée par De Bure (Dictionnaire
bibliographique,
historique et
critique des livres rares. Paris,
Cailleau et fils, 1790, t. I, p. xxiij). Il ne pouvait s'agir que de
Michel-Étienne Turgot (1690-1751), marquis de Soumont, ancien prévôt
des Marchands de Paris sous le roi Louis XV.
Dans son Dictionnaire
des ouvrages anonymes et pseudonymes (Paris, Barrois l'aîné,
1822, 2e éd., t. I, p. 154, n° 2.045), le bibliographe
Antoine-Alexandre Barbier reprit l'indication de Gabriel Martin, sans
citer sa source, et affirma que ce catalogue « renferme environ dix
mille volumes. L'ordre y est peu exact, et les titres y sont la
plupart tronqués et mal énoncés. Il pullule d'ailleurs de fautes
d'impression. On n'y dit point qui est le curieux qui a ramassé avec
tant de soin, durant trente ans, cette si précieuse
bibliothéque [sic]. C'est M. Turgot de Saint-Clair, ancien maître
des requêtes, qui l'a vendue, de son vivant même, 28,000 francs. »
Une note du Bulletin
du bibliophile (Paris, J.
Techener, 1853, septembre et octobre, p. 470) a rendu la propriété
de ce catalogue anonyme au prévôt des Marchands de Paris :
« TURGOT,
le père du ministre de Louis XVI, fut un bibliophile qui avoit réuni
une collection fort curieuse et fort nombreuse, puisque le catalogue,
mis au jour en 1744, présente 5,552 articles. Les livres relatifs
aux troubles de la Ligue, les facéties y sont en grand nombre ; nous
avons remarqué un volume qui se rattache aux imitations ou
continuations de Rabelais, et dont les bibliographes n'ont pas fait
mention, ce nous semble : Nouvelles récréatives plaisantes,
curieuses et admirables, d'un renommé vieil homme nommé
Panurge, et du voyage que fist son âme en l'autre monde,
pendant le rajeunissement de son corps, Toulouse, 1616. Turgot
avoit des livres italiens nombreux et bien choisis ; il étoit riche
en auteurs hétérodoxes qui se payoient alors fort cher, et qui sont
aujourd'hui à bas prix. On a, en fait de hardiesses irréligieuses,
bien mieux ou bien pis qu'Ochin, Parisot, Postel, etc. » [sic]
Cette correction n'a pas
attiré l'attention des bibliographes Ferdinand Denis, Pierre Pinçon
et Guillaume-François de Martonne, qui ont recopié le commentaire
de Barbier (Nouveau Manuel de bibliographie. Paris, Roret,
1857, t. III, p. 640).
L'information fournie par
Martin, et reprise par Barbier, a réussi à convaincre jusqu'aux
historiens du XXe
siècle finissant, sur la foi d'une note manuscrite, à l'encre,
figurant sur la page de titre d'un exemplaire de ce catalogue anonyme
[Institut de France, 8° AA 2001], qui a appartenu à Antoine Moriau
(1699-1759), procureur du Roi et de la Ville de Paris sous le roi
Louis XV (http://elec.enc.sorbonne.fr/cataloguevente/notice406.php).
Mais l'exemplaire de
Pierre Adamoli (1707-1769), maître des ports, ponts et passages de
la Ville de Lyon, qui porte son second ex-libris daté de 1733,
présente, sur la page de titre, une mention manuscrite
contemporaine, à l'encre : « Turgot prevot des marchds de paris » [B. m. Lyon, 809598].
Plan de Paris (1739) |
La vente de la
bibliothèque de « M*** » [Turgot] débuta le 12 janvier 1744, dans
une des salles du Couvent des Grands-Augustins [quai des
Grands-Augustins, VIe, détruit en 1797], louée pour
l'occasion par Pierre Piget (†
25 novembre 1747), libraire depuis le 24 avril 1723, quai des
Augustins, à Saint-Jacques. Le catalogue comprend : théologie [746
lots = 13,43 %], jurisprudence [228 lots = 4,10 %], sciences et arts
[646 lots = 11,63 %], belles-lettres [1.748 lots = 31,48 %], histoire
[2.016 lots = 36,31 %], recueils de pièces [129 lots = 2,32 %],
collection ad usum Delphini [39 lots = 0,70 %].
« La Bibliotheque dont
je donne le Catalogue, est une des plus belles & des plus
singulieres qui se soit vendue depuis longtems, c'est le fruit de 30.
années de loisir employés par un Amateur, homme de goût, qui n'a
négligé ni soins ni dépense dans la Collection qu'il a faite
d'environ 10000. Volumes rares & choisis.
Cette Bibliotheque est
composée de Livres sur toutes matieres ; & il n'y a point de
classes ou facultés dans laquelle l'on ne trouve, non seulement ce
qu'il y a d'utile & de nécessaire, mais encore la plus grande
partie de ce que l'on connoît comme rare & singulier.
L'on trouve dans la
Théologie Missa Latina FLACCI ILLIRICI.
WICLEFI dialogi. SERVETUS
de Trinitate. Toutes les Œuvres
de BERNARD OCHIN, de
GUILLAUME POSTEL, de SIMON
MORIN, de JULES-CESAR
VANINI, de JEAN BODIN,
de TOLAND, & autres.
Dans les Sciences &
Arts, GOMETII PEREIRÆ
Antoniana Margarita & ejusdem Medecina nova, Arte de
los Metales por ALLONZO BARBA,
Antiquas Minas de Espana por ALLONZO
CARRILLO LASSO. BACCIUS
de Vinis. Hortus Eystetensis. GODEFRIDI
BIDLOO Anatomia. Le Machine di RAMELLI,
&c.
Les Belles-Lettres
Latines & Françoises y sont très-riches ; l'on y trouve aussi
tout ce que le siécle d'or de la Langue Italienne a produit. Il
seroit trop long de donner le détail des Livres rares qui se
trouvent en cette partie.
L'Histoire est
très-nombreuse, & n'offre pas moins de curiosités que les
Belles-Lettres. En Histoire Ecclésiastique l'on trouve, li
Fioretti di sancto Francisco Assimilativa à la Vita del J. C. 1496.
in 4°. BARTH. PISIS Liber
conformitatum 1513. &c. En Histoire d'Italie, les
premieres & belles Editions de l'Histoire d'Italie de
FRANÇOIS
GUICCIARDIN,
de l'Histoire de Milan, de BERN.
CORIO,
l'Histoire de Naple de GIANONE,
&c.
En Histoire de France, la premiere Edition de MEZERAY
en 3.
vol. in
fol. grand papier.
Toutes les Pieces Historiques & Satyriques qui ont paru pendant
les troubles arrivés en ce Royaume sous les Régnes de CHARLES
IX. HENRI
III. & HENRI
IV. Une très-belle suite des Histoires de nos Provinces, &c.
En Histoire Etrangeres, HENNINGES
Theatrum Genealogicum &
autres. En Medailles, Dialogos
dellas Medallas antiquas por
ANTONIO
AGOSTINO.
Enfin,
une suite complette des Auteurs In
usum serenissimi Delphini,
& une Collection des Auteurs imprimés par les ELSEVIERS,
reliés en Maroquin. » [sic] (« Avertissement », p. i-ii)
Le prévôt des Marchands
de Paris, Michel-Étienne
Turgot, était à la vente du comte d'Hoym, qui eut lieu dans une
salle de l'hôtel de Longueville [rue Saint-Thomas-du-Louvre, Ier,
détruit en 1832], du 12 mai au 2 août 1738 :
le fameux livre de
Bernardino Ochino intitulé Apologi nelli quali siscuoprano li
abusi (S. l. [Genève], s. n. [Jean Girard], 1554, in-8),
maroquin bleu, n° 602, page 66 du catalogue, lui fut adjugé 120
livres (Bulletin du bibliophile. Paris, Techener, septembre
1838, p. 314).
On retrouve ce même
exemplaire dans le Catalogue des livres de la bibliothèque de
M.***, sous le n° 632, page 56 [vendu 50 liv.] : ce catalogue
est donc bien celui de la vente de la bibliothèque du prévôt des
Marchands.
Michel-Etienne Turgot, par Van Loo (1739) |
Michel-Étienne
Turgot, marquis de Soumont, seigneur de Saint-Germain-sur-Eaulne
[Seine-Maritime], naquit à Paris, le 9 juin 1690, de Jacques-Étienne
Turgot (1670-1722), intendant de Metz et de Tours, inhumé en
l'église Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe], et de
Marie-Claude Le Pelletier. Reçu avocat, il devint conseiller au
Parlement de Paris le 31 juillet 1711, président en la seconde
Chambre des Requêtes du Palais le 25 janvier 1717. Il fut élu
prévôt des Marchands de Paris le 14 juillet 1729.
Il s'occupa alors sans
relâche de l'assainissement et de l'embellissement de la capitale.
Le grand égout général de Paris, qui n'était formé que par une
tranchée, fut commencé en pierre en 1737, dans un nouveau terrain,
depuis la rue du Calvaire [rue des Filles-du-Calvaire, IIIe],
au Marais, jusqu'à la rivière près Chaillot [XVIe],
ainsi que ses embranchements, les pompes et le réservoir pour laver
cet égout, qui a été achevé en 1740 :
« L'ancien égout
général de Paris commençoit au bout de la rue du Calvaire au
Marais, & se continuoit en traversant les fauxbourgs du Temple,
de Saint-Martin, de Saint-Denis, de la Nouvelle-France, de
Montmartre, des Porcherons, de la Ville-l'Evêque, du Roule, les
Champs-Elisées, & le bas de Chaillot, jusqu'à la rivière. Cet
égout n'étoit formé que par une tranchée fouillée dans des
marais, sans aucune maçonnerie ni pavé, ce qui avoit beaucoup
contribué à son encombrement, à lui faire perdre sa pente, &
faire regonfler les eaux dans Paris ; de maniere qu'en 1715, la Ville
fut obligée de détourner les eaux des égouts de la vieille rue du
Temple, qui rentroient plutôt qu'elles ne sortoient. On pratiqua une
ouverture dans le fossé, qui va depuis la rue du Calvaire, jusqu'à
la rivière, près le bastion de l'Arsenal. Ce remede occasionnoit un
grand mal, qui arrivoit par les grandes averses, lesquelles, en
fournissant des eaux en abondance, entrainoient avec elles dans la
rivière, des immondices capables de fournir une eau malsaine dans
les pompes du pont Notre-Dame. Ce fut pour remédier à tous ces
inconvéniens, qu'en 1737, la Ville prit la résolution non-seulement
de reconstruire ce grand égout général dans toute sa longueur,
mais encore de faire construire un réservoir, dans lequel on
garderoit de l'eau pour rincer cet égout. » [sic]
(Hurtaut et Magny.
Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs.
Paris, Moutard, 1779, t. II, p. 725-726)
Il y avait longtemps que
le quai des Morfondus [quai de l'Horloge, Ier], entre le
Pont-Neuf et le Pont-au-Change, ainsi nommé à cause de son
exposition au vent du Nord qui morfondait les passants, était trop
étroit, ce qui causait tous les jours des embarras incommodes et
dangereux :
« M. Turgot,
Conseiller d'Etat & Prévôt des Marchands de la Ville de Paris,
voulant remédier en 1738, à une partie de ces incommodités, fit
élargir le quai des Morfondus, au moyen de deux angles saillans,
qu'on a formés, l'un au bout du Pont-au-Change, vis-à-vis la tour
de l'horloge du Palais, & l'autre au Pont-Neuf, presque
vis-à-vis la statue équestre d'Henri-le-Grand. Pour cet effet, la
Ville a acheté quatre maisons qui étoient les quatre dernières du
Pont-au-Change, dont trois appartenoient à des Particuliers, &
la quatrième au Grand-Prieuré de France, & les ayant fait
abattre, a formé en cet endroit une petite place, où commence un
trottoir en saillie, qui règne le long du parapet du quai des
Morfondus, & se termine au Pont-Neuf. » [sic]
(Hurtaut et Magny.
Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs.
Paris, Moutard, 1779, t. IV, p. 91)
La fontaine de Grenelle. Dessin de Gabriel Davioud Le Magasin pittoresque (Paris, 1852, p. 252) |
De 1739 à 1745, sur les
dessins et sous la conduite du sculpteur Edme Bouchardon (1698-1762),
il fit construire, en pierre d'Herblay [Val-d'Oise], dite « pierre
de Conflans », la fontaine de Grenelle [57-59 rue de Grenelle,
VIIe], dite « des Quatre-Saisons », destinée à
procurer de l'eau pour le quartier mais aussi à être un monument
commémoratif en l'honneur de Louis XV. Le groupe du milieu,
représentant la Ville de Paris, la Seine et la Marne, est en marbre
blanc ; les quatre génies des saisons, dans les niches latérales,
sont en pierre de Tonnerre [Yonne]. L'eau dont elle s'alimentait
provenait du village de Rungis [Val-de-Marne], et y était amenée
par l'aqueduc d'Arcueil. La fontaine de Grenelle est ce qu'on appelle
un château d'eau, comme la plupart des autres fontaines de Paris
élevées sous Louis XIV, c'est-à-dire une construction destinée à
contenir un réservoir et dont l'élévation est subordonnée au
niveau supérieur de l'eau qui y est amenée. Les véritables
fontaines, c'est-à-dire celles dont l'eau jaillissante forme le
principal ornement ne furent introduites, en France, dans l'intérieur
des villes, qu'à dater de l'Empire, et par imitation de celles
d'Italie ; auparavant, on n'en élevait que dans les parcs et les
jardins.
Pour promouvoir les
beautés de la capitale, Turgot avait entrepris en 1734 de faire
dresser un Plan de Paris, en vue cavalière ou à vol
d'oiseau, improprement appelé « Plan de Turgot ». Il fut dessiné
au 1/400 [1 cm. = 4 m.], pendant deux ans, par Louis Bretez, membre
de l'Académie de Saint-Luc et auteur d'un traité consacré à La
Perspective practique de l'architecture (Paris, Auteur et Pierre
Miquelin, 1706, in-fol.). Au final, 20 planches furent gravées, par
Antoine Coquart pour les 6 premières, puis par Claude Lucas
(1685-1765) ; une 21e planche, en tête et qui est un plan
général au simple trait, porte un avertissement :
« Le Plan en Perspéctive
de la Ville de Paris, gravé en Vingt Planches, se trouvant,
lorsqu'elles sont rassemblées, d'une trop grande étendue pour être
aisement conservé dans les Biblioteques, et ces Vingt Planches
pouvant être reliées en Volume ; On a cru devoir, pour en faciliter
l'Usage faire graver cette Vingt et unieme Planche dans laquelle ce
Plan est reduit en petit suivant le même trait de la Perspéctive
qu'on a observée dans le grand.
Ce Plan reduit, est
divisé par des lignes, qui forment Vingt carrés égaux, dont
chaqu'un renferme l'éspace juste et les différentes parties de la
Planche laquelle il a raport.
Le Chiffre qui se trouve
dans un des Coins de chaque Carré du Plan reduit, indique la Planche
qu'il represte, Où l'on trouvera le même Chiffre. »
[sic]
L'achevé de graver date
de 1739. Pierre Thévenard, imprimeur en taille-douce, rue
Saint-Jacques, livra 2.600 exemplaires. Chaque planche mesure 50 x
79 cm. [plusieurs n'ont que 48 cm. de hauteur], y compris la bordure
large de 32 mm. Réunies, les 20 planches forment 5 rangs et
constituent un rectangle d'environ 2,50 x 3,16 m. Louis Bretez
dérogea à l'usage généralement admis d'orienter les cartes vers
le Nord, parce que, voulant donner de Paris une image en élévation,
il dut, à l'exemple des anciens géographes, préférer un système
qui permit de voir de face les portails de nos anciennes églises
qui, pour la plupart, avaient leur façade tournée vers l'occident :
le Nord-Ouest est au bas du plan. Ce plan est parfois assemblé et
collé sur toile. Les 21 cuivres gravés du plan sont conservés à
la Chalcographie du Louvre.
Le titre gravé se trouve
au bas des planches 18 et 19, moitié sur l'une, moitié sur l'autre,
au milieu d'un cartouche de forme très contournée, entouré de
volutes et surmonté de la figure allégorique de la Ville de Paris
appuyée sur son blason.
Ce plan forme le plus
souvent un atlas grand in-folio ; chaque planche, tirée sur un
papier très fort, est pliée en deux et collée sur onglet. La
plupart des exemplaires furent reliés avec plus ou moins de luxe
pour être distribués gratuitement à tous les personnages éminents
; toutes les reliures, en mouton ou en maroquin du Levant, sont
ornées au centre des armes de Paris, et, dans les coins, des mêmes
armes ou de grosses fleurs de lis ; le filet se compose de lignes de
fleurs de lis. Il y a des exemplaires tirés sur grandes marges.
C'est à Turgot que
revint l'idée de créer une bibliothèque publique ; ce projet ne se
réalisa que grâce à Antoine Moriau, procureur du Roi et de la
Ville, qui, à la veille de sa mort, légua ses collections à la
Ville de Paris, à charge pour celle-ci d'en faire une bibliothèque
publique, qui ouvrit officiellement ses portes au public le 13 avril
1763.
Ses soins pour la santé
et les intérêts des classes pauvres ; le zèle et l'activité qu'il
déploya pour les approvisionnements de la capitale pendant les
années de disette ; le dévouement intrépide qu'il montra un jour,
en se jetant seul au milieu des grenadiers des Gardes-Françaises et
des Gardes-Suisses qui, par suite des animosités fréquentes entre
les corps militaires n'appartenant pas à la même nation,
s'égorgeaient sur le quai de l'École
[quai du Louvre, Ier], désarmant un des plus furieux, les
contenant, les arrêtant tous et faisant cesser le carnage : tels
furent les titres qui engagèrent Louis XV à continuer Turgot dans
ses fonctions de Prévôt des marchands jusqu'au 16 août 1740, soit
au total pendant onze années, terme qui n'avait été atteint par
aucun de ses prédécesseurs.
Turgot obtint l'érection
de la seigneurie de Soumont, unie aux terres de Bons [Bons-Tassilly,
Calvados], Ussy [Calvados], Potigny [Calvados], Saint-Quentin
[Soumont-Saint-Quentin, Calvados], Brucourt [Calvados] et Périers
[Périers-sur-le-Dan, Calvados], en marquisat, par lettres de 1735,
registrées au Parlement de Rouen en 1736. Il fut fait conseiller
d'État le 29 avril 1737
et nommé pour remplir les fonctions de premier président du
Grand-Conseil pendant l'année 1741. Honoraire de l'Académie royale
des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris en 1743, il devint
conseiller d'État
ordinaire au mois de novembre 1744.
Château de Bons In Arcisse de Caumont. Statistique monumentale du Calvados (Paris, Derache, 1850, t. II, p. 510) |
En Normandie, la
résidence de Turgot est au château de Bons, construit en 1644.
Hôtel Turgot, rue Portefoin, en 1901 [photo. Eugène Atget] |
À
Paris, Turgot habita l'hôtel qu'avait acheté son grand-père, 12
rue Portefoin [IIIe, détruit].
Restes du château Bleu (1868) |
Il mourut dans son
château des Tournelles [détruit en 1817], dit le « château Bleu
», en raison de son toit d'ardoise qui se distingue des toits de
tuiles ou de chaume, à Tremblay-en-France [Seine-Saint-Denis], le
1er février 1751, âgé de 60 ans 7 mois 22 jours,
emporté par une attaque de goutte, maladie de famille.
Il fut inhumé
dans l'église des Incurables.
Il avait épousé, le 25
novembre 1718, Madeleine-Françoise Martineau, fille de
Pierre-Guillaume Martineau, seigneur de Bretignolles, et d'Angélique
de Montaut. Elle mourut en son château de Tremblay-en-France, le 28
novembre 1764, à l'âge de 67 ans, et fut inhumée dans l'église
Saint-Médard. Le couple Turgot avait eu quatre enfants :
Michel-Jacques, le 21 août 1719 ; Étienne-François,
le 16 juin 1721 ; Anne-Robert-Jacques, le 10 mai 1727 ;
Françoise-Hélène-Étiennette,
le 20 septembre 1729.