mardi 17 juillet 2018

Armand-Joseph de Béthune, duc de Charost, « Père de l’humanité souffrante »




Le comté de Charost [département du Cher ; prononcer « Charô »] fut érigé en duché-pairie, sous le nom de Béthune-Charost, en faveur de Louis de Béthune (1605-1681), comte de Charost, en mars 1672, par lettres du roi Louis XIV, enregistrées au Parlement le 11 août 1690.



Hippolyte de Béthune

Le frère aîné de Louis de Béthune, Hippolyte de Béthune (1603-1665), comte de Selles [Selles-sur-Cher, Loir-et-Cher], gouverneur des villes et châteaux de Romorantin [Romorantin-Lanthenay, Loir-et-Cher] et de Millançay [Loir-et-Cher], avait été fait conseiller d’État d’épée en 1657, puis chevalier des Ordres du Roi et d’honneur de la reine Marie-Thérèse d’Autriche en 1661. Né à Rome [Italie] le 19 septembre 1603, il mourut à Paris le 24 septembre 1665. Son cabinet renfermait une incomparable collection de lettres originales, dans lesquelles on suit tous les grands événements de l’histoire de France, depuis l’avènement de Louis XI jusqu’à la mort de Louis XIII, commencée par son père, Philippe de Béthune (1561-1649), baron puis comte de Selles, de Charost, marquis de Chabris [Indre], bailli de Mantes et de Meulan [Yvelines], ambassadeur en Écosse, à Rome, en Savoie et en Allemagne. À ces précieux documents historiques, ils avaient joint d’anciens volumes tirés de bibliothèques seigneuriales ou monastiques : ils s’étaient ainsi approprié les manuscrits de l’abbaye de Beaupré [Achy, Oise, détruite en grande partie], qui datent généralement du XIIe et du XIIIe siècle. 



Tout ce qu’ils avaient recueilli fut uniformément relié en maroquin rouge, avec des doubles PP couronnés [Philippe] et les armes de Béthune : écu chargé d’une fasce et d’un lambel. Ce que Hippolyte de Béthune avait refusé de vendre à la reine Christine de Suède, il l’offrit à Louis XIV en 1662 : manuscrits originaux, tableaux originaux et crayons des plus excellents peintres d’Italie et de France, anciens et modernes, statues et bustes de marbre, bronzes antiques.
Le nombre exact des manuscrits donnés s’élevait à 1.923 volumes, dont plus de la moitié était remplis de lettres originales : ils forment à la Bibliothèque nationale le « fonds de Béthune ». On ignore pourquoi un catalogue de la collection, rédigé par Nicolas Clément, avant l’année 1682, ne contient que la description de 1.567 volumes. A ce catalogue fut ajoutée plus tard une table alphabétique des lettres originales, en deux volumes in-folio.

Le petit-neveu d’Hippolyte de Béthune, Louis-Basile de Béthune (1674-1742), chevalier de Charost, était le 3e fils de Louis-Armand de Béthune (1640-1717) et de Marie Fouquet (1640-1716), fille unique de Nicolas Fouquet (1615-1680), ministre d’État et surintendant des Finances, et de Louise Fourché, dame de Quéhillac [Bouvron, Loire-Atlantique], mariés en l’église Saint-Nicolas-des-Champs de Paris [IIIe] le 12 février 1657. Capitaine de vaisseau en 1696, chevalier de l’Ordre souverain militaire hospitalier de Saint Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte [Ordre de Malte], Louis-Basile de Béthune mourut à Paris, le 31 mars 1742.


Sa bibliothèque fut vendue à partir du 7 janvier 1743, dans une salle du Couvent des Grands Augustins, par Jacques Barrois (1704-1769), libraire quai des Augustins, sous l’enseigne « A la Ville de Nevers » : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu monsieur le chevalier de Charost (Paris, Jacques Barois [sic], 1742, in-8, [1]-[1 bl.]-xij-500 p., 5.103 + 4 doubles [*] – 1 absent = 5.106 lots), avec une « Table des auteurs », dont Théologie [512 lots = 10,02 %], Jurisprudence [102 lots = 1,99 %], Sciences et Arts [321 lots = 6,28 %], Belles Lettres [1.220 lots = 23,89 %], Histoire [2.950 lots = 57,77 %].

« J’ai marqué à chaque article la condition des livres, & j’y ai ajouté une Table alphabétique des Auteurs telle que j’en ai mis aux Catalogues des Bibliotheques de Mrs de Longuerue, Couet, & Pelletier des Forts. La vente s’en fera en la maniere accoutumé. J’indiquerai par des Listes ce que je vendrai chaque jour. » [sic]
(« Avertissement », p. iv)


817. Andreae Baccii De naturali vinorum historia, de vinis Italiae & de conviviis antiquorum libri septem. Roma, Nic. Muthius,1596, in-fol., v. 110 l.


881. La Gallerie du Palais du Luxembourg peinte par Rubens, dessinée par les Sieurs Natier, & gravée par les plus illustres graveurs du tems. Paris, Duchange, 1710, in-fol. magno, v. 100 l. 10.
2.200. Atlas ou Recueil des cartes géographiques de Guillaume Delisle (au nombre de 85). Paris, in-fol. magno, v. 100 l. 8.
2.403. Histoire ecclésiastique par Claude Fleury avec la continuation, par le P. Cl. Favre. Paris, P. Aubouin, 1691 & suiv., 36 vol. in-4, v.
2.786. Histoire romaine depuis la fondation de Rome avec des notes, des cartes géographiques & plusieurs médailles par les PP. Catrou & Rouillé. Paris, Jacques Rolin, 1725 & suiv., 20 vol. in-4, v. 110 l.
4.406. Description géographique, historique, chronologique, politique & physique de l’Empire de la Chine & de la Tartarie chinoise par le P. J. B. du Halde. Paris, P. G. Le Mercier, 1735, 4 vol. in-fol., v. 100 l.

Armand-Joseph de Béthune

Arrière-petit-neveu de Louis-Basile de Béthune, Armand-Joseph de Béthune est né à Versailles [Yvelines] le 1er juillet 1738 et a été baptisé le 5 juillet en l’église Notre-Dame de Versailles : fils unique de François-Joseph de Béthune (1717-1739), dit « le Marquis d’Ancenis » [Loire-Atlantique], capitaine d’une Compagnie des Gardes-du-Corps du Roi, et de Marthe-Élisabeth de La Rochefoucauld de Roye (1720-1784), dame du Palais de la Reine, mariés le 4 mars 1737.

Porte-document aux armes du duc de Charost
(Galerie Pellat de Villedon, Versailles)

D’abord appelé « marquis de Charost », puis à la mort de son père « duc d’Ancenis » et en 1747 « duc de Charost », Armand-Joseph de Béthune se distingua dans la carrière militaire, a été mousquetaire en 1754, lieutenant-général pour Sa Majesté dans les provinces de Picardie et Boulonnais, gouverneur des ville et citadelle de Calais [Pas-de-Calais], Fort Nieulay et Pays reconquis en janvier 1756 ; colonel dans le Corps des Grenadiers de France le 1er avril 1756 ; le 4 mars 1757, mestre-de-camp d’un Régiment de cavalerie de son nom, qui a été incorporé en 1762 dans le Régiment Royal-Étranger ; mestre-de-camp-lieutenant du Régiment de cavalerie du Roi, le 1er décembre 1762 ;  brigadier des Armées de Sa Majesté, le 4 novembre 1766 ; maréchal de ses Camps et Armées, le 3 janvier 1770.

Louise-Suzanne-Edmée Martel

Le 19 février 1760, en l’église de Saint-Sulpice de Paris [VIe], Armand-Joseph de Béthune a épousé Louise-Suzanne-Edmée Martel (1745-1779), fille unique de Charles Martel (1683-1760), comte de Fontaine-Martel [Bolbec, Seine-Maritime], maréchal des Camps et Armées du Roi, et de sa cousine Françoise Martel de Clères (1721-1773), qui lui apporta en dot la terre de Beaumesnil [Eure], puis, en 1776, le château de Chamilly [Saône-et-Loire]. De ce mariage sont nés : Armand-Maximilien-Paul-François-Edme de Béthune, marquis de Charost, né à Paris le 4 avril 1764, mort au château de Villebouzin [Longpont-sur-Orge, Essonne] le 1er octobre 1765 ; Armand-Louis-François-Edme de Béthune, comte de Charost, né à Paris le 5 août 1770, guillotiné à Paris le 9 floréal An II [28 avril 1794]. Louise-Suzanne-Edmée Martel décéda le mercredi 6 octobre 1779, à 34 ans, au château de Beaumesnil et fut inhumée le 9 octobre dans le chœur de l’église Saint-Nicolas [ruinée au début du XIXe siècle], du côté de l’Évangile.

(Musée Carnavalet)

Veuf, Armand-Joseph de Béthune épousa, le 17 février 1783, en l’église de Saint-Sulpice de Paris, Henriette-Adelaïde-Joséphine du Bouchet de Sourches (1765-1837), dont il n’eut pas d’enfant, fille de Louis-François du Bouchet de Sourches (1744-1786), marquis de Tourzel, et de Louise-Elisabeth de Croÿ d’Havré (1749-1832), dernière gouvernante des enfants de Louis XVI.

Hôtel de Seignelay
(Source René-Jacques,  BHVP,  Roger-Viollet)

En 1785, Armand-Joseph de Béthune, qui habitait depuis cinq ans l’hôtel de Seignelay, rue de Bourbon [80 rue de Lille, VIIe, ministère de l’Industrie et du Commerce], loua à son cousin le comte de La Marck, 

Hôtel 39 rue du Faubourg Saint Honoré (1901)
Bibliothèque, 39 rue du Faubourg Saint Honoré

son autre hôtel du 39 rue du Faubourg Saint-Honoré [VIIIe, propriété de Pauline Bonaparte en 1803, puis résidence de l’ambassadeur de Grande-Bretagne depuis 1814], édifié en 1723 par l’architecte Antoine Mazin (1679-1740) pour son arrière-grand-père, Armand de Béthune (1663-1747), duc de Charost.


Cette même année 1785, il fit démolir l’ancien château de Roucy [Aisne], qu’il tenait de sa mère, et reconstruire celui qui sera détruit lors de la Première Guerre Mondiale :

« Il fit aménager dans l’aile gauche du château, à côté de sa chapelle, une vaste bibliothèque où se trouvaient les livres les plus rares et les plus singuliers, surtout en économie politique. Un grand nombre de ces volumes étaient richement reliés à ses armes, surmontées d’une couronne ducale, dans un manteau de pair de France.
Il se servait aussi de deux ex-libris, finement gravés par Tardieu d’après les dessins de Tharsis. »
(Bulletin de la Société académique de Laon. ST-Quentin, Imp. D. Antoine, 1910, t. XXXIII, p. 133-134)


Son premier ex-libris [60 x 84 mm] est seul signé. Le blason de Béthune, « D’argent, à la fasce de gueules, accompagnée en chef d’un lambel à trois pendants de même », est surmonté d’une couronne ducale, de laquelle émerge un casque de face, aux lambrequins fleurdelysés et ayant pour cimier un phénix essorant ; abrités dans les plis du manteau de pair, deux sauvages, dont l’un est debout et l’autre assis le dos tourné, soutiennent cet écu.


Son second ex-libris [31 x 42 mm] rappelle le premier par sa disposition ; une guirlande de feuillage remplace les tenants de chaque côté de l’écu.

Armand-Joseph de Béthune s’attacha à développer autour de lui le progrès agricole. Il encouragea par ses dons l’ouverture de nombreuses routes, le desséchement des marais, la culture des plantes fourragères et de la garance, la lutte contre les épizooties, la substitution de la charrue à l’araire. 

Château de Meillant (1850)

Château de Meillant (aujourd'hui)

Il fonda à Meillant [Cher], qu’il possédait depuis 1755, une société d’agriculture et améliora la race ovine berrichonne par des croisements avec les moutons mérinos. Louis XV disait de lui : « Vous voyez bien cet homme tout simple, eh bien ! il vivifie trois de mes provinces » : la Picardie, dont il était gouverneur, la Bretagne, où il avait des propriétés, et le Berry qui était son pays de prédilection. Devançant la Révolution, il abolit sur ses terres les droits seigneuriaux et fit, avant le décret du 6 octobre 1789 sur la contribution patriotique, un don volontaire de 100.000 livres.
Très aimé en Berry pour sa grande bienfaisance, le duc de Charost vécut à Meillant pendant la Terreur, mais y fut arrêté le 8 avril 1794 et transféré à Paris, à la prison de La Force, rue Pavée [IVe]. Les pétitions qui affluèrent en sa faveur firent différer sa mise en jugement et le 9 thermidor le sauva, tandis que son seul fils survivant du premier lit était guillotiné.

Armand-Joseph de Béthune fut nommé maire du Xe arrondissement de Paris après le 18 brumaire An VIII [9 novembre 1799], mais mourut, le 5 brumaire An IX [27 octobre 1800], victime de la variole, dont il fut pris en visitant l’Institution des Sourds-Muets, dont il était administrateur ; il fut inhumé le 7 brumaire dans la chapelle du château de Meillant. Il avait été surnommé le « Père de l’humanité souffrante ». 



Une souscription fut ouverte pour lui élever un obélisque en pierre, dans le jardin de l’archevêché, à Bourges [Cher].
Par testament du 3 juin 1798, il avait légué tous ses biens à sa seconde femme. Elle s’occupa peu du château de Meillant et le donna, en 1857, à sa nièce Virginie de Sainte-Aldegonde (1792-1878), duchesse de Mortemart. Son autre nièce Joséphine de Sainte-Aldegonde (1789-1843), comtesse d’Imecourt, hérita du château de Roucy : ses petits-enfants vendirent le château en 1908 et dispersèrent les derniers vestiges de la bibliothèque du duc de Charost qui s’y trouvaient ; le chartrier de Roucy fut heureusement acquis par les Archives départementales.


La plus grande partie des livres du duc de Charost, ceux provenant de ses bibliothèques de Paris installées 80 rue de Lille et 12 rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice [VIe, partie de la rue Bonaparte, entre la rue Saint-Sulpice et la rue de Vaugirard], furent vendus Salle Silvestre, 12 rue des Bons-Enfants, du mercredi 20 prairial [9 juin] au lundi 7 thermidor [26 juillet] An X [1802], en 40 vacations : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. de Béthune-Charost (Paris, Méquignon l’aîné, An X-1802, in-8, viij-188 p., 2.600 + 1 double [bis] = 2.601 lots), dont Théologie [200 lots = 7,68 %], Jurisprudence [73 lots = 2,80 %], Sciences et Arts [526 lots = 20,22 %], Belles Lettres [447 lots = 17,18 %], Histoire [1.296 lots = 49,82 %], Supplément [57 lots = 2,19 %].

« La Bibliotheque dont nous publions le Catalogue, offre des Livres importans dans tous les genres ; elle présente aussi des Manuscrits précieux dans les différentes classes, et particulièrement dans l’Histoire.
On trouvera dans les Sciences et Arts de bons livres sur l’Histoire naturelle, beaucoup de livres à figures, tels que la Science des Galeres, manuscrit in-fol. avec dessins de la plus grande beauté, l’Encyclopédie, la Galerie du Palais-Royal, celle de Dusseldorff, &c. Divers Ouvrages de prix, sur l’Architecture, l’Art militaire, &c., &c.
Dans les Belles-Lettres, les Auteurs latins les plus estimés, éditions des Elzevirs & autres, dont le Cicéron Elzevir, celui publié par d’Olivet ; Horace, Virgile, &c.
L’Histoire, qui fait la plus riche partie de cette bibliotheque, réunit des Collections très-précieuses d’ouvrages sur la Géographie & les Voyages, dont quelques-uns manuscrits avec plans dessinés & lavés ; un superbe exemplaire des Costumes religieux & militaires, par Charles Bar, 6 vol. in-fol. ; une suite d’Historiens grecs et latins, des meilleures éditions. L’Histoire de France, complette dans toutes ses parties, offre encore quelques Manuscrits intéressans. L’Histoire étrangère et l’Histoire littéraire contiennent également d’excellens livres ; dans cette dernière partie se trouvent des Collections très-complettes d’anciens Journaux de littérature française et étrangère.
En général les Livres sont bien conditionnés ; on pourra les voir à la Salle de vente, le matin de chaque Vacation, depuis onze heures jusqu’à deux. » [sic]
(« Avertissement », p. iij-iv)

Dans l’exemplaire de la Bibliothèque Astor de ce catalogue, conservé aujourd’hui à la Bibliothèque publique de New York, une note manuscrite contemporaine a été ajoutée, après avoir remplacé « bien » par « très mal » pour qualifier la condition des livres :    

« mensonge imprimé qu’on ne devoit pas attendre d’un Libraire Dévot, et qu’on ne peut excuser que par son ignorance.
La majeure Partie de cette Bibliotheque provenoit de celle de L’abbé Goujet : Elle présentoit Conséquemment des Livres qu’un homme de Lettres peu fortuné et devenu aveugle vers le milieu de sa Carriere avoit pu réunir pour le Genre de travail auquel il avoit Consacré toutes ses Etudes (L’histoire Littéraire) L’ancienne Bibliotheque de la maison Bethune Charost dans laquelle elle se trouve incorporée étoit à ce qu’il Paroit possédée par des Propriétaires peu Curieux et Sans Goût. Le tems ayant vieilli ces deux Bibliotheques mal rajeunies ne nous a plus offert qu’une masse effrayante de Bouquins. Les Sequestres Revolutionnaires en ont achevé la détérioration ayant donné le tems aux mîtes et à la Pourriture d’entâcher une grande quantité d’articles principalement les grands formats : ajoutez à cela la dégradation des Reliures de Livres déjà mal conditionnés, beaucoup d’ouvrages défectueux et incomplets et vous aurez [illisible] de cette Bibliotheque. » [sic]

Une grande partie des ouvrages provenait effectivement de la bibliothèque de l’abbé Claude-Pierre Goujet (1697-1767), chanoine de l’église Saint-Jacques-de l’Hôpital [détruite en 1829], rue Mauconseil à Paris [Ier], que le duc avait acquise en 1767 et qui passait pour l’une des plus remarquables de son temps.


517. La Botanique mise à la portée de tout le monde, ou Collection des Plantes d’usage dans la Médecine, dans les Alimens & dans les Arts, par Regnault. Paris, 1774, in-fol., fig. color. 120 l. 05.

(Musée national de la Marine)

631. La Science des Galères, qui renferme tout ce qui regarde la construction, l’armement, la manœuvre, le combat & la navigation des Galères, par le chev. de Barras de Lapenne. Marseille, 1697, gr. in-fol., fig., m. r., dent., d. s. tr. Manuscrit. 144 l. 10.


708. Description des projets & de la construction des ponts de Neuilly, de Mantes, d’Orléans, & autres, &c. par Perronnet. Paris, Impr. royale, 2 vol. gr. in-fol., fig. 85 l. 95.


789. Cours d’Hippiatrique, ou Traité complet de la Médecine des Chevaux, par Lafosse. Paris, 1772, in-fol., fig. color., gr. pap., br. en cart. 139 l. 95.


873. M. Tullii Ciceronis Opera. Lugd. Bat. Elzevir, 1642, 10 vol. in-12. Très mauvais état. 33 l. 95.
875. M. Tullii Ciceronis Opera, cum delectu commentariorum Jos. Oliveti. Parisiis, Coignard, 1740, 9 vol. in-4, v. m. 186 l. 05.


1.323. Voyage pittoresque, ou Description des royaumes de Naples & de Sicile, par de Saint-Non. Paris, 1781, 5 vol. in-fol., fig., rel. en cart. 471 l.


1.422. Recueil de tous les Costumes religieux & militaires, avec un abrégé historique & chronologique, enrichi de notes & de planches coloriées, par Jacq. Charles Bar. Paris, 1788, 6 vol. in-fol., rel. en carton. Exemplaire de choix et parfaitement complet. 339 l. 95.


1.598. L’Europe illustre, par Dreux du Radier, ouvrage enrichi de portraits gravés par les soins du sieur Odieuvre. Paris, 1755, 6 vol. in-4, v. éc., fil., d. s. tr. 73 l. 50.


1.871. Histoire militaire du duc de Luxembourg en Flandre. La Haye, 1756, 5 vol. in-4, fig., v. f., fil. 62 l. 05.


2.063. Tableaux de la Suisse, ou Voyage pittoresque fait dans les XIII Cantons & Etats alliés du Corps helvétique. Paris, 1780, 5 vol. in-fol., fig., rel. en cart. 351 l.


2.316. Les Ruines de Palmyre, autrement dite Tedmor au désert. Londres, 1753, in-fol., fig. 71 l. 95.
2.453. Catalogue raisonné des Livres de la Bibliothèque de M. l’abbé Goujet, 6 vol. in-fol. Manuscrit écrit par lui-même. 72 l. 50. à Barbier. 

Collection complette des portraits de MM. les députés de l'Assemblée nationale de 1789
(Paris, Dejabin, 1789, 3 vol. in-4, 601 portraits)
Sotheby's, Paris, 6 novembre 2014 :  5.250 €

























vendredi 6 juillet 2018

L’Abbé Rive (1730-1791), bibliognoste orgueilleux et patriote malfaisant



Cathédrale d'Apt

D’une famille originaire d’Aix-en-Provence [Bouches-du-Rhône], Joseph-Jean Rive est né le 19 mai 1730, à Apt [Vaucluse], où il fut baptisé le même jour en l’église cathédrale Sainte-Anne, fils de Jean-Pierre Rive (° 1698), maître orfèvre, et de Marguerite Jean, mariés à Apt le 22 septembre 1726.
On raconte qu’il était doué d’une mémoire prodigieuse et qu’une immense lecture alimenta ses connaissances bibliographiques :

« J’ai puisé tant et tant de grandes idées dans environ 200000 volumes, qui depuis l’âge de 15 ans me sont passés par les mains dans les grandes Bibliothéques [sic], que j’ai ou fréquentées ou formées, jusques à celui de 60, où je me trouve actuellement. »
(Lettres purpuracées. Dicaiopolis, Agatton Eleuthère, 1789, p. 113).

Portail d'entrée du Séminaire, 4 rue Saint-Charles, Avignon

Ayant embrassé l’état ecclésiastique, l’abbé Rive professa d’abord la philosophie et la physique au séminaire de Saint-Charles-de-la-Croix, à Avignon [Vaucluse] : Louis-Mayeul Chaudon (1737-1817), auteur du Nouveau dictionnaire historique-portatif (Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1766, 4 vol. in-8), fut son élève en 1753 et 1754.

En 1764, l’abbé Rive devint curé de Mollégès [Bouches-du-Rhône]. Des difficultés suscitées par son caractère provoquèrent son départ, le 31 juillet 1766. Il vendit sa bibliothèque à son seul ami, Joseph David (1730-1784), libraire à Aix-en-Provence, avec lequel il correspondra jusqu’en 1784.

Rue des Grands Augustins, Paris

L’abbé Rive tenta sa chance à Paris. Il arriva dans la capitale le 4 janvier 1767 et choisit de vivre dans le quartier des libraires, rue des Grands-Augustins [VIe], dans un appartement de l’hôtel Saint-Louis. Ambitionnant surtout une place à la Bibliothèque du Roi, il demanda à l’abbé Jean-Jacques Barthélemy (1716-1795), né à Cassis [Bouches-du-Rhône] et intimement lié avec Jean-Augustin Capperonnier (1745-1820), garde des livres imprimés de la Bibliothèque du Roi, de le présenter au philologue Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781), qui avait appris seul la langue provençale, à l’érudit Étienne Lauréault de Foncemagne (1694-1779), qui venait de soutenir contre Voltaire l’authenticité du Testament politique du cardinal de Richelieu, et à Charles-Robert Boutin (1722-1810), intendant des Finances. L’abbé Barthélemy Mercier de Saint-Léger (1734-1799) essaya de le placer auprès du marquis de Paulmy (1722-1787). La place de bibliothécaire du duc de Charost (1738-1800), qui venait d’acheter la bibliothèque de l’abbé Claude-Pierre Goujet (1697-1767), lui échappa également.

Enfin, au mois d’avril 1768, le duc de La Vallière (1708-1780) le fit appeler pour lui demander le catalogue manuscrit d’une bibliothèque célèbre qu’il y avait alors à vendre en Provence, avant de l’y envoyer pour obtenir quelques-uns des livres de cette bibliothèque. 

Hôtel La Vallière, 136 rue du Bac

Le duc s’attacha définitivement l’abbé Rive comme bibliothécaire, au mois de décembre, pour former une nouvelle bibliothèque dans son hôtel de la rue du Bac [136-140 rue du Bac, VIIe]. Le duc venait de se défaire, anonymement, de presque toute sa bibliothèque du château de Montrouge [détruit en 1879, Hauts-de-Seine], du 5 janvier au 7 mars 1768 : Catalogue des livres provenans de la bibliothèque de M. L. D. D. L. V. (Paris, Guill.-François De Bure le jeune, 1767, 2 vol. in-8, 3.858 + 1.775 = 5.633 lots), avec une « Table des auteurs ».

Abbé Rive
Musée Calvet, Avignon (inv. 838.7.5)

L’abbé Rive fut le véritable créateur de la dernière bibliothèque du duc de La Vallière. Courant les ventes, les librairies et autres dépôts de livres, il reconstitua une bonne partie des collections dont le duc s’était séparé, rédigea des dizaines de milliers de fiches et publia de nombreuses notices sur les collections.
A la vente de Gaignat, en 1769, le duc fit racheter par Guillaume-François De Bure « le Jeune » la plus grande partie des articles précieux qu’il avait vendus à cet amateur en 1767, et beaucoup d’autres livres très rares, pour 86.000 livres, dont l’unique exemplaire de la Christianismi restitutio (S. l. [Vienne, Isère], s. n. [Balthazar Arnoullet], 1553, in-8), par Michel Servet (1511-1553), sauvé des flammes du bûcher, qui se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France. Le duc acheta les bibliothèques entières de Bonnemet, en 1772, pour 18.000 livres, et de Prosper Jackson, en 1775, pour 35.000 lires [sic]. Le duc chargea aussi Guillaume De Bure « fils Aîné » de lui acheter des ouvrages à Londres, à la vente du Docteur Askew, en 1775, pour 12 à 15.000 livres. En 1777, le duc se rendit acquéreur de tout ce qui restait de la bibliothèque de la famille d’Urfé.
Quand il achetait des bibliothèques entières, l’abbé Rive choisissait ce qu’il y avait de plus curieux et se débarrassait du reste, toujours anonymement : Catalogue des livres de M*** (Paris, Debure fils aîné, 1772, in-8, 4-146 p., 2.812 – 13 manquants = 2.799 lots), dont Théologie [204 lots = 7,28 %], Jurisprudence [36 lots = 1,28 %], Sciences et Arts [181 lots = 6,46 %], Belles Lettres [1.892 lots = 67,59 %], Histoire [486 lots = 17,36 %] ; Catalogue des livres provenans de la bibliothèque de M. L. D. D. L. V. (Paris, Guillaume De Bure fils aîné, 1777, in-8, viij-116 p., 1.308 lots), avec une « Table alphabétique des auteurs », dont Théologie [151 lots = 11,54 %], Jurisprudence [29 lots = 2,21 %], Sciences et Arts [213 lots = 16,28 %], Belles Lettres [434 lots = 33,18 %], Histoire [481 lots = 36,77 %].
Grâce à l’abbé Rive, la bibliothèque du duc était devenue une bibliothèque de « grande curiosité », avec des manuscrits à enluminures, des incunables, des éditions princeps grecques et latines, les principales Bibles imprimées, les grands livres d’histoire naturelle, des impressions sur vélin.

Abbé Rive
 A bibliographical antiquarian and picturesque tour in France and Germany
(London, Shakspeare Press, 1821, vol. 2, p.384)

L’abbé Rive s’occupa aussi de travaux et de discussions littéraires, mais avec une irritabilité toujours excessive. Thomas-Frognall Dibdin (1776-1847) dit de lui « the very Ajax flagellifer of the bibliographical tribe, and at the same time the vainest and most self-sufficient » [le redoutable Ajax flagellifer de la gent bibliographique, et en même temps l’être le plus vaniteux et le plus suffisant] (A bibliographical antiquarian and picturesque tour in France and Germany. London, Shakspeare Press, 1821, vol. II, p. 381). Se comportant comme le maître de la bibliothèque, les proches du duc finirent par le détester, et le duc lui-même disait qu’il « avait fait l’acquisition d’un dogue ».

L’abbé Rive écrivait beaucoup. La plupart de ses ouvrages imprimés, tirés à un petit nombre d’exemplaires, sont devenus introuvables, et plusieurs d’entre eux sont inconnus des bibliographes ou inexactement cités. Leur lecture, décevante, révèle un esprit souvent désordonné et velléitaire, et une bibliognosie parfois défaillante. De nombreux ouvrages, souvent annoncés, comme Le Réveil-Matin littéraire, « pour exciter les auteurs paresseux ou trop confiants, aux recherches & aux vérifications, en forme de lettres adressées aux MM. du Journal de Paris, pour servir de correction ou de supplément à un nombre infini de pièces de leur Journal », n’ont pas été publiés.

« Conformément à la méthode préconisée et pratiquée par ce grand critique [Sainte-Beuve], notre premier historien littéraire, je me suis gardé tant que j’ai pu de l’à peu près, et appliqué, de toutes mes forces aussi, à être exact : l’exactitude, même dans “ notre France invérificatrice ” [La Chasse aux bibliographes et antiquaires mal-advisés. Londres, N. Aphobe, 1789, t. I, p. 235, n. 1], devant être et devant rester “ la première vertu du bibliographe ”, comme se plaisait si bien à répéter le consciencieux érudit et habile imprimeur Crapelet [Th. Frognall Dibdin. Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France. Paris, Crapelet, 1825, t. IV, p. 124, n. a]. »
(Albert Cim. Le Livre. Paris, Ernest Flammarion, 1905, t. I, p. V-VI)


-          « Lettres philosophiques contre le Système de la nature ». Parues dans Le Porte-feuille hebdomadaire, ouvrage periodique, Qui paroît toutes les Semaines ; Par M. d’Açarq (Imprimé à Bruxelles, chez De Boubers. L’on Souscrit à Paris, pour toute la France, Chez Valade, 1770-1771, in-8, t. 3 et t. 4).


-          Éloge à l’Allemande, des réflexions sur les sermons nouveaux de M. Bossuet. Par M. l’Abbé Maury, Vicaire-Général, Chanoine & Official de Lombez. A Avignon, chez François Merende [sic], libraire, & se trouve A Paris, chez Antoine Boudet, 1772 Par M*** (Eleutheropolis [Paris], Chez N. Aléthophile ; l’an des Préjugés Littéraires, 1773, in-8, 95-[1 bl.] p.). Pamphlet dirigé contre la première édition des Réflexions sur les Sermons nouveaux de M. Bossuet (Avignon, François Mérande, et se trouve à Paris, Antoine Boudet, 1772, in-12), par l’abbé Maury. L’identification de N. Aléthophile [« Ami de la vérité »] avec Jacques-Simon Merlin (1765-1835), par l’abbé Rive lui-même (Chronique littéraire. Éleutheropolis, [1790], p. 5), n’est pas défendable.


-          Notices historiques & critiques de deux manuscrits, uniques & très précieux, de la bibliothèque de M. le Duc de La Valliere [sic], dont l’un a pour titre : La Guirlande de Julie, & l’autre, Recueil de Fleurs et Insectes, peints par Daniel Rabel en 1624. Par M. l’Abbé Rive (Paris, Imprimerie de Didot l’Aîné, 1779, in-4, [1]-[1 bl.]-20 p.). Tiré à 100 exemplaires et 2 exemplaires sur papier in-fol.


-          Notices historiques & critiques de deux manuscrits de la bibliotheque [sic] de M. le Duc de La Valliere [sic], dont l’un a pour titre : Le Roman d’Artus Comte de Bretaigne, & l’autre, Le Rommant de Pertenay ou de Lusignen. Par M. l’Abbé Rive. […] (Paris, Imprimerie de Didot l’Aîné, 1779, in-4, 36 p.).


-          Recueil d’estampes, Représentant les Grades, les Rangs & les Dignités, suivant le costume de toutes les Nations existantes ; avec des Explications historiques, & la Vie abrégée des grands Hommes qui ont illustré les dignités dont ils étoient décorés : Ouvrage dédié au Roi, et divisé en cinq classes. […] (Paris, chez Duflos, le jeune, 1779, in-fol., 264 pl. h.-t.). Paru à partir de 1779, en 44 livraisons de 6 planches, soit en noir, soit coloriées. Portraits exécutés par Pierre Duflos (1742-1816), pour la gravure, et par l’abbé Rive pour le texte : celui-ci cessa sa participation après les 11 premières livraisons.


-          Notice D’un Manuscrit de la Bibliothèque de M. le Duc de la [sic] Vallière, contenant les Poésies de Guillaume de Machau, accompagnée de Recherches historiques & critiques, pour servir à la vie de ce Poëte, par M. l’Abbé Rive (Paris, Imprimerie de Ph.-D. Pierres, et se vend chez Eugène Onfroy, 1780, in-4, 27-[1 bl.] p.). Se trouve à la fin de l’Essai sur la musique ancienne et moderne (Paris, Imprimerie de Ph.-D. Pierres, et se vend chez Eugène Onfroy, 1780, in-4, t. IV), par Jean-Benjamin de La Borde, dont on a tiré séparément 24 exemplaires sur papier de Hollande.


-          Lettre De M. l’Abbé Rive à M. de Laborde, sur la Formule Nos Dei Gratia [Par la grâce de Dieu] (Paris, Imprimerie de Ph.-D. Pierres, et se vend chez Eugène Onfroy, 1780, in-4, 8 p.). Se trouve, à la suite de la notice précédente, dans l’Essai sur la musique ancienne et moderne (Paris, Imprimerie de Ph.-D. Pierres, et se vend chez Eugène Onfroy, 1780, in-4, t. IV), par Jean-Benjamin de La Borde, dont on a tiré séparément 50 exemplaires sur papier de Hollande.


-          Éclaircissements historiques et critiques sur l’invention des cartes à jouer, Par M. l’Abbé Rive ; Tirés de sa Notice d’un MS. de la Bibliotheque [sic] de M. le Duc de La Valliere [sic], intitulé le Roman d’Artus, Comte de Bretaigne ; imprimée à Paris, chez Didot l’aîné, en 1779, in-4° (Paris, Imprimerie de Fr. Ambr. Didot, 1780, in-8, 48 p.). Tiré à 100 exemplaires sur grand papier fort, 500 exemplaires sur papier simple, 4 exemplaires sur vélin, dont l’un vendu à Le Camus de Limare (1736-1794), un au baron Joseph-Louis d’Heiss et un à Mathieu-Robert Gouttard (1726-1780). Le faux titre porte « Étrennes aux joueurs de cartes ».

Fréquemment malade depuis le début de l’année 1779, le duc de La Vallière mourut en son hôtel, le 16 novembre 1780, sans avoir jamais tenu ses promesses concernant les émoluments de son bibliothécaire, ce qui n’avait pourtant pas empêché l’abbé Rive de refuser, en 1773, par fidélité ou par peur des représailles, de devenir le bibliothécaire de la comtesse du Barry (1743-1793).
Le duc de La Vallière ne laissait qu’une fille, la duchesse de Châtillon (1740-1812), qui congédia l’abbé Rive le soir même de la mort de son père et qui confia la rédaction du catalogue de ses livres à Guillaume De Bure « fils Aîné » (1734-1820), quai des Augustins [quai des Grands-Augustins, VIe], Jean-Luc Nyon « l’Aîné » (1739-1799), rue du Jardinet [VIe], et Joseph Van Praet (1754-1837), de Bruges [Belgique], pour les manuscrits. L’abbé Rive en fut, évidemment, très irrité.

Abbé Rive (B.n.F., Paris)

« Tu as appris, cher ami, la mort du duc de La Vallière par les papiers publics, mais tu n’y as pas lu mon sort. On se seroit bien gardé de l’y faire insérer.
Tu sçais que lorsque j’entrai chez lui, en 1768, nous convînmes qu’il me feroit un sort de 3,000 l. ; je passai depuis 1768 jusqu’en 1775 avec un défrayement annuel de 900 l. : je ne quittançai jamais qu’en forme de défrayement et non de gages et émoluments.
Le duc de La Vallière, me voyant résolu en 1775 à le quitter, m’offrit en juin de cette même année une rente viagère de 1,200 l., avec promesse d’avoir après lui une rente de même valeur et un legs en argent pour mes meubles. Je ne voulois pas y acquiescer, je fus huit jours entiers sans donner réponse décisive. Il me menaça de barrer tous les passages dans Paris, disons mieux de me perdre. Tels furent ses mots. Cela ne coûte pas à certains grands. Quand vous les quittez pour raison d’ingratitude à votre égard, ils disent qu’ils vous chassent pour raison de friponnerie. La menace m’arrêta : je souscrivis.
Il est mort ; il me laisse un simple legs de 6,000 l., une fois payées. […]
Mon avoir se réduit actuellement à 1,100 l. de rente viagère et à un intérêt de 300 l. que me rendront mes 6,000 l.
Vit-on à Paris avec 1,500 l. !
J’ai 30,000 l. de livres ou d’estampes. Je dois environ 26,000 l. que j’ai dépensées en calques d’anciennes écritures, en frais de gravures, en frais de peintures pour mon histoire critique des mss. et des éditions du XVe siècle de la bibliothèque que j’ai formée. Il me faut supporter 1,300 l. d’intérêt pour cette dette jusqu’à ce que mes fonds me rentrent, ou il faut que je vende mes livres.
Si je ne les vends pas, j’ai 200 l. de rente ; si je les vends, je reste sans outils et je suis par conséquent réduit à la plus dure de toutes les afflictions, puisque je me dépouille du seul plaisir que je puisse ressentir dans la vie. […]
Mais voici qui va te surprendre bien davantage.
J’avois par bonheur enlevé mon ouvrage de chez le duc depuis deux ans. A sa mort, sa fille a fait faire trois verbaux contre moi pour me le disputer :
Le 1er verbal, le jour de la mort de son père, 16 novembre, au sortir du dîner ;
Le 2e, le 28 du même mois, sous prétexte de faire inventorier les meubles de son père qui pourroient être dans ma chambre ;
Le 3e, le 1er décembre, jour de la levée du scellé de la bibliothèque.
Tous ces verbaux se sont faits avec la plus grande dureté. La bibliothèque étoit inondée de laquais et de gens d’affaires. Comme l’exécuteur testamentaire est maître Boudot, fils d’un libraire, cet homme avide a inspiré lui seul à la duchesse de Châtillon de me disputer mon ouvrage, afin de mieux vendre la bibliothèque du duc et d’en faire imprimer le catalogue par deux libraires qu’il a choisis à cet effet et qui sont, l’un ton ami Nyon, et l’autre Debure, fils aîné.
Ils sont aussi mes deux amis. Mais quelles gens avides ! Je n’en connois pas de semblables !
Seroit-il le propre des libraires de Paris d’être de vrais vautours !
Ce qui est sûr, c’est que les deux que je te nomme ont fait tous leurs efforts pour se faire nommer libraires priseurs à la mort du duc, comme s’il falloit d’autres priseurs que moi, et qu’ils ont concouru à me dépouiller de ma propriété. » [sic]
(Lettre de l’abbé Rive à Joseph David, 22 décembre 1780)

Hôtel Coste, 42 rue du Cherche-Midi

Ayant quitté sa chambre à l’hôtel du duc de La Vallière, l’abbé Rive devint locataire, à partir du 1er décembre 1780, dans la maison du Docteur César Coste (1732-1793), natif d’Arles [Bouches-du-Rhône], 42 rue du Cherche-Midi, paroisse Saint-Sulpice [VIe].


-          « Ode sur la naissance du Messie, par M. l’Abbé Rive ».  Parue dans le Journal de Paris (Numéro 360, lundi 25 décembre 1780, p. 1.465-1.466).



-          Ode sur l’abolition récente de l’esclavage en France, suivie de notes critiques par M**. Pièce composée en Juin de 1780, pour l’Académie des Cosmopolites (Londres [Bruxelles], s. n., 1781, in-8, 16 p.). Tirée à 20 exemplaires sur papier de Hollande.



-          Prospectus d’un ouvrage proposé par souscription par M. l’abbé Rive (S. l. [Paris], s. n. [Didot l’Aîné], s. d. [1782], in-12, 70-[1]-[1 bl.] p. et 26 pl. h.-t.). Tiré à 300 exemplaires. L’abbé Rive n’a pas publié l’explication qui devait accompagner les 26 tableaux copiés dans les plus beaux manuscrits du duc de La Vallière. Il n’a paru que ce prospectus de l’ouvrage, qui devait avoir pour titre Essai sur l’art de vérifier l’âge des miniatures peintes dans des manuscrits depuis le quatorzième jusqu’au dix-septième siècle inclusivement, de comparer leurs différents styles & degrés de beauté, & de déterminer une partie de la valeur des manuscrits qu’elles enrichissent et qui devait être tiré à 80 exemplaires, numérotés et signés par l’abbé Rive.




Ne laissant échapper aucune occasion de faire part à l’Europe de son érudition et de ses connaissances bibliographiques, l’abbé Rive fit part de son projet de faire un commentaire critique sur le catalogue de livres du duc de La Vallière, au journal anglais de Henry Mathy, intitulé A New Review ; with literary curiosities, and literary intelligence, for the year 1783 (London, Printed for the author, 1783, vol. III, p. 160-161). On en trouve la traduction française dans le Supplément à la première partie du catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le duc de La Vallière (Paris, Guillaume De Bure fils aîné, 1783) :

« L’avis suivant, relatif au Catalogue de M. le Duc de la Valliere, m’a été communiqué par M. L’ABBÉ RIVE, QUI M’AUTORISE A LE RENDRE PUBLIC.
Le Catalogue aura deux parties rédigées par deux différents Libraires. Celui des livres les plus curieux & les plus rares, par M. De Bure le jeune, (il faut lire l’aîné) & celui des livres ordinaires par M. Nyon l’aîné.
La partie de M. De Bure, qui contiendra deux ou trois volumes in 8, devoit être publiée dans le mois de Janvier, c’est pourquoi elle ne tardera pas à paroître. L’autre sera mise au jour dans quelque temps.
Aussitôt que les deux parties seront publiées, M. l’Abbé Rive, qui croit avoir de grands sujets de se plaindre des Libraires, se propose de faire un Commentaire critique sur chacun de leurs Catalogues ; cet ouvrage formera plusieurs volumes in 8. En même temps il me prie d’informer le public que, s’il eût fait le Catalogue (comme effectivement il sembloit en avoir le droit, ayant été le GARDE de la Bibliotheque) il avoit intention de l’exécuter sur le plan suivant.
Il auroit donné un modele de l’écriture de chaque manuscrit, & du type de chaque livre imprimé, avec le nombre des pages de chacun, le nombre des lignes de chaque page, la forme des caracteres des livres imprimés & manuscrits, & s’ils sont sur une ou sur deux colonnes. Il nous auroit dit quels sont les chiffres, les signatures, les dates, les noms des Ecrivains & des Imprimeurs que chaque livre contient ; & dans le cas où les livres auroient été sans aucunes de ces marques, il auroit copié les deux premieres lignes.
En rendant compte de chaque manuscrit, il seroit entré dans des détails sur les manuscrits semblables qui existent ; & sur chaque livre imprimé, il auroit donné une liste des éditions & le nombre des exemplaires que l’on a tirés de chacune.
En outre il y auroit eu une critique concise de chaque ouvrage qui l’auroit mérité, & un examen des notices qui en auroient été faites par les Savants qui ont écrit sur la Bibliographie & la Typographie.
Cet ouvrage, qui est une continuation de ce qui avoit été commencé d’abord, & ensuite abandonné par les héritiers de M. le Duc de la Valliere, existe ; & dans le cas où l’on trouvera des Souscripteurs, cet ouvrage sera imprimé. En même temps M. L. R. DESIRE QU’ON SACHE QUE LA BIBLIOTHEQUE ABONDE EN EXEMPLAIRES DE LIVRES IMPARFAITS (achetés suivant l’usage ordinaire dans le dessein de faire de deux ou trois mauvais exemplaires un bon.) Quoique l’on doive s’attendre que les livres seront collationnés par les Libraires, il convient que les acheteurs y regardent de près. » [sic]

La querelle de l’abbé Rive avec De Bure fournit presque tout le sujet de l’« Avertissement » du catalogue de la vente La Vallière : Catalogue des livres de la bibliotheque de feu M. le duc de La Valliere. Premiere partie […]. Par Guillaume De Bure, fils aîné. Tome premier (Paris, Guillaume De Bure fils aîné, 1783, p. i-xxxiij).


-          « Galeotti Martii Narniensis Liber excellentium sive de excellentibus, in-4° » (S. l. [Paris], s. n. [Veuve Valade], s. d. [1785], in-8, 16 p.). Première et seule notice calligraphique des Diverses notices calligraphiques, et typographiques, par M. l’Abbé Rive. Pour servir d’Essai à la Collection Alphabétique de Notices Calligraphiques de Mss. de différens siècles, et de Notices Typographiques de Livres du XVe. qu’il doit publier incessamment en XII ou XV vol. in-8°, qui n’ont pas été données. Tirée à 100 exemplaires sur papier de Hollande et 1 exemplaire in-4 sur vélin.

Bibliothèque Méjanes, Hôtel de Ville, entrée, Aix
Bibliothèque Méjanes, Hôtel de Ville, salle de lecture, Aix

Une attaque d’apoplexie frappa l’abbé Rive d’une hémiplégie droite, le 19 août 1786. Le 26 octobre suivant, l’archevêque d’Aix-en-Provence, Jean de Dieu de Boisgelin (1732-1804), vint à Paris pour l’inviter à prendre la direction de la bibliothèque que le marquis de Méjanes (1729-1786) avait léguée aux États de Provence, à la condition qu’elle soit ouverte au public dans la ville d’Aix-en-Provence.
L’abbé Rive vint à Aix en 1787, mais ses espérances n’ayant pas été satisfaites, il se déchaîna contre l’administration. Contrairement à ce qu’assurent plusieurs écrits, il ne renonça pas à son poste de bibliothécaire en 1788. La décision prise par les États de Provence le 28 avril 1789 de suspendre ses appointements provoqua d’incessantes récriminations pendant trois ans, tandis qu’il ne faisait rien pour la bibliothèque.


-          Histoire critique de la pyramide de Caïus Cestius, avec une Dissertation sur le sacerdoce des VII. virs épulons, et des Notes pour servir à l’éclaircissement du texte ; Par M. l’Abbé Rive (Paris, Imprimerie de Didot l’Aîné, Aux dépens de Molini et Lamy, 1787, in-fol., [1]-[1 bl.]-90 p. et 7 pl. h.-t.).


Librairie Jonathan A. Hill, New York : 5.500 $ 

-          La Chasse aux bibliographes et antiquaires mal-advisés, […], par un des Eleves que M. l’Abbé Rive a laissés dans Paris (Londres [Aix], Chez N. Aphobe [Veuve d’André Adibert, décédé en 1788], &c., 1789, 2 tomes en 2 vol. in-8, [1]-[1 bl.]-557-[1 bl.] p. et [1]-[1 bl.]-lvj-[3]-[1 bl.]-112 p.). Tiré à 300 exemplaires [250 sur papier ordinaire, 50 sur papier de Hollande]. Le tome I est divisé en trois lettres « A Monsieur le Comte de*** » ; le tome II contient l’introduction, des errata et des additions et la table générale des matières.
L’abbé Rive y prétend être l’inventeur des mots « bibliognosie », « bibliognostique », « bibliologie », « catalogographe » et « catalogographie ». Il y traite des bévues, fausses conjectures, omissions et plagiats de Guillaume De Bure « l’Aîné » (1734-1820), qu’il surnomme « le Gros Guillaume ».


-          Lettre de Monseigneur l’archevêque d’Aix, à Monseigneur l’archevêque de Narbonne (S. l., s. n., 1789, in-8, 48 p.).
-          Le Robin de l’Hellespont aux pieds du trône (S. l., s. n., 1789, in-8, 5-[1 bl.] p.).

-        Le Repentir ou Confession d’un Robin de l’Hellespont à un ex-Jésuite du Japon (S. l., s. n., 1789, in-8, 7-[1 bl.] p.).
-          Lettre de M. le chevalier de saint P., auteur du Repentir ou Confession d’un Robin (S. l., s. n., 1789, in-8, 3-[1 bl.] p.).



-          Ode sur la liberté naturelle et politique, pour servir à la déclaration des droits de l’homme. Seconde édition, Adaptée au temps présent. Par M. l’Abbé Rive (Eleutheropolis [Nîmes], Chez Agathophile, 1789, in-8, 16 p.). Seconde édition de l’Ode sur l’abolition récente de l’esclavage en France (Londres [Bruxelles], s. n., 1781, in-8).
-          Lettres violettes et noires ou anti-épiscopales et anti-grandvicariales, pour servir de supplément aux deux histoires modernes de Provence, par l’ex-oratorien Papon, et par le jurisconsulte Bouche, touchant les administrations de Jean de Dieu de Bois-Gelin, archevêque d’Aix, et d’Emmanuel-François de Bausset de Roquefort, évêque de Fréjus (Dicaiopolis [Nîmes], Chez Agathon Eleuthère, 1789, in-8, 96-[2] p.). Tirées à 240 exemplaires sur papier ordinaire et 10 exemplaires sur papier de Hollande.
-            Lettres purpuracées, ou Lettres consulaires et provinciales, Écrites contre les Consuls d’Aix et Procureurs du pays de Provence (Dicaiopolis [Nîmes], Chez Agatton Eleuthère [Coste-Belle], 1789, in-8, 117-[1 bl.]-[2] p.). Tirées à 240 exemplaires sur papier ordinaire et 10 exemplaires sur papier de Hollande.


Exemplaire de Gustave Mouravit (1840-1920), avec son cachet humide

-          L’Accomplissement de la prophétie politique, Faite en 1772 ; ou les Vrais Principes de gouvernement dans les corps politiques, contre les erreurs et la bassesse des nomoclastes ou briseurs des lois, Composés en Février de 1772, et imprimés, pour la première fois, en Octobre de 1789. Par M.  L. R. (Nomopolis [Nîmes], Chez Aristotechne [Coste-Belle], 1789, in-8, 24 p.).
-          L’Astrologue du Tiers-Etat ou les Prédictions pour l’année 1790, seconde de la liberté française, par un Robinocrate (Paris, Imprimé dans les décombres de l’Aristocratie, Robinocratie et Clericocratie, s. d. [1790], in-8, 14 p.).
-          Les Trois Dupes, dialogue entre l’Antiquaille ou la Noblesse, la Mitraille ou le Clergé, la Robinaille ou les Parlemens, ou les reproches amers des uns et des autres, pour servir de suite à L’Astrologue du Tiers-Etat, par un Justicrate (Paris, Imprimé dans les débris de l’Antiquaille, de la Mitraille et de la Robinaille, et se trouve chez tous les Justicrates, 1790, in-8, 16 p.).
-          Le Despotisme anéanti ou la France régénérée, par l’abbé Volaire, bon patriote (Marseille, Imprimerie de P. A. Favet, 1790, in-8, 24 p.).
-          Confession pascale des sieurs Bournissac, Thulis, Durand, La Flèche, Verdillon, Chomel et autres sang-sues, déposée dans le sein du R. P. Olivier, curé de Saint-Martin, directeur zélé des Aristocrates, par M. Aristo (S. l. [Marseille], Imprimé au fort Saint-Jean, 1790, in-8, 26 p.). 



-          Lettre vraiment philosophique, à Monseigneur l’Évêque de Clermont ; Sur les différentes Motions qu’il a faites dans notre auguste Assemblée Nationale, depuis la fin de Septembre dernier jusqu’à présent : Dans laquelle on trouvera la discussion critique de plusieurs autres Motions de divers autres honorables Membres ; & le cura ut valeas du Sacerdotisme présent. Par l’Abbé Rive (Nomopolis [Aix], chez le compere [sic] Eleuthere, 1790, in-8, 447-[1 bl.]-159-[1 bl.] p.). Tirée à 250 exemplaires [200 sur grand papier bâtard de Dauphiné, 50 sur très beau papier d’Annonay façon d’Hollande]. Il existe un second tirage, avec « Avis au lecteur » et suppléments d’errata ([2]-448-159-[1 bl.] p.).



-          Lettre au célébre [sic] Camille Des-Moulins : Sur l’inscription en faux qu’il a glissée, à la pag. 483 de son N°. XXIV., contre une assertion de Pline le Nat. touchant le changement de sexe, suivie d’un Post scriptum. Sur deux Décrets très-peu pressants de la séance du 8 Mai au soir, dans notre auguste Assemblée Nationale. Par M. l’Abbé Rive (S. l. [Aix], s. n., 1790, in-8, 15-[1 bl.]-[1]-[1 bl.] p.). Tirée à 200 exemplaires [100 sur grand papier bâtard de Dauphiné, 100 sur beau papier d’Annonay façon d’Hollande].
-          Opuscule de l’abbé Rive, intitulé : la Ligue monacale, anti-éléemosynaire. Vers les premiers jours de septembre 1790 (A Charitopolis, chez Jehan le Compâtissant [Paris, 1790], in-8°, 74 p.).



-          La Chasse Aux anti-Bayard, anti-Alphane & aux Mitrophore [sic]. Par M. le Chev. de St. Prés-Verprés (Imprimé à Verprés [Aix], Chez Nicolas Aphobe & Compagnie, 1790, in-8, 16 p.).
-          Dissertation sur un Recueil de lettres originales, au nombre de 74, écrites de la propre main de Henri IV, roy de France et de Navarre, à M. de Bellyevre, chancelier de France, par l’abbé Rive, bibliothécaire de la ville d’Aix, en Provence (S. l. [Paris], s. n., s. d. [1790], in-8, 15-[1 bl.] p., avec fac-similé).



-          Mémoire Présenté en manuscrit par l’Abbé Rive Bibliothécaire en chef des anciens Etats de Provence, le 30 Juillet de l’an 1790, aux Messieurs du Directoire du Département des Bouches du Rhône, imprimé aujourd’hui avec une légère correction d’environ trois mots peu essentiels, & avec addition de différentes Notes, & présenté de nouveau par le même à tous les honorables Membres du même Département (Aix, Chez les Freres [sic] Mouret, ce 4 Décembre 1790, in-8, 19-[1 bl.] p.).



-          Chronique littéraire Des Ouvrages imprimés et Manuscrits de l’abbé Rive, des secours dans les Lettres, que cet Abbé a fournis à tant de Littérateurs François ou Etrangers, de quelque rang & profession que ce soit, de la confiance dont divers illustres Amateurs l’ont honoré en lui remettant divers ouvrages très-savans à faire imprimer avec ses corrections & ses notes, et des jugemens que divers journaux François aussi, ou Etrangers ont portés sur ses ouvrages (Éleutheropolis [Aix]. De l’Imprimerie des Anti-Copet, des Anti-Jean-de-Dieu, des Anti-Pascalis, ces anti-redoutables fléaux de la régénération Françoise, & de la vraie liberté Nationale, l’an 2ond du nouveau Siecle [sic] François [1790], in-8, 235-[1 bl.]-ij p.). L’An II de la République correspond aux années 1793 et 1794, mais 1790 était considérée à l’époque comme la « seconde année de la Liberté française » ; les publications postérieures à 1790 ne sont pas citées.

L’abbé Rive ne dissimula bientôt plus ses nouvelles opinions et, le ressentiment aidant, il fonda à Aix, le 31 octobre 1790, dans l’ancienne église des Bernardines, au quartier de Villeverte, le club des « Vénérables Frères anti-politiques », qui sema l’agitation contre les anciens administrateurs de la province.



Le malheureux auquel l’abbé Rive en voulait le plus était Jean-Joseph-Pierre Pascalis (1732-1790), assesseur d’Aix et procureur de Provence, contre lequel il avait déjà fait paraître la Protestation Des Hommes de Loi, Membres de la Société des Amis de la Constitution, séante à Aix, Département des Bouches du Rhônes [sic]. Contre le discours anti-constitutionnel du sieur Pascalis, prononcé par devant la chambre des Vacations le 27 Septembre 1790 (Aix, Veuve d’André Adibert, 1790, in-8, 2 p.). Le 12 décembre 1790, Pascalis fut enlevé au château de la Mignarde, quartier des Pinchinats, et incarcéré. Dans sa Lettre des vénérables Frères anti-politiques, c’est-à-dire des hommes vrais, justes et utiles à la patrie, à M. le président du département des Bouches-du-Rhône, appelé Martin fils d’André, antérieure à l’incarcération du scélérat Pascalis, suivie d’un post-scriptum qui a été écrit après cette incarcération (Aix, Imprimerie des Vénérables Frères Anti-politiques, vrais foudres des Pascalis et de tous les Anti-nationaux, 13 décembre 1790, in-8, 13-[1 bl.] p.), l’abbé Rive écrivit : « Tout homme, quel qu’il soit, par quelques grands travaux qu’il puisse s’être distingué, s’il devient un jour l’ennemi de la patrie, il doit lui faire le sacrifice de sa vie sous une lanterne ». 


Pendaison de Pascalis, de La Roquette et de Guiramand, à Aix, sur le cours Mirabeau.

Le lendemain, Pascalis fut pendu par la populace au réverbère placé en face de la maison qu’il habitait, 34 cours Mirabeau !


-          Lettre des Vénérables Freres [sic] Anti-Politiques et de l’Abbé Rive, Présentée à MM. les Commissaires du Roi, dans le Département des Bouches-du-Rhône, le 13 Janvier 1791, avec une autre Lettre du même Abbé Rive, aux mêmes Commissaires (Nosopolis [Aix], Chez les Freres [sic] de la Miséricorde [Frères Mouret], s. d. [1791], in-8, 44 p.).



-          Lettre de l’Abbé Rive aux vrais amis de la Constitution, établis à Aix, Imprimée le 3 Février de l’an 1791, & suivie de l’Extrait de Des-moulins, qui est dans les trois dernieres [sic] Lettres de cet Abbé (S. l. [Aix], Chez les Freres Anti-politiques, ces vrais amateurs de la Vérité, de la Justice & de l’Utilité patriotiques [Mouret], s. d. [1791], in-8, 16 p.).



-          Lettres de l’Abbé Rive, à MM. les Commissaires des Trois Départemens [sic] de l’Ancienne Province de Provence, depuis le 26 Janvier 1791, jusqu’au 18 Février de la même année (Philadelphie, Chez les Freres [sic] Philanthropes, en Février de 1791, in-8, 76 p.).



-          Lettre de l’Abbé Rive à son trés-cher [sic] et trés-illustre [sic] ami Camille Des-Moulins, Sur l’extirpation du Fanatisme créé par les Despotes, depuis que le despotisme s’est perché sur les Thrônes (Eleutheropolis [Aix], Chez N. Aphobe, ce Jeudi 31 Mars 1791, in-8, 27-[1 bl.] p.).
-          Défense de la commune, du maire, de l’officier municipal et du greffier de Velaux, contre les surprises des plus insignes malévoles faites au district administrationnel d’Aix, et, par celui-ci, au directoire du département des Bouches du Rhône, suivie des pièces justificatives, par les vénérables frères Anti-Politiques et leur chef de la même ville (Aix, Frères Mouret, 1791, in-8, 15 p.).
-          Lettre de l’Abbé Rive à son très-cher ami et très-vénérable vice-président des Anti-Politiques, pour servir de préliminaire justificatif à la défense précédente, suivie des pièces justificatives de la commune et des officiers municipaux de Velaux (Aix, Frères Mouret, 1791, in-8, 32 p.).

Les autorités le dénoncèrent enfin le 21 avril 1791 comme perturbateur du repos public ; décrété de prise de corps le 21 mai, il s’enfuit à Marseille [Bouches-du-Rhône].

-          Les Décuirassés, ou les Trois Corps administratifs d’Aix, prétendant faussement et très-mal à propos ne pouvoir être attaqués devant les tribunaux, sans un décret préalable du Corps législatif (Marseille, F. Brébion, 1791, in-8).



-          Au très-intègre et au très-respectable tribunal judiciaire de Marseille. L’Abbé Rive, Martyr de la Liberté Nationale & des nouvelles Lois de l’Empire Français (Marseille, Imprimerie de F. Brebion, 1791, in-8, 55-[1 bl.] p.).

Frappé par une apoplexie foudroyante, l’abbé Rive mourut à Marseille, rue de la Guirlande, sur la rive nord du Vieux-Port, le 20 octobre 1791. 


Eglise Notre-Dame des Accoules, Marseille

Il fut enseveli le lendemain dans le cimetière de l’église Notre-Dame des Accoules.


Sa bibliothèque fut vendue en bloc par son neveu et héritier, l’orientaliste Joseph-Elzéar Morénas (1778-1830), au libraire marseillais Denis Chauffard et au juré-priseur Nicolas-Étienne Colomby ; cataloguée par Claude-François Achard (1751-1809), docteur en médecine, secrétaire de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille, bibliothécaire de la ville de Marseille, elle fut dispersée lors d’une vente publique, le 6 mars 1793 : Catalogue de la bibliothèque des livres de feu l’abbé Rive, acquise par les citoyens Chauffard et Colomby, mise en ordre par C. F. Achard, M. D. M. (Marseille, Imprimerie de Rochebrun et Mazet, 1793, An 2e de la République française, in-8, xvj-159-[1 bl.]-128-64-[2] p., 2.553 + 5 doubles [*] – 1 manquant = 2.557 lots), dont Théologie [335 lots = 13,10 %], Jurisprudence [162 lots = 6,33 %], Sciences et Arts [462 lots = 18,06 %], Belles Lettre [383 lots = 14,97 %], Histoire [623 lots = 24,36 %], Bibliographie [313 lots = 12,24 %], Vies des hommes illustres [98 lots = 3,83 %], Livres omis [181 lots = 7,07 %].

Pour hâter l’impression du catalogue, on avait fait appel à deux imprimeurs différents et, pour faire suivre les signatures, on divisa le catalogue en trois parties. Plusieurs articles de ce catalogue sont sortis des bibliothèques Gaignat, Rothelin, Hoym et La Vallière.


Pour De Bure, il s'agit du n° 25. Pour De Boze, il s'agit bien du n° 18.
Bibliographie instructiveVolume de Théologie.  Paris, Guillaume-François De Bure le Jeune 1763, p. 32-40.
Catalogue des livres du cabinet de M. De Boze. Paris, G. Martin, H. L. Guérin & L. F. Delatour, 1753, p. 4.




La Bible de Gutenberg, exemplaire de l'abbé Rive, à la Bibliothèque publique de New York

Le lot n° 4, une Bible de Gutenberg (2 vol. papier, exemplaire incomplet des quatre premiers feuillets, reliure en veau brun), acquise par l’abbé Rive on ne sait où, probablement entre 1789 et 1791, ne fut adjugé que 60 francs à la librairie David, à Aix-en-Provence. Le fonds de cette librairie fut vendu, du 28 germinal au 14 floréal An XI [18 avril au 4 mai 1803], 12 rue des Bons-Enfants :  Catalogue de livres choisis, provenants [sic] d’une partie du fonds d’ancienne librairie de MM. David, libraires à Aix (Paris, Guillaume De Bure et fils, 1803, in-8, [2]-102-[2] p., 1.307 lots) ; la Bible [n° 4] fut adjugée 400 francs à l’imprimeur parisien Firmin Didot (1764-1836), qui fit mettre des fac-similés à la place des feuillets manquants et qui remplaça la reliure en veau brun par une reliure en maroquin bleu. 



A la vente Didot, du 5 au 29 avril 1811, 30 rue des Bons-Enfants, la Bible [n° 6] fut retirée à 1.000 francs : Catalogue des livres raresprécieuxet très-bien conditionnésdu cabinet de M. Firmin Didot (Paris, De Bure père et fils, 1810, in-8, [2]-xvj-184 p., 1.018 lots).
On retrouve cette Bible de Gutenberg de l’abbé Rive dans un catalogue du libraire londonien Thomas-Norton Longman (1771-1842) : A catalogue of an extensive collection of old books, generally in unexceptionable condition (London, Longman, Hurst, Rees, Orme and Brown, 1816, in-8, [1]-[1 bl.]-605-[1 bl.] p., 7.832 articles, n° 2.200) ; le prix n’est pas indiqué. En 1818, la Bible entra dans la bibliothèque du marchand et homme politique George Hibbert (1757-1837), puis fut adjugée £ 215 au libraire londonien John Cochran pour le politicien John Wilks (1776-1854) : A catalogue of the library of George Hibbert, esq. of Portland Place (London, W. Nicol, 1829, in-8, [12]-484 p., 8.726 lots, n° 8725). L’année suivant la mort de sa femme et de son fils, John Wilks dispersa sa bibliothèque le 12 mars 1847 et les dix jours suivants : Catalogue of the valuable library of an eminent collector, giving up his present residence (London, Sotheby & Co, 1847, in-8, 163 p., n° 423). La Bible fut adjugée £ 500 au libraire George-Palmer Putnam, pour le philanthrope new yorkais James Lenox (1800-1880), et fut la première qui arriva en Amérique, à New York, le 21 juin 1847.
En 1895, la bibliothèque de James Lenox et la bibliothèque de John-Jacob Astor (1763-1848) furent réunies à celle de Samuel-Jones Tilden (1814-1886), afin de créer la Bibliothèque publique de New York. En 1922, trois feuillets d’un exemplaire mutilé de la Bible de Gutenberg remplacèrent trois des quatre fac-similés : seul le premier feuillet reste donc manquant.

Le conseil d'administration de la Bibliothèque publique de New York célébrant le centenaire de l'arrivée de la première Bible de Gutenberg en Amérique, le 7 novembre 1947

La Notice des ouvrages imprimés et manuscrits de l’abbé Rive (Paris, Imprimerie de P. Gueffier, s.d. [1817], in-8, 23-[1 bl.] p.), anonyme, qui est de Joseph-Elzéar Morenas, est fautive : elle porte le nombre des ouvrages de l’abbé Rive à 14 imprimés, 39 qu’il se proposait de publier, 7 manuscrits prêts à être livrés à l’impression et un très grand nombre de notes écrites sur des cartes. La plus grande partie des 35.000 cartes sur lesquelles l’abbé Rive avait déposé les preuves de son érudition ont été acquises en 1837 par la Bibliothèque royale. Après avoir été proposés en vain à Achard, à Dibdin et à la ville de Marseille, les manuscrits de l’abbé Rive furent dispersés en diverses mains.