mardi 29 septembre 2015

De Charles-Antoine de Bourgevin au comte de Saint-Morys






D’une famille originaire de Champagne installée à Paris, trésorier des Chevau-Légers et Mousquetaires de la Garde du Roi depuis 1656, anoblie par la charge de secrétaire du Roi en 1739, Charles-Antoine-Jacques de Bourgevin est né à Paris, le 18 mars 1680. Il était fils de Charles de Bourgevin (1647-1708), seigneur de Norville et de Moligny, lieutenant d’Infanterie en 1672, puis trésorier des Chevau-Légers et Mousquetaires de la Garde du Roi, et d’Anne Huby (1649-1701), fille de Jacques Huby, descendant de conseillers au Parlement de Bretagne.
D’abord conseiller du Roi, trésorier général des Chevau-Légers et Mousquetaires de la Garde du Roi, il fut pourvu en 1719 de la charge de conseiller du Roi, trésorier général des Maréchaussées de France, et en 1739 de l’office de conseiller-secrétaire du Roi, Maison, Couronne de France et de ses Finances.
De son premier mariage, avec Jeanne-Françoise Plançon, fille de Jean Plançon, maréchal des logis du Roi, et d’Élisabeth de Lacoré, il n’eut pas d’enfant. De son second mariage, en 1712, avec Catherine-Thérèse Boucher († 8 décembre 1768), fille de Louis-Paul Boucher, secrétaire du Roi, et de Marie-Anne Le Gallois, il eut Charles-Paul de Bourgevin de Moligny et Louis-Paul de Bourgevin de Norville [La Norville, Essonne], auteur du rameau de Linas [Essonne].
Il mourut le 29 juin 1764.



Bibliophile, il utilisait un ex-libris [70 x 55 mm.] portant ses armes « D’azur à la fasce d’hermines, accompagnée de trois coquilles d’or posées deux en chef et une en pointe », surmontées d’une couronne de marquis.
Sa bibliothèque fut vendue en sa maison, rue Chapon [IIIe], les 7 et 8 mai 1765 : Catalogue des livres de feu M. de Bourgevin (Paris, Gueffier fils, 1765, in-8, 15 p., 179 lots).

Par C. H. Letellier (détail)


Charles-Paul de Bourgevin de Moligny naquit à Paris le 5 mars 1713, devint commissaire des Gardes du corps du Roi en 1735 et chevalier de l’Ordre de Saint-Louis en 1759. Il épousa, le 21 janvier 1740, Marie-Élisabeth-Jean-Baptiste Guyard de Saint-Clair (1721-1765), fille de Jean Guyard de Saint-Clair, gendarme de la Garde du Roi, et de Marguerite-Élisabeth de Vialart : il s’engagea à joindre à son nom celui de Vialart et d’en porter les armes, « D’azur à un sautoir d’or, cantonné de quatre croix potencées de même », pour soutenir et faire revivre le nom de la famille Vialart, dont il ne restait plus que la grand-mère de sa femme.
De ce mariage sont issus Charles-Paul-Jean-Baptiste de Bourgevin de Vialart et Charles-Jean-Baptiste de Bourgevin de Vialart.
Il mourut en messidor an II [juin 1794], et c’est sa bibliothèque qui fut vendue le 22 floréal an III [11 mai 1795] : Catalogue des livres rares et curieux du citoyen *** (Paris, De Bure l’aîné, an III, in-8, 32 p.). La vente produisit 86.433 livres et 2 sols.



Dictionnaire portatif de cuisine, d'office et de distillation 
(Paris, Lottin, 1772, in-12)
Saumur, 13 mars 2013

Depuis l’erreur de Joannis Guigard [In Le Livre. Bibliographie rétrospective. Paris, A. Quantin, 1880, p. 341-342], tous les auteurs ont attribué à son fils, Charles-Paul-Jean-Baptiste de Bourgevin de Vialart, le catalogue de la vente de sa bibliothèque et son ex-libris [70 x 52 mm.], portant les armes « Ecartelé au 1 et 4 d’azur, à un sautoir d’or, cantonné de quatre croix potencées de même, qui est de Vialart ; au 2 et 3 d’azur, à une fasce d’argent, chargée de trois roses de gueules, accompagnée de trois fleurs de lis d’or, posées deux en chef et une en pointe, qui est de Guyard ; sur le tout d’azur, à une fasce d’hermines, accompagnée de trois coquilles d’or, qui est de Bourgevin. »
L’erreur est attestée par la présence de ces armes sur son portrait, dessiné et gravé par C. H. Letellier, et sur celui de sa femme, gravé par Stéphane [i.e. Étienne] Fessard d’après F. Martin.

Louis-Paul de Bourgevin de Norville naquit à Paris le 4 mars 1717 et épousa, le 23 août 1756, Marie-Charlotte Pillet, fille de Jean-André Pillet, receveur général des Postes et Relais de France, et de Marie-Jeanne-Charlotte Poan. Trésorier général des Maréchaussées de France en 1764, sa banqueroute de 1769 provoqua son suicide, se brûlant la cervelle d’un coup de pistolet le 29 décembre 1769. Sa bibliothèque fut vendue le 15 mars 1770, en sa maison, rue du Grand Chantier [portion de la rue des Archives, IIIe] : Catalogue (Paris, Mérigot, 1770, in-8, 23 p., 290 lots).

Par J.-B. Greuze (Musée des Beaux-Arts, Nantes)

Charles-Paul-Jean-Baptiste de Bourgevin de Vialart, comte de Saint-Morys, est né à Paris le 11 juillet 1743. Mousquetaire, puis conseiller au Parlement de Paris, il épousa, le 29 juillet 1769, Éléonore-Élisabeth-Angélique de Beauterne de Jauville qui lui apporta une grande fortune et lui donna un fils, Charles-Étienne de Bourgevin de Vialart.
Il demeurait à Paris, 8 rue Vivienne [IIe]. En 1780, il acheta la terre d’Hondainville [Oise], où il fit construire un nouveau manoir sur l’emplacement du Châteauvert, vieux fort qui avait joué un rôle important au temps de la Ligue. Il y transporta son cabinet d’histoire naturelle et sa galerie de tableaux, et s’occupa d’agriculture : c’est à lui qu’on doit l’introduction de la pomme-de-terre dans le canton de Mouy en 1784.
La Révolution chassa le comte de son domaine. Il émigra en 1790, divorça le 3 décembre 1794 

Combat de Quiberon, par Jean Sorieul (1850)

et participa comme intendant général des troupes royales à la tentative de débarquement de Quiberon [Morbihan] : il mourut à l’île de Houat [Morbihan], le 28 thermidor an III [15 août 1795], où il avait été débarqué. Ses biens furent confisqués. On envoya ses collections artistiques, dont plus de 12.600 dessins, dans les musées nationaux : la collection Saint-Morys, aujourd’hui au cabinet des dessins du Musée du Louvre, est l’une des trois plus importantes collections constituées en France au xviiie siècle, avec celles de Crozat et de Mariette. Le château fut transformé en prison, puis rasé, les terres furent vendues. Une partie de ces biens fut acquise par le colonel Guillaume-Michel Barbier-Dufay (1769-1834).

Charles-Etienne de Bourgevin de Vialart enfant, par Jean-Baptiste Greuze
(Musée d'Arts, Nantes)

Charles-Étienne de Bourgevin de Vialart, comte de Saint-Morys, est né à Paris le 17 janvier 1772. Il suivit son père dans l’émigration de 1790 et épousa, le 21 novembre 1791, à Coblence [Allemagne], Marie-Anne-Charlotte de Valicourt, fille de Maximilien de Valicourt et de Marie-Madeleine de Calonne, et nièce du ministre Calonne.
Il servit comme simple volontaire dans la légion de Mirabeau. Il fit la campagne de 1792, en qualité d’aide-de-camp du maréchal de Broglie, puis continua à servir dans l’armée de Condé.
Après la dissolution des armées royales, il se consacra à l’étude des sciences et des arts, et voyagea dans le nord de l’Europe. Il a gravé pour son amusement, à Londres, un grand nombre d’estampes et publia un cahier de 24 vues exécutées par l’aquatintiste J. Mérigot, d’après les dessins de L. Belanger, intitulé 

Stockholm
Voyage pittoresque de Scandinavie (Londres, 1802, in-4).

Rentré en France en 1803, il fut compromis dans la conspiration de Georges Cadoudal en 1804, fut emprisonné à la Force, puis mis en surveillance à Hondainville, où il ne put récupérer qu’une partie des terres de son père. Il s’intéressa particulièrement aux arbres, importa dans la région le pin de Corse, et publia divers mémoires politiques, archéologiques et d’histoire naturelle. Membre depuis 1807 de l’Académie celtique [nom sous lequel fut fondée en 1804 la Société des Antiquaires de France], il 




publia la « Description d’un monument trouvé en avril 1806, rue Vivienne, dans la maison de Madame de St-Morys » (In Mémoires de l’Académie celtique. Paris, L.-P. Dubray, 1808, t. II, p. 113-117).

Membre du Conseil général de l’Oise sous l’Empire, il fut nommé maire d’Hondainville sous la première Restauration, puis lieutenant des Gardes du corps du Roi et maréchal de camp. Dans ses Aperçus sur la politique de l’Europe, et sur l’administration intérieure de la France (Paris, L. G. Michaud, Delaunay et Dentu, février 1815), il produisit un chapitre abolitionniste sous le titre « Traite et Esclavage des Nègres » (p.37-88). Au mois de mars suivant, lors des Cent-Jours, il fut obligé de suivre le roi Louis XVIII dans son exil à Gand.

Château de Saint-Aignan, reconstruit à la fin du XIXe siècle

Il avait fait construire à Hondainville le château de Saint-Aignan, dans le style gothique du xve siècle [aujourd’hui disparu], pour y loger ses collections d’histoire naturelle, d’objets du Moyen Âge et sa bibliothèque. Il réunit dans le parc de son château, au lieu-dit « l’Élysée », des monuments funéraires de diverses époques, la statue du maréchal Schomberg, un chapiteau gothique provenant de l’église de l’abbaye Saint-Lucien de Beauvais, etc.
L’animosité du colonel Barbier-Dufay, qui avait suivi l’Empereur pendant les Cent-Jours, contre le comte de Saint-Morys se traduisit par une provocation, obligeant le comte à un duel avec le colonel, qui le tua le 21 juillet 1817. 



Il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise [22e div.].



Sa bibliothèque fut vendue en sa maison, 10 rue de Seine [VIe], située à l’emplacement du palais de la reine Margot, du lundi 12 au jeudi 22 janvier 1818, en 9 vacations, : 



Notice des principaux articles de la bibliothèque de feu M. le comte de Saint Morys, maréchal de camp, lieutenant des Gardes du corps du Roi, chevalier de Saint-Louis et officier de la Légion d’honneur. (Paris, De Bure frères, 1818, in-8, [2]-43-[3] p., 3.550 vol. et 36 cartes de géographie en 69 lots). La vente produisit 9.823 livres et 70 sols.
Débuta ensuite la vente de ses tableaux, le 26 janvier 1818, chez Charles Paillet, commissaire-priseur : Catalogue de tableaux des Écoles d’Italie, de Hollande et de France, dessins et estampes en recueils, bustes, figures et bas-reliefs en bronze et en marbre, ancien laque, ivoire sculptés  […] provenant du cabinet de feu Mr. le comte de Saint-Morys (Paris, 1818, in-8, 30 p.).

La comtesse de Saint-Morys voulut venger son mari et réclama, en vain, la condamnation du colonel. Le domaine d’Hondainville devint la propriété du gendre du comte, Engelbert Schillings, ancien officier prussien, second mari de Joséphine depuis 1832.    


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