Maison natale de Wiggishoff |
Maison natale, par Maurice Utrillo (1883-1955) |
D’une famille originaire de Saverne [Bas-Rhin],
arrivée à Paris avant la Révolution, Jacques-Charles Wiggishoff est né à
Montmartre, 37 impasse Trainée [rue Poulbot, XVIIIe],
le lundi 25 avril 1842, fils unique de Charles-Joseph Wiggishoff (1814-1850),
menuisier en bâtiments, et de Marie-Madeleine-Caroline Hoch (1820-1899).
Devenue veuve, sa mère s’établit mercière 9 rue
du Mont-Cenis [XVIIIe], où Wiggishoff
passa sa jeunesse.
Arbre généalogique simplifié |
Wiggishoff débuta, en 1860, comme employé dans
les banques P. E. Chassang, 9 rue du Conservatoire [IXe], puis John
Arthur et Cie, 10 rue de Castiglione [Ier]. Il profitait
de ses dimanches pour aller sur les quais, fouiller les boîtes des bouquinistes
et rapporter des livres anciens, des vieux papiers et des ex-libris.
Bouton de la garde nationale mobile (1870-1871) |
Exempté du service militaire pour la faiblesse de
sa vue, il resta à Paris pendant le siège (1870-1871) et fit son devoir dans la
1ère compagnie du 142e bataillon de la garde mobile.
Quand éclata la Commune (1871), il ne voulut pas rejoindre le gouvernement à
Versailles [Yvelines], mais néanmoins ne porta pas les armes contre l’armée
régulière.
Ayant eu un fils, Louis-Charles, le 16 janvier
1874, de Louisa Leclercq, née à Clermont [Oise], le 1er avril 1847,
fille de Louis-Jean-François Leclercq, aubergiste, et de Hermence Dusuel, avec
laquelle il vivait au 96 rue Marcadet [XVIIIe], il l’épousa, le 5
octobre 1875.
L’année suivante, le couple ouvrit une fabrique de parfumerie au
67 rue du Faubourg Poissonnière [IXe]. Une fille, Louise-Charlotte,
naquit le 1er août 1878, 4 rue Ramey [XVIIIe] ;
elle épousera, le 3 octobre 1901, Gaston-Charles Cazalières, architecte, né à
Paris [VIIIe], le 7 janvier 1872, fils de Louis-Adolphe Cazalières,
tailleur de pierre, et de Estelle-Hortense Grimber.
S’étant lancé dans la politique, il fut nommé
adjoint au maire du XVIIIe arrondissement
en 1882 : il demeurait alors au 153 rue Marcadet.
Il collabora au Journal de la parfumerie française, qui lui doit un « Essai de
bibliographie des parfums et des cosmétiques » (juin 1889).
Photographie BnF |
Mairie du XVIIIe, place des Abbesses (1895) Photographie Musée Carnavalet |
Mairie du XVIIIe arrondissement, place Jules Joffrin (1908) |
Déjeuner au Rocher Suisse : on reconnait Wiggishoff au centre Photographie Musée de Montmartre |
La Société "Le Vieux Montmartre " en promenade le 25 octobre 1903 On reconnait Wiggishoff derrière les enfants |
Montmartrois fanatique, il fut un des membres
fondateurs, le 4 juin 1886, au restaurant « Au Rocher Suisse », 27 rue
de La Barre [rue du Chevalier-de-La-Barre, XVIIIe], de la Société
d’histoire et d’archéologie du XVIIIe arrondissement « Le
Vieux Montmartre ». Il en fut le président de 1894 à 1907.
Le 24 mars 1895, il fut nommé membre de la
Société française des collectionneurs d’ex-libris, constituée dans sa séance du
30 avril 1893 sous la présidence du docteur Ludovic Bouland (1839-1932).
« Wiggishoff possédait des connaissances très
étendues sur l’imprimerie et ses origines. Nul n’était plus à même que lui de
renseigner sur les incunables et les livres sortis des presses des grands
imprimeurs des XVe et XVIe siècles. C’est son amour
pour les livres et les reliures qui
les habillent, qui l’a conduit à collectionner ces reliures aux fines dorures
et ces petites gravures, longtemps négligées, appelées ex-libris, dont il a fait une étude spéciale. »
(Commandant Emmanuel Martin. In Archives de la Société française des
collectionneurs d’ex-libris, avril 1912, p. 50)
Wiggishoff utilisa l’ex-libris [84 x 60 mm] qu’il
avait fait graver en 1896 par Louis-Aristide Bertrand († 1903). Une vue du
vieux Montmartre avec un moulin et l’église Saint-Pierre, dont le chœur est
surmonté de la tour du télégraphe optique de Chappe, un carton marqué « EX
LIBRIS », appuyé sur une pile de livres et accompagné de monnaies,
rappellent l’origine du propriétaire, ses études et ses collections. Au premier
plan, un brûle-parfum symbolise sa profession. Au bas de cette composition les
initiales entrelacées « CW » et en haut le nom « C. WIGGISHOFF ».
Pour les petits livres et les pièces, Wiggishoff
utilisait un petit ex-libris rond [21 x 21 mm], portant au centre le monogramme
« J C W », surmonté du 4 de chiffre, dans un quadrilobe tiré en rouge,
et en périphérie « * EX-LIBRIS * MONS MART. »
Le dimanche 28 août 1898, suivant son habitude, il
était allé bouquiner le long des berges de la Seine : un garçon d’un café
du coin de la rue du Louvre [rue de l’Amiral de Coligny, Ier] et du
quai le reconnut et vint lui porter le numéro du journal Le Temps daté du lendemain, qui venait de paraître et qui annonçait
sa promotion de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur. Le 8
octobre 1898, tout le personnel politique et administratif de Montmartre, réuni
salle Vautier, 8 avenue de Clichy [XVIIIe], en un banquet de 300
couverts, fêta Wiggishoff avec un entrain et une cordialité qu’on voudrait
toujours rencontrer dans les fêtes démocratiques.
En 1899, Wiggishoff donna sa démission de maire,
à la suite d’incidents survenus au sujet de la caisse des Écoles, mais aussi à
cause de l’affaire Dreyfus, car il était très patriote et anti-dreyfusard. Il
put consacrer à nouveau ses loisirs à ses chers vieux bouquins.
En 1903, il devint adhérent de la Société « Le
Vieux Papier ».
Photographie BnF |
Son « Essai de catalogue descriptif des
ex-libris et fers de reliure français anonymes et non héraldiques » parut
dans les Archives de la Société française
des Collectionneurs d’Ex-Libris (septembre-octobre 1904, p. 129-172). Dans
cette revue, il a utilisé les pseudonymes « T. de Marca » et
« T. Mac-Read », anagrammes de « Marcadet », la rue où il
demeurait.
Sa femme, Louisa Leclercq, mourut prématurément le
21 décembre 1903, 153 rue Marcadet.
La Lanterne, mercredi 10 juillet 1907, p. 3 |
Le 7 juillet 1907, il eut la douleur de perdre
son jeune fils dans un accident de la circulation. Louis-Charles Wiggishoff
avait épousé Édith-Mabel Latto, née à Birchington [Angleterre] le 15 octobre
1875, qui décèdera le 4 août 1958 à Pinetown [Afrique du Sud].
Le 23 février 1908, à l’assemblée générale de la
Société française des collectionneurs d’ex-libris, Wiggishoff fut choisi pour
succéder au président Paul de Crauzat (1831-1922), lui-même successeur du docteur
Ludovic Bouland. L’année suivante, « The Ex Libris Society » le nomma
vice-président d’honneur.
Dans une causerie à la Société « Le Vieux
Papier », le 24 novembre 1908, il fit, discrètement, son portrait :
« C’était un brave garçon d’une vingtaine
d’années, fortement épris de tout ce qui touchait à l’ornementation des livres.
Disposant de peu de temps et d’argent, il
bouquinait le dimanche sur les quais, ramassant des titres de livres, des
marques d’imprimeurs, etc.
Malheureusement, il était trop curieux, il voulut
connaître tous ces imprimeurs, dessinateurs, graveurs, dont il lisait les noms
sur toutes les petites pièces ; ce fut alors la recherche d’ouvrages
spéciaux et surtout d’une infinité de catalogues de vente de livres, qui furent
pour lui une mine d’innombrables renseignements ; il se confectionna pour
son usage quelque vingt-cinq ou trente mille fiches, sur ces artistes ou
artisans, puis sur les libraires, les bibliophiles, etc., etc. Cela dura une
quarantaine d’années, à cause de son peu de loisirs. Pendant ce temps-là, le
temps marchait et il ne s’en aperçut que lorsque la faux du terrible vieillard
frappa autour de lui en l’égratignant lui-même.
Il se réveilla alors comme d’un long sommeil,
avec ses collections en vrac et
toutes ses notes que l’âge et les infirmités lui donnent aujourd’hui la plus
grande peine à mettre quelque peu en ordre. »
(J.-C. Wiggishoff. « Conseils aux
débutants ». In Le Vieux Montmartre.
Paris, 1912, fascicules 75 à 78, p. 179)
Le « Puits d’amour », autrefois situé
dans le quartier des Halles, donna son nom à un groupement d’archéologues,
d’archivistes, d’historiens et d’artistes, auquel appartint Wiggishoff, qui se
réunissait en un déjeuner hebdomadaire dans lequel l’histoire de Paris faisait
le fonds principal de la conversation.
Wiggishoff fut également membre de la Commission
municipale du Vieux Paris et membre du conseil de la Société des Amis de la
Bibliothèque de la ville de Paris.
Il collabora au Bulletin du bibliophile, qui lui doit des « Notes pour servir
à l’histoire des livres en France. Imprimeurs, libraires parisiens,
correcteurs, graveurs et fondeurs oubliés ou peu connus de 1470 à 1600 »
(1900), et à L’Intermédiaire des
chercheurs et curieux, où il signait sous les pseudonymes « J.-C. Wig »
et « César Birotteau », dont il disait : « J’ai tout de
lui, parfumeur, ex-adjoint, décoré ! Il me manque la faillite…on ne sait
ce qui peut arriver ? »
Photographie Archives nationales |
Jacques-Charles Wiggishoff mourut à Paris, en son
domicile, 153 rue Marcadet, le mardi 2 avril 1912, d’une crise d’urémie.
Il
corrigeait les épreuves d’un ouvrage intitulé Dictionnaire des dessinateurs et graveurs d’ex-libris français (Paris,
Société française des collectionneurs d’ex-libris, 1915, in-4, [3]-[1
bl.]-278-[2] p., 286 fig., 33 pl. h.-t.), qui sera publié après sa mort, avec l’aide
de Henry-André [pseudonyme de Henry-André Schultz (1857-1932)] , du docteur
Eugène Olivier (1881-1964) et du baron du Roure de Paulin (1882-1919).
« Ce travail n’est pas un ouvrage iconographique,
c’est-à-dire qu’on y chercherait en vain la description des ex-libris ou de
leurs différents états, ce n’est pas non plus un ouvrage héraldique, et l’énoncé
des armoiries des pièces anonymes n’y sera fait que de la façon strictement
nécessaire pour empêcher de confondre la pièce citée avec une autre. Ce n’est
qu’une liste de douze à treize cents noms d’artistes français, professionnels
ou amateurs, qui ont produit des ex-libris, avec des détails biographiques
lorsque cela a été possible et la liste de leurs productions, connues à ce jour ;
et nous n’avons pas la prétention de les avoir citées toutes, beaucoup d’entre
elles étant encore enfermées dans les livres pour lesquels elles ont été
faites, ou dans les cartons des collectionneurs. » (« Prospectus »)
Il fut inhumé dans le caveau de famille, le 4
avril suivant, à l’ancien cimetière parisien de Saint-Ouen [Seine-Saint-Denis].
Il repose aujourd’hui au cimetière Saint-Vincent de Montmartre, dans le caveau Cazalières-Wiggishoff, [2e division].
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