Le Grand Colbert
Une plaque apposée sur la façade
du n° 13 de la rue Cérès, à Reims [Marne], nous rappelle aujourd’hui la
tradition :
« Ici s’elevait la maison du
“ Long Vestu ” [détruite pendant la Première Guerre mondiale] ou, le 29 aout 1619,
naquit Jean-Baptiste COLBERT Fils d’un Marchand-drapier Ministre de Louis
XIV » [sic]
Le 29 août 1619, en l’église
Saint-Hilaire de Reims [détruite en 1791], fut baptisé « Jehan, fils de
Nicolas Colbert et de Marie Pussort », porté sur les fonts baptismaux par
son oncle Charles Colbert et par sa grand-mère paternelle, Marie Bachelier.
Jean a pu être baptisé le jour même
de sa naissance ou plus tard : nous ne connaissons pas sa date de
naissance exacte. Au xviie siècle,
le prénom officiel était Jean, mais pour choisir leur patron, les uns optaient
pour saint Jean l’Évangéliste, les autres pour saint Jean-Baptiste, dont on
fête le martyre le 29 août.
Son père quitta le « Long Vestu » en 1618
pour s’associer à son frère aîné, et de 1618 à 1620, date à laquelle il demeure
rue de Porte-Cère [aujourd’hui rue Cérès] sur la paroisse Saint-Symphorien [la
rue de Porte-Cère délimitait les paroisses de Saint-Hilaire à l’ouest et de
Saint-Symphorien à l’est], rien n’indique son domicile : Jean a pu donc
naître de l’autre côté de la rue. En interprétant les textes de façon erronée, certains
érudits du xixe siècle ont
fait du père de Jean un marchand-drapier : il était marchand-mercier, les
Colbert n’ayant jamais cessé d’être des grossistes en mercerie.
D’une famille champenoise connue
à Reims depuis 1489, Nicolas Colbert (1590-1661), 3e fils de Jean
Colbert (1557-1596), seigneur du Terron [Terron-sur-Aisne, Ardennes], et de
Marie Bachelier († 1646), fut nommé capitaine des ville et tour de Fismes
[Marne] en 1626.
Château de Vandières |
En 1628, il hérita de son cousin Nicolas Colbert († 1627),
seigneur de Magneux [Marne], la terre de Vandières [Marne]. S’étant ensuite établi
à Paris, il fut reçu secrétaire du Roi le 7 janvier 1630, maître d’hôtel
ordinaire de Sa Majesté en 1650, puis conseiller d’État en 1652, et mourut le
20 décembre 1661. Il avait épousé, le 19 mai 1615, en l’église Saint-Hilaire de
Reims, Marie Pussort [1596-1659], de Rethel [Ardennes]. Ils eurent 18 enfants,
dont 15 sont connus : 8 naquirent à Reims, sur la paroisse Saint-Hilaire,
et 7 à Paris, sur la paroisse Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe].
Jean Colbert, dit « Jean-Baptiste
Colbert », premier du nom, puis « le Grand Colbert », fit ses
études à Reims, au collège des Jésuites, puis son apprentissage à Lyon, chez le
banquier Paul Mascrany, ensuite à Paris dans une étude de notaire, chez un
procureur au Châtelet et chez un officier de finances. En 1640, son cousin
Jean-Baptiste Colbert (1602-1663), seigneur de Saint-Pouange [Aube], le fit entrer
au ministère de la guerre, comme commissaire ordinaire des guerres. En 1643,
Michel Le Tellier, beau-frère de Saint-Pouange, devint secrétaire d’État à la
guerre et prit Jean-Baptiste Colbert à son service, en 1645, puis le fit nommer
conseiller d’État en 1648.
Le 13 décembre
1648, Jean-Baptiste Colbert fit un riche mariage en épousant Marie Charron, sœur
du président Menars (1643-1718). Ils eurent dix enfants, dont le 5e
mourut en bas âge. Il gagna la confiance de Mazarin qui le prit à son service
en 1651. Ce fut pendant l’intendance au service de Mazarin qu’il édifia l’essentiel
de sa gigantesque fortune : n’oubliant pas ses propres intérêts, ni ceux
de son clan, il réclama et obtint charges, abbayes, lieutenances, intendances,
bénéfices, etc.
En 1657,
il acheta la baronnie de Seignelay [Yonne], dont il fit moderniser le château
[démoli en 1800], que le roi érigea en marquisat en 1668.
Révolté par les pratiques financières de Nicolas
Fouquet (1615-1680), surintendant des finances depuis 1653, le Grand Colbert
travailla à sa disgrâce et le remplaça dès 1661 au Conseil d’En-Haut, où Michel
Le Tellier et Hugues de Lionne détenaient les deux seuls départements qui lui échappèrent
toujours, la Guerre et les Affaires étrangères.
En 1664, il acheta la surintendance des Bâtiments
et manufactures, fut nommé contrôleur des finances en 1665, puis secrétaire d’État
à la Maison du Roi en 1668 et à la Marine en 1669.
Élu à l’Académie française en 1667, on lui doit l’Académie
des inscriptions (1663), l’Académie des sciences (1666), l’Observatoire de
Paris (1667) ; il réorganisa l’Académie de peinture (1663), et créa les
Académies de musique (1669) et d’architecture (1671), l’École de Rome et le
Cabinet des médailles.
La bibliothèque
du Grand Colbert » est attestée dès 1659. Mais ce fut seulement à partir
de 1663 qu’elle va vraiment se développer et connaître la renommée : les
accroissements de livres imprimés et de manuscrits, d’abord sous la direction
du mathématicien Pierre de Carcavy (1603-1684), de 1663 à 1669, puis d’Étienne
Baluze (1630-1718), de 1669 à 1683, furent alors continus.
L’hôtel
Colbert était situé au coin de la rue Neuve-des-Petits-Champs et de la rue
Vivienne [IIe] :
« L’aspect de cette habitation presque royale
était des plus imposans. Un large escalier de marbre à balustres conduisait au
péristyle d’un principal corps de logis, auquel on arrivait par une vaste cour
d’honneur. Deux ailes en retour allaient rejoindre deux pavillons élevés de
chaque côté de la grande porte d’entrée qui s’ouvrait sur la rue, et dont le
fronton était orné des armes de Colbert, sculptées en pierre. Ces armes étaient
d’or à la bisse ou couleuvre d’azur posée
en pal ; deux licornes pour
support, pour cimier une main tenant
une branche d’olivier, avec cette devise : PERITE ET RECTE.
Derrière le bâtiment du fond on voyait pointer les
branches dépouillées des grands arbres du jardin ; et l’aile gauche de
l’hôtel, prolongée de ce côté, formait une longue galerie, dont le
rez-de-chaussée servait de serre chaude et d’orangerie pour une foule d’arbres
et de plantes rares et précieuses.
Le premier étage renfermait une magnifique
collection de tableaux et d’objets d’arts.
Les communs et les dépendances de cette habitation
étaient immenses, et de magnifiques écuries renfermaient vingt chevaux de prix
et de choix, élevés en grande partie dans le haras que Colbert avait à sa terre
d’Hauterive. […]
[La bibliothèque] était fort grande, ayant cinq
fenêtres de façade sur la cour et autant sur le jardin ; les parties de
murailles que ne cachait pas une magnifique bibliothèque de noyer sculpté,
remplie de livres, étaient tendues de satin de Bruges vert ; les rideaux
et portières étaient de la même couleur, mais de gros de Tours, rehaussés d’un
galon et d’une frange d’or et d’argent, avec les armes de Colbert, brodées sur
la pente des portières richement festonnées.
Les fauteuils, et une grande table située au
milieu de cette pièce, étaient aussi de noyer sculpté, avec des housses de
velours vert frangées de même en or et en argent ; enfin, sur le marbre
d’une large console, on voyait les bustes de bronze de Richelieu et de Mazarin,
avec une magnifique horloge au milieu.
Au bout de cette pièce était une grande cheminée
garnie de ses chenets et de sa grille de fer bien polie, et défendue des
courans d’air par un paravent de velours. Là, attendant Colbert, étaient rassemblés
Baluze, bibliothécaire du ministre, l’abbé Gallois, directeur du Journal des Savans, et Isarn, ancien
précepteur du marquis de Seignelay. » [sic] (Eugène Sue. « Hôtel
Colbert ». In Musée des familles,
3e vol., 1836, p. 110-116)
Le Grand Colbert mourut en son hôtel, le lundi 6
septembre 1683, vers 3 heures de l’après-midi, et fut inhumé en l’église
Saint-Eustache [Ier].
Tombeau avant la Révolution |
En 1686, sa veuve fit élever un tombeau
dessiné par Charles Le Brun : Colbert est représenté à genoux, un ange
tient devant lui un livre ouvert, la Religion et l’Abondance, assises, les
accompagnent ; la figure de Colbert et celle de l’Abondance ont été
sculptées par Antoine Coysevox ; celle de l’ange et de la Religion l’ont
été par Jean-Baptiste Tuby. À la Révolution, le tombeau de Colbert fut
transporté au musée des Petits-Augustins ;
Tombeau aujourd'hui |
il fut ensuite replacé à
Saint-Eustache, mais il n’est plus en son emplacement primitif : l’ange a
disparu ainsi que l’arcade qui encadrait le monument et qui portait une
épitaphe rappelant l’invention, pour des raisons de prestige, du rattachement
de la famille Colbert à une noble famille écossaise venue en France en
1285 ; au sommet de cette arcade, on pouvait reconnaître les armes des
Colbert.
Deux mois après la mort de
Colbert, la famille fit procéder à l’inventaire des livres de sa bibliothèque,
qui comptait plus de 20.000 volumes imprimés et plus de 8.000 manuscrits
anciens, dont le Livre d’Heures de
Charlemagne et la Bible de Charles le
Chauve, provenant de la cathédrale de Metz [Moselle].
Presque tous les
livres imprimés et manuscrits portent sur leurs plats des armoiries, dont les
fers ont été gravés en 1672 par Simon Thomassin, et, sur les dos, un chiffre
composé des lettres J.B.C. entrelacées et couronnées, ou redoublées de
même.
Les ouvrages imprimés furent
estimés 41.844 livres. La prisée des manuscrits, confiée à trois libraires
parisiens, Pierre Auboin, Arnoul Seneuze et Jacques Villery, s’éleva à 13.014
livres.
Le Marquis de Seignelay
Fils aîné du « Grand
Colbert », Jean-Baptiste Colbert, IIe marquis de Seignelay, acquit
la survivance de la charge de son père, qu’il remplaça à la Marine et à la
Maison du Roi, et devint ministre d’État en 1689. Il voulut conserver intacte
la bibliothèque Colbertine ; il en laissa la garde à Étienne Baluze ;
mais il n’avait pas pour les livres la même passion que son père. Toutefois,
les acquisitions de manuscrits se succédèrent avec assez de régularité, de
sorte qu’un état dressé par Baluze vers 1690 mentionne environ 450 volumes
manuscrits ajoutés à la bibliothèque depuis la mort du Grand Colbert. Atteint
d’une maladie de langueur, le marquis de Seignelay mourut à Versailles le 3
novembre 1690. Il avait épousé 1°. le 28 février 1675, Marie-Marguerite,
marquise d’Alègre, morte le 16 mars 1678. 2°. le 6 septembre 1679,
Catherine-Thérèse Goyon de Matignon, comtesse de Gacé, marquise de Lonray,
remariée en 1696, qui mourut à Paris le 7 décembre 1699.
L’Archevêque de Rouen
Cette collection échut alors au 2e
fils du Grand Colbert, Jacques-Nicolas, abbé du Bec-Hellouin [Eure] puis archevêque de Rouen, qui mourut le 10
décembre 1707 et fut inhumé à Saint-Eustache, dans la chapelle de sa famille. Il
avait été reçu l’un des 40 de l’Académie française, le 30 octobre 1678, par
Racine.
Super ex-libris de Jacques-Nicolas Colbert, abbé du Bec-Hellouin |
Super ex-libris de Jacques-Nicolas Colbert, archevêque de Rouen |
Ce prélat portait un certain intérêt à la bibliothèque Colbertine, dont
Baluze continua d’être chargé jusqu’en 1700. Pour remplacer Baluze, il choisit
l’abbé Duchesne, qui fut bibliothécaire depuis 1700 jusqu’en 1716.
L’administration de l’abbé Duchesne, pas plus que celle de l’abbé Guillaume
Milhet (1674-1763), son successeur, n’a été marquée par aucune acquisition, par
aucun travail digne d’être mentionné.
Le Comte de Seignelay
L’archevêque de Rouen disposa de
la bibliothèque Colbertine en faveur de son neveu, Charles-Léonor Colbert, comte
de Seignelay, né le 22 février 1689, espérant qu’il « conservera une
bibliothèque qui convient à l’état qu’il a embrassé, laquelle a été formée avec
tant de soin par un père si respectable, lequel a toujours désiré qu’elle ne
fût point dissipée ». Ce vœu ne devait pas être exaucé. Charles-Léonor
Colbert fit commencer, le 24 mai 1728, une vente publique des livres imprimés,
qui compta 111 vacations :
Christie's New York, 22-23 mars 2005 : 9.600 $ Reliure d'Antoine-Michel Padeloup, aux armes de Michel Larcher (1714-1772), marquis d'Arcy |
Bibliotheca
Colbertina (Paris, Gabriel Martin et François Montalant, 1728, 3 vol.
in-12, xviij-[2]-288 p., 4.190 lots ; [1]-[1 bl.]-574 p. [chiffrées
289-862], 7.665 lots [chiffrés 4.191-11.855] ; [1]-[1 bl.]-486 p.
[chiffrées 877-1.362], 6.364 lots [chiffrés 11.856-18.219]), dont la première
partie contient les livres in-folio, la deuxième partie les livres in-quarto et
la troisième partie les livres in-8, in-12 &c., des cinq catégories « Theologia »,
« Jurisprudentia », « Historia », « Scientiæ et Artes »,
et « Humaniores litteræ ». Au total : 1.372 pages renfermant
18.219 articles, dont la plupart sont doubles et triples. Les manuscrits, en
très grand nombre, ne faisaient point partie de ce catalogue.
Cette vente, et surtout l’abandon
d’environ 600 manuscrits qu’il avait fait en 1727 à François-Nicolas Meigret de
Sérilly (1673-1734), trésorier des dépenses du département de la Guerre, pour
une somme de 12.000 livres, jetèrent l’alarme dans le monde savant, et des
mesures furent prises.
Le comte de Seignelay accueillit
favorablement les propositions qui lui furent faites au nom du Roi. Avant tout,
il fallait estimer la collection, qui portait, d’une part, sur les 6.645
manuscrits « anciens et de science » qui composaient la première
partie de la bibliothèque Colbertine, et d’autre part, sur environ 1.700
volumes remplis de copies diverses ou de documents modernes. Le 25 août 1728,
le Roi choisit pour arbitres l’abbé de Targny et Falconet fils ; Lancelot
et Montfaucon furent désignés par le comte de Seignelay. Après de longs débats
contradictoires, les arbitres donnèrent, au mois d’octobre 1731, leur opinion
sur la valeur des manuscrits de Colbert. Montfaucon et Lancelot les estimaient
350.000 livres ; les experts du Roi évaluèrent à 120.000 livres les
manuscrits anciens et de science ; ils ne firent aucune proposition pour
les autres volumes. Au mois de février 1732, le comte de Seignelay trancha la
difficulté : il offrit la collection tout entière, et s’en remit à la
générosité du Roi pour fixer l’indemnité qu’il espérait. Louis XV la fixa à
300.000 livres.
Hôtel Seignelay, 80 rue de Lille, Paris |
Ainsi fut consommée l’acquisition des manuscrits de Colbert,
qu’on porta de la rue de Bourbon-Saint-Sulpice [aujourd’hui 80 rue de Lille
(VIIe), siège du ministère de la fonction publique] à la
bibliothèque du Roi les 11, 12 et 13 septembre 1732. Cette collection précieuse
consistait :
- en manuscrits de sciences au
nombre de 6.117, dont 3.370 in-fol., il y a 645 manuscrits orientaux et environ
1.000 grecs, puis beaucoup de latins, français, etc.
- en manuscrits modernes au
nombre de 1.607 vol. in-fol. de copies collationnées des titres et archives de
Guyenne et de Languedoc, puis 183 vol. in-fol. des titres et archives de
Flandre ; et enfin un recueil, fait par le Grand Colbert lui-même, de
titres, mémoires, lettres concernant le royaume et les affaires étrangères, en
524 vol.
- en 60 portefeuilles de pièces
originales sur diverses matières, et en 622 diplômes de nos rois avec les
sceaux depuis Philippe-Auguste (au xiie
siècle) jusqu’à François Ier (au xvie
siècle), et une grande quantité d’autres chartes originales.
Joinville. Histoire de S. Louys. Paris, Mabre-Cramoisy, 1668, in-fol. : 12.500 € [Bibliotheca Colbertina, n° 2.598] Librairie Camille Sourget |
Parmi les livres imprimés,
détaillés dans le catalogue, il y en a d’un très haut prix ; quelques-uns
sont allés, lors de la vente, à plus de 3.000 livres, entres autres la Bible de Mayence, de 1462, imprimée sur
vélin, et dont le prix a été porté à 3.005 livres.
[Bibliotheca Colbertina, n° 7.477] In-4 dans une reliure moderne signée Rivière : 9.000 € Librairie Camille Sourget |
Charles-Léonor Colbert,
lieutenant-général au gouvernement de la province de Berry, mourut le 27 mars
1747. Il avait épousé 1°. le 11 mars 1717, Anne, princesse de La Tour et Taxis,
morte en couches le 19 février 1719. 2°. le 22 octobre 1726, Marie-Renée de
Gontaut-Biron.
Le Neveu du Grand Colbert
Château de Maillebois |
Nicolas Desmaretz, marquis de
Maillebois [Eure-et-Loir], fils de Jean Desmaretz (1608-1682), trésorier de
France à Soissons [Aisne], et de Marie Colbert (1626-1703), naquit à Soissons
le 10 septembre 1648. Ministre d’État, il fut maître des requêtes (1674), puis
intendant des finances (1678). Disgracié, pour un temps, à la mort de son
oncle, il fut contrôleur général des finances de 1708 à 1715, à la place de
Chamillart, et grand trésorier des Ordres du Roi en 1713. Il parvint à soutenir
les énormes dépenses de la guerre de succession d’Espagne.
Lettres de Cicéron à Atticus Paris, veuve Delaulne, 1738, 6 vol. in-12 Aux armes de Marie-Sophie Colbert : 1.850 € |
L’Évêque de Montpellier
Château de Croissy, détruit le 17 août 1944 |
Son fils Charles-Joachim Colbert
est né à Paris le 11 juin 1667, fut abbé commendataire de l’abbaye cistercienne
de Froidmond [Oise, détruite à la Révolution] en 1684, agent général du clergé
de France en 1695 et sacré évêque de Montpellier [Hérault] le 10 mars 1697. Il
s’opposa à la bulle Unigenitus en
1713 et mourut le 8 avril 1738.
Charles de Pradel avait été évêque
de Montpellier de 1676 à 1696 ; il avait une fort belle bibliothèque dans
laquelle se trouvaient les livres hérités de son oncle et prédécesseur sur le
siège épiscopal de Montpellier, François de Bosquet, évêque de 1655 à 1676.
Prélat fort lettré, ce dernier, ami de Baluze, avait été, avant d’occuper le
siège de Montpellier, évêque de Lodève, où il avait succédé à l’érudit fameux
Jean Plantavit de la Pause, lequel avait démissionné en sa faveur. Les livres
qui composaient la bibliothèque de Plantavit de la Pause passèrent dans celle
de François de Bosquet. À la mort de Monseigneur de Pradel, sa bibliothèque fut
achetée par son successeur Charles-Joachim Colbert de Croissy. Celui-ci
l’enrichit de nombreuses acquisitions. Dans cette tâche, il s’aida des conseils
du célèbre historien Dom Joseph Vaissette (1685-1756).
Château des évêques, à Lavérune |
La plus grande partie
des livres fut mise à l’évêché, le reste à Lavérune, à l’ouest de Montpellier.
Colbert de Croissy légua sa bibliothèque aux pauvres de l’Hôpital général de
Montpellier, sous la réserve suivante :
« Quoique mes deux
bibliothèques de la Vérune et de Montpellier vaillent beaucoup plus de 60.000
livres, je veux néanmoins que si M. le marquis de Torcy, mon frère, et, à son
refus, quelque autre de ma famille avait envie de les acquérir, on les lui
donne pour le prix de 60.000 livres. »
Le marquis de Torcy, ainsi que
ses autres parents, informés, ayant renoncé à ce legs, les administrateurs de l’Hôpital
général décidèrent de vendre aux enchères les livres qui composaient la
bibliothèque et en firent dresser le catalogue :
Catalogus librorum bibliothecæ illustrississimi ac reverendissimi D. D.
Caroli-Joachimi Colbert de Croissi, episcopi
Montispessulani (S. l. [Avignon], s. n. [Girard], 1740, 2 vol. in-8, [1]-[1
bl.]-[1]-[1 bl.]-[8]-426 p. et [1]-[1 bl.]-[16]-464 p.). Un grand nombre
d’exemplaires du catalogue furent répandus à Toulouse, Lyon, Aix, Paris, Bordeaux,
Rouen, etc., et l’abbé Brosseau, chanoine de la cathédrale de Montpellier, fit
annoncer cette vente dans la Gazette de
Hollande. Un acheteur offrit 60.000 livres, et l’acte de vente fut passé le
17 janvier 1741, à Toulouse :
« Nous, intendants, recteurs
et syndics de l’hôpital de Montpellier, commissaires, députés par délibération
du dimanche 15 janvier, d’une part, et M. Raymond Rivals, conseiller du roi,
receveur des tailles du diocèse de Carcassonne, avons convenu : Nous,
commissaires députés, avons vendu et vendons à M. Rivals la bibliothèque de feu
Mgr C.-J. Colbert et tous les livres qui la composent et sont
contenus dans le catalogue imprimé en deux volumes, sauf les livres qu’il a plu
à Sa Majesté de retirer et les autres livres qui ne sont pas trouvés dans
ladite bibliothèque, quoique compris dans le catalogue […] le tout
moyennant 60.000 livres que le sieur Rivals remettra entre les mains du
trésorier de l’hôpital. »
Super ex-libris de Charles-Joachim Colbert |
Dès le 25 janvier, Rivals retira
un grand nombre de volumes et dès lors commença la dispersion de cette
collection précieuse. Plusieurs manuscrits intéressants émigrèrent en
Angleterre.
Le Marquis de Torcy
Frère aîné de l’évêque de
Montpellier, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy, est né à Paris le 14
septembre 1665. En 1689, il succéda à son père comme ministre des affaires
étrangères, mais n’exerça sa charge qu’à la mort de son beau-père Simon Arnauld
de Pomponne (1618-1699). Il prit une grande part aux négociations préliminaires
à la guerre de Succession d’Espagne et à celles des traités d’Utrecht (1713) et
de Rastatt (1714). Le Régent l’écarta définitivement du pouvoir en 1715.
Hôtel de Torcy, 16 rue Vivienne |
Il
mourut à Paris le 2 septembre 1746. Il avait épousé, le 13 août 1696,
Catherine-Félicité Arnauld de Pomponne, décédée à Paris le 7 avril 1755. Il
était membre honoraire de l’Académie des sciences depuis 1718. Il a laissé des Mémoires de M. de **** pour servir à
l’histoire des négociations depuis le traité de Riswick jusqu’à la paix
d’Utrecht (La Haye, s. n., 1756, 3 vol. in-12).
Sa bibliothèque fut vendue après
la mort de sa veuve : Catalogue des
livres de M. le marquis de Torcy (Paris, Barrois, 1755, in-8, 78-[1]-[1
bl.] p., 1.294 lots). Van Praet donne la date de 1715, dans son (Catalogue des livres imprimés sur vélin de
la bibliothèque du Roi, Paris, De Bure frères, 1822, t. IV, p. 163) :
c’est une coquille.
Merci infiniment, (ainsi que pour vos autres articles bien sur), celui ci complète parfaitement du point de vu bibliophilique le livre fort intéressant et documenté publié en 2000 par François de Colbert :"Histoire des Colbert du XVe au XXe siècle" en vente chez l'auteur François de Colbert le Berlandet 73360 Les échelles. Je ne sais si il est encore disponible (tirage à 1000 exemplaires), je le conseille à tous ceux qui voudraient en savoir encore plus sur les Colbert, mon exemplaire sera désormais truffé de votre article.
RépondreSupprimerDaniel B.
Quel honneur d'être dans l'ouvrage de François de Colbert, que j'ai eu le bonheur de croiser à Reims, vers la fin des années 1990, quand il réunissait tous les documents nécessaires à l'écriture de son très beau livre ! Merci pour vos compliments.
SupprimerMonsieur Guilhem de Corbier, auteur d'une thèse en histoire sur l'historien Lancelot Voisin de La Popelinière (Université de Poitiers), m'a permis de corriger une erreur répandue par Charles Dugast-Matifeux (Etat du Poitou sous Louis XIV. Fontenay-le-Comte, Pierre Robuchon, 1865, p. XXIX) : l'épouse de Charles Colbert, Françoise Béraud, n'est pas d'origine niortaise, mais lyonnaise, et sa famille n'est pas alliée à celle de La Popelinière.
RépondreSupprimerFrançois de Colbert serait ravi d'échanger avec vous, il est joignable à l'adresse email : francois@colbert.fr.
RépondreSupprimerUn grand merci pour cet article très intéressant sur "Les Grandes Bibliothèques du clan Colbert" ainsi que pour les commentaires. Loÿs de Colbert
Je ne suis pas un spécialiste du "clan Colbert", mais je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire que je pourrais apporter.
SupprimerBonjour Monsieur,
SupprimerJe suis à la recherche de la localisation du portrait de Marie-Renée de GONTAUT-BIRON seconde épouse de Charles-Léonor COLBERT marquis de SEIGNELAY ou de toute autre information concernant cette personne par un membre de la famille COLBERT ou GONTAUT.Ce portrait figure dans la magistrale Histoire des COLBERT du XVème au XXème siècle réalisée en 2001 par M.François de COLBERT,qui situe le portrait dans une collection particulière.
Avec mes remerciements
Francis GAILLARD (Lignières en Berry) tel:06 74 29 94 22