mardi 27 décembre 2016

Le Président de Rieux (1687-1745), nouveau riche et libertin



Le président de Rieux a souvent été présenté sous les traits d’un libertin, qui aurait mené une vie indécente, consacrée aux plus célèbres danseuses de l’Opéra :

« M. le comte de Clermont, prince du sang, abbé de Saint-Germain-des-Prés, avoit depuis sept à huit ans pour maîtresse mademoiselle Camargo, fameuse danseuse de l’Opéra, d’où elle étoit sortie ; elle faisoit sa résidence dans le château de Berny, terre de l’abbé de Saint-Germain, mais on n’en parloit plus.
M. le comte de Clermont a changé de maîtresse ; on dit même que la Camargo y a donné les mains pour sortir de l’esclavage où elle étoit. Ce prince a pris mademoiselle Le Duc, autre danseuse de l’Opéra, qui n’est pas jolie, mais bien faite, et il l’a enlevée au président de Rieux, fils du grand Samuel Bernard, et pour qui il a fait des dépenses considérables.
La Camargo, qui aime infiniment la danse, est rentrée à l’Opéra, peut-être aussi comme asile de protection. Le président de Rieux, pour se venger du tour qui lui avoit été fait, a déterminé avec de l’argent mademoiselle Camargo à l’écouter. Cela a fait du bruit dans Paris. Le président se ruine avec cette conduite, et il n’a que soixante mille livres de rentes substituées avec lesquelles il ne pouvoit plus vivre. On avoit parlé de l’obliger à se défaire de la charge de président des enquêtes, dont la conduite doit être plus grave et moins indécente ; mais cela est tombé, et il est en place. » [sic]
(Chronique de la Régence et du règne de Louis XV (1718-1763) ou Journal de Barbier (Paris, Charpentier, 1866, t. III, p. 341-342, « Avril 1742 »)

Marie-Anne de Cupis, dite "La Camargo", par Nicolas Lancret
Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg

« La Camargo a toujours été très-laide, & trente personnes se sont dérangées pour elle, moins parce qu’elle se disoit la niéce d’un Cardinal, que parce qu’elle avoit le talent de faire un entrechat. Le Président de Rieux, fils du fameux Samuel Bernard, qu’on a cru faussement Juif à cause de ces deux noms, avoit la manie d’être bien auprès de toutes les femmes qui faisoient du bruit, & vouloit voir de près la Danseuse ; il se fit annoncer chez elle par un écrin de soixante mille francs, & par une écuelle d’or remplie de doubles louis. Camargo sensible à un compliment aussi éloquent, reçut le grave Sénateur qui, aprenant le lendemain que la fille d’un chapelier étoit courue par un Prince, voulut l’avoir, & usa pour y réussir des moyens efficaces qu’il avoit employés auprès de la Camargo ; croiroit-on que ce superbe prodigue avoit l’impudence de dire qu’il ne savoit comment on pouvoit se ruiner ? L’insolent l’auroit apris si la petite vérole, qui s’étoit méprise, ne l’eût pas emporté ; je me rappelle à propos de cela qu’il mourut le même jour que l’Abbé Desfontaines, le fléau des Auteurs, aussi mal-honnête homme que le vil Fréron, mais plus éclairé & plus amusant que lui ; ce fut à l’occasion de ces deux morts que l’athée Boindin fit ces vers :
Desfontaines & Rieux ont fini leurs destins,
Riez Auteurs, pleurez Catins. » [sic]
(Almanach des gens d’esprit. Londres, Jean Nourse, 1763, p. 63-64)

Sans doute, le président de Rieux a mené l’existence facile des grands seigneurs de son temps, mais il était avant tout un lettré et un amateur d’art. Il tenait ses goûts artistiques de ses ancêtres. 


Son grand-père, Samuel [I] Bernard (1615-1687), 10 rue de l’Université [VIIe], avait acquis une assez grande renommée comme peintre et graveur et avait été professeur à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Son trisaïeul, Noël Bernard, avait été lui-même maître peintre au faubourg Saint-Germain [VIIe].

Arbre généalogique simplifié

Appartenant à la religion protestante et venus d’Amsterdam [Hollande], les Bernard s’étaient installés à Paris vers la fin du XVIe siècle. Samuel [I] Bernard s’était converti au catholicisme le 20 octobre 1685, dans l’église Saint-Sulpice [VIe], son fils Samuel [II] Bernard (1651-1739) le 17 décembre suivant, en l’église Saint-Michel de Saint-Denis [Seine-Saint-Denis]. Le nom patronymique des Bernard tendit à devenir un simple prénom ajouté aux titres qu’ils conquirent.

Le président de Rieux, Gabriel Bernard, est né à Paris, rue du Bourg-l’Abbé [IIIe], le 8 novembre 1687, second fils de Samuel [II] Bernard, marchand mercier, et de Madeleine Clergeau (1669-1716), sa première femme, fille d’une faiseuse de mouches de la rue Saint-Denis, qu’il avait épousée au début de l’année 1681.
Gabriel Bernard entra jeune dans la magistrature et fut reçu conseiller au Parlement de Paris le 31 août 1714.

Eglise Saint-Eustache

Il épousa, le 23 août 1717, en l’église Saint-Eustache, Bonne de Saint-Chamans (1690-1718), fille de François de Saint-Chamans et de Bonne de Chatellux, qu’il perdit le 9 novembre 1718, morte des suites de couches. Il avait reçu, à l’occasion de ce premier mariage, la seigneurie de Rieux [Rieux-Minervois, Aude], qui avait été attribuée à son père le 21 juin 1707, après confiscation de ce fief appartenant au comte de Mérinville endetté : il était devenu ainsi comte de Rieux, baron et seigneur de La Livinière [Hérault], Ferrals [Ferrals-les-Montagnes, Hérault], Fief-Madame [Peyriac-Minervois, Aude], Saint-Julia-de-Bec [Aude] et Azille[Aude].  


Il se remaria, le 29 mai 1719, à Boissy-Saint-Léger [Val-de-Marne], dans la chapelle du château de Grobois, acheté par son frère aîné Samuel-Jacques le 4 mars 1718, avec Suzanne-Marie-Henriette de Boulainvilliers (1696-1776), fille d’Henri de Boulainvilliers (1658-1722), le célèbre historien, et de Marie-Anne-Henriette Hurault († 1696). Son épouse lui apporta la seigneurie de Saint-Saire [Seine-Maritime].
Il devint, le 7 janvier 1727, président de la seconde chambre des enquêtes du Parlement, fonction qu’il remplit jusqu’à sa mort.

Samuel [II] Bernard, par Hyacinthe Rigaud

Son père, Samuel [II] Bernard, était devenu le plus grand banquier de l’Europe et avait déménagé dans une petite maison qu’il louait rue Mauconseil [Ier], avant d’acheter, le 16 juin 1714, une grande maison 7 place des Victoires [Ier], où il avait établi ses comptoirs de banque, 

Plan de Turgot



Les Messageries royales, 22 rue Notre-Dame-des-Victoires

et une autre 22 rue Notre-Dame-des-Victoires [IIe], qui resta la propriété de la famille jusqu’en 1785, quand elle fut vendue aux Messageries royales [détruit en 1809]. Il avait perdu Madeleine Clergeau le 17 novembre 1716, au cours d’une épidémie de variole, et s’était remarié le 12 août 1720, à Méry-sur-Oise [Val-d’Oise], avec Pauline-Félicité de Saint-Chamans (1695-1763), sœur cadette de l’épouse de son fils.

Le 17 août 1733, à Saint-Eustache, eut lieu le mariage de la fille du président de Rieux, Anne-Gabrielle-Henriette Bernard (1722-1736), avec Gaston-Charles-Pierre de Lévis (1699-1757), marquis de Mirepoix : 

In Mercure de France, septembre 1733, p. 2.108

la fête, qui dépassa en splendeur tout ce qu’on avait vu jusqu’alors, eut lieu la veille dans l’hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires.

Le 18 janvier 1739, le président de Rieux perdit son père, mort place des Victoires, qui laissait un avoir évalué à trente millions de livres, partagé entre ses trois enfants survivants. Outre de l’argent, ils reçurent : Samuel-Jacques, le comté de Coubert [Seine-et-Marne], acheté par son père en 1719 ; Gabriel, le château de Glisolles [Eure, détruit en 1741, reconstruit en 1753, détruit en 1940], acheté par son père en 1736, et les maisons des rue et place Notre-Dame-des-Victoires ; Bonne-Félicité, épouse du premier président Molé, des diamants. 

Méry-sur-Oise : le château et le clocher de l'église Saint-Denis

La veuve de Samuel [II] Bernard hérita d’une rente et préféra aller vivre à Méry-sur-Oise. Le comte de Mérinville obtint l’annulation de l’adjudication du comté de Rieux aux Bernard et rentra dans l’entière possession de son héritage.

Château de Passy, par  Charles-Léopold  Grevenbroeck, 1743
Musée Carnavalet

Le 18 mars 1739, le président de Rieux racheta le château de Passy, que son père avait offert, le 30 avril 1722, à sa maîtresse, Marie-Armande Carton (1684-1745), dite « Manon Dancourt », veuve de Jean-Louis-Guillaume de Fontaine (1666-1714), qui lui avait donné trois filles. Il passa dès lors la plus grande partie de sa vie dans cette résidence, une des plus belles des environs de Paris. Il y donna des fêtes magnifiques, où il reçut une société brillante, grands seigneurs, écrivains et artistes. Le château, détruit en 1826, était situé au niveau du 2 rue des Marronniers [XVIe] :

« Le château, comprenant deux corps de bâtiments coupés à angles droits, avait du côté d’Auteuil une façade longue de 48 mètres où se trouvaient un grand salon de compagnie, éclairé de cinq fenêtres, et deux autres pièces plus petites ; trois perrons de sept marches descendaient aux terrasses superposées, et le regard était conduit des parterres en gazon de la première terrasse, ornés de sculpture, aux bassins et aux vasques en marbre de la seconde, enfin aux bosquets géométriques et aux salons en verdure des derniers plans. L’autre aile du château donnait sur la Seine ; là, au rez-de-chaussée, se trouvait la salle à manger, longue pièce de 24 mètres, où sept fenêtres s’ouvraient de plain-pied sur les jardins. La vue s’étendait sur la rivière et ses bateaux à voiles, sur les berges occupées par le halage et enfin sur la route de Paris à Versailles toujours retentissante du perpétuel va-et-vient des carrosses, qui, la nuit, mettaient un cordon de lumière sur les chemins.
Un théâtre et une chapelle terminaient les deux ailes. […]
Une vaste cour grillée s’étendait devant le château. On apercevait à gauche une salle de marronniers ornée au centre d’un groupe de sculptures ; un portique de treillage entourait un bassin rond, un bosquet de tilleuls se découpait en arcades sur l’horizon : ainsi se terminait le parc dessiné par Le Nôtre.
En contre-bas d’une des terrasses étaient l’orangerie, les volières en filigrane d’or, des serres remplies de plantes et d’essences rares. Les jardins potagers, qu’il ne faut pas omettre, étaient en partie clos de murs. »
(E. de Clermont-Tonnerre. « Le Château de Passy » In La Revue hebdomadaire. Paris, Tome XI-Novembre 1912, p. 357-358)
 
Dans l’hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires était réunie une collection de 80 tableaux à l’huile et au pastel, des paysages, des scènes de genre, et surtout des portraits. Le président de Rieux s’intéressa à la peinture et se prit d’une grande admiration pour le pastelliste de Saint-Quentin [Aisne], qui avait exposé pour la première fois au Salon de 1737. 

Gabriel Bernard, président de Rieux, par Maurice-Quentin de La Tour

Son portrait, par Maurice-Quentin de La Tour (1704-1788), fut exposé au Salon de 1741. Jamais le peintre n’avait exécuté d’œuvres aussi grandes, jamais il n’en devait refaire de cette dimension : le pastel mesure, hors cadre, 210 x 151 cm.   

« Dans l’enfoncement qu’on trouve ensuite est placé au grand Pastel qui est le Portrait en pié de M. le President de Rieux dans son Cabinet. Il est assis dans un Fauteuil de Velours Cramoisi, adossé à un Paravant, & ayant sur sa droite une Table couverte d’un Tapis de Velours bleu, enrichi d’une Crepine d’or. Entre les objets qui chargent cette Table on remarque come inimitables une Tabatiere de ces Maubois entrelassees & une Plume un peu jaspée d’encre sur ses barbes.
Quant à la figure, ele est d’une ressemblance qui passe toute expression, toute imagination mème, & d’une Etude qui tient du Prodige. Ele est terminée avec le dernier soin, & a cependant un air de liberté qui en déguise le travail. Ele est vétüe d’une Simarre noire & d’une Robe rouge. L’un se recrie : la Peruque, l’autre, le Rabat ; les plus somptueux sont jaloux des Manchetes. On sent la legereté du Cheveu, la finesse de la Trame du Linge & l’Aprêt de l’Ouvriere, la délicatesse & le détail immense de la Dentele. C’est un Ouvrage miraculeux, c’est de la Saxe mème, il n’est pas possible que ce ne soit que du crayon. Cete figure a sous les Pieds un Tapis de Turquie, qui n’est pas moins admirable dans son genre. Ce M. la Tour a les secrets de toutes les Manufactures.
Tout ce que les Gens les plus dificiles trouvent à redire dans ce grand morceau, roule sur les accidens. C’est que le Paravant est trop près du Fauteüil : il ne fait pas bien son effet. Une Table couverte les choque : ils disent qu’un Burau à pié de Biche doneroit plus de dégagement, & n’auroit pas mis tant d’étofe l’une sur l’autre. Enfin, malgré ces legeres circonstances, ce Tablau sera toujours un Chef-d’œuvre en son espéce ; & pour vous doner une idée de son Prix, on prétend que la Glace & le Cadre coutent seuls cinquante loüis. » [sic]
(« Lettre à Monsieur de Poiresson-Chamarande, lieutenant-général au bailliage & siège présidial de Chaumont en Bassigny, au sujet des tablaux exposés au Salon du Louvre. Paris, le 5. Septembre 1741. » In Les Amusemens du cœur et de l’esprit. Amsterdam, Zacharie Chastelain, 1741, t. XI, p. 14-15)

Vendu en 1918 par le duc de Clermont-Tonnerre, il devint la propriété de Maurice de Rothschild en 1931, fut saisi par les Allemands en 1940, retrouva son propriétaire après la guerre et fut acheté en 1994 par le J. Paul Getty Museum [Los Angeles, États-Unis]. 

Suzanne de Boulainvilliers, présidente de Rieux, par Maurice-Quentin de La Tour

Le peintre représenta aussi Madame de Rieux en habit de bal, tenant un masque à la main : ce pastel figura au Salon de 1742.

Le président de Rieux aima aussi les livres. Le calligraphe Siméon Le Couteux fut son bibliothécaire vers 1720. Plusieurs de ces livres furent achetés en 1738, à la vente du comte d’Hoym (1694-1736). 


Ses livres étaient habillés de maroquin rouge, frappés de ses armes, 


et portaient un ex-libris [100 x 68 mm.], dessiné par Duflocq (1702-1749) et gravé par Gabriel Huquier (1695-1772), à ses armes : « D’azur, à l’ancre d’argent senestrée en chef d’une étoile de même, rayonnée d’or » ; l’écu est surmonté d’une couronne comtale et est soutenu, à droite, par un amour ; à gauche, Minerve, symbole de la sagesse, assise, casquée et tenant une lance, l’égide à ses pieds ; au bas, « EX LIBRIS G. BERNARD DE RIEUX. ».

Le président de Rieux mourut le 13 décembre 1745, en son hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires. 



Il fut inhumé dans les caveaux de Saint-Eustache, où était la sépulture de sa famille, sous la chapelle de la Vierge. Ses biens et ses collections furent alors en partie dispersés. Le château de Glisolles passa aux mains de son fils, Anne-Gabriel-Henri Bernard de Rieux (1724-1798), marquis de Boulainvilliers, dit « le président de Boulainvilliers », qui s’y retira quelques années plus tard : il y fit transporter plusieurs des œuvres d’art qui avaient embelli les demeures de Paris et de Passy, notamment les portraits exécutés par La Tour. Le château de Passy, avec son mobilier et les œuvres d’art qu’il contenait, fut loué, le 4 mai 1747, au fermier général Alexandre-Jean-Joseph Le Riche de La Popelinière (1693-1762), qui avait épousé une nièce de Manon Dancourt.



La bibliothèque fut vendue, en son hôtel de la rue Notre-Dame-des-Victoires, à partir du 27 février 1747 : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu Monsieur le Président Bernard de Rieux (Paris, Barrois, 1747, in-8, [1]-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-xv-[1]-351-[1]-40-[2] p., 3.314 – 1 [pas de n° 510] + 6 * = 3.319 lots).
Avec une « Table des auteurs », les « Auteurs de l’édition des Elzeviers », les « Auteurs avec les notes qu’on appelle Variorum », les « Auteurs à l’usage de Monseigneur le Dauphin » et une « Note des livres qui ont été mis dans ce catalogue par erreur ».
Théologie [510 lots = 15,36 %], Jurisprudence [436 lots = 13,13 %], Sciences et Arts [423 lots = 12,74 %], Belles-Lettres [750 lots = 22,59 %], Histoire [1.200 lots = 36,15 %]. Nombreux manuscrits, dont les Registres du Conseil du Parlement de Paris [nos 2.885 et 2.887-2.890], qui furent acquis par le frère aîné du défunt, Samuel-Jacques Bernard.

Cette bibliothèque produisit 53.395 livres 17 sols, sans compter les livres retirés.
  

Catalogue p. xv
 
58. Histoire du V. & du N. Testament enrichie de plus de 400 figures gravées par les plus habiles maîtres, avec l’explication par David Martin. Amsterd., P. Mortier, 1700, 2 vol. in-fol., v. b. 65 livres.
89. L’Année chrétienne, contenant les messes des dimanches, fériés & fêtes de l’année en latin & en françois, avec les explications des épîtres & évangiles & un abrégé de la vie des saints dont on fait l’office (par Nicolas le Tourneux). Paris, Elie Josset, 1685 & suiv., 12 vol. in-12, mar. r. 96 livres.
196. Œuvres de Mes. Jacq. Bégn. Bossuet, ev. de Meaux. Paris, le Mercier, 1743 & suiv., 10 vol. in-4, v. b. 139 livres.


363. De l’Abus des nudités de gorge, seconde édition. Paris, de Laize de Bresche, 1677, in-12, v. m. 1 livre 16 sols.
585. Le Bouclier de la France, ou les Sentimens de Gerson & des Canonistes touchant les differens des Rois de France avec les Papes, par Eust. le Noble. Cologne (Paris), 1692, in-12, v. m. 1 livre 16 sols.
653. Ordonnances des Rois de France de la troisième Race recueillies, avec des observ. sur le texte par Eusèbe de Lauriere & Denys Fr. Secousse. Paris, Imprimerie Royale, 1723 & suiv., 6 vol. in-fol., v. é. 120 livres.
759. Coutumes de Beauvoisis par Phil. de Beaumanoir : Assises & bons usages de Jerusalem, par Jean d’Ibelin & autres anciennes Coutumes, avec des Notes & un Glossaire, par Gasp. Thaumas de la Thaumassiere. Bourges, Fr. Toubeau, 1690, in-fol., v. b. 13 livres 19 sols.
847. Coustumes de Rheims, avec les commentaires de J. Bapt. de Buridan. Paris, L. Billaine, 1665, in-fol., v. b. 3 livres.
865. Coutumes du Bailliage de Vermandois, de Chaalons, de Rheims, de S. Quentin. Rheims, N. Bacquenois, 1557, in-fol. sur vélin. 11 livres 11 sols.
917. Caroli Molinaei Opera, editio novissima auctior & emendiator. Paris, Nicolas Pepingué, 1681, 5 vol. in-fol., v. b. 100 livres.
1.073. De la Sagesse, trois livres par Pierre Charron. Leide, les Elseviers, 1646, in-12, mar. r. 9 livres 10 sols.
1.110. Histoire physique de la Mer, enrichie de figures dessinées d’après le naturel, par Louis Ferdinand, comte de Marsilli. Amsterdam, 1725, in-fol., v. f. 27 livres 2 sols.


1.156. Phytantoza Iconographia, sive conspectus aliquot millium à Joanne Guillelmo Weinmanno plantarum, arborum, fruticum, florum, fructuum, fungorum &c. collectarum. Ratisbonae, 1737 = 1745, 4 vol. in-fol., Cart. M., v. b. 800 livres.
1.205. Le Cuisinier moderne qui apprend à donner toutes sortes de repas en gras & en maigre, avec figures, par Vincent de la Chapelle, chef de cuisine du prince d’Orange. La Haye, Antoine de Groot, 1735, 4 vol. in-8, v. é. 18 livres.


1.223. Godefridi Bidloo Anatomia humani corporis 105 tabulis per Guil. de Lairesse ad vivum delineatis demonstrata. Amstel., Vid. à Someren, 1685, in-fol., Carta Maxima, mar. r. 190 livres.
1.247. Thrésor de la philosophie des anciens, où l’on conduit le lecteurs par degrés à la connoissance de tous les métaux & minéraux, la manière de les travailler & de s’en servir pour arriver enfin à la perfection du grand œuvre, par Barent Comders-Van-Helpen. Cologne, Cl. le Jeune, 1693, in-fol., vél. 24 livres.
1.275. Traité de l’horlogerie méchanique & pratique, par Thiout. Paris, Charles Moette, 1741, 2 vol. in-4, v. m. 15 livres 10 sols.
1.287. Le Diverse & Artificiose Machine del’Agostino Ramelli, composte in lingua italiana & francese. A Parigi, 1588, in-fol., v. é. 59 livres 50 sols.
1.311. Les Dix Livres d’architecture de Vitruve, corrigés & traduits avec des notes & des figures, par Cl. Perrault, seconde édition augmentée. Paris, J. B. Coignard, 1684, in-fol., v. b. 30 livres.



1.321. Architecture de Philibert de Lorme. Paris, Féd. Morel, 1568, in-fol., v. m. [vendu avec le n° 1.320 : 5 livres 10 sols.]. Sotheby's, Paris, 19 novembre 2012 : 16.250 €



1.348. L’Art des armées navales, ou Traité des évolutions navales, & théorie de la construction des vaisseaux, enrichie de figures, par le P. Paul Hoste. Lyon, Bruyset, 1727, in-fol., v. f. 22 livres.
1.560. Œuvres de Jean de La Fontaine, nouvelle édition. Anvers (Paris), 1726, 3 vol. in-4, v. f. 48 livres.
1.617. La Destruction de Troye la grant, mise par personnaiges par Jacq. Milet (ou Millet). Lyon, Methys Huss, 1491, in-fol., mar. r. 80 livres.
1.715. Œuvres de François Rabelais. Nouvelle édition ornée de figures de Bernard Picart, & augmentée de nouvelles remarques de le Duchat, de le Motteux & autres pièces. Amst., Fréd. Bernard, 1741, 3 vol. in-4, gr. pap., mar. bl. 67 livres.
1.775. Il Decamerone di Giovanni Boccaccio nuovamente corretto & con diligentia stampato. In Firenze li heredi di Phil. di Giunta, 1527, in-8 maggiore, mar. cit. 100 livres.
1.872. Les Avantures de Télémaque fils d’Ulysse, par François de Salignac de la Mothe Fénelon, nouvelle édition, avec des figures en taille douce de Bernard Picart. Amst., Westein, 1734, in-fol., mar. bl. 180 livres.
1.912. Le Roman de Lancelot du Lac, avec figures. Paris, Ant. Vérard, 1494, 3 vol. in-fol., gr. pap., mar. r. 126 livres.


2.043. Œuvres diverses de M. (Bernard) de Fontenelle, nouvelle édition, augmentée & enrichie de figures gravées par Bernard Picart. La Haye, Gosse, 1728, 3 vol. in-fol., mar. bl. 90 livres. Sotheby’s, Paris, 6 novembre 2014 : 9.375 € [les roulettes au chasseur ainsi que les doubles rameaux dans les angles des caissons rappellent la façon des décors du doreur de Boyet].
2.078. Cymbalum mundi, ou Dialogues satyriques de Bonaventure des Périers : nouvelle édition augmentée d’une Préface & des notes de Bernard de la Monnoye. Amst. (Paris), 1732, in-12, v. b. 2 livres 11 sols.


2.121-2.122. Méthode pour étudier l’Histoire, avec un catalogue des principaux Historiens & des remarques par Nic. Lenglet du Fresnoy. Paris, P. Gandouin, 1729, 4 vol. in-4, gr. pap., v. f. - Supplément. Paris, Rollin, 1740, 2 vol. in-4, gr. pap., v. f. 612 livres. Sotheby’s, Paris, 19 novembre 2012 : 4.750 €.



2.137. Théâtre contenant la description de la carte du monde, avec celles de l’Europe, de la France, de l’Espagne, d’Angleterre &c. avec un discours sur chacune d’icelle. Paris, Melch. Tavernier, 1642, in-fol. magno, v. m. 60 livres 10 sols.
2.142. Le Grand Atlas ou Cosmographie Blaviane, en laquelle sont décrits la Terre, la Mer & le Ciel, par Jean Blaeu (ouvrage enrichi de cartes, de figures en taille douce, lavées & mises en couleurs). Amst., Jean Blaeu, 1667, 12 vol. in-fol., vél. 399 livres 19 sols.
2.145. Atlas contenant le monde, les 4 hémisphères, l’Europe, les Isles Britanniques, les Royaumes du Nord, la Moscovie, la France, l’Espagne, l’Italie & la Turquie d’Europe, l’Allemagne, les Provinces-Unies, la Pologne, l’Asie, la Turquie d’Asie, l’Afrique, les deux Amériques & la Géographie ancienne, par Hubert Jaillot. 2 vol. in-fol. maximo, m. r. 270 livres.
2.195. Collectiones variarum peregrinationum in Indiam Orientalem & in Indiam Occidentalem, XXV. partibus comprehensae : cum figuris fratrum de Bry & Meriani. Francof. ad Moen., 1590 & seqq., 7 vol. in-fol., mar. r. 300 livres.
2.211. Histoire universelle, sacrée & profane, par D. Augustin Calmet. Strasbourg, J. Ren. Doulssecker, 1735, 6 vol. in-4, v. b. 48 livres.
2.255. Cérémonies & Coutumes religieuses de tous les peuples du monde, représentées par des figures dessinées par Bernard Picard, avec une explication historique & quelques dissertations.Amst., J. F. Bernard, 1723 & suiv., 9 vol. in-fol., gr. pap., v. f. 390 livres.
2.274. Histoire des Papes depuis S. Pierre jusqu’à Benoît XIII. inclusivement. La Haye, Henr. Scheurleer, 1732, 5 vol. in-4, mar. v. 122 livres.

Librairie Camille Sourget
Catalogue hors-série Automne 2013

2.490. Nouvelle description de la France, par Jean Piganiol de la Force. Paris, Flor. Delaulne, 1718, 6 vol. in-12, v. f. 10 livres.
2.505. Les Grans Croniques de France (dites les Chroniques de S. Denis), depuis l’origine des François jusqu’en 1513 (exemplaire imprimé sur vélin avec des miniatures). Paris, Guill. Eustace, 1514, 3 vol. in-fol., velours. 399 livres 19 sols.
2.512. Histoire de France depuis Faramond jusqu’à la paix de Vervins sous Henri IV en 1598. par Franç. Eudes de Mézeray. Paris, Matthieu Guillemot, 1643 & 1651, 3 vol. in-fol., gr. pap., l. r., mar. bl. 310 livres.


2.570. Légende de Charles Card. de Lorraine & de ses frères de la Maison de Guise, par Franç. de l’Isle. Reims, Jacques Martin, 1576, in-8, mar. verd. 29 livres 1 sol.
2.597. Chronologie Novenaire contenant l’histoire de la guerre depuis 1589 jusqu’en 1598 par Pierre Victor Palma Cayet. Paris, J. Richer, 1608, 3 vol. in-8, v. b. 193 livres 5 sols.
2.619. Chronologie septenaire de l’histoire de la paix entre les Rois de France & d’Espagne depuis 1598 jusqu’en 1604 (par Pierre Victor Palma Cayet). Paris, J. Richer, 1606, in-8, v. b. 396 livres.
2.711. Histoire militaire du règne de Louis XIV, enrichie des plans nécessaires, avec un Traité de pratiques & de maximes de l’art militaire, par M. le marquis de Quincy. Paris, Den. Mariette, 1726, 8 vol. in-4, gr. pap., v. f. 96 livres.


2.724. Mémoires de M. (René) du Guay-Trouyn, nouvelle édition faite sur l’original, avec un abrégé de sa vie : publiée par M. de la Garde. Paris, 1740, in-4, gr. pap., v. b. 14 livres.
2.740. Histoire de la ville de Paris, par D. Michel Félibien, revue & augmentée & mise au jour par D. Guy Alexis Lobineau, avec les preuves, les plans de Paris & figures. Paris, Guill. Desprez, 1725, 5 vol. in-fol., gr. pap., v. f. 73 livres.
2.770. Histoire de Bretaigne, des Roys, Ducs, Comtes & Princes d’icelle, jusqu’à Anne dernière Duchesse, par Bertrand d’Argentré. Paris, Jacq. du Puys, 1588, in-fol., v. m. 4 livres 10 sols.
2.789. Histoire générale du Languedoc avec des notes & les pièces justificatives par les PP. DD. Cl. de Vic & Joseph Vaissete. Paris, Jacques Vincent, 1730 & suiv., 3 vol. in-fol., v. m. 45 livres.


2.818. Le Dessein de l’histoire de Rheims avec diverses curieuses remarques touchant l’établissement des peuples & la fondation des villes de France, par Nicolas Bergier. Reims, Nic. Hécart, 1635, in-4, v. é. 7 livres 19 sols.
2.902. Recherches curieuses des monnoyes de France, depuis le commencement de la monarchie, par Cl. Bouteroue. Paris, Seb. Cramoisy, 1666, in-fol., mar. bl. 62 livres.
2.905. Traité de la police, où l’on trouvera l’histoire de son établissement, les fonctions & les prérogatives de ses magistrats, les loix & réglemens qui la concernent, par Nicolas de la Mare, avec la continuation, par le Clerc du Brillet. Paris, M. Brunet, 1713-1738, 4 vol. in-fol., v. b. 103 livres.
2.939. Le Grand Théâtre sacré du duché de Brabant. La Haye, Chr. Van Lom, 1729, 3 vol. in-fol., gr. pap., v. m. 80 livres.
2.978. Histoire générale d’Espagne, trad. de l’Espagnol de Jean de Ferreras avec des notes par M. d’Hermilly. Paris, Ch. Osmont, 1742, 4 vol. in-4, gr. pap., mar. r. 77 livres 1 sol.
2.996. Nouveau Théâtre de la Grande Bretagne, ou Description exacte des palais du Roy, & des Maisons les plus considérables du royaume avec un Supplément. Londres, Jos. Smith, 1724-1728, 6 vol. in-fol. magno, v. m. 120 livres.
3.079. Description géographique, historique, chronologique, politique & physique de l’empire de la Chine & de la Tartarie chinoise, avec des cartes, par le P. J. Bapt. du Halde. Paris, le Mercier, 1735, 4 vol. in-fol., gr. pap., v. m. 130 livres.
3.097. Histoire des avanturiers flibustiers, des boucaniers, par Alex. Olivier Oexmelin. Paris, Jacques le Fèvre, 1699, 3 vol. in-12, v. f. 4 livres 12 sols.
3.115. Armorial général de la France, par Louis Pierre d’Hozier. Paris, Jacq. Collombat, 1738 & suiv., 4 vol. in-fol., v. f. 100 livres.


3.131. Abrégé de l’histoire de la royale Maison de Savoye, par Thomas Blanc. Lyon, J. Girin, 1668, 3 vol. in-12, v. f. 85 livres.

Bibliothèque de l'Institut de France


Avec un " G " en bas à gauche

3.139. Thesaurus antiquitatum graecarum congestus & editus à Jacobo Gronovio. Lugd. Bat., Pet. Vander-Aa, 1697 & seqq., 13 vol. in-fol., vél. [vendu avec les numéros 3.140 à 3.143 : 480 livres].
3.168. Commentaires historiques contenant l’histoire générale des empereurs, impératrices, césars & tyrans de l’empire romain, enrichie de médailles, par Jean Tristan. Paris, Seb. Huré, 1657, 3 vol. in-fol., v. é. 50 livres.


3.185. Le Cabinet de la Bibliothèque de Sainte Geneviève, par le P. Claude du Molinet. Paris, Ant. Dezallier, 1692, in-fol., gr. pap., v. é. 26 livres.
3.209. Bibliothèque d’Antoine du Verdier seigneur de Vauprivas, avec le supplément latin de Gesner par le même du Verdier. Lyon, Barth. Honorat, 1585, in-fol., v. f. 40 livres.
3.271. Plutarchi Vitae illustrium & Opera moralia, Gr. Lat. cum latina interpretatione & annot. Henr. Stephani. Henr. Stephanus, 1572, 13 vol. in-8, mar. bl. 66 livres.
3.313. Dictionaire historique & critique par Pierre Bayle : troisième édition, revue, corrigée & augmentée. Rotterd., Mic. Boom, 1720, 4 vol. in-fol., v. f. 160 livres.   

Jeton aux armes du président de Rieux et de Suzanne de Boulainvilliers (1727)

   



jeudi 15 décembre 2016

Ansse de Villoison (1750-1805), l’enquêteur d’Homère


In Annales nécrologiques de la Légion d'honneur
Paris, F. Buisson, 1807, p. 368

Jean-Baptiste-Gaspard d’Ansse, fils de Jean-Baptiste d’Ansse, seigneur de Villoison [commune de Villabé, Essonne], et de Charlotte Nollière, est né à Corbeil [Corbeil-Essonnes, Essonne], le 5 mars 1750, et fut baptisé, le 8 mars suivant, en la chapelle de Saint-Martin, située dans la collégiale de Saint-Spire, qui servait de paroisse.

Il descendait d’une famille navarraise de la vallée de Roncal [Espagne], originaire du village de Garde et passée au XVIe siècle à Tudela.

Arbre généalogique simplifié

Son trisaïeul Michel de Anssio (1588-1649) était arrivé en France en 1615, dans la suite d’Anne d’Autriche, femme de Louis XIII, dont il était l’apothicaire, et avait été naturalisé en 1619, quelques jours avant d’épouser Marie Lambert (1601-1680), fille d’un maître épicier et femme de chambre de la Reine ; leur fille Louise-Angélique aurait servi de type à Molière pour le rôle d’Elmire dans Le Tartuffe.
Son bisaïeul, Jean d’Ansse († 1672), avait été aussi l’apothicaire d’Anne d’Autriche, puis celui de Marie-Thérèse d’Autriche, épouse de Louis XIV, et avait acquis la seigneurie de Villoison.
Son aïeul, Jean-Gaspard d’Ansse, avait succédé au célèbre mathématicien, le marquis Guillaume de L’Hôpital, dans la charge de capitaine du régiment Mestre-de-camp-général cavalerie et avait été fait prisonnier, en 1690, à la bataille de Fleurus [Belgique], avant d’épouser, le 7 juillet 1698, la fille du prévôt de Corbeil.
Son grand-oncle, Pierre d’Ansse, capitaine de Dragons, avait été tué à la bataille d’Höchstädt [Allemagne], en 1703.
Son père, Jean-Baptiste d’Ansse (° 7 août 1701) avait été élevé page de la grande écurie du Roi, était entré dans les mousquetaires et y était resté le temps nécessaire pour obtenir la croix de Saint-Louis, avant de quitter le service.     



Entrée du Collège des Grassins, aujourd'hui

Jean-Baptiste-Gaspard d’Ansse de Villoison commença très jeune ses études dans les collèges de Lisieux, du Plessis, d’Harcourt et enfin des Grassins, rue des Amandiers [12 rue Laplace, Ve], afin de suivre les leçons de grec du savant Charles Le Beau (1701-1778). Ses progrès lui permirent de devenir un des auditeurs de Jean Capperonnier (1716-1775), qui professait le grec au Collège royal de France. En même temps, il commença l’étude de l’arabe, du syriaque et de l’hébreu.


À 23 ans, il publia le lexique grec d’Apollonius, manuscrit unique du Xe siècle, venu de la bibliothèque de Henri-Charles de Coislin (1665-1732), premier aumônier du Roi, léguée à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, qu’il avait trouvé dans la Bibliothèque de l’abbaye en 1770 : Apollonii sophistæ lexicon græcum Iliadis et Odysseæ (Paris, J. C. Molini, 1773, 2 vol. in-4). L’Académie des inscriptions et belles-lettres, à laquelle il avait soumis son travail avant l’impression, l’avait admis parmi ses membres dès 1772, après avoir obtenu pour lui une dispense d’âge, le règlement défendant d’élire un membre avant l’âge de 25 ans.
À partir de 1774, il fut en correspondance avec presque tous les hellénistes de l’Europe et avec les plus grands érudits contemporains, et les principales académies de l’Europe s’empressèrent de l’inscrire au nombre de leurs correspondants : Société royale de Londres, Société des Antiquaires de Londres, Académie royale d’Histoire de Madrid, Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Marseille, Académie royale de Berlin, Société royale de Göttingen, Société royale de Mannheim, Académie de Cortone, Académie des Arcades de Rome, Société royale d’Uppsala, Académie royale danoise.

Plan de Turgot

Villoison habitait rue Saint-Jean-de-Beauvais [rue Jean-de-Beauvais, Ve], qui était alors une des rues de Paris les plus obscures et les plus sales.

Dès 1776, il déménagea quai de la Tournelle, près la rue des Grands-Degrés, entre les rues de Bièvre et des Bernardins [Ve]. Le 31 décembre 1776, Villoison épousa, en l’église Saint-Salomon-et-Saint-Grégoire de Pithiviers [Loiret], Hélène-Caroline de Neufcarres, née le 22 novembre 1756, d’une famille originaire de Suisse, fille de Charles-Henri de Neufcarres, ancien major du Régiment de Champagne et aide major général de l’armée du Roi, et de Hélène-Bernard Mercier de La Tour :

« Je viens d’épouser une demoiselle d’une très ancienne famille, qui, à un bien fort honnête, à une figure agréable, joint un esprit fin, délicat, mûr et solide, cultivé par beaucoup de littérature, même latine (je ne désespère pas qu’elle apprenne le grec). Elle est élevée dans la campagne avec la plus grande simplicité, modestie, candeur, aversion du luxe, de la frivolité et des plaisirs, choses qu’il est impossible de rencontrer dans Paris et qui étoient nécessaires pour mon bonheur. Je la connois, je l’épie et l’observe depuis deux ans ; ce n’est pas un mariage d’inclination, ni formé par une folle passion, qui ne dure que quinze jours. Elle partage tous mes goûts, mes inclinations et même mes études. Je l’ai prévenue que mon usage étoit de travailler douze heures par jour au grec, et que tout l’or du monde n’étoit pas capable de me faire renoncer à ce genre de vie, qu’ainsi, d’après cet exposé, elle n’avoit qu’à voir si elle vouloit m’épouser et si je lui convenois, parce que je ne changerois jamais de conduite ; elle est la première à m’exciter et même à me forcer à travailler et à entrer dans toutes mes vues et à m’encourager. Un homme qui vit dans son cabinet avec nos amis les Grecs a besoin d’une société douce et intime qui le délasse de ses travaux, et voilà ce que j’ai cherché et trouvé dans ma femme. » [sic] (Lettre à Louis-Gaspard Valckenaer, 16 janvier 1777)  





À 28 ans, Villoison publia une édition du roman de Longus, qui accrut encore sa réputation : Longi pastoralium de Daphnide et Chloe, libri quatuor (Paris, Guillaume De Bure, 1778, 2 vol. in-8).
Le 1er septembre 1778, il partit pour Venise faire des recherches dans la Bibliothèque de Saint-Marc. Il avait conduit sa femme à Pithiviers, chez son père, où elle resta tout le temps du voyage ; sa mère resta à Paris, dans sa maison du quai de la Tournelle. Il se rendit à Lyon, puis passa à Turin, Milan, Vérone et Padoue. À Venise, il fut en pension chez les frères Coleti, libraires et imprimeurs, au pont Saint-Moïse. 


Ses découvertes parurent sous le titre Anecdota græca (Venise, Coleti, 1781, 2 vol. in-4), qui lui valurent le titre de correspondant de l’Académie d’Utrecht. 


Mais la découverte qui rendra son nom immortel fut celle d’un manuscrit grec de l’Iliade, copié dans le Xe siècle, qui fut publié sous le titre Homeri Ilias ad veteris codicis Veneti fidem recensita (Venise, Coleti, 1788, in-fol.). Cette édition est un des plus beaux présents que l’érudition ait faits aux Lettres dans le XVIIIe siècle : les prolégomènes sont un trésor d’érudition ; les scolies offrent des variantes puisées dans les antiques éditions d’Aristarque, de Zénodote, d’Aristophane, de Philémon, etc. ; on retrouve sur les marges les signes dont les premiers critiques se servaient pour indiquer les passages supposés obscurs, corrompus ou remarquables.

Villoision quitta Venise le 15 avril 1782 et se rendit à Weimar [Allemagne], « l’Athènes germanique », chez le duc Charles-Auguste de Saxe-Weimar (1757-1828), en passant par Innsbruck, Augsbourg et Nuremberg. Il y arriva le 7 mai 1782. Il fut logé au palais, admis à toutes les parties de plaisir, à toutes les fêtes de la cour et n’eut d’autre table que celle même du duc. 


En reconnaissance de l’hospitalité dont il avait été l’objet, il publia trois recueils de commentaires relatifs aux richesses de la Bibliothèque ducale sous le titre Epistolæ Vinarienses (Turici [Zurich], Aurelius [Orell], Gessnerus [Gessner], Fuesslius [Füssli] & Co, 1783, in-4). Il quitta Weimar pour Paris, le 5 mars 1783.

Le 4 août 1784, Villoison embarqua à Toulon, avec le comte de Choiseul-Gouffier, pour Constantinople [Istanbul, Turquie], dans le but de recueillir les inscriptions antiques et les manuscrits qui pouvaient avoir échappé à la destruction. Dès son installation à Péra [Beyoğlu, quartier d’Istanbul, résidence des colonies étrangères], il se pourvut d’un maître en grec vulgaire. Il visita les îles de l’Archipel, le mont Athos, la Grèce proprement dite et le Péloponnèse, les villes des côtes de l’Asie Mineure. Il fit une riche moisson d’inscriptions inconnues et recueillit de nombreuses observations sur les mœurs, les usages et les institutions des Grecs, mais ses recherches de manuscrits furent infructueuses : les bibliothèques ne lui offrirent que des livres ascétiques ou des ouvrages de controverse religieuse.

Villoison rentra en France après 27 mois d’absence, en novembre 1786. Au lieu de retourner directement à Paris et à Pithiviers, il résolut, après un court séjour à Marseille, d’aller visiter les antiquités des villes voisines : Aix, Salon, Arles, Nîmes, Avignon, Mormoiron, Orange, Vienne. 

Rue de Bièvre, depuis le quai de la Tournelle

Arrivé enfin à Paris en avril 1787, Villoison déménagea au 4 rue de Bièvre [Ve]. Le 29 novembre 1788, sa femme mourut prématurément, à Pithiviers, chez son père, d’une « maladie de poitrine ».

Quand la Révolution de 1789 éclata, Villoison se renferma dans la société de ses amis, la poursuite de ses travaux d’érudition et l’accroissement de sa bibliothèque.
En octobre 1792, Villoison partit pour Orléans [Loiret], dans l’intention de passer quelques-jours avec sa belle-sœur, Hélène-Henriette-Marie de Neufcarres (1755-1824), mais ne put s’empêcher de profiter des livres grecs et latins de la Bibliothèque publique et se logea en face d’elle, 35 rue du Bourbon Blanc, maison de Monsieur Lubin. Chaque matin, de bonne heure, il entrait dans les salles désertes de la bibliothèque, s’y installait et y restait jusqu’à la nuit. Il y lut de nombreux livres qui jusqu’alors avaient échappé à ses recherches, et recueillit les notes savantes déposées par deux historiens du XVIIe siècle, les frères Henri et Adrien de Valois, sur les marges de leurs livres.

Il ne revint à Paris qu’en 1799 et se réinstalla rue de Bièvre, au n° 22, au second au-dessus de l’entresol. Ruiné par les assignats et espérant se procurer un supplément de revenu, il ouvrit un cours de langue grecque, mais un trop petit nombre de personnes répondit à l’appel du premier helléniste de l’Europe et le cours ne dura que quelques mois :

« Jean Baptiste Gaspard d’ANSSE DE VILLOISON, ancien membre de l’académie des inscriptions et belles-lettres, et des douze plus célèbres de l’Europe, telles que celles de Londres, Berlin, Gottingue, Manheim, Upsal, Copenhague, Madrid, Cortone, etc., etc. ; auteur de plusieurs ouvrages sur la littérature grecque ; rentier, et ainsi totalement ruiné par une force majeure ; né dans l’aisance, et ayant toujours joui d’un patrimoine assez considérable, et se glorifiant maintenant d’une honorable pauvreté, après avoir longtemps lutté contre la mauvaise fortune, sans se plaindre ni murmurer, se trouve réduit à tirer parti des connoissances qu’il ne cultivoit, auparavant, que pour son plaisir, et qu’il a tâché d’acquérir dans la langue grecque, ancienne et moderne, par un travail opiniâtre de quarante ans, par ses voyages en Allemagne et en Italie, et par un séjour de trois ans dans la Grèce.
Il ne veut ni solliciter, ni accepter aucune place qui l’empêche de se livrer à sa passion dominante, l’amour de la littérature grecque, (qu’il préfere à la vie,) et l’oblige de renoncer à sa bibliothèque, (l’unique bien qui lui reste,) et d’abandonner un ouvrage sur la Grèce ancienne et moderne, considérée sous tous les rapports, dont il s’occupe exclusivement depuis quinze ans.
En conséquence, incapable d’être à charge à ses amis, et desirant, au contraire, être utile à ses concitoyens, il offre de donner de deux jours l’un, rue des Petits-Champs, n.° 11, au coin de celle de la Loi, un cours de langue et de littérature grecque ancienne et moderne, et commencera par Pindare. Il ne taxera personne, mais il se voit contraint, par les circonstances impérieuses, d’obéir à la dure loi de la nécessité, et de prendre vingt-quatre francs par mois.
Les personnes qui voudront suivre son cours, qu’il s’efforcera de rendre instructif, sont averties de se faire inscrire chez lui, rue de Bièvre n.° 22. Ce cours commencera le 6 Brumaire à deux heures, et aura lieu les jours pairs de chaque décade.
Nous connoissons plusieurs hommes de lettres, même des savans distingués qui s’empresseront de suivre le cours du C. Villoison, qui doit nécessairement offrir un grand interêt par la solidité et l’étendue de son érudition ; nous savons même que la plupart des hellénistes qui existent encore à Paris, ont l’intention d’y être assidus. Ce cours peut ranimer l’étude des lettres antiques. Nous n’ajouterons pas que, dans un pays où il y auroit plus d’esprit public, en Angleterre par exemple, on verroit, aussitôt après la publication de cette note, une liste nombreuse de souscripteurs, qui s’empresseroient d’y mettre leur nom, sans même avoir intention de suivre ce cours ; mais par le seul motif de témoigner le respect dû à un savant qui honore la patrie, et de concourir à améliorer son sort, sans blesser sa délicatesse. » [sic] (A. L. M. « Cours de langue grecque, par le C. D’ANSSE DE VILLOISON » In Magasin encyclopédique. Paris, Fuchs, An VII-1799, t. III, p. 523-525)


 En 1797, le gouvernement avait créé pour Villoison une chaire provisoire de grec moderne près l’École des langues orientales vivantes, fondée en 1795 dans l’enceinte de la Bibliothèque nationale : les cours se faisaient dans une salle placée sous une sorte de hangar, élevé dans une petite cour du côté de la rue Neuve-des-Petits-Champs [rue des Petits-Champs, IIe]. Le 24 avril 1802, Villoison fut élu à l’Institut. En 1804, sa chaire de grec moderne fut transférée au Collège de France, sous le nom de chaire de langue grecque ancienne et moderne. Mais il ne put prendre possession de cette chaire : au commencement de l’année 1805, il fut atteint d’un ictère aigu. Il déménagea au 3 rue de Bièvre et expira prématurément le 6 floréal An XIII [26 avril 1805]. Villoison était gros et gras et était fort gourmand : « son intempérance, dans le boire et le manger » fut une des principales causes de la maladie de foie dont il mourut. Ses obsèques eurent lieu le dimanche 28 avril suivant : le nom seul de sa belle-sœur figure sur la lettre de faire-part ; le lieu d’inhumation n’y est pas indiqué. 
         
L’appartement qu’il occupait dans une maison sans apparence particulière était vaste, mais meublé avec une grande simplicité. La bibliothèque en formait le seul ornement. Villoison avait eu toute sa vie un goût passionné pour les livres. Quand il séjournait deux heures dans une ville, il employait au moins une heure à visiter les boutiques des libraires et les étalages des bouquinistes. Habitué à faire des économies, il avait les moyens de satisfaire son noble goût et se procurait tous les ouvrages où il pouvait trouver des renseignements utiles.
Sa bibliothèque, une des meilleures et des plus nombreuses qu’ait possédées un homme de lettres, offrait des trésors précieux sur la théologie savante, la philologie grecque et latine, les littératures française et italienne, les voyages, l’histoire, les antiquités et l’histoire littéraire. La littérature ancienne formait la base de cette belle collection. On y trouvait de très beaux exemplaires, achetés aux ventes Soubise, La Vallière, etc. Il faisait revêtir les livres qu’il avait acquis en feuilles d’un cartonnage couvert d’un papier gris, dont le dos portait le titre manuscrit. 


Sur la première page, on lisait « Ex libris d’Ansse de Villoison », et en tête, on trouvait une note qui donnait des détails sur le livre et l’auteur.


Sa bibliothèque fut vendue, du lundi 3 mars au samedi 19 avril 1806, en 36 vacations, en sa maison, 3 rue de Bièvre : Catalogue des livres de feu M. d’Ansse de Villoison, membre de la classe d’histoire et de littérature ancienne de l’Institut ; membre de la Légion d’honneur ; professeur en langue grecque au Collège de France ; de la Société royale de Londres ; des Académies de Berlin, Madrid, etc. (Paris, Debure père et fils, Tilliard frères, 1806, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-xij-266 p., 3.067 + 4 bis = 3.071 lots).
Théologie [227 lots = 7,39 %], Jurisprudence [22 lots = 0,71 %], Sciences et Arts [314 lots = 10,22 %], Belles-Lettres [1.220 lots = 39,72 %], Histoire [1.247 lots = 40,60 %], Livres omis [41 lots = 1,33 %].

Gazette nationale ou Le Moniteur universel
Mardi 21 janvier 1806, p. 88