vendredi 24 décembre 2021
mercredi 22 décembre 2021
Albert Besombes (1871-1936), libraire-antiquaire
La reproduction des articles est autorisée à condition d'en citer l'origine.
Entraygues-sur-Truyère |
Guillaume-Charles-Albert
Besombes est né le 2 septembre 1871 à Entraygues [Aveyron], au confluent du Lot
et de la Truyère, dans la maison de ses parents, située sur le Tour de Ville,
ancienne Grande Rue, qui traverse le village. Ses ancêtres étaient venus au XVIIIe siècle
du hameau de La Bessière, sur la commune de La Capelle-Neuvéglise
[Florentin-la-Capelle, Aveyron], à une vingtaine de kilomètres à l’est.
Son père, Alexis-Romain
Besombes, marchand, né le 29 octobre 1843 à Entraygues, y avait épousé, le 2
avril 1868, Marie-Ernestine Randon, née à La Couvertoirade [Aveyron] le 28
avril 1842, fille de Ferdinand Randon, cultivateur, et de Catherine Bonnafé ;
il était mort prématurément le 14 octobre 1872, peu avant son 29e
anniversaire, dans la maison de Castaillac, forgeron.
Son grand-père, Guillaume-André
Besombes, cultivateur avant de devenir marchand épicier, était né à Entraygues
le 13 septembre 1809 et y avait épousé, le 24 novembre 1834, Marguerite-Éliza
Avalon, née le 21 décembre 1813 à Entraygues, où elle mourut, rue Droite, le 3
avril 1852.
Son bisaïeul, André Besombes,
serrurier puis cultivateur, naquit à Entraygues le 22 avril 1765 et y mourut le
9 mars 1845 ; il y épousa, le 8 thermidor An IV [26 juillet 1796],
Laurence Liris, qui y était née le 10 septembre 1773.
Son trisaïeul, Amans Besombes,
forgeron et maréchal-ferrant, avait épousé Antoinette Cassaignes, à Entraygues,
le 15 janvier 1758.
Son quadrisaïeul, Jean Besombes,
et son épouse, Marie Bes, étaient domiciliés à La Bessière.
Orphelin de père à peine entré dans sa deuxième année, Albert Besombes vécut chez sa mère, à Paris [XVIIIe], 20 boulevard de la Chapelle. Engagé volontaire pour trois ans dans l’armée en 1889, son signalement indique : cheveux et sourcils châtains, yeux marrons, front bas, nez mince, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, taille 1 m. 63.
18-20 rue des Martyrs en 1893 Photographie Archives de Paris |
Il débuta ensuite chez son oncle maternel, Jean-Baptiste-Jules Randon (1840-1918) : après avoir été placier libraire pendant douze ans, sans posséder alors de brevet de libraire, Randon s’était installé en 1876 au 16 rue des Martyrs [IXe], comme spécialiste des livres à figures des 16e, 17e et 18e siècles avec publication d’un catalogue mensuel.
Fréquentant assidûment l’hôtel
Drouot, Besombes suivit les grandes ventes de l’époque.
Le 10 novembre 1900, à
Levallois-Perret [Hauts-de-Seine], il épousa Marthe-Émilienne-Anna Trocmé, née
le 6 juillet 1880 à Nérondes [Cher], fille de Achille Trocmé, ancien employé
des contributions devenu négociant en vins, et de Anna Tenière.
Rue Le Peletier, vers la rue de Châteaudun, en 1925 Le n° 40 est sur le trottoir de droite Photographie BnF |
En 1907, Besombes s’installa à
son compte et ouvrit une librairie ancienne et moderne au 40 rue Le Peletier [IXe],
se rapprochant de l’hôtel Drouot, et publia des catalogues mensuels, spécialisés
plus particulièrement dans les livres d’architecture et les ouvrages sur
l’histoire de l’art.
Il présida à la dispersion de bibliothèques importantes et célèbres :
Edmond Foulc (1914), Léon Mey (1923), Eugène Langlard (1924), Joseph Galtier (1926),
duchesse Sforza (1933),
Charles-Louis Fière (1933), comte Adrien Deseilligny (1933),
Lucien Gougy (1934-1936).
Ce fut Besombes qui constitua pour les trois quarts l’incomparable bibliothèque d’art et d’archéologie réalisée par le couturier Jacques Doucet (1853-1929).
La collection Foulc avait
été vendue en 1911 au banquier John Pierpont Morgan (1837-1913) : jugée
insatisfaisante à son arrivée à New York, par son fils John Pierpont Morgan Jr (1867-1943)
et par sa bibliothécaire Belle da Costa Greene (1883-1950), elle fut renvoyée à
Paris, pour être vendue en 1914. Jacques Doucet saisit l’occasion de compléter
ses collections, parmi lesquelles se trouvait la série la plus complète de
1.276 planches de Jacques Androuet du Cerceau (1520-1586), avant d’en faire don
à ce qui est actuellement l’I.N.H.A. [Institut National d’Histoire de l’Art, Paris].
À la vente Langlard, la ville de
Saint-Dié [Vosges] a pu acquérir, pour 28.000 francs, la célèbre Cosmographiæ
Introductio, imprimée dans cette ville en 1507, où le nom
« America » est donné pour la première fois au nouveau continent.
Albert Besombes |
Libraire-expert près les Douanes françaises, membre du Cercle de la Librairie, membre fondateur du Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne en 1914, membre du Syndicat des Libraires de Paris, membre de la Société des Amis de la Bibliothèque d’art et d’archéologie de l’Université de Paris, membre de la Société pour l’étude de la gravure française, membre de la Société française de reproduction de manuscrits à peintures, chevalier de la Légion d’honneur en 1933, Albert Besombes mourut en son domicile, 52 boulevard Rochechouart [XVIIIe], le 29 mai 1936, sans enfant et sans successeur. Ses obsèques eurent lieu le mardi 2 juin en l’église Saint-Jean-l’Évangéliste, également appelée Saint-Jean-de-Montmartre, rue des Abbesses [XVIIIe],
Une
première partie de son fonds fut dispersée du jeudi 5 au samedi 7 novembre
1936, en 3 vacations, en l’hôtel des commissaires-priseurs, 9 rue Drouot, salle
n° 9 : Livres anciens et modernes provenant de la succession de M.
Albert Besombes, ancien libraire – Première partie. Classiques
grecs et latins. Auteurs français des XVIe et XVIIe
siècles.
Livres anciens à figures – Reliures
armoriées. Ouvrages divers, albums, almanachs et reliures du XIXe siècle (Paris, A. Blaizot & Fils, L.
Giraud-Badin, 1936, in-8, [5]-[1 bl.]-122-[2] p., 605 lots, portr.), avec
un « Avant-Propos », dont Livres des XVe et XVIe
siècles
[111 lots = 18,34 %], Livres du XVIIe siècle
[164 lots = 27,10 %], Livres du XVIIIe siècle
[115 lots = 19 %], Ouvrages, albums, almanachs et reliures du XIXe siècle
[215 lots = 35,53 %]. À la fin de la troisième vacation, fut vendu le mobilier
de la librairie, composé d’un bureau, de chaises, fauteuils, chevalets à
estampes, comptoirs, bibliothèques en acajou fermées et ouvertes, grandes
vitrines en cuivre, appareils d’éclairage, etc.
Photographie U.S. National Library of Medicine |
1. Johannes
Angelus. Astrolabium planū in tabulis Ascendens cōtinens qualibet hora atqz mīto.
Augsburg, Erhard Ratdolt, 1488, in-4 goth., fig. sur bois, ais de bois, dos et
demi-plats de veau brun, fermoir (Rel. anc.). 920 fr.
13. Pierre
Belon. Les Observations de plusieurs singularitez & choses mémorables,
trouvées en Grèce, Asie, Iudée, Egypte, Arabie, & autres pays estranges,
Rédigées en trois Livres, par Pierre Belon du Mans. Anvers, Imprimerie de
Christofle Plantin, 1555, pet. in-8, fig. sur bois, mar. vert jans., dent.
int., tr. dor. (Bauzonnet-Trautz). Au chiffre du comte de Lurde. De la
bibliothèque du baron de Ruble. Édition la plus rare de ce recueil.
23. P.
Boaistuau. Histoires prodigieuses, extraictes de plusieurs fameux autheurs,
Grecs & Latins, sacrez & prophanes, divisées en six Tomes. Paris, Veuve
Guillaume Cavellat, 1597-1598, 2 vol. in-16, fig. sur bois, veau marb., dos
ornés (Rel. anc.). Première édition collective.
49. Hubert
Goltz. Vivæ omnium fere imperatorum imagines […]. Per Hubertum Goltz
Wirtzburgensem pictorem. Antverp., 1557, in-fol., pl., veau brun (Rel. anc.).
Recherché pour les portraits des empereurs gravés sur bois et tirés en camaïeu.
72. Macrobe.
Macrobius Aurelius integer : nitidus : suoqz decori ab Ioanne Rivio
superioribus annis. [Paris], Venundatur ab ipso Iodoco Badio Ascensio, 1519 [à
la fin], in-fol., fig. sur bois, demi-rel. basane. On sait que c’est sur un
passage du « De Somnio Scipionis » [Songe de Scipion] que se fondait
Christophe Colomb pour affirmer l’existence d’un autre continent. Ce passage
est ici [Liber. II. Fo. XXII.] accompagné d’une carte reproduite d’après la
première édition de Venise en 1500.
Exemplaire Besombes et Girardot Photographie Université de Liège |
73. Augustin
Mainard. Missæ ac missalis anatomia. S. l., s. n., 1561, pet. in-8, réglé, mar.
r., fil., dos orné, tr. dor. (Derome). Exemplaire de Girardot de Préfond
[ex-libris].
Exemplaire Besombes Photographie Librairie Giard |
74. Clément
Marot. Les Œuvres de Clément Marot. De Cohors [sic] en Quercy, Valet de chambre
du Roy. Reveuës & augmentées de nouveau. Rouen, Thomas Mallard, 1596, 2
part. en 1 vol. in-12, car. ital., veau bleu foncé, fil. à froid, dent. int.,
tr. dor. (Binda). Édition peu commune. Marque du titre manque à Silvestre.
95. Jacques
de Strada. Épitome du thresor des antiquitez, C’est-à-dire, Pourtraits des
vrayes Medailles des E M P P. tant d’Orient que d’Occident. De l’estude de
Iaques de Strada Mantuan Antiquaire. Lyon, Jacques de Strada et Thomas Guérin,
1553, in-4, fig. sur bois, vélin à recouvrement (Rel. anc.).
110. J. de
Voragine. Legenda hec aurea nitidis excutitur formis claretqz plurimũ cēsoria
castigatione. Venundãtur Lugduni ab Jacobo Huguetano, 1507 [à la fin], pet.
in-fol. goth. à 2 col., demi-rel. mar. r. moderne. Édition de la Légende
dorée imprimée par Jean de Vingle. Marque de Huguetan.
115.
Apocalypsis insignium aliquot Hæresiarcharum. Lugduni-Batavorum, ex typographio
Henrici ab Haestens, 1608, pet. in-8, 17 portraits, mar. r. à long grain, fil.
à froid, doublé et gardes de tabis bleu, tr. dor. (Rel. début XIXe).
120. Agrippa
d’Aubigné. L’Histoire universelle du Sieur d’Aubigné. Maillé, Jean Moussat,
1616-1620, 3 vol. in-fol., veau fauve, fil., dos ornés, dent. int. (Rel. anc.).
Édition originale imprimée au château de Maillé, sous les yeux de l’auteur.
Rare, l’ouvrage ayant été condamné à être brûlé.
153. Cleophas
Distelmair. Icones sanctorum In singulos anni dies, cum Elogiis & indice
Chronologico. Augusta Vindelicorum [Augsbourg], Mauritius Mittnacht, 1610, pet.
in-8, titre gravé, 48 fig. [4 par mois, dont chacune contient 9 petits sujets],
mar. r. jans., dent. int., tr. dor. (David).
203. A.-W.
de Liancourt. Le Maistre d’Armes ou l’exercice de l’Espée seulle dans sa
perfection. Paris, chez l’auteur, s. d. [1686], pet. in-4 oblong, front.,
portr., 14 pl., mar. r., fil., dos orné, dent. int., tr. dor. (Chambolle-Duru).
Première édition rare.
243. Les
Ruses d’amour. Pour Rendre ses favoris Contens. Ville Franche, Joli le Franc,
1681, in-12, front., demi-rel. mar. La Vallière avec coins, dos orné, non rog.
(Vogel). Anonyme.
265. Topographie
françoise, ou Représentations de plusieurs Villes, Bourgs, Chasteaux, Plans,
Forteresses, Vestiges d’Antiquité, Maisons modernes et autres du royaume de
France. La pluspart sur les Desseings de deffunct Claude Chastillon, Ingénieur
du Roy. Paris, Louys Boissevin, 1655, in-fol., 143 pl. doubles, veau brun (Rel.
anc.). 3.400 fr.
306.
Anacréon, Sapho, Bion et Moschus, Traduction nouvelle en Prose. Paphos, et se
trouve à Paris, Le Boucher, 1773, in-8, front., 12 vignettes et 13
culs-de-lampe par Eisen, veau marb., fil., dos orné (Rel. anc.). Premier
tirage.
Photographie BnF |
319.
Beaumarchais. La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro. Palais-Royal, Ruault,
1785, in-8, fig., veau marb., dos orné (Rel. anc.). Édition originale.
353. Abbé
Chappe d’Auteroche. Voyage en Sibérie, fait par ordre du Roi en 1761. Paris,
Debure Père, 1768, 2 tomes en 3 vol. avec front. et 53 estampes, et 1 atlas
in-4 avec front. et 33 cartes, demi-rel. veau bleu, dos ornés, avec pièces
rouges, non rog. Grand papier.
386.
Drummond de Melfort. Traité sur la cavalerie. Paris, Guillaume Desprez, 1776, 1
vol. in-fol. de texte et 1 atlas de planches in-fol., veau marb., dos ornés.
420. C. A.
Boettiger. Sabine ou Matinée d’une Dame romaine à sa toilette, à la fin du
premier siècle de l’ère chrétienne. Paris, Maradan, 1813, 13 fig., veau fauve,
fil., dos orné, non rog. (Hering et Muller).
457. H.
Daumier. Les Cent et un Robert-Macaire composés et dessinés par M. H. Daumier.
Paris, Aubert et Cie, 1840, 2 vol. in-4, 101 lithographies
coloriées, demi-rel. chag. rouge, dos ornés, titre en long, tr. dor. (Rel.
époque).
463. Gaspard
Drouville. Voyage en Perse, fait en 1812 et 1813. Paris, Librairie nationale et
étrangère, 1825, seconde édition, 2 vol. in-8, 60 lith. coloriées, demi-rel.,
veau gris, dos ornés (Rel. époque).
Photographie BnF |
588. Émile Souvestre. Le Foyer breton. Traditions populaires. Paris, W. Coquebert, s. d. [1844], gr. in-8, portr., fig., mar. lilas, compart. de fil., fleurons dans les angles, dos orné, dent. int., tête dor., non rog., couv. conserv. (Engel). Premier tirage.
La deuxième partie de ses livres
fut mise en vente du 1er au 3 décembre 1936, en 3 vacations, en
l’hôtel des commissaires-priseurs, 9 rue Drouot, salle n° 10 : Livres
anciens et modernes provenant de la succession de M. Albert Besombes, ancien
libraire – Deuxième partie. Auteurs français, XVIIIe siècle – Livres
à figures. Reliures armoriées – Ouvrages sur Paris, le théâtre,
les modes et costumes – Les beaux-arts. Livres sur la Provence, l’Amérique,
l’Espagne, les colonies – Ouvrages de bibliographie (Paris,
A. Blaizot & Fils, L. Giraud-Badin, 1936, in-8, 146 p., 718 lots [chiffrés
606-1.323]).
En 1937, Maurice Chamonal (1900-1968) quitta la librairie de son père, 22 rue de Varenne [VIIe], pour le 40 rue Le Peletier. Marthe Trocmé décéda à Nice, le 11 mars 1962.
dimanche 12 décembre 2021
Léopold Carteret (1873-1948), dit « Papa Poum », libraire et éditeur d’art
La reproduction des articles est autorisée à condition d'en citer l'origine.
Suaucourt. Vue générale |
Léopold-Henri-Jean Carteret est né à Paris [IIe], 55 rue Réaumur, le 12 janvier 1873. Il descendait d’une famille originaire de Suaucourt [Haute-Saône, village fusionné en 1810 avec Pisseloup, puis rattaché en 1972 à La Roche-Morey], où elle était installée depuis le XVIe siècle : un Nicolas Carteret était curé en 1560, un Claude Carteret était échevin en 1657.
Germain-Ferdinand Carteret |
Son père, Germain-Ferdinand Carteret, né le 31 juillet 1835 à Charmes-la-Grande [Haute-Marne], rue du Moulin, et décédé le 26 février 1921 au 11 rue du Cap, à Créteil [Val-de-Marne], était valet de chambre et demeurait 18 rue Matignon [avenue depuis 1926, Paris VIIIe], quand il épousa, le 20 avril 1865, à Paris [IIe], Catherine Coillot, cuisinière, née le 8 février 1838 à Trouhans [Côte-d’Or].
Son arrière-grand-père, Antoine
Carteret, était charpentier à Joinville [Haute-Marne]. Né à Suaucourt le 18
mars 1768, il épousa, le 25 juin 1805, Anne-Louise Mouginot, à
Charmes-en-l’Angle, où elle est née le 12 décembre 1784.
Son trisaïeul, Georges Carteret,
né le 19 juin 1735 à Suaucourt et décédé le 10 brumaire An III [31 octobre 1794]
à Joinville, fut maître cordier à Ranzières [Meuse], où il épousa, le 11 mai
1762, une jeune veuve, Marie-Florence-Apolline Morizot.
Son quadrisaïeul, Jean Carteret,
laboureur, baptisé en l’église Saint-Didier de Suaucourt le 18 octobre 1700, y
a épousé, le 22 janvier 1729, Marguerite Bonnaventure.
Son quinquisaïeul, Jean
Carteret, dit « l’Aîne », a épousé à Suaucourt, le 29 novembre 1684,
Anne-Antoine Morel, et y est décédé le 9 mai 1710.
5 rue Drouot, Paris IX |
En 1887, alors âgé de 14 ans, Léopold Carteret entra comme commis à la librairie de Léon Conquet (1848-1897), 5 rue Drouot [IXe]. Il aimait fréquenter le musée du Louvre, et, plus tard, il visita tous les grands musées d’Europe : cette formation lui fut utile lorsqu’il eut à présider les sections françaises aux expositions du livre à l’étranger.
Le 17 décembre 1897, à 14
heures, Léopold Carteret déclara, à la mairie voisine du IXe arrondissement
de Paris, le décès de son ami Conquet, arrivé en son domicile, 4 rue Drouot, en
face de sa librairie. Malade depuis deux ans, paralysé et ne s’exprimant plus
qu’avec une difficulté extrême, il avait succombé à une hémorragie cérébrale,
âgé seulement de 49 ans. Le 20 décembre suivant, malgré la coïncidence de ses
obsèques avec celles d’Alphonse Daudet, une foule considérable envahit l’église
Notre-Dame-de-Lorette, avant de se retrouver à Versailles [Yvelines], où il fut
inhumé.
Léopold Carteret dans sa librairie, par Edmond Rudaux Dans Paul Lacroix. Ma république (1902) |
Carteret succéda à Conquet, bien décidé à continuer ses traditions glorieusement bibliophiliques.
« Par ce Catalogue illustré nous rappelons et nous offrons nos dernières publications. En outre, pour permettre à MM. les Bibliophiles et à MM. les Libraires de se faire une idée approximative du genre de nos publications illustrées par les artistes les plus réputés de notre temps, nous donnons, dans ce présent Catalogue, sous forme de Reproductions en Simili gravure, pour les principaux ouvrages, des spécimens des illustrations artistiques (gravures au burin, à l'eau-forte ou en couleurs) qu’ils renferment. Par contre, pour les livres à gravures sur bois, nous donnons un spécimen sur les bois mêmes.
De toutes nos publications il
est tiré des exemplaires en grand et petit papier, avec plusieurs états des
planches selon le genre de l’illustration. Le papier employé est généralement,
pour le vélin, celui des Papeteries du Marais et de Sainte-Marie qui
le fabriquent spécialement, fîligrané et à la cuve ; les autres papiers,
japon, chine, whatman ou hollande, sont toujours d’origine et de première
marque ; nos imprimeurs sont choisis parmi les premiers : c’est
actuellement, pour la typographie, la maison Lahure et pour la
taille-douce la maison Ch. Wittmann.
Nous disposons également
d’exemplaires reliés de nos publications non épuisées. – Ces reliures,
très soignées, sont de Canape, Carayon, Chambolle-Duru,
de Marius-Michel ou de Mercier (successeur de
Cuzin) pour les grands papiers en maroquin plein ; de Stroobants,
successeur de Champs, et de Carayon pour les petits papiers en
demi-maroquin à coins ou pour les cartonnages artistiques. »
(« Avis de
l’éditeur ». Dans Catalogue illustré de la Librairie L. Carteret, ancienne
Librairie L. Conquet. Éditions de Luxe. Paris, L. Carteret, s. d. [1909],
in-8, 77-[1 bl.] p., ill.)
Le 12 mai 1898, à Paris [VIIe], Carteret épousa Marie-Thérèse-Christine Chapperon, née le 7 décembre 1879 à Paris [XXe], d’une famille originaire de La Ravoire [Savoie].
Louise Debaets |
Divorcé le 18 mars 1911, Carteret épousa en secondes noces, le 19 octobre 1912, à Paris [VIIIe], Louise-Félicité Debaets, dite « Minnée », premier prix de violon du Conservatoire de Paris, élève de Georges Enesco (1881-1955), née le 29 juillet 1884 à Puteaux [Hauts-de-Seine] : sa mère, Thérèse-Marie-Eulalie Iwanoffska (1861-1955), repasseuse, dite « Miémiée » chez les Carteret, était la fille naturelle de Napoléon III et de la comtesse Nathalie-Marie-Thérèse Iwanoffska (° 1834), suivante de l’impératrice ; elle avait épousé, le 19 avril 1884, à Puteaux, Charles Debaets (1861-1905), employé.
Louise Debaets donna naissance à
six enfants :
Catherine-Suzanne-Renée, née le 3 août 1913 au 21 rue d’Aumale [IXe] ; dite « Le Sphinx », elle épousa, le 10 septembre 1937, à Cuzion [Indre], Maurice Sérullaz (1914-1997), conservateur au musée du Louvre, spécialiste de Delacroix ; divorcée, elle mourut le 12 février 2011 à Azérables [Creuse].
Geneviève-Marie-Victoire, née le
18 octobre 1916 au 21 rue d’Aumale ; dite « Yoyo », elle épousa,
le 15 novembre 1939, à Saint-Bris-des-Bois [Carteret possédait une résidence
d’été à Roumette, hameau de la commune de Saint-Bris-des-Bois, Charente-Maritime],
Raymond Sainflou (1918-1940), puis, à Paris [VIIe], le 9 mars 1950,
Jean-Henri Sauvanet ; elle décéda à Olivet [Loiret] le 14 février 2000.
Hélène-Renée, née le 20 mars
1919 au 21 rue d’Aumale ; dite
« Loulou », elle épousa, le 8 avril 1938, à Paris [VIIe],
Marcel Joly (° 1916), ingénieur.
Louise-Marie-Léopoldine, née le
20 novembre 1920 au 21 rue d’Aumale ; dite
« Pépée », elle épousa, le 29 juillet 1939, à Saint-Laurent-sur-Mer
[Calvados], Pierre Sainflou (1917-2006) ; elle mourut à Dreux
[Eure-et-Loir] le 10 décembre 1988.
Laurent-Ferdinand-Charles, né le
12 novembre 1923 au 21 rue d’Aumale ; dit « Nono », il eut une
fin tragique.
Jean-Marie-Marcel, né le 8 mai
1925 dans le VIIe arrondissement, eut également une fin tragique.
Léopold Carteret Photographie Librairie Auguste Blaizot |
Libraire de la Société des Amis des livres, Carteret fut l’éditeur de 175 ouvrages de luxe, illustrés par les meilleurs artistes de l’époque et à tirage limité :
Exemplaire de Carteret sur Japon, relié par A. Cuzin Aquarelle originale avec envoi (Catalogue 1949, n° 12) |
Théodore de Banville. Gringoire (1899, in-4, ill. par Jacques Wagrez, 250 ex.).
Photographie BnF |
Anatole France. Balthasar et la reine Balkis (1900, in-8, ill. par Henri Caruchet, 350 ex.).
Ernest Renan. Le Broyeur de lin (1901, in-8, ill. par Edmond Rudaux, 300 ex.).
Photographie BnF |
Théophile Gautier. Le Roman de la momie (1901, in-4, ill. par Alexandre Lunois, 250 ex.).
Honoré de Balzac. La Femme de trente ans (1902, in-8, ill. par Albert Robaudi, 300 ex.).
Photographie Bertrand Hugonnard-Roche |
Prosper Mérimée. Colomba (1904, in-4, ill. par Daniel Vierge, 300 ex.).
Alfred de Musset. On ne badine pas avec l’amour (1904, in-4, ill. par Louis Morin, 200 ex.).
Prosper Mérimée. Mateo Falcone (1906, in-4, ill. par Alexandre Lunois, 250 ex.).
Guy de Maupassant. La Petite Roque (1907, in-4, ill. par Alexandre Lunois, 50 ex.).
Guy de Maupassant. L’Héritage (1907, in-4, ill. par Maurice Eliot, 300 ex.).
Photographie BnF |
Honoré de Balzac. L’École des ménages (1907, in-4, portr. d’après Bertall, ill. par Albert Robaudi, 300 ex.).
Louis Schneider. Massenet (1908, in-4, ill. et documents inédits, 50 ex.).
Guy de Maupassant. Ce cochon de Morin (1909, in-8, ill. par Henriot, 325 ex.).
Honoré de Balzac. Une ténébreuse affaire (1909, in-4, ill. par François Schommer, 300 ex.).
Aristide Marie. Un imagier romantique. Célestin Nanteuil (1910, in-4, portr. et 80 reproductions, 300 ex.).
Photographie Pierre Brillard |
Mémoires de Madame Campan (1910, 2 vol. in-8, ill. par Adolphe Lalauze, 300 ex.).
Henry Murger. Scènes de la vie de bohème (1913, in-4, ill. par Albert Robaudi, 100 ex.).
Photographie Librairie Auguste Blaizot |
Edmond et Jules de Goncourt. À Venise…Rêve (1913, in-8, ill. par Louis Morin, 150 ex.).
Albert Sorel. Vieux habits, vieux galons (1913, in-4, ill. Maurice Leloir, 300 ex. dont 50 sur papier de Hollande à la forme pour la Société normande du Livre illustré).
Eugène Fromentin. Les Maîtres d’autrefois (1914, in-4, ill. par Henri Manesse, 200 ex.).
Photographie Librairie du Cardinal |
Albert Samain. Xanthis ou La Vitrine sentimentale (1917, in-8, ill. par Boizot, 145 ex.).
Photographie Librairie Pages Volantes |
Gabriel Faure. Chateaubriand et l’occitanienne (1920, in-12, 200 ex.).
Guy de Maupassant. Une vie (1920, in-4, ill. par Maurice Leloir, 300 ex.).
Anatole France. Le Crime de Sylvestre Bonnard (1921, in-8, ill. par Edmond Malassis, 400 ex.).
Voltaire. Candide (1922, in-4, ill. par Edmond Malassis, 175 ex.).
Pierre Loti. Ramuntcho (1922, in-4, ill. par Jacques Camoreyt, 200 ex.).
Brillat-Savarin. Physiologie du goût (1923, 2 vol. in-4, ill. par Louis Monzies, 375 ex.).
Anatole France. Les Dieux ont soif (1924, in-8, ill. par Jacques Camoreyt, 450 ex.).
Gustave Flaubert. Par les champs et par les grèves (1924, in-4, ill. par Henri Jourdain, 225 ex.).
Erckmann-Chatrian. Madame Thérèse (1925, in-8, ill. par William Julian-Damazy, 400 ex.).
Pierre Loti. Aziyadé (1925, in-4, ill. par William Fel, 250 ex.).
Photographie BnF |
Georges Rodenbach. Le Carillonneur (1926, in-4, ill. par Louis Titz, 280 ex., dont 80 ex. sur papier de Hollande pour la Société royale des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique).
Stéphane Mallarmé. Contes indiens (1927, in-4, ill. par Maurice Ray, 650 ex.).
Gustave Flaubert. Madame Bovary (1927, 2 vol. in-8, ill. par William Fel, 500 ex.).
Alexandre Dumas Fils. La Dame aux camélias (1929, in-4, ill. par Gavarni, 175 ex.).
Photographie Bertrand Hugonnard-Roche |
Pierre Louÿs. Aphrodite (1931, in-8, ill. par Maurice Ray, 200 ex.).
Eugène Fromentin. Dominique (1931, in-4, ill. par Henri Jourdain, 200 ex.).
Henri de Régnier. La Double Maîtresse (1939, in-8, ill. par François de Marliave, 200 ex.).
Paul Arène. La Mort de Pan (1945, in-fol., ill. par Armand Coussens, 200 ex.).
Il publia aussi L’Enfer de la Bibliothèque nationale. Revendication, par M. Alfred Bégis, de livres saisis à son domicile et déposés à la Bibliothèque impériale en 1866. Débats judiciaires (Paris, Imprimé pour les Amis des Livres, Librairie L. Conquet, L. Carteret & Cie, Succr, 1899, in-8, portr.) et Paul Lacroix. Ma république (1902, in-8, ill. par Edmond Rudaux).
Il publia encore, comme auteur : Souvenirs du passé (Paris, L. Carteret, 1923),
et Le Trésor du bibliophile. Livres illustrés modernes 1875 à 1945 et Souvenirs d'un demi-siècle de bibliophilie de 1887 à 1945 (Paris, L. Carteret, 1946-1948, 5 vol. in-8).
Carteret fut l’un des 29 libraires membres fondateurs du Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne [S. L. A. M.], le 23 juin 1914. Il devint président du Syndicat des Éditeurs de livres d’art et fut expert près la Cour d’appel de Paris. Il dirigea un grand nombre de ventes célèbres :
Paul Gavault, auteur dramatique (1913) ; Raoul Pugno, pianiste (1917) ; Joseph Guillou (1917) ; Théodore Révillon, membre de la Société des Amis des Livres (1924) ;
René Descamps-Scrive (1925) ; professeur Alfred Fournier et docteur Edmond Fournier (1926) ; Pierre Louÿs (1926) ; Léon Abrami, député du Pas-de-Calais (1926) ;
Henri Lenseigne, président de la Société Les XX (1930) ;
J. Le Roy (1931) ;
Photographie Bertrand Hugonnard-Roche |
Léon Schuck, membre des Sociétés Les Cent Bibliophiles, Les XX, Le Livre contemporain et Le Livre d’Art (1931) ; Jean Borderel, entrepreneur de travaux (1938) ; Valentin Paul Gros (1934) ;
Collection Ader |
Henri Beraldi (1934) ;
Gabriel Thomas, créateur du musée Grévin et du théâtre des Champs-Elysées (1936) ;
Aristide Marie, spécialiste de Gérard de Nerval (1938).
55 rue de Varenne (avril 2021) |
Officier de la Légion d’honneur, Léopold Carteret mourut le 10 décembre 1948 à Paris [VIIe], en son domicile du 55 rue de Varenne ; ses obsèques eurent lieu le lundi 13 décembre en la basilique Sainte-Clotilde ; il fut inhumé au cimetière du Montparnasse. Louise Debaets lui survécut jusqu’au 4 février 1975, à Jouy-le-Potier [Loiret], et fut inhumée au cimetière d’Olivet.
La bibliothèque de Carteret, dont la plupart des livres étaient dans de riches reliures, fut vendue à l’hôtel Drouot, salle n° 10, les 26 et 27 avril 1949 : Bibliothèque Léopold Carteret. Livres illustrés modernes (Paris, L. Giraud-Badin et Marc Loliée, 1949, in-8, 52-[2] p., 8 pl., 219 lots). Son ex-libris, imité de celui d’un bibliophile anglais homonyme et tiré sur maroquin de diverses couleurs, montre un écureuil doré grignotant un blason traversé de raies et ayant dans un coin une carte à jouer [« carte-raies »], avec la devise « Admirer pour produire ».
Chiffre gravé en couleur du papier à lettre de Léopold Carteret |
En 1952, Claude Coulet
(1927-2016) et André Faure (1909-2003) reprirent la librairie Carteret. En
1987, François Chamonal (1932-1995) transféra la librairie de son père, située
au 40 rue Le Peletier [IXe, ancienne librairie d’Albert Besombes (1871-1936)],
au 5 rue Drouot, où son fils Rodolphe lui succéda.