vendredi 28 mars 2014

L’État civil perdu de « Vrain Lucas »

L’incurie des pseudo-biographes de « Vrain Lucas » pourrait faire croire que son état civil était aussi perdu que son honneur. À défaut de pouvoir lui rendre celui-ci, rendons-lui celui-là.

Fils d’un ouvrier travaillant à la journée, Denis-Vrin Lucas, dit « Vrain Lucas », est né le 1er décembre 1816 dans un lieu modeste de la commune de Lanneray (Eure-et-Loir) :   

« Du premier jour du mois de décembre mil huit cent seize une heure du soir.
Acte de naissance de Denis Vrin Lucas, fils de François Lucas et de Marie Madeleine Bret, ses père et mère, journalier demeurant aux Places, commune de Lanneray, né aujourd’hui au domicile de ses dits père et mère à une heure du matin, sur la déclaration à moi faite par le dit François Lucas père de l’enfant, en présence de Denis Beauger, laboureur demeurant à Fougueil, commune de Lanneray, et de François Cellier, journalier demeurant à Loisilière, commune de Lanneray, et majeurs, lesquels ont déclaré ne savoir signer, de ce interpellés.
Constaté par moi adjoint et officier de l’état civil soussigné. »
(Orthographe corrigée)




Il compléta le peu d’instruction qu’il avait reçu à l’école communale de Lanneray par de nombreuses lectures à la Bibliothèque de Châteaudun (Eure-et-Loire), ville où il trouva une place de clerc d’avoué et où il épousa, le 27 septembre 1842, Clémentine Luxereau (Châteaudun, 27 janvier 1824-Paris, 7 septembre 1856), couturière, fille d’un charretier de labour. Son travail lui valut ensuite un emploi de copiste au greffe du tribunal et à la conservation des hypothèques en 1846.
En 1852, il décida de monter à Paris, où il chercha vainement – faute d’être bachelier et de savoir le latin – un emploi à la Bibliothèque impériale, puis dans la librairie Auguste Durand, rue des Grès (Ve). Un malheureux hasard le fit entrer comme collaborateur et démarcheur dans le cabinet généalogique de Paul Letellier, qui fabriquait des chartes vieilles de six siècles pour des familles soucieuses de nobles ascendances. Il fréquenta les Bibliothèques Sainte-Geneviève, de l’Arsenal, Mazarine et la Bibliothèque impériale, et suivit les cours de la Sorbonne. En 1856, il réussit à se faire nommer membre correspondant de la Société archéologique du département d’Eure-et-Loir.

En 1861, il eut le bonheur de rencontrer le célèbre mathématicien Michel Chasles (1793-1880), membre de l’Institut, né dans le même département que lui et passionné collectionneur d’autographes.
 
« Il sortait de chez lui à onze heures, et déjeunait, tantôt au café Riche, lorsqu’il était en fonds, tantôt à la crêmerie, lorsque l’argent manquait. Tout le jour il travaillait à la Bibliothèque impériale, et le soir il rentrait chez lui après avoir diné. Il ne parlait à personne et n’allait que chez M. Chasles. » [sic] (Henri Bordier et Émile Mabille. Une fabrique de faux autographes ou Récit de l’affaire Vrain Lucas. Paris, Léon Techener, 1870, p. 94-95)

On connaît la suite : de 1861 à 1869, Vrain Lucas réussit à vendre à Chasles, pour plus de 140.000 francs, plus de 27.000 manuscrits d’une invraisemblable antiquité. Sa fraude suspectée, il fut surveillé par la police pendant un mois, avant d’être arrêté le 9 septembre 1869, à son domicile, rue Saint-Georges (IXe).   



« L’accusé, Vrain-Lucas, […], présente un aspect assez vulgaire qui tient de l’homme d’affaires et du maître d’école, l’œil très-couvert est protégé par le voile des paupières contre toutes les indiscrétions que le regard pourrait commettre. Le nez, d’un dessin vulgaire, est envahi par les joues dont le rictus, ni joyeux, ni triste, a quelquechose des physionomies campagnardes. Les cheveux sont foncés et un peu rares sur le crane ; la bouche a un caractère de prudence et de discrétion qui est le trait saillant de toute cette physionomie banale. Vrain-Lucas a paru tel à l’audience ; dans toutes ses relations antérieures, il avait produit cette même impression de vulgarité. » [sic] (Étienne Charavay. Affaire Vrain-Lucas. Étude critique. Paris, Jacques Charavay aîné, 1870, p. 14)

Il fut condamné pour escroquerie, le 24  février 1870, à deux ans d’emprisonnement, 500 francs d’amende et aux dépens. Mais Vrain Lucas était un bibliomane incorrigible et récidiviste : sorti de prison, il s’était lancé dans le commerce des livres rares et fut de nouveau condamné, dès 1873, à trois ans de prison pour vol, escroquerie et abus de confiance, puis en 1876 à quatre ans de prison , 500 francs d’amende et dix ans de surveillance. Libéré, il rentra à Châteaudun, où il mourut le 11 avril 1881 :

« L’an mil huit cent quatre-vingt-un, le onze avril, à onze heures du matin, devant nous Denis François Hippolyte Pateau, adjoint au maire et suivant délégation officier de l’état civil de la ville de Châteaudun, ont comparu Messieurs Clément Édouard Daubignard, âgé de trente-sept ans, et Paulin Zéphirin Pechoteau, âgé de trente-cinq ans, tous deux employés de la mairie et demeurant tous deux à Châteaudun, lesquels nous ont déclaré que Denis Vrin Lucas, sans profession, âgé de soixante-quatre ans, né à Lanneray le premier décembre mil huit cent seize, fils de feu François Lucas et de feue Marie Madeleine Bret sa femme, et veuf de Clémentine Luxereau, est décédé aujourd’hui à neuf heures du matin à l’hôpital de cette ville. Nous officier de l’état civil, après nous être assuré du décès, en avons dressé le présent acte que les comparants ont signé avec nous après lecture. » (Orthographe corrigée)

mercredi 26 mars 2014

La Bibliothèque du marquis de Courtanvaux


Le chancelier Michel Le Tellier (1603-1685), seigneur de Chaville [1], trisaïeul du marquis de Courtanvaux, avait fondé la grandeur de sa famille, que François-Michel Le Tellier (1641-1691), marquis de Louvois [2], son fils, accrut encore.


Les armes des Le Tellier, « le clan des lézards », de souche parisienne et commerçante, étaient : d’azur, à trois lézards d’argent posés en pal ; au chef cousu de gueules, chargé de trois étoiles d’or.

François-César Le Tellier, marquis de Courtanvaux [3], duc de Doudeauville [4], Grand d’Espagne de la première classe, capitaine-colonel des Cent-Suisses de la Garde du Roi, naquit à Paris le 18 février 1718, de François-Macé Le Tellier (1693-1719), marquis de Louvois, et d’Anne-Louise de Noailles (1695-1773).
À l’âge de quinze ans, en 1733, il fit sa première campagne comme aide-de-camp du maréchal de Noailles son oncle. Dans la guerre suivante, il servit à la tête du régiment Royal, dont il avait été nommé colonel en 1740, pendant les campagnes de Bohême et de Bavière. En 1745, sa santé l’obligea de quitter le service.
Il eut alors à combattre le désœuvrement, les plaisirs de vanité n’étant rien pour lui. Un goût naturel pour les sciences le sauva : elles devinrent bientôt son unique occupation. Il s’appliqua successivement à l’Histoire naturelle, à la Chimie, à la Géographie, à la Physique, aux Mécaniques, à l’Astronomie.

Le 25 février 1732, il fut marié très jeune à Louise-Antonine de Gontaud (1718-1737), fille du duc de Biron, et devint père à seize ans. La nature donna également le goût des sciences à son fils Charles-François Le Tellier (1734-1764), marquis de Montmirail [5], qui fut président de l’Académie royale des sciences en 1763, comme l’avait été son arrière-grand-oncle, l’abbé Camille Le Tellier, en 1703 et en 1708. Quand le marquis de Montmirail mourut en 1764, l’Académie choisit son père pour successeur, qui devint à son tour président en 1769, puis en 1775.
Le marquis de Courtanvaux se fit remarquer à l’Académie par deux mémoires imprimés en 1768 : l’un avait pour objet l’éther marin [6], et l’autre la concentration et l’inflammation du vinaigre radical [7].
L’Académie proposa en 1767, pour sujet d’un prix, la construction d’une montre marine. Le marquis de Courtanvaux se chargea d’éprouver à la mer celles qui avaient été présentées aux concours.



Il suivit au Havre (Seine-Maritime) tous les détails de la construction de la corvette « L’Aurore », apprit la théorie et la pratique de la manœuvre et du pilotage, et s’instruisit de toutes les parties de l’art nautique.




Accompagné d’Alexandre-Guy Pingré (1711-1796) et Charles Messier (1730-1817), de l’Académie, et de Pierre Le Roy (1717-1785), auteur de deux de ces montres, il parcourut, pendant trois mois et demi, les côtes de France, de Flandre et de Hollande.


Chronomètre de marine de Pierre Le Roy, 1766
L’Académie, satisfaite de cette épreuve, décerna le prix à l’une des deux montres de Le Roy, en 1769.


Tour Courtanvaux vers 1851, détruite en 1887
Le marquis de Courtanvaux avait établi à Colombes (Hauts-de-Seine) un observatoire, où il allait souvent et dont il laissait la libre disposition à ceux de ses confrères auxquels cet observatoire, et les instruments dont il l’avait enrichi, pouvaient offrir quelques secours. Il fit exécuter un grand nombre d’instruments et en construisait lui-même.


Courtanvaux (Hospice de Tonnerre) [8]
Après avoir supporté avec constance de longues infirmités, il succomba le 7 juillet 1781. La branche aînée des Louvois se trouva éteinte dans sa postérité mâle.
Le marquis de Courtanvaux avait eu deux enfants, le marquis de Montmirail et Félicité-Louise Le Tellier (1736-1768), duchesse de Villequier, auxquels il avait survécu. Il laissait un petit-fils, le marquis d’Aumont, et deux petites-filles, Bénigne-Augustine Le Tellier (1764-1849), duchesse de Doudeauville, et Louise-Charlotte-Françoise Le Tellier (1765-1835), marquise de Montesquiou, toutes deux filles du marquis de Montmirail.  



Sa bibliothèque devait être vendue en son hôtel [9], rue de Richelieu, du lundi 4 mars au jeudi 25 avril 1782, en 33 vacations : Catalogue des livres de la bibliotheque de feu François-César Le Tellier, marquis de Courtanvaux, capitaine-colonel des Cent-Suisses (Paris, Nyon l’aîné, 1782, in-8, xvj-434 p., 3.599 lots), avec une « Table des matières » (p. 353-370 et p. 434) et une « Table des noms des auteurs et des personnes » (p. 371-433).



Elle n’eut lieu que du lundi 7 juillet au samedi 9 août 1783, en 30 vacations, en une salle des Grands Augustins ; le même catalogue fut utilisé, avec une nouvelle page de titre et un nouvel « Ordre des vacations » :
  
« LA Bibliotheque dont j’ai l’honneur de présenter au Public le Catalogue, a été commencée par M. le Marquis DE Montmirail, & augmentée considérablement par M. le Marquis DE Courtanvaux son pere. Tous deux n’ont eu en vue, en la formant, que de satisfaire leur goût pour les Sciences & les Arts, & de contribuer autant qu’il étoit en eux à leur perfection. […]
Enfermé très-souvent dans sa Bibliotheque, il [le marquis de Courtanvaux] en faisoit ses principales délices, & il chérissoit particuliérement les personnes qui s’entretenoient de livres avec lui. […]
Son fils avoit conçu le projet d’une Bibliographie de tous les Voyages connus, avec une Notice de ce qu’ils renferment de plus curieux, un jugement sur leur mérite, sur le caractere des Voyageurs, & sur la foi qu’on doit à leur récit, & il n’avoit épargné ni soins ni dépenses pour les ramasser. M. le Marquis de Courtanvaux qui savoit également toutes les Langues étrangeres, n’a rien négligé pour compléter cette Collection. Elle s’est accrue à un tel point, qu’elle doit être regardée comme une des plus considérables qui aient jamais existé.
La Partie d’Histoire Naturelle est aussi composée des livres les plus précieux & les plus recherchés.
On trouvera dans les différens genres de Littérature & d’Histoire les Ouvrages les plus estimés. En général, cette Bibliotheque mérite de tenir un rang parmi celles qui sont distinguées. » [sic] (« Avertissement », p. v-vj)






Les ouvrages portent son ex-libris gravé sur cuivre (82 x 45 mm) ou un cachet humide sur la page de titre et au dernier feuillet. Liste des lots adjugés à plus de 100 livres :
  
22. Discours hist. crit. théol. & mor. sur la Bible, par Saurin, avec des fig. gravées sur les dessins de Hoet, Houbraken & B. Picart. La Haye, Dehondt, 1739, 6 vol. in-fol. Pap. Roy., mar. r. 180 liv.




23. Physique sacrée, ou Histoire nat. de la Bible, trad. du lat. de J. J. Scheuchzer, enrichie de figures en taille douce, gravées par les soins de Jean-André Pfeffel. Amst., Schenk, 1732, 8 vol. in-fol., fig., v. f., d. s. tr. 223 liv.
48. L’Office de la Vierge, très-beau mss. sur velin, écrit par Jarry en 1655, avec une grande miniature, & les pages encadrées en or, et quelques lettres majuscules peintes en or. In-18, chag. noir, avec ferm. d’or. 200 liv. 
49. L’Office de la Vierge, très-beau mss. sur velin, écrit par Jarry, avec deux grandes miniatures & deux plus petites. In-32, mar. bl., avec ferm. d’or ém. 306 liv.   
51. Les Sept Offices de la semaine avec leurs litanies, mss. sur velin, avec des cadres à chaque page, & quelques lettres peintes en or, & ornemens en miniature, très-bien écrits par Jarry. 1653, in-32, chag. noir, ferm. d’or. 121 liv.

Buffon, l'abbé Needham et Danbenton pratiquent l'autopsie d'un animal (tome II, p. 1)

415. Histoire naturelle générale & particuliere, & la description du cabinet du Roi, par MM. DE Buffon & d’Aubenton, avec le supplém. & l’histoire des oiseaux, par M. Guenaud de Montbeliard, & des fig. en taille-douce. Paris, Imprim. royale, 1749 & suiv., 27 vol. in-4°, m. r. 499 liv. 
416. Histoire naturelle des oiseaux, par MM. de Buffon & Guenaud de Montbeliard. Paris, Impr. royale, 1771 & suiv., 5 vol. in-fol., fig. enluminées, gr. pap., v. éc. doré sur tr.  
417. Planches enluminées du même ouvrage, pour être insérées dans les volumes qui seront imprimés dans la suite. In-fol. en feuilles. Numéros 416 et 417 ensemble : 500 liv.
434. Observations sur la physique, sur l’histoire naturelle & sur les arts, par M. l’Abbé Rozier, depuis Juillet 1771 jusqu’en Décembre 1772. Paris, le Jay, 1772, 9 vol. in-12, fig., v. m.
435. Suite des mêmes Observations, depuis 1773 jusqu’en 1781 inclus. Paris, Pankouke, 1773 & suiv. 18 vol. in-4°, v. m. Numéros 434 et 435 ensemble : 162 liv.




538. Phytanthoza Iconographia, sive conspectus aliquot millium à Joanne Guillelmo Weinmanno collectarum plantarum, etc. Ratisbonae, Lenzius, 1737, 4 vol. in-fol., g. pap., v. br. 240 liv. 2 s.
542. Figures des plantes décrites dans le Dictionn. du Jardinier, gravées d’après nature, et décrites suivant les systèmes de Ray, Tournefort & Linnaeus, par Philippe Miller. Lond., Rivington, 1760, 3 vol. in-fol., fig. enl., cuir de Russie. 540 liv.
543. Système végét. avec l’expl.de la maniere dont les plantes se nourrissent, par Jean Hill, avec fig. Lond. 1770, 23 tom., 21 vol. in-fol., g. pap., v. m. 152 liv.   




550 *. Hortus Romanus juxta systema Tournefortianum paulo strictius distributius à Georgio Bonelli, etc. Romae, Bouchard, 1772 & suiv., 5 vol. in-fol., gr. pap., fig. enlum., cart. 140 liv.  
560. Flora Danica, seu icones plantarum sponte nascentium in Regnis Daniae & Norvegiae, editae à Georgio-Christiano Œder, etc. Hafniae, Philibert, 1766, 3 vol. in-fol., v. f., d. s. t. 250 liv.
580. Ulissis Aldrovandi opera omnia. Bononiae, ex Typogr. Manolessiana, 1681 & seq., 13 vol. in-fol., fig., vel. 168 liv.
613. Histoire d’oiseaux peu communs, & d’autres animaux rares qui n’avoient point été décrits, par Georges Edward, avec 210 planches en taille douce, coloriées d’après nature. Lond., 1751, 2 vol. in-4°, g. pap., mar. bl., dent., doublés de tabis. 312 liv.




629. Traité général des Pêches, & hist. des poissons qu’elles fournissent, par MM. Duhamel du Monceau & de la Marre. Paris, Saillant & Nyon, 1769, 2 vol. in-fol., fig., v. m.




636. Choix de coquillages & de crustacés peints d’après nature, gravés en taille-douce & enlum. de leurs vraies couleurs, par François-Michel Regenfuss. Copenhague, 1758, in-fol., gr. pap., fig. 150 liv.
672. Hans Sloane Historia naturalis insularum Jamaïcarum, Maderae, etc., cum figuris aeneis elegantissimis. Lond., 1707 & 1725, 2 vol. in-fol., v. br. 160 liv.1 s.  
673. Histoire naturelle & civile de la Jamaïque, par Patrick Browne, avec figures en taille-douce. Lond., Osborne, 1756, in-fol., v. m., d. s. tr. 121 liv.
675. Histoire des raretés de la nouvelle Angleterre, par Jean Josselin. Londres, Widowes, 1672, in-12, fig. v. f.






676. Histoire naturelle de la Caroline, de la Floride & des Isles de Bahama, par Marc Catesby avec fig. enluminées. Londres, 1731 & 1743, 2 vol. in-fol., gr. pap., v. m., d. s. tr. Numéros 675 et 676 ensemble : 240 liv. 
1.023. Dictionnaire raisonné des sciences, des arts & des métiers, etc., par MM. Diderot & DAlembert. Paris, Briasson, 1751 & suiv., 33 vol. in-fol., fig., v. m. 730 liv. 
1.024. Nouvelle description des arts & métiers représentés par des figures gravées en taille-douce. Paris, Desaint & Saillant, 1761 & suiv., 17 vol.in-fol., fig. v. m. Numéros 629 et 1.024 ensemble : 240 liv. 2 s.
1.044. Recueil d’estampes d’après les plus beaux tableaux & dessins qui sont en France dans le  cabinet du Roi. Paris, Impr. royale, 1729, 3 vol. in-fol., gr. pap., v. m. 284 liv. 4 s.
1.258. Le Roman de la rose, par Guill. de Lorris & Jean de Meun dit Clopinel, mss.sur velin, avec des miniatures bien conservées. In-fol., goth., velours vert. 101 liv. 19 s.
1.279. Fables choisies mises en vers par Jean de La Fontaine, avec les figures dessinées par M. Cochin. Paris, Desaint & Saillant, 1755, 4 vol. in-fol., gr. pap., fig., v. f., d. s. tr. 150 liv.
1.407. Recueil de chansons & vers, depuis l’année 1600 jusqu’à présent, 10 vol. in-fol., mss., bas. 120 liv.




1.629. Œuvres de François Rabelais, avec des remarques historiques & critiques de MM. de la Monnoye & le Duchat, & des figures gravées en taille-douce par Bern. Picart. Amsterd., Bernard, 1741, 3 vol. in-4°, gr. pap., mar. violet. 239 liv. 19 s.
1.724. Collection complette des Œuvres de Voltaire. Genève, 1768 & suiv., 30 vol. in-4°, fig., v. m., d. s. tr. 199 liv. 19 s.




1.827. Histoire générale des voyages, ou nouvelle collection de toutes les relations de voyages par mer & par terre, qui ont été publiés jusqu’à présent dans les différentes langues de toutes les nations connues ; par Antoine-François Prevost, avec la continuation par Querlon. Paris, Didot, 1746 & suiv., 19 vol. in-4°, gr. pap., v. f., d. s. tr. 220 liv.
1.940. Collectiones peregrinationum in Indiam orientalem & Indiam occidentalem, xxv partibus comprehensae, opus figures aeneis, fratrum de Bry & Meriani illustratum. Francofurti ad Manum, 1595 & seq., 6 vol. in-fol., m. violet. 330 liv.



2.450. Voyage d’Egypte & de Nubie, par Frédéric-Louis Norden, enrichi de cartes & de fig. dessinées sur les lieux. Copenhague, Imp. r., 1755, 2 tom. 1 vol. in-fol. , v. f., d. s. tr. 180 liv.
2.756. Histoire universelle depuis le commencement du monde jusqu’à présent, traduite de l’anglois d’une société de gens de lettres. La Haye, Gosse, 1732 & suiv., 42 vol. in-4°, v. m. 211 liv.




2.789. Cérémonies & coutumes religieuses de tous les peuples du monde, représentées par des figures dessinées par Bernard Picard, avec le frontispice gravé par le même, & une explication historique & quelques dissertations curieuses. Amsterdam, Bernard, 1723 & suiv., 11 vol. in-fol., g. p., fig., v. f., d. s. tr. 600 liv.
2.810. Histoire des Ordres monastiques, religieux & militaires, & des Congrégations séculières de l’un & de l’autre sexe, par le Pere Helyot, avec figures en taille-douce. Paris, Gosselin, 1714, 8 vol.in-4°, fig., v. brun. 112 liv.
2.897. La Conjuration de Catilina, & la Guerre de Jugurtha, par Caius Salluste, traduites en espagnol par l’Infant d’Espagne, avec le texte latin. Madrid, Ibarra, 1772, in-fol., fig., bas., d. s. tr. 271 liv. 19 s.
2.961. Cartes de la France, par MM. de Cassini, v. m. En tout 143 cartes en 29 étuis in-4°. 620 liv.



2.976. Histoire de France depuis l’établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, par le Pere G. Daniel, avec des remarques historiques par le Pere Griffet. Paris, Comp., 1755 & ann. suiv., 17 vol. in-4°, gr. Pap., fig., v. m. 120 liv.
3.467. Antiquité expliquée & représentée en figures, par Dom Bernard de Montfaucon, avec le supplément. Paris, Delaulne, 1722 & 1724, 15 vol. in-fol., gr. pap., v. m. 299 liv. 19 s. 



3.486. Le Pitture antiche d’Ercolano e contorni incise con qualche spiegazione, e catalogo de gli antichi monumenti da Ottavio Ant. Bayardi. Napoli, nella Regia Stamperia, 1757 & suiv., 7 vol. in-fol., g. p., fig., m. r. 719 liv. 19 s.
3.487. Museum Florentinum exhibens insigniora vetustatis monumenta quae Florentiae sunt. Florentiae, Nistenus, 1731 & seq., 10 vol. in-fol., gr. pap., v. f., d. s. tr. 550 liv.
3.490. Histoire & Mémoires de l’Académie royale des Inscriptions & Belles Lettres, depuis son établissement jusqu’à présent. Paris, Imprim. royale, 1736 & suiv., 41 vol. in-4°, v. m. 264 liv.
3.491. Histoire & Mémoires de l’Académie royale des Sciences, depuis & compris 1666 jusqu’en 1777. Paris, Martin & Imprimerie Royale, 1733 & suiv., 93 vol., etc. En tout 126 vol. in-4°, fig., v. m. 650 liv.
3.516. Opuscules de M. F*** [Fréron], contenant des critiques de quelques ouvrages de littérature, une vie de La Fontaine, de Pope, & diverses poésies, etc. Amsterdam [Paris], 1753, 3 vol. in-12, v.m.
3.517. Lettres sur quelques écrits de ce temps, & année littéraire, par Freron, depuis 1749 jusqu’en 1781, inclusiv. Paris, Duchesne, 1752 & suiv., 239 tom. , 115 vol. in-12, v. m. Numéros 3.516 et 3.517 ensemble : 120 liv.
3.553. Les Vies des hommes illustres Grecs & Romains. Paris, Vascosan, 1567, 6 vol. in-8, mar. r., l. r., double de maroq.
3.554. Les Œuvres morales de Plutarque. Paris, Vascosan, 1574, 7 tom., 6 vol. in-8, m. v. double de mar. Numéros 3.553 et 3.554 ensemble : 226 liv.


3.560. L’Europe illustre, contenant l’histoire abrégée des souverains, des princes, etc., par Dreux du Radier, avec leurs portraits gravés par Odieuvre. Paris, Nyon, 1755, 6 vol. in-fol., v. m. 143 liv.
3.597. Le Grand Dictionnaire historique, par Louis Moreri, nouvelle édition donnée par M. Drouet. Paris, 1759, 10 vol. in-fol., v.m. 159 liv. 19 s.



Relation de la grande Tartarie
Amsterdam, J.-F. Bernard, 1737, in-12
Paris, Drouot, 18 mars 2010 : 800 €
(n° 2.407 du catalogue de Courtanvaux,
vendu 2 livres le samedi 16 mars 1783)

La vente a rapporté 37.193 livres. Les livres de voyage (lots 1.814 à 2.701), qui représentent presque un quart de la totalité des lots, n’ont eu qu’un succès relatif : seuls 3 lots ont été adjugés plus de 100 livres ; la Bibliothèque du Roi a acheté 134 lots de livres de géographie et de voyage (parmi les lots 1.779 à 2.701) pour 752 livres et 13 sols, soit un prix moyen de moins de 6 livres.

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[1] Domaine situé dans le département des Hauts-de-Seine. Acheté en 1596 pour 1.600 écus, vendu à Louis XIV en 1695 pour 390.000 livres. Détruit en 1764, il se situait à l’emplacement de l’actuel groupe scolaire Anatole France. 
[2] Domaine situé dans le département de la Marne. Acheté en 1656 par le futur chancelier Michel Le Tellier, pour 480.000 livres. Passa en 1662, pour son mariage, à François-Michel Le Tellier, qui fit construire un château et un parc terminés en 1681 ; passa en 1694 à Louis-François Le Tellier, marquis de Barbezieux ; racheté à la mort de ce dernier en 1701 par la veuve de Louvois, Anne de Souvré ; resta dans la famille jusqu’à sa vente aux filles de Louis XV en 1776.
[3] Domaine situé dans le département de la Sarthe, acquis par la commune de Bessé-sur-Braye en 1981. Passa des Souvré aux Le Tellier en 1662, lors du mariage de Louvois avec Anne de Souvré, puis aux Montesquiou-Fezensac en 1781, lors du mariage de Louise-Françoise Le Tellier de Courtanvaux avec le comte de Montesquiou-Fezensac.
[4] Domaine situé dans le département du Pas-de-Calais. Passa aux La Rochefoucauld en 1779, par le mariage de Bénigne-Augustine Le Tellier de Courtanvaux avec Ambroise-Polycarpe, vicomte de La Rochefoucauld.
[5] Domaine situé dans le département de la Marne. Acheté en 1678. Passa par mariage aux La Rochefoucauld en 1679.
[6] Chloroéthane, ou chlorure d’éthyle, issu du mélange éthanol + acide chlorhydrique (appelé alors « acide marin »).
[7] Acide acétique concentré.
[8] Domaine situé dans le département de l’Yonne. Acheté par Louvois aux Clermont-Tonnerre en 1684. A l'hôpital-hospice de Tonnerre, un médaillon en bas-relief, par Charles-Antoine Bridan, situé à gauche du mausolée de Louvois, représentant le marquis de Courtanvaux, est le seul débris qui reste d'un tombeau détruit en 1792.
[9] Hôtel de Louvois, rue de Richelieu (IIe), acheté en 1669 par Louvois pour 160.000 livres. Rénové par l’architecte Charles Chamois. Vendu en 1786 pour payer des dettes, et destiné dès ce temps-là à être abattu, il fut démoli en 1789 et fit place au square Louvois.



dimanche 16 mars 2014

Pierre Jannet, bibliophile elzévirien

Né le 5 janvier 1820 à Saint-Germain-de-Grave (Gironde), Pierre Jannet débuta comme clerc d’avoué à Bordeaux. Plus attiré par l’étude des langues – outre le latin et le grec, il posséda rapidement l’allemand, l’italien et l’anglais – et les livres que par les études de droit, il vint ouvrir en 1846 une librairie à Paris, au 37 de la rue de la Fontaine-Molière [aujourd’hui rue Molière, Ier], dans une grande chambre entourée de quelques rayons en sapin.


Dès cette époque, il donna des preuves de son savoir bibliographique. Il proposait gratuitement un Catalogue de livres français et étrangers, anciens et modernes, en vente, aux prix marqués, ce qui était novateur.



Il publia le Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Philippe de Larenaudière (Paris, P. Jannet, 1846, in-8, xvj-272 p., 2.576 lots), ancien magistrat et ancien vice-président de la Société de géographie de Paris, dont la vente eut lieu à la Maison Silvestre, 30 rue des Bons-Enfants (Ier), du lundi 30 novembre au samedi 19 décembre 1846, en 18 vacations. Au mois de janvier 1847, il publia les premiers numéros de deux hebdomadaires : le Catalogue général de la librairie française, qui paraîtra jusqu’en avril 1848,



et la Bibliothèque française. Catalogue méthodique et complet des ouvrages de tout genre qui se publient en France, qui paraîtra jusqu’en décembre 1847. Suivit la publication du Catalogue des livres composant la bibliothèque de M. O. E. Van Hippe (Paris, P. Jannet, 1847, in-8, [4]-124-[4] p., 1.639 lots), ancien chambellan du roi des Pays-Bas, dont la vente eut lieu à la Maison Silvestre, du lundi 15 au mercredi 31 mars 1847, en 9 vacations.




Bientôt associé à Louis-Catherine Silvestre (1792-1867), pour les ventes L**** [comte Guglielmo Libri], le 28 juin 1847 et Ferd[inando] Belvisi, le 8 décembre 1847,



il devint « son successeur désigné » pour la vente Busca, le 18 mars 1848.

Enfin successeur effectif de Silvestre, il publia les catalogues des ventes L.M.D.R. [le marquis du Roure], le 3 novembre 1848 ; Viollet le Duc [Première partie], le 5 novembre 1849 ; G[uilbert] de Pixerécourt, le 27 novembre 1849 ; H. de Wynne, le 30 novembre 1849 ; marquis H[ippolyte] de Chateaugiron, les 19 et 20 décembre 1849 ; J.G. Pretre, peintre, le 28 février 1850 ; Amans-Alexis Monteil, historien, le 11 juin 1850 ; [Jean-François-Guillaume] Souquet de Latour, curé de Saint-Thomas d’Aquin, 1851 ; R.S.A***, le 22 avril 1851 ; Aimé Leroy, ancien bibliothécaire de la ville de Valenciennes, le 19 avril 1852 ; Truebwasser, le 24 janvier 1853 ; Viollet le Duc [Deuxième partie], le 17 février 1853 ; lord N*** [North], le 18 avril 1853 ; J[ean]-L[ouis]-A[ntoine] Coste, ancien conseiller à la cour royale de Lyon, en 1854 ; Duchesne aîné [Jean], ancien conservateur de département des estampes de la Bibliothèque impériale, le 24 mai 1855 ;



baron [Louis-Philippe-François] de Warenghien, ancien commissaire des guerres, le 9 juillet 1855.

Poursuivant ses activités éditoriales, Jannet reprit la devise « Livres nouveaulx, livres vielz et anticques », tirée d’une épître d’Étienne Dolet de 1544, que Silvestre avait adoptée pour toutes ses publications et qu’il avait placée dans un écu.



Le 1er janvier 1848, le premier numéro hebdomadaire de la Bibliographie universelle. Journal du libraire et de l’amateur de livres remplaça la Bibliothèque française.



À la même date parut le premier numéro du bimensuel Journal de l’amateur de livres. Dans le numéro 17 du 1er septembre 1848 (p. 257-271), un spirituel et savant article intitulé « Des livres supposés » est signé par Jannet, sous le pseudonyme de H. Haensel. À la réception du n° 1 de janvier 1850, où se trouve une longue lettre d’Édouard Fournier sur les livres imaginaires et adressée à Haensel, le baron de Reiffenberg écrivit :

« M. Jannet est un jeune homme instruit qui entend les langues vivantes, notamment l’allemand, la plus utile aux bibliologues et la moins connue en France. Il est possédé d’un goût très-vif [sic] pour la bibliographie et l’histoire littéraire ; mais connaissant l’esprit de la plupart de ses confrères, il est convaincu qu’un libraire soupçonné de lire un livre est un homme commercialement perdu et que celui qui serait atteint et convaincu d’écrire serait mis de droit au ban de la librairie.
En conséquence, ne pouvant résister à son goût favori, il a pris un masque : il s’est déguisé aux yeux de la digne corporation des bibliophiles et fait passer ses recherches et ses articles sous le nom de M. H. Haensel. » (Bulletin du bibliophile belge. Bruxelles, Cologne et Bonn, J.-M. Heberlé, 1850, p. 41) 


Publié comme « Complément du Journal de l’amateur de livres Tome II. – Année 1849 », la Bibliotheca scatologica ou Catalogue raisonné des livres traitant des vertus faits et gestes de très noble et très ingénieux Messire Luc (à rebours) seigneur de la chaise et autres lieux […] par trois savants en us (Scatopolis [Paris], chez les marchands d’aniterges [torche-cul ou écrit sans valeur] [P. Jannet], l’année scatogène 5850 [1850]) ne porte pas au titre la vignette scatologique qui orne l’édition tirée ensuite à 150 exemplaires, au milieu de laquelle on lit « Dédié à M. Q » [Quérard], représentant les « trois savants en us » : le docteur Jean-François Payen (1800-1870), Alexandre-Auguste Veinant (1799-1859), employé au ministère des finances et Pierre Jannet.

La même année 1849, Jannet publia La Chasse du lièvre avecques les lévriers, par Isaac Habert, réimpression à 62 exemplaires sur l’exemplaire unique de 1599 de la Bibliothèque nationale, par les soins d’Auguste Veinant.



Le premier numéro de son Courrier de la librairie date du 16 janvier 1851. Cette publication parut chaque mois et fut distribuée gratuitement, par la poste, au nombre de 10 000 exemplaires, aux bibliothèques publiques, aux sociétés savantes, aux cercles, aux libraires et aux principaux bibliophiles de toute l’Europe.



En 1853, outre la parution des Marques typographiques, par Silvestre, son ex-associé, Jannet inaugura une collection nouvelle, bon marché et de qualité, la « Bibliothèque choisie », avec Les Aventures merveilleuses de Fortunatus : 50 centimes le volume in-16, contenant la matière d’un volume in-8 de 7,50 francs ; les volumes de 250 à 400 pages, ou volumes doubles, 1 franc ; il parut deux ou trois volumes par semaine. Mais cette collection, qui devait comprendre les Œuvres de H. de Balzac en 70 volumes à 50 centimes, dut s’arrêter devant l’insuccès.




Commencé le 15 novembre 1854, le mensuel La Propriété littéraire et artistique devint bimensuel à partir de 1er avril 1855,



puis hebdomadaire à partir du 1er janvier 1856 avec le titre de La Propriété littéraire et artistique, Courrier de la librairie pour la France et l’étranger. Tiré alors à 6.000 exemplaires, il fut adressé gratuitement à tous les libraires de France et d’Allemagne, et aux principaux libraires des autres pays, ainsi qu’aux bibliothèques publiques, académies, sociétés savantes, cercles et autres établissements du même genre.



À titre de prime, les abonnés recevaient, par livraisons, le Catalogue général de la librairie française au xixe siècle indiquant, par ordre alphabétique de noms d’auteurs les ouvrages publiés en France du 1er janvier 1800 au 31 décembre 1855, par Paul Chéron (1819-1881), de la Bibliothèque impériale, non mis dans le commerce, qui ne sera pas achevé (Paris, P. Jannet, 1856-1858, 3 t.). L’hebdomadaire fut acheté à la fin de 1858 par le Cercle de l’Imprimerie et de la Librairie, qui la réunit au journal officiel, dont il était devenu propriétaire.


Ouvrage destiné à faire suite au Manuel du libraire et de l’amateur de livres, par Jacques-Charles Brunet, le Manuel de l’amateur d’estampes, par Charles Le Blanc (1817-1865), du département des estampes de la Bibliothèque impériale, fut publié en deux tomes par Jannet, en 1854 et en 1856. 



Le même éditeur donnait jour en 1855 au Manuel-Annuaire de l’imprimerie, de la librairie et de la presse, par Ferdinand Grimont (1818-1874), avocat, sous-chef au ministère de l’intérieur, bureau de la librairie, et en 1857 au premier des quatre tomes de La Muze historique, par Jean Loret (1595-1665), nouvelle édition par Jules Ravenel (1801-1885) et Edmond Valentin de La Pelouze, dont la publication sera poursuivie en 1877 et 1878 par P. Daffis, et à La Presse parisienne, par Ferdinand Grimont.




À côté de ces publications, Jannet fit marcher celle d’une « Bibliothèque elzévirienne », appelée par les amateurs « Édition à la sphère », à cause de la sphère qui figure aux titres et qui sera gravée sur le dos de chaque volume. Pour ce faire, une société de librairie fut formée entre Jannet, gérant, et Charles-Henry Ternaux-Compans (1807-1864), commanditaire, sous la raison sociale P. Jannet, aux termes d’un acte sous seings privés fait à Paris le 12 février 1853.

Henry Ternaux (1807-1864), époux de Louise-Adolphine Compans en 1836, ancien membre du Conseil d’escompte de la Banque de France, à la suite de son père, ancien secrétaire d’ambassade et ancien député de la Loire-inférieure, s’était fait connaître par un certain nombre de publications, dont la Bibliothèque américaine ou Catalogue des ouvrages relatifs à l’Amérique (Paris, Arthus-Bertrand, 1837), les Voyages, relations et mémoires originaux pour servir à l’histoire de la découverte de l’Amérique (Paris, Arthus-Bertrand, 1837-1841, 20 vol.) et la Bibliothèque asiatique et africaine ou Catalogue des ouvrages relatifs à l’Asie et à l’Afrique (Paris, Arthus-Bertrand, 1841). L’année de son mariage, il avait vendu chez Silvestre, sous le nom de Rætzel [ou Ræthsel], sa collection « la plus complète de livres sur la littérature de l’Espagne et du Portugal et de leurs colonies dans les deux mondes, qui ait jamais été offerte en vente publique. »   

La « Bibliothèque elzévirienne » répondait au principe suivant : « Publier une collection d’ouvrages d’élite, dignes de tous par leur exécution matérielle, à la portée de tous par la modicité de leur prix. » Elle devait se composer d’ouvrages anciens, inédits ou rares, utiles pour l’étude des mœurs, de la littérature ou de l’histoire et d’ouvrages antérieurs au xviiie siècle qui jouissent d’une réputation méritée. Le format fut celui des Elzevier un peu agrandi, avec cette différence que la feuille fut tirée in-16, ce qui donna des volumes plus réguliers que l’in-12 des Elzevier. Il fallut faire fabriquer le papier de fil avec un filigrane reproduisant le nom de Jannet. Quant aux caractères, il fit faire des fontes de ceux qui lui parurent les plus convenables, en attendant qu’il lui fût possible d’employer, à partir de 1856, les caractères elzéviriens qu’il devait faire graver par Gouet, 103 rue du Cherche-Midi (VIe). Les ornements furent copiés par un autre graveur, Le Maire, sur ceux dont se servaient les Elzevier. Les imprimeurs se prêtèrent à des modifications qui assuraient la régularité du tirage. C’est l’imprimerie de Jules Guiraudet et Charles Jouaust, 338 rue Saint-Honoré (Ier), qui, de 1853 à 1858, a imprimé les ouvrages composant la « Bibliothèque elzévirienne ». Les neuf premiers volumes ne furent mis en vente qu’au mois d’août 1853. La collection fut accueillie avec faveur. Le 15 février 1855, Jannet publia un « Avis important » :



« Les volumes de la Bibliothèque elzevirienne [sic] sont imprimés sur papier collé et très chargés d’encre : il est difficile de les relier tout de suite sans les maculer. D’un autre côté, leur couverture en papier blanc perd promptement sa fraîcheur, et on ne peut les garder long-temps [sic] brochés. J’ai pris le parti de faire couvrir ces volumes d’un élégant cartonnage en toile [percaline rouge], à la manière anglaise, ce qui permettra aux amateurs soit de les garder toujours ainsi, soit de ne les faire relier que dans un an ou deux. A partir d’aujourd’hui, tous les volumes seront vendus cartonnés, non rognés et non coupés, SANS AUGMENTATION DE PRIX. Les personnes qui possèdent des volumes brochés non coupés pourront les échanger, sans frais, contre des volumes cartonnés ; quant aux volumes coupés, je me chargerai de les faire cartonner moyennant 75 centimes. » (Catalogue de la Bibliothèque elzévirienne et des autres ouvrages du fonds de P. Jannet. Paris, P. Jannet, 1855, p. 6)




En 1856, Jannet dut quitter la salle Silvestre et s’installa au 15 rue de Richelieu. C’est alors que parut le Specimen des nouveaux caractères destinés à l’impression de la Bibliothèque elzevirienne [sic] suivi du Plan de la collection (Paris, P. Jannet, 1856), livret de 80 pages qui marqua la rupture avec le style Didot jusqu’alors dominant.  
En moins de six ans, Jannet fournit plus de cent volumes, annotés par lui-même et par les plus érudits : Prosper Mérimée, de l’Académie française ; Célestin Moreau, auteur de la Bibliographie des mazarinades ; Anatole de Montaiglon, de la Société des antiquaires de France ; le littérateur Viollet-le-Duc ; le poète Prosper Blanchemain ; P.L. Jacob, bibliophile ; Jean-Baptiste Tenant de Latour, bibliothécaire du roi Louis-Philippe Ier au palais de Compiègne ;  Alexandre Gratet-Duplessis, ancien recteur de l’Académie de Douai ;  l’amateur Adrien Destailleur ; l’écrivain Paul Boiteau ; le critique Charles Asselineau ; l’historien Édouard Fournier ; Victor Fournel, critique littéraire passionné par le vieux Paris ; Charles d’Héricault, journaliste ; Louis Lacour de La Pijardière, archiviste paléographe ; Édouard Lancereau, de la Société asiatique ; l’historien Ludovic Lalanne ;  le prince Augustin Galitzin ; Thomas Wright, membre correspondant de l’Institut de France ; Auguste Vallet de Viriville, archiviste paléographe ; Jules Taschereau, administrateur de la Bibliothèque nationale ; Paul Pougin, archiviste paléographe ; Edélestand du Méril, philologue, cousin germain de Jules Barbey d’Aurevilly ; Émile Mabille, archiviste paléographe ; Charles Marty-Laveaux,  archiviste paléographe ; Louis Moland, critique littéraire ; Charles-Henry Ternaux-Compans, ancien député ; Charles Brunet, inspecteur général, chef de bureau au Ministère de l’Intérieur ; Francisque-Michel, correspondant de l’Institut de France ; Charles-Louis Livet, spécialiste du xviie siècle français ;  Émile Chasles, professeur de littérature étrangère à la Faculté des lettres de Nancy ; Gustave Aventin [anagramme de Auguste Veinant], employé au Ministère des Finances ; Charles Alleaume, archiviste-paléographe ; Gustave Brunet, bibliographe ; etc.

Les relations de l’éditeur avec ses amis auteurs n’étaient pas sans nuages. En 1856, Édélestand du Méril a fourni à Jannet une édition de Floire et Blanceflor dont les notes, oiseuses, inutiles ou malencontreuses, étaient presque aussi longues que le texte lui-même, déclenchant une querelle entre eux qui se termina devant les tribunaux. Ceux-ci donnèrent tort au libraire, qui avait fait imprimer une Note pour P. Jannet libraire-éditeur, contre M. Édélestand du Méril homme de lettres (Paris, impr. Guiraudet et Jouaust, s.d.), distribuée avec le volume même, véritable pamphlet contre l’auteur :

« Voilà ce candidat à l’Académie des inscriptions, qui fait un livre dans lequel moi, humble libraire, je découvre plus d’erreurs que je n’en pourrais relever, alors même que je voudrais faire un volume plus gros que le sien !
Voilà donc ce livre énorme qui me coûte tant d’argent et qui déshonore ma collection ! ce qui m’oblige à dire au public :
“ N’ayez aucune confiance en ma circonspection ordinaire : n’achetez point ce livre, dont la Préface est absurde, dont le texte est déplorable et dont le Glossaire est ridicule ; ne l’achetez point, car vous mettriez sur vos tablettes le chef-d’œuvre de l’éducation incohérente, vide et sans utilité ” » (p. 32-33)

L’édition des Œuvres complètes de Théophile (Paris, P. Jannet, 1855 [t. II]-1856 [t. I]), donnée par Charles Alleaume (1820-1900), contient à la fin du tome second des « Pièces du Parnasse satyrique attribuées à Théophile lors de son procès » (p. 437-439) et des « Pièces attribuées à Théophile par un manuscrit de la Bibliothèque de l’Arsenal » (p. 440-448), très libres. Le critique Désiré Nisard (1806-1888) ayant écrit que « Théophile est condamné à n’être connu des honnêtes gens que de nom […] M. Alleaume a donné une nouvelle édition des Œuvres de Théophile »,  Alleaume exigea la suppression desdites pièces ou, à défaut, leur transcription en caractères grecs ! Devant la résistance de son éditeur, l’auteur en appela en 1859 aux tribunaux, qui acquittèrent Jannet et condamnèrent Alleaume aux dépens. 

Pour des raisons financières, et non à cause de la mort de son commanditaire, comme on l’a constamment écrit, la société de librairie formée entre Jannet, 15 rue de Richelieu, seul gérant responsable, et Ternaux-Compans, 39 rue Neuve des Mathurins, simple commanditaire, sous la raison sociale P. Jannet, fut dissoute d’un commun accord, suivant acte sous signatures privées, fait à Paris le 25 janvier 1858. Tous pouvoirs furent donnés aux liquidateurs, Jannet et Émile Hécaen, 9 rue de Lancry, pour continuer la publication de la « Bibliothèque elzévirienne » et de divers autres ouvrages. Pour terminer la liquidation de ladite société, Jannet abandonna à Ternaux-Compans tout l’actif de la société, tant pour le remplir du montant de sa commandite que pour le couvrir du passif.




Au début de l’année 1859, Jannet céda la « Bibliothèque elzévirienne »  à  la veuve de Antoine-Laurent Pagnerre (1805-1854) qui tenait, avec sa fille, au 18 rue de Seine, une étroite et sombre librairie, jadis florissante. Pagnerre ne tarda pas à la revendre, en 1865, à la librairie Albert Franck (Albert L. Herold successeur), 67 rue de Richelieu, installée en face de la Bibliothèque impériale.

Jannet avait donc quitté la librairie, mais pas l’édition, pour se réfugier dans sa grande maison du 30 boulevard Jourdan, à Montrouge, où il se livrait à l’élevage des poules et des faisans. Il avait formé une collection composée d’exemplaires les plus rares, de faisans, de coqs et de poules exotiques dans le jardinet de sa propriété, à côté de ses magasins de consignation de librairie.

Dès 1859, dans les cinq premiers tomes de la première année de sa parution, la Revue européenne employa les talents de Jannet pour rédiger la chronique « Tablettes d’un amateur », de son chapitre « Bulletin bibliographique », qui traita de la définition de l’amateur, des catalogues de Libri, de Cigongne, de Veinant, de Brunet, des reliures, et même des oiseaux de basse-cour, etc., mais aussi des ventes de livres, d’estampes, etc., le tout complété par des notes. Mérimée lui avait écrit de Cannes, le 6 février 1860 :

« M. Pelletier m’avait déjà appris quelque chose de votre histoire ; vous ne m’en dites guère davantage, mais seulement assez pour me faire beaucoup de peine. Je suis désolé de cette affaire, d’abord pour vous, puis pour tout le monde qui y perdra. […].
Je ne puis croire cependant que vous ne continuiez pas à édifier le monde savant par des ouvrages moraux. Si vous n’imprimez pas ceux des autres, pourquoi n’en feriez-vous pas qu’on imprimerait ?
Pourquoi ne raconteriez-vous pas au public vos tribulations dans le même style que la notice qui accompagne le poème de Blancheflor ?
Je suis ici pour une quinzaine de jours ; dès que je serai à Paris, j’irai vous relancer parmi vos poules, et j’espère vous y trouver fier comme un coq. » (Maurice Tourneux. Prosper Mérimée ses portraits ses dessins sa bibliothèque. Paris, Charavay frères, 1879, p. 93-95) 

C’est sous le pseudonyme de P. J. Ferdermann qu’il publia Quelques mots sur les oiseaux de basse-cour, à propos du Concours général et national d’agriculture (Paris, E. Panckoucke, 1860). Bien que son nom ne soit pas « d’un grand poids dans les questions financières », Jannet signa La Banque de France, le Crédit et la Monnaie (Paris, A. Poulet-Malassis, 1861), se proposant « d’indiquer en quelques mots les causes du mal et les moyens de le faire cesser. » Il avait effectivement un projet de banque, la Société générale de librairie, sous la raison sociale P. Jannet et Cie, 5 rue du Pont-de-Lodi, dont la description fut imprimée en 1865.

Fondée cette dernière année par Paul Chéron, de la Bibliothèque impériale, Jules Cousin, de la Bibliothèque de l’Arsenal, Louis Lacour, de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Lorédan Larchey, de la Bibliothèque Mazarine, et Anatole de Montaiglon, secrétaire de l’École des chartes et ancien bibliothécaire à l’Arsenal, l’Académie des bibliophiles était une « Société libre pour la publication à petit nombre de livres rares ou curieux », la plupart imprimés par Damase Jouaust (1834-1893), fils de Charles, auquel il venait de succéder. Un extrait de l’article IV des Statuts était rappelé au verso du faux titre de chaque exemplaire :

« Chaque ouvrage appartient à son auteur-éditeur [sic]. La Compagnie entend dégager sa responsabilité collective des publications de ses membres. »

Le premier titre de la collection, achevé d’imprimer le 15 novembre 1866, fut De la bibliomanie, par Bollioud-Mermet, de l’Académie de Lyon, tiré à 160 exemplaires (2e édition de la réimpression). Membre du Conseil de l’Académie, Jannet publia dans la collection La Seiziesme joye de mariage (1866), pastiche dont il était l’auteur, tiré à 500 exemplaires, et Saint Bernard. Traité de l’amour de Dieu (1867), imprimé par Jules Bonaventure et tiré à 313 exemplaires.

Le 15 novembre 1866, le libraire Edmond Picard, 47 quai des Grands-Augustins, entreprit la publication de la « Nouvelle Collection Jannet » : en effet, Jannet voulut bien se charger de la direction littéraire et typographique de la collection. Le format adopté fut l’in-16.




Tous les volumes furent reliés en percaline bleue, après leur impression en caractères antiques, sur du beau papier, par Damase Jouaust. Il fut tiré pour les amateurs un petit nombre d’exemplaires sur papier vélin et sur papier de Chine, livrés brochés, dans un étui. Il parut deux volumes par mois. Les deux premiers furent Les Pastorales de Longus, ou Daphnis et Chloé et Les Aventures de Til Ulespiègle. On pouvait lire, dans La Petite Revue anecdotique du 1er février 1867, de René Pincebourde, éditeur l’année précédente des fameux Mélanges tirés d’une petite bibliothèque romantique, par Charles Asselineau :

« Et d’abord, grande nouvelle, M. Jannet, Pierre Jannet, le vrai Jannet, le Jannet de cette Bibliothèque elzevirienne [sic] si malheureusement étranglée, au dire des amateurs et des gens de lettres, M. Jannet enfin rentre en lice avec une collection nouvelle bravement intitulée : Collection Jannet, et, certes, il ne se pouvait pas de baptême plus heureux. »

À l’apparition du troisième tome du Rabelais de la « Nouvelle Collection Jannet », Lorédan Larchey écrivit :

« Bien qu’il ait été oublié dans la première édition de M. Vapereau, M. P.-G. Jannet m’a toujours semblé une des individualités les plus remarquables de la librairie parisienne, qui en possède tant et de si diverses. En comptant sur mes doigts, je trouve d’abord en lui un écrivain financier qui ne manque point de justesse ; il a fait comme un autre sa brochure sur la Banque, et celle-là n’était pas la moins riche en idées pratiques. Il fut aussi ornithologue, et il a peut-être encore une des collections de poules les plus distinguées de Paris ; ce qui nous a valu une brochure non moins instructive que celle dont nous avons parlé tout à l’heure. Cela n’empêche point M. Jannet d’être un philologue sagace auquel il ne fait toujours pas bon se frotter. Il me souviendra longtemps d’un débat dans lequel lui, libraire, porta un coup sensible à la réputation scientifique d’un de ses auteurs. Ce fut, bien entendu, au moyen d’une troisième brochure.
Enfin, M. Jannet est pour nous un confrère. Sous le titre de Tablettes, il a rédigé une chronique pour la défunte Revue Européenne. J’oserai ajouter qu’elle était plus lue que le Jessie de M. Mocquard.
Voilà, n’est-il pas vrai ? bien des aptitudes diverses, et, s’il fallait en croire le préjugé, un homme qui sait tant de métiers a dû négliger le sien.
Eh bien ! détrompez-vous. M. Jannet est réellement un éditeur. En cette qualité, il a su créer déjà deux collections qui sont bien à lui. La première fut cette Bibliothèque Elzévirienne, qui n’est pas trop tombée au rabais, bien qu’elle n’ait point rapporté de gros dividendes à feu Ternaux-Compans. On peut dire de plus qu’elle a donné le branle à cette renaissance dite elzévirienne qui influe si heureusement depuis une douzaine d’années sur l’aspect des produits de notre librairie.
La seconde, commencée depuis deux années, avec le concours de M. Picard, est appelée à un succès plus grand qu’elle mérite au même titre. Je ne crois pas qu’il soit possible d’établir à un prix aussi insignifiant des volumes édités dans des conditions relativement meilleures.
Je ne sais si la Nouvelle Collection Jannet s’est risquée à l’Exposition de 1867, mais, si j’avais été jury, comme dit M. Prudhomme, j’aurais donné aux livres dont je parle la médaille acquise à tout fabricant unissant dans ses produits trois mérites qui s’appellent : la correction, l’élégance, le bon marché. » (Le Bibliophile français. Gazette illustrée. Paris, Bachelin-Deflorenne, 1868, t. I, p. 191-192)

Selon Georges Vicaire, Jannet aurait signé Rabelais et ses éditeurs (Paris, Auguste Aubry, 1868), extrait de la Revue moderne du 25 novembre 1868, sous le pseudonyme de H. Émile Chevalier : mais Henri-Émile Chevalier (1828-1879), journaliste et homme de lettres, auteur en particulier des Drames de l’Amérique du Nord, a bel et bien existé.   
Partisan, avec Ambroise Firmin-Didot, d’une réforme de l’orthographe, Jannet écrivit « La Réforme de l’orthographe » dans la Revue moderne du 10 janvier 1869 (p. 107-136).




Il publia la même année De la langue chinoise et des moyens d’en faciliter l’usage (Paris, A. Franck, 1869),




puis, avec Gustave Brunet, Les Supercheries littéraires dévoilées, par Quérard (Paris, Paul Daffis, 1869-1872, 4 vol.) : seconde édition, considérablement augmentée, suivie du Dictionnaire des ouvrages anonymes, par Barbier, troisième édition revue et augmentée par Olivier Barbier, conservateur sous-directeur adjoint à la Bibliothèque impériale, fils de l’auteur, et d’une Table générale des noms réels des écrivains cités dans les deux ouvrages.
La dernière publication signée par Jannet fut une Notice sur le château de Méréville (Paris, J. Bonaventure, 1870). La même année, le libraire Paul Daffis, 9 rue des Beaux-Arts, se rendit acquéreur de la « Bibliothèque elzévirienne » : Jannet accepta alors de se charger de la direction littéraire et typographique de la collection et envoya chez l’imprimeur le premier des 20 volumes de la série intitulée Les Conteurs français.
Après la déchéance de Napoléon III, le 4 septembre 1870, il avait commencé à se livrer à la vie publique. Membre de la commission d’armement du XIVe arrondissement, il échoua aux élections à la mairie, mais organisa avec succès la nourriture gratuite des enfants des écoles de filles et de garçons.

Une épidémie de variole régnait depuis quelque temps à Paris. Une violente attaque, contractée en visitant les écoles communales de Montrouge, enleva Jannet le 23 novembre 1870, malgré les soins du Dr. Jean-François Robinet (1825-1899), médecin d’Auguste Comte, en son domicile du 30 boulevard Jourdan, dans un quartier qui appartenait à la commune de Montrouge et qui avait participé, avec les communes de Gentilly et de Vanves, à la formation du XIVe arrondissement, en 1860.

« Du vingt trois novembre mil huit cent soixante dix à deux heures du soir. Acte de décès de Pierre Jannet, décédé ce matin à cinq heures, en son domicile, boulevard Jourdan, n° 30 ‹ XIVe mairie › âgé de cinquante ans, propriétaire, né à Saint André des Bois ‹ Gironde › célibataire, sans autre renseignement. Constaté suivant la loi, par nous Jean Pierre Héligon officier de l’Etat Civil, sur la déclaration de Pierre Laffitte, âgé de quarante sept ans, professeur de mathématiques, demeurant à Paris rue d’Assas n° 126, et de Edmond Picard, âgé de trente sept ans, libraire, demeurant à Paris quai des Grands-Augustins n° 47 qui ont signé avec nous après lecture »

Moins d’une trentaine de personnes accompagna sa dépouille au cimetière du Montparnasse. Très peu de temps avant la mort de Jannet, Pierre Laffitte (1823-1903), son exécuteur testamentaire, professeur de mathématiques, devenu directeur du « Positivisme » et successeur d’Auguste Comte, avait chargé le libraire Delaroque aîné, 21 quai Voltaire, de procéder à une vente publique des manuscrits, notes et brochures de l’éditeur : tout fut entassé, dans un désordre indescriptible, salle Silvestre, pour une vente en trois vacations, du lundi 10 au mercredi 12 juin 1872, avec néanmoins un catalogue intitulé Livres composant la bibliothèque de feu M. Pierre Jannet.
Après la mort de Jannet, arrivée au milieu du siège de Paris, qui dura du 19 septembre 1870 au 28 janvier 1871, sa maison, à cause de la proximité des fortifications, fut employée comme poste et comme ambulance.
Par suite du décès de Daffis, la « Bibliothèque elzévirienne » fut acquise en 1882 par Eugène Plon et Cie, installée 8 et 10 rue Garancière : elle fut achevée en 1898 et compta au total 90 titres, pour 175 volumes.