C’est à tort que très souvent, notamment en tête du catalogue de sa bibliothèque, on a écrit « Pont-de-Vesle ».
Son grand-père, Jacques de Ferriol, originaire de Saint-Chamond (Loire), dans le Lyonnais, naquit en 1621. Après avoir été conseiller à la Cour des aides de Vienne (Isère), puis à la Cour souveraine de Bourg-en-Bresse (Ain), il fut reçu conseiller au Parlement de Metz (Moselle), le 18 février 1662. Il fut l’un des commissaires de la Chambre de justice établie en cette ville la même année, et il mourut prématurément en 1666. Sa charge de conseiller resta vacante et fut supprimée par l’édit du mois de décembre 1669, moyennant 22.000 livres d’indemnité que le Roi fit payer à ses héritiers.
Il avait épousé Marie de Silvecane, fille du conseiller de ce nom au Parlement de Metz. De ce mariage sont issus plusieurs enfants, dont :
1°. Charles de Ferriol, dit « le marquis de Ferriol », fut ambassadeur de France à Constantinople et acquit une certaine notoriété à cause d’une jeune Circassienne [Caucase] qu’il ramena en France en 1698 et connue sous le nom de Mademoiselle Aïssé, forme francisée et corrompue du nom d’Haïdé. L’acte de son décès, daté du 27 octobre 1722, contredit l’annonce que fit Le Mercure de novembre 1722 (p. 201) :
« Haut et puissant seigneur, messire Charles de Ferriol, baron d’Argental, conseiller du Roi en tous ses conseils, ci-devant ambassadeur extraordinaire à la Porte ottomane, âgé d’environ 75 ans, décédé hier en son hôtel, rue Neuve-Saint-Augustin, en cette paroisse, a été inhumé en la cave de la chapelle de sa famille, en cette église [Saint-Roch], présens Antoine de Ferriol de Pont-de-Veyle, écuyer, conseiller, lecteur de la chambre du Roi, et Charles-Augustin de Ferriol d’Argental, écuyer, conseiller du Roi en son Parlement de Paris, ses deux neveux, demeurants dit hôtel, rue Neuve-Saint-Augustin, en cette paroisse. »
Château de Pont-de-Veyle (Ain) |
2°. Augustin de Ferriol, comte de Pont-de-Veyle (Ain), en Bresse, et baron d’Argental [i.e. Bourg-Argental, Loire], en Forez, naquit à Saint-Chamond, 18 mars 1653. D’abord trésorier général du Dauphiné (1693), il fut conseiller au Parlement de Metz le 16 avril 1701 et devint président à mortier en la même cour le 20 août 1720. Il avait épousé le 13 mai 1696 Marie-Angélique Guérin de Tencin, née à Grenoble (Isère), le 21 août 1674, sœur de Claudine-Alexandrine (1682-1749), chanoinesse relevée de ses vœux qui tint un salon littéraire à partir de 1726. Le couple s’installa rue des Fossés-Montmartre, puis acheta l’hôtel de Charles Renouard de la Touanne, trésorier de l’extraordinaire des guerres, rue Neuve-Saint-Augustin, qui communiquait, par le jardin, avec celui du maréchal d’Uxelles.
Tous les Ferriol, Augustin, Charles, Antoine et Charles-Augustin, ainsi que Mademoiselle Aïssé († 1733), habitèrent ensemble cet hôtel.
Angélique de Tencin mourut subitement à Paris, le 2 février 1736, son mari le 3 février 1737.
Le 8 juillet 1736, Augustin de Ferriol avait réglé ses affaires avec ses enfants, par une donation entre vifs. Les biens dont il disposait dans cet acte se composaient de :
- La finance de la charge de lecteur du Roi, achetée en 1720 à son fils aîné Pont-de-Veyle [vendue le 12 décembre 1736 à Jean-Bonaventure Le Lay de Guébriant, 60.000 livres] ;
- De celle de conseiller au Parlement de Paris, dont son second fils, d’Argental, avait été pourvu en 1721 ;
- De celle de l’office de conseiller d’honneur de la Cour des Monnaies, acheté en 1737 pour Pont-de-Veyle ;
- Du comté de Pont-de-Veyle, acquis le 3 mars 1703 [vendu le 22 octobre 1739 à Elisabeth-Thérèse-Marguerite Chevalier, veuve Kadot, comte de Sébeville, 238.880 livres] ;
- La baronnie d’Argental, près d’Annonay, affermée par bail 550 livres [achetée par d’Argental le 7 octobre 1739, 15.000 livres] ;
- Une rente de 400 livres, au principal de 20.000 livres, due par Masso de la Ferrière [constituée le 13 août 1720] ;
- Une rente de 6.900 livres, au principal de 276.000 livres sur les Aides et Gabelles [constituée le 28 février 1721].
Cette donation était faite aux conditions suivantes :
- De la réserve de l’usufruit pour le donateur ;
- De payer ses dettes ;
- De prélever sur les biens restants 50.000 livres en argent pour Pont-de-Veyle, fils aîné, ou bien un fonds de pareille valeur ;
- De prélever 20.000 livres de principal sur la rente des Aides et Gabelles en faveur du même Pont-de-Veyle « en qualité de légataire universel de demoiselle Charlotte-Elisabeth Aïssé, à cause du legs à elle fait par le feu sieur Ferriol, ambassadeur, suivant son testament » ;
- De partager le surplus également entre ses deux fils Pont-de-Veyle et d’Argental.
Il faut ajouter à ces biens l’hôtel de la rue Neuve-Saint-Augustin, vendu le 29 avril 1737, 166.000 livres à Étienne Perrinet, fermier général [cet hôtel a subsisté jusque vers 1850] ; la chapelle funéraire de l’église Saint-Roch, où avaient été inhumés l’ambassadeur et Mademoiselle Aïssé, vendue 4.800 livres à François Olivier, comte de Senozan, époux de Jeanne-Anne-Magdelaine de Grolée de Viriville.
Sa bibliothèque, augmentée de celle de son frère qui l’avait institué héritier de tous ses biens, fut dispersée à partir du 10 décembre 1737, rue de Savoye, près les Grands Augustins : Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. de Ferriol, président à mortier au Parlement de Metz (Paris, Prault fils, 1737, in-12, [4]-107-[1 bl.] p., 1.566 lots).
*****
Antoine de Ferriol, comte de Pont-de-Veyle, fils aîné d’Augustin de Ferriol, naquit à Paris le 1er octobre 1697. Élevé jusqu’à l’âge de dix ans dans la maison paternelle, il eut un précepteur dont le caractère et les manières lui inspirèrent du dégoût pour l’étude. Envoyé alors au Collège des Jésuites de Louis le Grand, il y fut un écolier médiocre, mais se révéla doué pour composer des chansons. Destiné à la magistrature, Antoine de Ferriol avait été pourvu d’une charge de conseiller au Parlement de Paris (1719). Etant un jour allé faire une visite au procureur général au Parlement, Guillaume-François Joly de Fleury, il s’amusa, en l’attendant dans le salon, à répéter devant une glace la danse du Chinois, dans l’opéra Issé, que l’on donnait alors. Le procureur général, qui le surprit dans cet exercice, lui fit comprendre qu’il n’avait pas une vocation assez marquée pour l’état qu’il embrassait. Il le sentit lui-même, et renonça à sa charge, que fut obligé d’accepter son frère, Charles-Augustin, comte d’Argental, d’abord destiné à l’état militaire.
Ses parents lui achetèrent en 1720 la charge de lecteur du Roi. Reçu chevalier d’honneur en la Cour des monnaies de Paris le 20 août 1738. Le comte de Maurepas le nomma en 1740 intendant général des classes de la marine, place qu’il occupa jusqu’à la disgrâce du ministre en 1749. Depuis, il se livra alors aux lettres et à la société.
En 1719, il avait fait la connaissance de Madame du Deffand (1697-1780). Il formait, avec son frère d’Argental et Nicolas-Claude Thieriot, ce que Voltaire appelait son « triumvirat », qui examinait les ouvrages du grand homme avant leur publication.
Pont-de-Veyle a pris part aux Mémoires du comte de Comminge (La Haye, J. Neaulme, 1735), ainsi qu’à Le Siège de Calais (La Haye, J. Neaulme, 1739), romans de Madame de Tencin, sa tante, et dont le premier est parfois attribué à d’Argental. Il donna, également anonymement, trois comédies : Le Complaisant (Paris, François Le Breton et Nicolas Le Breton, 1733), en cinq actes et en prose ; Le Fat puni (La Haye, Antoine van Dole, 1739), en un acte et en prose, tiré de Le Gascon puni, conte de La Fontaine ; Le Somnambule (Paris, Prault fils, 1739), en un acte et en prose.
Le dimanche 10 juillet 1774, Madame du Deffand écrivit à Horace Walpole :
« L’ami Pontdeveyle se rétablit tout doucement ; je n’ai point de meilleur ami ni de plus contrariant ; le pauvre homme ne peut consentir à vieillir, il a tous les goûts de la jeunesse. Les spectacles, les grands soupers sont nécessaires à son bonheur ; mais ses jambes, sa poitrine et son estomac n’y sont pas d’accord. »
Pont-de-Veyle mourut à Paris le 3 septembre 1774. Le lendemain, dimanche, Madame du Deffand écrivit à son correspondant :
« J’ai appris ce matin à mon réveil la mort de mon pauvre ami : je l’avais quitté hier à huit heures du soir ; je l’avais trouvé très-mal, mais je croyais qu’il durerait encore quelques jours ; il y en avait quatre ou cinq qu’il ne pouvait pour ainsi dire plus parler, il avait cependant toute sa tête. Je fais une très-grande perte ; une connaissance de cinquante-cinq ans, qui était devenue une liaison intime, est irréparable. »
Il s’était composé une bibliothèque riche en pièces de théâtre, qui fut vendue : Catalogue des livres imprimés & manuscrits de M. le comte de Pont-de-Vesle, divisé en deux parties, dont la première contient une collection presque universelle des pièces de théâtre, avec la table alphabétique des auteurs & des pièces. Et la seconde partie contient les autres livres (Paris, Le Clerc, 1774, in-8, [4]-292-61-[3] p., 2.406 lots).
« Ce catalogue mérite d’être conservé & d’être consulté par l’avantage qu’il a principalement de présenter la plus ample collection de pieces de théâtre imprimées & manuscrites qui ait été fite encor. M. le Comte de Pont-de-Vesle connu par son goût & ses talens dans la littérature, s’en étoit fait une occupation & un amusement depuis vingt cinq ans.
Pour mettre le Public à portée de juger du mérite de cette collection précieuse ; le Libraire très-instruit & très-intelligent qui a rédigé ce catalogue, a placé les pieces de theâtre sous le titre de chacune des Nations qui les ont produites depuis les Grecs jusqu’aux Russes ; mais comme les pieces produites en France sont l’objet principal de cette collection, & en forment le plus grand nombre, elles ont été divisées sous le titre des différens théâtres sur lequels elles ont été jouées, observant, autant qu’il a été possible, l’ordre chronologique dans chaque théâtre. Cette riche collection est suivie d’une table alphabétique des Auteurs & des pieces qui facilitera beaucoup les recherches. » [sic] (Mercure de France. Amsterdam, M.-M. Rey, décembre 1774, N° XVI, p. 158-159)
Le libraire, Charles-Guillaume Le Clerc (1723-1794), qui des Augustins, annonçait, dans l’avertissement du catalogue, l’intention de vendre en bloc la partie du théâtre :
« Il serait à désirer que la partie du Théâtre ne fût pas divisée ; c’est un objet précieux en France, et encore plus pour les pays étrangers où notre Théâtre s’est fait admirer et où il ne serait pas possible, par le détail, de réunir une collection aussi immense. »
Cette collection de 1.569 articles de pièces de théâtre, mise aux enchères à 14.000 livres, fut poussée seulement à 14.459 livres 19 sous, pour le compte d’un amateur allemand. Elle resta donc en la possession des héritiers de Pont-de-Veyle qui la revendirent 15.000 livres (25.000 suivant l’opinion générale) à Louis-Philippe duc d’Orléans (1725-1785). Celui-ci en fit présent à Madame de Montesson qui la conserva et l’augmenta jusqu’à sa mort.
Cette bibliothèque est composée avec un goût parfait, mais les exemplaires sont souvent défectueux ou d’un condition médiocre. Cette collection avait peut-être plus de célébrité que celle du duc de La Vallière, tous les gens de lettres étant admis à la consulter sans cesse. Elle s’était enrichie des livres de Louis-Urbain Lefèvre de Caumartin (1653-1720), marquis de Saint-Ange, de Joseph-Antoine Crozat (1699-1750), de Madame de Pompadour (1721-1764), des manuscrits de Louis Fuzelier (1672-1752), etc.
La seconde partie, de 837 articles, fut vendue au détail.
*****
D’une famille de Bretagne, Charlotte-Jeanne Béraud de La Haye de Riou, fille de Louis Béraud de La Haye de Riou et de Marie-Joseph Minard, était née à Paris le 4 octobre 1738. Elle n’avait que seize ans lorsque Jean-Baptiste marquis de Montesson (1687-1769), lieutenant général des armées du Roi, riche gentilhomme de la province du Maine, mais déjà avancé en âge, lui fut donné pour époux. Madame de Montesson resta veuve en 1769 ; son excellente réputation, ses talents, son amabilité et la bonté de son caractère, la firent rechercher dans le monde. Le duc d’Orléans, petit-fils du Régent, se détermina vers la fin de 1772 à lui offrir sa main. Et le 23 avril 1773, la bénédiction nuptiale fut donnée dans la chapelle de Madame de Montesson, par le curé de Saint-Eustache, dont elle était paroissienne. Il y avait été autorisé par l’archevêque de Paris, sur le consentement du Roi, sa majesté voulant que le mariage restât secret, autant que faire se pourrait, c’est-à-dire aussi longtemps qu’aucun enfant n’en serait le fruit. La fortune personnelle de Madame de Montesson était considérable. Elle contribuait à l’encouragement, au perfectionnement des sciences, des arts utiles, et des arts d’agrément. Devenue veuve une seconde fois en 1785, elle fut payée, après quelques discussions, du douaire qui avait été stipulé par son contrat de mariage. La réserve qu’elle garda pendant toute la durée de sa vie, la douceur et l’affabilité qui lui étaient naturelles, le souvenir des bienfaits répandus par elle autrefois dans la classe indigente du peuple, tout concourut à la sauver des plus grands dangers de la Révolution. Elle avait autrefois connu Madame de Beauharnais, avec laquelle sa liaison s’était renouée pendant l’expédition d’Égypte et dans un voyage aux eaux de Plombières, et l’affection du Premier consul lui fut acquise.
Elle mourut à Paris le 5 février 1806 dans l’hôtel Montesson, rue de la Chaussée d’Antin (IXe), construit pour elle en 1770 par le duc d’Orléans [incendié en 1810, démoli en 1829, aujourd’hui à l’emplacement de la cité d’Antin].
Son corps fut transporté dans une chapelle de l’église de Seine-Port (Seine-et-Marne), qui est la paroisse du château de Sainte-Assise, où le duc d’Orléans était mort : il avait ordonné, par son testament, que son cœur et ses entrailles seraient apportés dans cette église, « espérant que la dame du lieu y serait inhumée à ses côtés ».
Château de Sainte-Assise à Seine-Port (Seine-et-Marne) |
Madame de Montesson s’était distinguée par des talents d’agrément peu communs. Élève de Gérard Van Spaendonck (1746-1822), elle a laissé plusieurs tableaux de fleurs dignes de l’école de ce grand maître. Elle jouait bien de la harpe, chantait de manière à faire le plus grand plaisir, et passait pour une excellente actrice de société. Elle a pu encore recevoir des leçons de physique et de chimie de Claude Berthollet (1748-1822) et Pierre-Simon de Laplace (1749-1827), admis jusqu’à sa mort dans son intimité, et composer, entre autres ouvrages, seize pièces de théâtre.
Christie's, Londres, 4 juin 2008 : £ 2.750 |
Ce fut sous le titre de Œuvres anonymes qu’elle avait livré à l’impression le recueil de ses vers, de ses compositions en prose, et de son théâtre (Paris, Didot aîné, 1782-1785, 8 vol. grand in-8, sur papier d’Annonay) : le huitième volume se compose de Mélanges, désigné comme tome 1er, et qui n’est suivi d’aucun autre.
« Avec de l’esprit, des connoissances et beaucoup de qualités aimables, madame de Montesson eut un travers, celui de se faire auteur, et qui pis est auteur dramatique. Au moins diminua-t-elle ce tort par l’incognito presque complet auquel elle condamna ses trop nombreuses productions, même après les avoir fait si magnifiquement imprimer. Ces huit volumes exécutés avec un luxe de prince ne furent, dit-on, tirés qu’à douze exemplaires, et j’ai dans le temps su de l’imprimeur qu’elle ne lui avoit pas permis de se réserver les deux exemplaires qu’accorde sinon un droit réel, au moins un usage constant. Le succès de cette secrète publication fut encore tellement équivoque, que cette dame un peu dépitée ne tint pas même compte de distribuer tous les exemplaires d’une si peu nombreuse édition ; elle en laissa la moitié périr dans ses garde-meubles. Ainsi donc qu’il ait été tiré douze exemplaires, ou quelques-uns de plus, on ne peut contester à ces huit somptueux volumes, au moins le mérite d’une excessive rareté. »
(Catalogue de la bibliothèque d’un amateur. Paris, A.-A. Renouard, 1819, t. III, belles-lettres-seconde partie, p. 50)
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Homme de grande culture, amant et héritier de la marquise de Montesson, Jean-Cyrus-Marie-Adelaïde de Timbrune [corruption de Thiembronne, commune de Fruges, Pas-de-Calais], comte de Valence, conserva intacte la bibliothèque de Pont-de-Veyle et Montesson jusqu’à sa mort. Ses prénoms et sa date de naissance ont été donnés constamment de façon erronée, personne n’ayant apparemment réussi à retrouver son acte de baptême, vraisemblablement à cause de son ajournement :
« Le seize mai mille sept cent soixante huit les cérémonies du baptême ont été suppléées par moi soussigné à Messire Jean Cyrus Marie Adelaïde de Timbrune, comte de Valence, âgé de dix ans, sept mois, vingt quatre jours, fils naturel et légitime de Messire Vincent Silvestre de Timbrune, comte de Valence, seigneur baron de Montesquieu en Roussillon, seigneur des terres de Boussan, Terre-Basse, Esplas au pays de Foix, et du marquisat de Bruch, de Ferrières en Quercy, et maréchal de camp, et de Dame Marie Louise de Losse, né le vingt deux septembre mille sept cent cinquante sept, et baptisé sans solennité dans sa maison paternelle le vingt trois septembre mille sept cent cinquante sept par Me Arbeau alors curé de St Étienne d’Agen, les cérémonies du baptême différées par permission de feu seigneur Joseph Gaspard Gilbert de Chabannes, évêque et comte d’Agen, parrain messire Jean Cyrus marquis de Losse, seigneur de Banes, Sauveterre et autres places, aïeul maternel, marraine Dame Marie Adelaïde de Levis, marquise de Valence, tante paternelle, ont tenu pour eux Arnaud Bole et Jeanne Anne Malere, pauvres de cette ville. Les dites cérémonies du baptême ont été suppléées en présence des soussignés. »
[Agen, Lot-et-Garonne, paroisse Saint-Étienne, orthographe corrigée]
Petit-cousin de Madame de Montesson, il fut élevé au palais d’Orléans et fait colonel des dragons de Chartres à 27 ans et premier écuyer de Louis-Philippe duc d’Orléans. Maréchal de camp au moment des premières campagnes de la Révolution, il fit, à l’armée d’Alsace du maréchal Luckner, preuve d’une bravoure merveilleuse, rejoignit l’armée du Nord et s’empara de Courtrai, ce qui lui valut le grade de général le 20 août 1792.
Sa conduite valeureuse à Valmy et à Jemmapes, ne l’empêcha pas, après l’échec de Nerwinde (18 mars 1793), où il fut blessé au front, et malgré ses protestations, d’être accusé de complicité avec Dumouriez. Il dut s’exiler et vint à Utrecht, d’où il se rendit en 1795 dans le Holstein, à Silk, près de Hambourg, prendre la direction d’une ferme. Il se reposa de ses travaux agricoles en écrivant un Essai sur les finances de la République françoise, et sur les moyens d’anéantir les assignats (Hambourg, Pierre François Fauche, 1795). Rappelé en France après le 18 brumaire an VIII [9 novembre 1799] par Bonaparte, il fut nommé sénateur en 1805, reprit du service, fit les campagnes d’Autriche et d’Espagne, et montra pendant la campagne de Russie, à Mohilow, un héroïsme que l’âge n’avait pas affaibli.
Élevé à la pairie par Louis XVIII, il consacra les dernières années de sa vie à rétablir la maçonnerie écossaise, dont il était devenu le grand commandeur et chef en France ; la plupart des loges du rite ancien accepté lui durent une vie nouvelle.
Au Sénat, il fut rapporteur de l’affaire Lesurques, « victime de la plus déplorable des erreurs humaines », dont il fut l’un des défenseurs les plus décidés.
Il présidait encore, le 29 juin 1821, la fête funèbre donnée par les loges maçonniques en l’honneur des maréchaux Kellermann, Lefebvre, Masséna, Pérignon, Bournonville.
Il s’éteignit le 4 février suivant et fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise, 24e division.
Il avait épousé, en 1786, Pulchérie Brûlart de Genlis (1767-1847), fille de Charles-Alexis Brûlart, comte, puis marquis de Genlis et de Sillery, et de Stéphanie-Félicité du Crest de Saint-Aubin, si connue dans la république des lettres sous le nom de comtesse de Genlis. Ils avaient divorcé en 1793. De leur mariage était né un fils mort en bas âge et deux filles qui épousèrent, l’une le comte Ghislain de Visscher de Celles, l’autre le maréchal comte Gérard.
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Restée intacte dans les mains du général Valence, la bibliothèque de Pont-de-Veyle et Montesson fut vendue après la mort de celui-ci, en 1823, à Alexandre Martineau de Soleinne (1784-1842), dont la vie reste un mystère, qui la conserva entière, à côté de la sienne : possédant déjà la plupart des livres qui la composaient, il n’en sortit que vingt ou trente Mystères et Moralités en mauvais état, qu’il confia aux soins de Thouvenin, mais ne toucha pas au reste.
Chargé de diriger la vente des livres de Soleinne, le Bibliophile Jacob avait pris à cœur de conserver la bibliothèque Pont-de-Veyle et en fit rédiger le catalogue par Jules Goizet, auteur de la Table générale du Catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne (Paris, Alliance des arts, 1845), intitulé Bibliothèque dramatique de Pont de Vesle (Paris, Alliance des arts, 1846, in-8, VIII-279-[1 bl.] p., 2.472 lots) :
« Aussi, ayant été chargé de rédiger le catalogue de l’admirable Bibliothèque de cet amateur, nous eûmes toujours la pensée de sauver du moins la Bibliothèque de Pont de Vesle que nous ne confondîmes pas avec celle de M. de Soleinne. Bien au contraire, nous rachetâmes à la vente de cette Bibliothèque bien des livres qui manquaient à l’autre, soit qu’ils y eussent déjà occupé leur place, soit qu’ils n’y fussent jamais entrés ; ensuite, nous réservâmes les doubles qui se trouvaient dans l’immense Bibliothèque de M. de Soleinne, pour les introduire dans celle que nous augmentions aux dépens de la première : ce nous était une consolation de voir, en quelque sorte, se reformer cette Bibliothèque dramatique, à mesure qu’elle semblait tomber pièce à pièce sous le marteau du commissaire-priseur.
La vente aux enchères de la Bibliothèque-Soleinne ne fut pas plutôt achevée, que nous étions en mesure de proposer la vente à l’amiable de la Bibliothèque dramatique de Pont de Vesle, presque doublée par les additions que nous y avions apportées, et reclassée dans un nouvel ordre qui en a fait une bibliothèque nouvelle. […]
Quant à nous, qui, Dieu merci, n’avons pas expertisé la Bibliothèque de Pont de Vesle au taux des enchères publiques, nous, qui, dans une pièce d’orfèvrerie, par exemple, estimons le travail de l’artiste autant que le poids du métal, nous constaterons seulement que la vente de cette Bibliothèque, faite en détail, produirait environ 64,000 fr., en supposant que les livres qu’elle renferme fussent vendus au même prix que les livres analogues de la Bibliothèque Soleinne. On en jugera d’ailleurs par le Catalogue, qui renvoie pour chaque article à l’article correspondant du Catalogue de cette célèbre bibliothèque, aujourd’hui évanouie comme tant d’autres que nous pleurons en admirant leurs catalogues, et campos ubi Troja fuit. […]
Enfin, nous faisons des vœux pour que quelque ami des lettres et des livres, s’il en est encore parmi les riches de ce triste monde d’égoïsme, fasse ce qu’a fait Madame de Montesson, ce qu’a fait M. de Soleinne, ce que voulait faire M. le marquis d’Aligre au bénéfice du Théâtre-Français, en achetant, en conservant, en perpétuant la Bibliothèque de Pont de Vesle. » (P. L. J. « Préface », p. IV et VIII)
Malgré les efforts faits pour empêcher la dispersion de cette bibliothèque, il fallut se résigner : la vente eut lieu en la salle Techener, 4 rue de la Bibliothèque du Louvre, en 15 vacations, du lundi 10 au mercredi 26 janvier 1848.
Dans le catalogue distribué pour la vente, intitulé Bibliothèque dramatique de Pont de Vesle formée avec les débris des bibliothèques de Saint-Ange, de Crozat, de Mme de Pompadour, etc., continuée par Mme de Montesson, possédée depuis par M. de Soleinne (Paris, Alliance des arts, 1847, in-8, [8]-279-[1 bl.] p., 2.472 lots), la « Préface » fut supprimée et remplacée par :
« C’en est fait : la bibliothèque dramatique de Pont de Vesle et de madame de Montesson est condamnée à périr ! Les livres qui la composent, rassemblés avec tant de peine par un grand seigneur qui faisait des comédies, et conservés avec tant de soin par une grande dame qui faisait des tragédies, vont se désunir et se disperser : les uns, nétoyés [sic], restaurés et remis à neuf, se couvriront de maroquin et de dorures pour devenir des bijoux que les bibliophiles convoitent déjà ; les autres passeront dans les mains de quelques amis de la littérature dramatique et seront encore lus et feuilletés, comme ils l’étaient au 18e siècle ; le plus grand nombre tombera chez les bouquinistes, sur les étalages des quais, et ne s’en relevera [sic] pas. Væ victis [Mort aux vaincus] !
Et pourtant la plupart de ces volumes ont été touchés par des mains illustres ! Parmi ceux qui proviennent des bibliothèques de Saint-Ange et de Crozat, quelques uns avaient appartenu à Molière et aux acteurs de sa troupe ; les armes de madame de Pompadour, du duc de Lavallière et du comte d’Hoym, témoignent encore de l’origine de ces rares exemplaires qui n’avaient pas craint de s’encanailler, en se mêlant aux restes des bibliothèques du théâtre de la Foire et du théâtre Italien.
Aujourd’hui on ne recherche que les livres irréprochables, c’est-à-dire habilement traités par la bibliolatrique ou l’art de guérir les livres malades : ces livres-là, on les paie au poids de l’or. Les livres que renferme la bibliothèque de Pont de Vesle, ne sont pas malheureusement, du moins pour la plupart, dans l’état de conservation et surtout de reliure qu’on exige maintenant pour les collections d’amateurs. Si ces livres étaient tous en belle condition, la bibliothèque vaudrait plus de 100,000 fr.
Car les raretés y sont très nombreuses : on y remarque une foule de pièces introuvables, sans parler des mystères et des éditions originales. Le catalogue, qui était fait pour la protection et non pour la destruction de cette bibliothèque si curieuse, ne donne aucun renseignement sur ce qui est rare et précieux :il décrit, par exemple, la première édition de Louise Labé, avec la même indifférence qu’une brochure publiée chez Barba !
C’est donc affaire aux libraires instruits et aux bibliophiles éclairés, de découvrir eux-mêmes les perles enfouies dans ce catalogue : nous leur recommandons surtout l’ancien Théâtre français et l’ancien Théâtre italien. Il y a là quantité de volumes auxquels il ne manque qu’une reliure digne d’eux, pour atteindre les prix extraordinaires des ventes Cailhava, Libri et Aimé-Martin.
On sera tout étonné d’apprendre, avant une année, que dix ou quinze articles, tirés de ce catalogue, valent à eux seuls le prix que l’on demandait de la bibliothèque entière.
Quant à nous, qui avons fait tant d’efforts pour la sauver, nous n’avons pas, Dieu merci, à nous reprocher de l’avoir sacrifiée, et encore, à cette heure, en écrivant son épitaphe, nous formons des vœux, inutiles sans doute, mais ardents et sincères, pour qu’une bonne âme d’argent s’émeuve en faveur de la dernière bibliothèque dramatique, de la célèbre bibliothèque de Pont de Vesle et de madame de Montesson ! » (p. [5-6])
« Ce qui faisait surtout la valeur de la bibliothèque de Pont-de-Vesle, c’était l’ensemble. Cette valeur disparaissait dès qu’il s’agissait d’une vente en détail, pour faire place aux chances les plus défavorables. D’abord les livres étaient, à l’intérieur comme à l’extérieur, bien loin d’être beaux. On le savait, et la plupart des amateurs, de jour en jour plus difficiles, se sont abstenus. Puis le catalogue n’avait pas été fait en vue de la vente, et M. Goizet, qui en avait accepté la rédaction, s’était borné à faire un bon catalogue pour l’usage de la bibliothèque, sans se préoccuper d’une vente à laquelle on ne songeait pas. Malgré tout cela, le résultat de la vente a prouvé que l’édifice était quelque chose. Les matériaux dispersés ont produit plus de 10,000 francs, et dans cette somme figurent plusieurs mystères dont pas un n’a atteint le prix de 100 fr. ! Cela peut donner une idée de l’influence qu’exerce la condition des exemplaires sur le prix des livres d’amateurs. La différence a été moins sensible sur les livres d’une rareté moins absolue. Notre théâtre du xvie et du xviie siècles s’est mieux vendu, toutes proportions gardées, et les ouvrages relatifs aux provinces de France, Entrées, Cérémonies, etc., se sont vendus plus cher que chez M. de Soleinne. Le théâtre patois n’était pas très nombreux, et le théâtre étranger n’a presque rien produit. » (Journal de l’amateur de livres. Paris, P. Jannet, 1848, p. 52)
Armes du comte de Pont-de-Veyle D'azur, semé de roses d'or, à la bande de même, chargée de trois lions de sable brochante sur le tout. |
In W. Poidebard, J. Baudrier et L. Galle. Armorial des bibliophiles de Lyonnais, Forez, Beaujolais et Dombes (Lyon, 1907, p. 222) |
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