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En-tête de papier à lettre de Charles de Lovenjoul |
La famille flamande Spoelberch, originaire du Brabant [Belgique], dont la généalogie remonte au XIVe siècle, portait « D’azur, à la fasce d’or, accompagnée de trois losanges du même ».
François-Philippe-Benoît de Spoelberch, seigneur de Lovenjoul [Bierbeek, Belgique], né à Louvain [Belgique], à 6 km au nord-ouest de Lovenjoul, le 26 novembre 1676, mort à Louvain, le 13 juillet 1751, admis au collège des patriciens de Louvain et dans les lignages de Bruxelles, échevin et premier bourgmestre de Louvain, président de la chambre pupillaire, épousa : 1° le 3 février 1697, Suzanne de Dielbeek, morte le 3 août 1705, fille unique de Frédéric de Dielbeek, baron d’Holsbeek, seigneur d’Attenhove et de Dutzele, et de Julienne de Mol. 2º le 28 août 1708, Jeanne-Isabelle le Comte dit « d’Orville », née à Bruxelles, le 3 décembre 1683, morte à Louvain, le 20 octobre 1762, fille de Jean-Pierre-Ignace, surintendant du canal de Bruxelles, et d’Alexandrine-Barbe Caudenbergh, dit « van den Hecke ».
Hôtel de Ville de Louvain
Vues de la Hollande et de la Belgique, par W. H. Bartlett. Londres, Georges Virtue, s. d. [1840], p. 185
Jean-Henri-Joseph, vicomte de Spoelberch
de Lovenjoul, vicomte par diplôme du roi Guillaume Ier, titre
transmissible à toute la descendance, né à Louvain, le 9 octobre 1766, mort à Louvain,
le 28 février 1838, président du tribunal de première instance, à Louvain,
conseiller à la cour impériale, à Bruxelles, chevalier du Lion Belgique, amateur
de musique distingué, épousa, le 30 messidor An IX [19 juillet 1801], Thérèse-Françoise-Claire
de Troostembergh, morte le 27 octobre 1820 au 5 rue des Orphelins, à Louvain,
où elle était née le 4 mars 1773, paroisse Sainte-Gertrude.
Maximilien de Spoelberch de Lovenjoul
Hortense de Putte
Maximilien-Antoine-Théodore, vicomte de Spoelberch de Lovenjoul, né à Louvain, le 21 floréal An X [11 mai 1802], mort à Lovenjoul le 2 septembre 1873, épousa, à Bruxelles, le 4 mai 1831, Hortense-Caroline-Albertine-Ghislaine de Putte, née à Bruxelles, le 15 avril 1814, fille de François-Constantin-Ghislain et de Henriette-Hubertine-Ghislaine de Spoelberch, et morte à Bruxelles le 30 décembre 1873.
Charles de Spoelberch de Lovenjoul
44 et 46 rue du Marais, Bruxelles (1980) |
Charles-Victor-Maximilien-Albert, vicomte de Spoelberch de Lovenjoul, naquit à Bruxelles, 46 rue du Marais [détruit], le 30 avril 1836.
33, boulevard du Régent, Bruxelles |
Château de Lovenjoul |
Il passa sa jeunesse dans un hôtel particulier, à Bruxelles, 33 boulevard du Régent [résidence de l’ambassadeur de France, 41 boulevard du Régent] et au château de Lovenjoul.
Ayant le goût de la lecture, il s’intéressa
aux auteurs français, à leur vie et surtout à leurs procédés d’écriture. Cette
passion commença dès l’âge de quatorze ans, en 1850. En 1855, il rencontra à
Paris l’éditeur Michel Lévy (1821-1875), alors 2 bis rue Vivienne [IIe],
qui l’encouragea dans ses goûts pour la bibliographie littéraire.
Ayant besoin de s’adjoindre les
services d’un libraire parisien, capable de procéder à certains achats ou
recherches pour lui, il s’entendit avec Charles Borrani, 9 rue des Saints Pères
[VIe].
Ses collections furent conservées dans l’hôtel du boulevard du Régent, dans une espèce de hall immense, où tout était de fer, même le plancher, pour braver les rats :
Bibliothèque, à Bruxelles. In L'Illustration, 6 mai 1899, p. 297
« Représentez-vous une sorte
de chapelle, très longue, très haute, très étroite, éclairée par le toit –
comme une section du passage des Panoramas, s’étendant sur environ vingt-cinq
mètres. A droite, à gauche, de profondes armoires, enfermant en leurs flancs
des milliers de cahiers et de volumes. Au milieu de la pièce, une demi-douzaine
de meubles de styles divers et disséminés. Chacun d’eux contient les reliques
d’un grand écrivain. »
(Adolphe Brisson. Portraits
intimes. Paris, Armand Colin & Cie, 1897, 3e
série, p.90)
La plupart des volumes étaient volontairement laissés brochés : Charles de Lovenjoul pensait que les reliures dénaturaient les livres.
11 rue Louis-le-Grand, Paris II 5 rue d'Alger, Paris I (août 2020)
Villa Close (2011)
Lovenjoul publia son premier essai, intitulé « Étude bibliographique sur les œuvres de George Sand », dans Le Bibliophile belge (Bruxelles, Fr.-J. Olivier, 1868, p. 1-23 et p. 77-90), qu’il signa « Le Bibliophile ISAAC ».
En 1871, il rencontra, à
Bruxelles, Théophile Gautier (1811-1872), et l’introduisit dans sa
bibliothèque : le poète n’en revenait pas d’y être si richement représenté.
Le 1er juin 1875, après la disparition de Michel Lévy le 5 mai précédent, son frère Calmann Lévy (1819-1891) introduisit Lovenjoul chez George Sand (1804-1876), pour un projet d’édition des Œuvres complètes de la romancière : malheureusement, elle succomba le 8 juin de l’année suivante.
Le 26 février 1876, à Bruxelles, Lovenjoul, presque 40 ans, épousa Marie-Émilie-Madeleine d’Ursel, dite « Molly », 23 ans, née à Bruxelles le 14 février 1853, fille du comte Ludovic d’Ursel (1809-1886), sénateur de Belgique, et petite-fille par sa mère du marquis de Rumigny, ambassadeur de France en Belgique sous la Monarchie de Juillet.
Inaugurant un genre, Lovenjoul
publia une Histoire des œuvres de H. de Balzac (Paris, Calmann Lévy,
1879), puis une Histoire des œuvres de Théophile Gautier (Paris, G.
Charpentier et Cie, 1887, 2 vol., 4 portraits et 2 autographes).
Le 10 avril 1882, le décès de la
veuve de Balzac, Ève-Constance-Victoire Rzewuska, veuve en premières noces du
comte Wenceslas Hanski, permit à Lovenjoul d’obtenir, le 25 avril, à l’Hôtel
Drouot, par l’intermédiaire du libraire Étienne Charavay (1848-1899), 9
manuscrits du romancier, pour la somme
de 12.310 fr. [Eugénie Grandet, Pierrette, Histoire des treize,
César Birotteau, Le Lys dans la vallée, La Recherche de l’absolu, Séraphîta,
Béatrix, Illusions perdues], et des lettres autographes à Madame
Hanska.
L’année où il fut fait chevalier de la Légion d’honneur, Lovenjoul publia ses découvertes imprévues dans Les Lundis d’un chercheur (Paris, Calmann Lévy, 1894).
Il raconta la liaison de Balzac
et de Madame Hanska dans Études balzaciennes - Un roman d’amour (Paris,
Calmann Lévy, 1896), et celle de Musset et de George Sand dans La Véritable
Histoire de « Elle et Lui » - Notes et documents (Paris,
Calmann Lévy, 1897).
Charles de Lovenjoul dans sa bibliothèque. In L'Illustration, 6 mai 1899, p. 297 |
La signature de Lovenjoul parut dans Le Figaro, dans le Journal des Débats, dans Le Temps et dans la Revue bleue, avant de donner en librairie La Genèse d’un Roman de Balzac – Les Paysans (Paris, Paul Ollendorff, 1901) et Sainte-Beuve inconnu (Paris, Plon, 1901).
Atteinte de diabète, comme son mari, Madame de Lovenjoul décéda à Wiesbaden [Allemagne] le 16 juillet 1902 ; elle avait publié un répertoire, sous le pseudonyme de « Ludovic Saint-Vincent », intitulé Belgique charitable – Bruxelles – Charité, bienfaisance, philanthropie, Etc., Etc. (Bruxelles, Veuve Ferdinand Larcier, 1893). Lovenjoul publia son dernier volume sur Balzac, Une Page Perdue de H. de Balzac – Notes et documents (Paris, Paul Ollendorff, 1903) et, dans la « Collection du bibliophile parisien », Bibliographie et littérature (Trouvailles d’un bibliophile) (Paris, Henri Daragon, 1903).
Sans postérité, Lovenjoul songea en 1905 à mettre ses affaires en ordre :
il laissait à l’Université de Louvain ses porcelaines, ses tableaux et ses meubles, qui souffrirent d’un incendie en 1940,
23 rue du Connétable, Chantilly (avril 2023) |
et à l’Institut de France sa collection littéraire, qu’il appelait « son archive » [1.350 volumes manuscrits, des milliers de lettres, 42.000 volumes imprimés, 1.500 collections de journaux, fruit de cinquante ans de labeur acharné, avec quatre passions principales, Balzac, George Sand, Théophile Gautier et Sainte-Beuve, mais aussi Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, les Dumas, Hugo, Mérimée, Nerval, Stendhal, Vigny], à condition qu’elle soit rattachée au domaine de Chantilly [Oise] et qu’elle ne sorte pas de son lieu de conservation, même pour des expositions. La collection Lovenjoul conserve 90% des manuscrits de Balzac connus dans le monde et 414 lettres de Balzac à Madame Hanska : seules deux lettres de Madame Hanska à Balzac subsistent, car ce dernier brûla les autres, craignant une tentative de chantage.
En 1906, Lovenjoul pénétrait enfin à la Revue des Deux Mondes, où il fit paraître (1er septembre, p. 51- 62) une « Lettre sur le travail de H. de Balzac ».
Le 2 juin 1907, Le Figaro publiait sur lui, en première page : « Le plus Français des étrangers, et, avec son gracieux souverain Léopold, le plus Parisien des Bruxellois ; le plus érudit, d’autre part, des gentilshommes lettrés ; mène l’existence laborieuse d’un Bénédictin et garde l’aspect d’un ancien officier de cavalerie. »
Le Figaro, vendredi 5 juillet 1907, p. 2
Gil Blas, samedi 6 juillet 1907, p. 1 |
Lovenjoul est mort dans une chambre d’hôtel, pendant une cure à Royat [Puy-de-Dôme] [il n’y a pas d’acte dans le registre des actes de décès de la ville de Royat, ni dans celui de Bruxelles], le jeudi 4 juillet 1907, des suites d’un accident diabétique ;
Cimetière de Laeken, Bruxelles |
il fut inhumé le 8 juillet, près de sa mère, au cimetière de Laeken, le Père Lachaise bruxellois.
Ce collectionneur fortuné, qui fut la providence des chercheurs, auxquels il a livré sans compter les renseignements et les documents qu’il s’était procurés, n’eut pas que des admirateurs reconnaissants : les commentaires quasi calomnieux du bibliophile français Octave Uzanne (1851-1931) et de l’écrivain anarchiste belge Georges Eekhoud (1854-1927) furent particulièrement remarqués.
« Sainte-Beuve nommait la critique assez justement une botanique morale. Ace titre, le vicomte Charles de Spoelberch de Lovenjoul, qui vient de mourir tout récemment à Royat, n’était pas à vrai dire un botaniste moral, mais plutôt ce qu’on nomme en Basse Bourgogne un grappillonneur, celui qui vient après les vendanges faites et qui trouve encore moyen de cueillir de pleines hottées de menus grapillons assez savoureux et conservant tout le bouque[t] du terroir.
Le vicomte de Lovenjoul qui
cultiva en Belgique le grapplillonnage [sic] des lettres françaises sut
acquérir chez nous une renommée de grand seigneur belge entièrement dévoué à la
mémoire d’Honoré de Balzac, de Théophile Gautier, de Georges [sic] Sand, d’Alfred
de Musset, Sainte-Beuve et de la plupart des maîtres romantiques. […]
Incontestablement, le vicomte fut
un passionné d’architecture littéraire entièrement faite de matériaux neufs et
originaux, mais un Américain dirait aussi avec raison que, dans sa volonté de
bâtir tout une cité historique hospitalière aux fervents des lettres, M. de
Lovenjoul procéda comme les “ trusters ”. Il accapara le marché des documents,
ne laissant rien ou fort peu hors de ses chantiers. Les érudits impécunieux
furent jusqu’ici dépossédés. Il est juste que Chantilly hérite, mais cet
héritage ne prendra toute sa valeur que du jour où on en connaîtra exactem nt
[sic] l’étendue par le détail des matériaux abandonnés par lui et qui seront si
intéressants à déblayer.
M. Charles de Spoelberch de
Lovenjoul apporta un zèle prodigieux à râfler [sic] les documents littéraires
de toute nature ; il faut rendre hommage à la bonne volonté de cet
accapareur qu’on aurait nommé outre-océan le roi des manuscrits. Il en
tira vanité et grande notoriété, mais il ne faut pas exagérer son
mérite. »
(Octave Uzanne. « Un Truster
littéraire ». In La Dépêche, 21 juillet 1907, p. 1-2)
« La mort de M. le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul n’a ému que médiocrement notre milieu littéraire proprement dit. Ce grand seigneur était un collectionneur avisé dont les goûts tranchaient honorablement sur ceux de son monde exclusivement adonné au sport et à la galanterie, et qui se recommandait par sa curiosité et son érudition, sinon par une valeur créatrice ou même critique. Mais il ne faut pas exagérer non plus son rôle et son mérite. Il collectionna les manuscrits de Balzac et de quelques romantiques, comme d’autres des médailles, des tulipes ou des timbres-poste. Au point de vue des lettres de ce pays, il se montra aussi indifférent et aussi dédaigneux que tous nos gros propriétaires, nobles et financiers. Les livres qu’il tira des manuscrits de sa collection sont agréablement écrits, mais ne valent en somme que comme raccord consciencieux de documents. Ni vues, ni aperçus nouveaux. On citait cependant M. de Spoelberch parmi les personnalités appelées à faire partie de la future Académie d’Ecrivains belges. Il y aurait peut-être fondé le pari des comtes, comme vous avez celui des ducs à l’Académie Française. M. Octave Uzanne a fort bien “ situé ”, me semble-t-il, la figure du noble défunt dans le monde littéraire. Convenons cependant que M. Uzanne se montre par trop dur en appelant ce galant et utile homme de bibliothèque un accapareur de manuscrits, mais il reste acquis, comme le disait M. Uzanne dans l’article de la Dépêche [21 juillet 1907, p. 1-2] reproduit par le Mercure [15 août 1907, p. 714-715], que le trésor de documents dont hérite votre Musée de Chantilly ne prendra toute sa valeur que du jour où on en connaîtra exactement l’étendue par le détail des matériaux abandonnés par M. de Spoelberch et qui seront si intéressants à déblayer.
Car, quoiqu’en dise M. Eugène
Gilbert [son fidèle ami] dans ses très intéressantes études sur les livres de
M. de Spoelberch [France et Belgique. Études littéraires. Paris, Plon,
1905], l’honorable collectionneur ne sut mettre suffisamment en valeur les
documents précieux dont il s’était assuré la possession et M. Paul Bourget
plaisante sans doute quand il le compare à Sainte-Beuve [« Lettre-Préface »
in France et Belgique. Études littéraires. Paris, Plon, 1905, et Le
Figaro, 7 juillet 1907, p. 1]. Au point de vue de l’histoire des lettres au
XIXe siècle, un seul livre de
M. de Spoelberch se recommande pourtant par une certaine “ mise en œuvre ” de
documents inédits ; c’est la Genèse d’un Roman de Balzac, ouvrage
auquel M. Gilbert a consacré une des doctes études auxquelles nous faisions
allusion plus haut. »
(Georges
Eekhoud. In Mercure de France, 1er septembre 1907, p.
171-172)
La collection littéraire de Lovenjoul fut transportée en 1910 de Bruxelles à Chantilly, 23 rue du Connétable, sous la direction de Georges Vicaire (1853-1921). En 1987, contrevenant au désir du testateur, elle fut transférée à Paris et installée définitivement dans les locaux de la Bibliothèque de l’Institut, 23 quai Conti [VIe].
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