Vue d'une partie du port et des quais de Bordeaux, dits des Chartrons et de Bacalan, par Pierre Lacour (1806) |
Antoine
Verdet, dit « Edmond Werdet », est né à Bordeaux [Gironde], 11 rue Beaufleury,
le 16 brumaire An II [6 novembre 1793], fils de Jean-Baptiste Verdet, dit « Joseph
Werdet », écrivain, et de Catherine Bouchardeau, regretière [écrivassière].
Élève
au lycée de Bordeaux, il devint en 1809 adjoint de son père, qui y était maître
d’écriture.
Il
arriva à Paris en novembre 1811, avec son père, la seconde femme de celui-ci,
Anne Lacroix, et sa sœur aînée, Marie-Élisa (1789-1834).
Cour du Collège Sainte-Barbe (1824) |
Le 16 février 1812, Antoine
Verdet, dit alors « Jean-Baptiste-Antoine Werdet », fut nommé maître
d’écriture, comptable adjoint et sous-économe au Collège Sainte-Barbe [Ve].
« Entraîné
vers le commerce de la librairie par une vocation irrésistible », selon
son propre aveu, Jean-Baptiste-Antoine Werdet entra en février 1820, comme commis-voyageur
en librairie chez le libraire Jean-Jacques Lefèvre (1779-1858), 6 rue de l’Éperon
[VIe], qui l’envoya vendre des livres dans les départements, mais
aussi en Angleterre, en Hollande, en Belgique et en Italie.
Rue Serpente (ancienne partie rue du Battoir), vue de la rue de l'Eperon vers la rue Mignon Photographie Charles Marville (1866) |
Il habitait alors 5
rue Serpente [VIe, entre la rue de la Harpe et la rue Hautefeuille].
Jean-Baptiste-Antoine
Werdet obtint son brevet de libraire le 27 avril 1824 et s’installa dès l’année
suivante 20 rue du Battoir-Saint-André [VIe, entre la rue Hautefeuille
et la rue de l’Éperon ; elle sera réunie à la rue Serpente en 1851].
Il
inaugura la « Collection des meilleurs romans françois dédiée aux dames »
avec l’Histoire de Manon Lescaut et du
chevalier Des Grieux. Par Prévost
(Paris, Werdet, 1825, 2 vol. in-32). Le 1er avril 1826, il s’associa
avec Jean-Frédéric-Alexandre Lequien (1803-1885), dit « Lequien fils »,
tous deux acquéreurs du fonds de librairie de Edme-Alexandre Lequien (1779-1835),
dit « Lequien père », grammairien auteur du Traité des participes, alors 45 rue des Noyers [Ve,
disparue lors du percement du boulevard Saint-Germain], et édita : Œuvres de J. J. Rousseau, nouvelle édition (Paris, Werdet et Lequien,
1826, 20 vol. in-8) ;
Œuvres complètes de
M. T. Cicéron, publiées en français,
avec le texte en regard, par Jos.-Vict. Le Clerc (Paris, Werdet
et Lequien, 1826, 35 vol. in-8) ; Œuvres de
Crébillon, avec les notes de tous les
commentateurs (Paris, Werdet et Lequien, 1828, 2 vol. in-8).
Le
10 novembre 1826, Joseph Werdet père, instituteur, et sa fille Marie-Élisa, domiciliés
31 rue Dauphine [VIe], obtinrent un brevet d’invention et de
perfectionnement de cinq ans, pour une méthode servant à faire écrire droit sans
être tracé, consistant dans la composition d’un corset appelé « régulateur
de la taille », accompagné d’un régulateur pour faciliter l’écriture.
Le
frère cadet de Jean-Baptiste-Antoine Werdet, Joseph Werdet fils, né le 29 floréal
An VI [18 mai 1798], devint instituteur à Blaye [Gironde].
Entretemps,
Jean-Baptiste-Antoine Werdet était devenu père de trois enfants, hors mariage :
Marie-Pauline, le 28 décembre 1817, de Marie-Louise Giroux ; Caroline-Valérie,
le 9 juillet 1825 ; Oscar-Frédéric, le 5 janvier 1827, de Lucile Bonald. On
raconte, sans preuves convaincantes, que ces enfants furent le fruit de sa longue
liaison – de 1815 à 1843 - avec Marie-Louise-Joséphine Beix (1795-1880), séparée
de son mari, Jean-François Duhalde, depuis 1817.
Portrait de Louise Béchet par Eugène Goyet |
L’association
avec Lequien fut dissoute en août 1829 et, en novembre 1830, Werdet accepta de
prendre la direction de la librairie de Julienne Béchet, dite « Louise »
Béchet (1801-1880), veuve de Pierre-Adam Charlot, dit « Charles-Béchet »,
depuis le 25 avril 1829, 59 quai des Augustins [quai des Grands Augustins, VIe],
au premier étage de l’avant-dernier immeuble faisant l’angle avec la rue
Dauphine.
Werdet édita Le Suicide, par Servan de Sugny (Paris, Madame
Charles-Béchet, Werdet, Lecointe et Pougin, 1832, in-8) et traita avec Balzac,
au nom de Madame Béchet, au début du mois d’octobre 1833,
Les tomes III et IV ont été mis en vente avant les tomes I et II |
pour l’édition des Études de mœurs au XIXe siècle
(Paris, Madame Charles-Béchet [Werdet pour les 2 derniers vol. de 1837], 1834-1837,
12 vol. in-8) qu’il obtint de tirer à 2.000 exemplaires, pour la somme de
36.000 francs.
Maison natale d'Emile Littré (mai 2018) |
En
même temps, à l’adresse du 21 rue des Grands Augustins [VIe], maison
natale du lexicographe Émile Littré (1801-1881), Werdet édita : Confessions d’un homme de cour, contemporain de Louis XV […] : publiées par J. Dusaulchoy et P.-J. Charrin
(Paris, Werdet, Lecointe et Lequien, 1830, 4 vol. in-16), avec Jacques-Frédéric
Lecointe, 49 quai des Augustins ; Lettres
à Camille sur la physiologie de l’homme […], par Isidore Bourdon, de l’Académie
royale de médecine (Paris, Werdet, Gabon et Béchet Jeune, 1830, in-18),
avec Gabon et Béchet Jeune, près l’École de médecine ;
La Physiognomonie (Frontispice) |
La Physiognomonie ou l’Art de connaitre les
hommes, d’après les traits du visage
et les manifestations extérieures […]. Par
l’auteur des lettres à Camille sur la physiologie (Paris, Werdet, 1830,
in-12, portraits) ; Mémoires, souvenirs et anecdotes sur l’intérieur du palais
de Charles X, et les événemens de
1815 à 1830 ; par M. Théodore
Anne (Paris, Werdet et Levavasseur pour le t. I ; Werdet et Veuve Charles-Béchet
pour le t. II, 1831, 2 vol. in-8), avec Alphonse Levavasseur, au Palais-Royal ;
Trois
satires politiques, précédées d’un prologue, par M. Antoni Deschamps (Paris, R. Riga,
Werdet et Levavasseur, 1831, in-8), avec R. Riga, 1 rue du Faubourg-Poissonnière
[IXe] ;
Chroniques et
traditions surnaturelles de la Flandre, par
MR S. Henry Berthoud. Publiées par M. Ch. Lemesle (Paris, Werdet
et VE Charles-Béchet pour le t. I ,1831 ; Werdet et Mme
Charles-Béchet pour le t. II, 1834 ; Werdet et E. Legrand et Bergounioux
pour le t. III, 1834, 3 vol. in-8).
Rue du Colombier, vue vers le Carrefour de la Croix Rouge Les numéros 17 et 19 ont été démolis, à gauche, à l'angle de la rue Cassette Au fond, le Bureau des démolitions est au N°21 (1867) |
Rue du Vieux Colombier (mai 2018) |
Le
1er mars 1834, Werdet quitta la librairie Béchet pour s’installer 19
rue du Colombier [rue du Vieux-Colombier, VIe ;
démoli lors de la prolongation de la rue de Rennes] et traiter avec Balzac,
dès le 28 avril 1834,
pour la deuxième édition, revue et corrigée, de Le Médecin de campagne (Paris, Werdet, 1834,
4 vol. in-18). Louise Béchet céda son fonds le 24 août 1834 aux associés Édouard
Legrand et Jules Bergounioux.
Rue des Quatre-Vents, vue vers la rue de Seine Photographie Charles Marville (1866) |
Dès
l’été 1834, Werdet s’installa 18 rue des Quatre-Vents [VIe], à l’angle
de la rue du Cœur-Volant [rue Grégoire-de-Tours],
puis édita les Études philosophiques (Paris, Werdet, 1835-1836,
20 vol. in-12), pour lesquelles il avait négocié un traité avec Balzac, le 16
juillet 1834.
Rue de Seine à gauche, rue de l'Echaudé à droite Photographie Eugène Atget (1905) |
En
1835, Werdet déménagea au 49 rue de Seine-Saint-Germain [rue de Seine, VIe],
au coin de la rue de l’Échaudé, et édita, au mois de mars,
Paris, Drouot, 10 avril 2008 : 26.000 € |
Le Père Goriot, histoire parisienne,
publiée par M. de Balzac (Paris,
Werdet et Spachmann, 1835, 2 vol. in-8), en société avec Charles-Frédéric Spachmann
(1807-1850), 24 rue Coquenard [rue Lamartine, IXe], ancien relieur,
puis
Le Livre mystique, par M. de Balzac (Paris, Werdet, 1er
décembre 1835, 2 vol. in-8).
Le
11 février 1835, Joseph Werdet père, devenu professeur à l’École normale
primaire, à Paris, 6 rue Carpentier-Saint-Sulpice [rue Marie Pape-Carpantier
(sic), VIe], avait été breveté définitivement pour deux moyens de faire
pénétrer la couleur de la garance jusqu’au cœur des fils dont se compose l’étoffe,
et la rendre semblable à celle des pièces de draps teintes en laine.
Exemplaire relié par Spachmann, offert par Balzac à la marquise de Castries Paris, Drouot, 11 décembre 2015 : 165.000 € |
L’année
suivante, Werdet édita Le Lys dans la
vallée, par M. de Balzac (Paris,
Werdet, 1er juin 1836, 2 vol. in-8), dont le commencement avait paru
dans la Revue de Paris (22 et 29
novembre, 27 décembre 1835) :
« aujourd’hui
madame Béchet, qui s’est montrée en toute occasion fort délicate, quittant le
commerce, j’ai fait choix d’un seul libraire, de M. Werdet, qui réunit toutes
les conditions d’activité, d’intelligence, de probité que je désire chez un
éditeur ; il est probable que les relations amicales qui doivent s’établir
entre un auteur et son éditeur ne seront jamais troublées ; car, outre ces
qualités, il est plein de cœur et de délicatesse, comme beaucoup de gens de lettres
peuvent l’attester ; tout me présage donc la plus grande tranquillité sur
ce point. » (« Introduction au Lys dans la vallée », p. XIV)
Suivirent
les éditions de Vierge et martyre, par Michel Masson (Paris, Ed. Werdet et
Spachmann, 1836, 2 vol. in-8), avec Spachmann, 19 rue Neuve-des-Petits-Champs [rue
des Petits-Champs, Ier] ;
La
Duchesse de Presles, par Jules A.
David, auteur de Lucien Spalma
(Paris, Ed. Werdet, 1836, 2 vol. in-8) ; Le Chemin le plus court, par
Alphonse Karr (Paris, Ch. Gosselin et Ed. Werdet, 1836, 2 vol. in-8), en société
avec Charles Gosselin (1795-1859), 18 rue Saint-Germain-des-Prés [partie de la
rue Bonaparte, VIe] ; Sous le
froc, par Maurice Alhoy (Paris,
Werdet, 1836, 2 vol. in-8) ; Portraits
littéraires, par Gustave Planche (Paris,
Werdet, 1836, 2 vol. in-8).
Écrasé
par les dépenses insensées de Balzac pour soutenir son luxe princier, Werdet dut
déposer son bilan le 17 mai 1837 :
« Le
jour où ma barque commerciale fut brisée par Honoré de Balzac, le jour où il
jugea à propos de briser les liens qui l’attachaient à moi, ce fut ce jour-là,
comme un coup de fusil tiré dans un colombier.
Tous
mes pigeons familiers prirent leur vol !
Et
tous, ou presque tous, la veille encore, avaient pris leur becquée, à ma table
hospitalière !...
Les
ingrats !
Si
l’épigastre n’a point de mémoire, le cœur du moins devrait conserver la
reconnaissance des services rendus !
Donnez
souvent à dîner à vos amis, ou soi-disant tels, vous n’en retirerez un jour que
de l’ingratitude. »
(Werdet.
« Gustave Planche. Souvenirs
inédits de Werdet, son ancien libraire-éditeur, 1834 – 1843 ». In Revue anecdotique des excentricités
contemporaines. Paris, Second semestre, Année 1859, t. IX, N° 2, p. 42-43).
Rue Jacob, vue vers la rue Bonaparte Photographie Charles Marville (1866) |
9 rue Jacob (mai 2018) |
Werdet
logea alors 9 rue Jacob [VIe], près du coin de
la rue de Furstemberg, et édita Mensonge,
par Raymond Brucker (Michel-Raymond) (Paris, Werdet, 1837, 2 vol.
in-8) ;
Photographie BnF |
Les Cent Contes drolatiques,
colligez ez abbaïes de Touraine, et mis en lumière par le sieur de Balzac,
pour l’esbattement des pantagruelistes et
non aultres. Troisiesme Dixain (Paris,
Ed. Werdet, mars 1837, in-8), qui ne parut qu’en décembre 1837.
Le
29 septembre 1837, Werdet avait obtenu un concordat avec ses créanciers et édita,
de nouveau au 49 rue de Seine-Saint-Germain : Le Connétable de Bourbon, par
Alphonse Royer (Paris, Werdet, 1838, 2 vol. in-8) ; Un serment, par Clémentine Mame (Paris, Werdet, 1838, 2 vol. in-8) ; Le Club des désoeuvrés [sic], par Jules A. David, auteur de La Bande noire. – La
Duchesse de Presles, etc., etc. (Paris, Werdet, 1838, 4 vol. in-8) ; Mémoires
secrets – de 1770 à 1830 – par M. le comte d’Allonville, auteur des Mémoires tirés des papiers d’un
homme d’État (Paris, Werdet, t. I et t. II, 1838, 2 vol. in-8).
18 rue Visconti Photographie Eugène Atget (1910) |
18 rue Visconti (mai 2018) |
Puis
il déménagea une nouvelle fois, pour se trouver au 18 rue des Marais-Saint-Germain
[rue Visconti, VIe], en face de l’ancienne imprimerie de Balzac, et éditer :
La Belle au bois dormant, par Arsène Houssaye (Paris, Werdet, 1839,
2 vol. in-8) ;
Paris, Drouot, 10 octobre 2017 : 6.951 € |
La Femme supérieure.
La Maison Nucingen, la Torpille ;
par M. de Balzac (Paris, Werdet, 1838,
2 vol. in-8) ; Marianna, par M. Jules Sandeau, auteur de Madame de Sommerville (Paris,
Werdet, 1839, 2 vol. in-8) ; Le
Médecin du Pecq, par Léon Gozlan (Paris, Werdet, 1839, 3 vol. in-8) ; Les Catacombes, par Jules Janin (Paris, Werdet, 1839, 6 tomes en 3 vol. in-12).
En
1840, Werdet édita 10 rue Christine [VIe] : Jacques Patru, par Jules A.
David (Paris, J.-B. Werdet et Cie, 1840, 2 vol. in-8) ; Frédéric le Lion, par Jules A. David (Paris, Werdet et Cie, 1840, 2 vol.
in-8).
5 rue Mazarine Photographie Eugène Atget |
Puis
les éditions portèrent l’adresse du 5 rue Mazarine [VIe], où avait habité
la tragédienne Marie Desmares (1642-1698), dite « La Champmeslé » : Mémoires secrets – de 1770 à 1830 – par M. le comte
d’Allonville, auteur des Mémoires
tirés des papiers d’un homme d’État (Paris, Werdet et Ollivier, t. IV, 1841 ;
Werdet, t. V, 1841, 2 vol. in-8) ;
Scandale,
par Michel Raymond (Raymond Brucker), auteur de : Les Intimes.
– Le Maçon. – Les Sept Péchés capitaux, etc.,
etc. (Paris, Werdet, 1841, 2 vol. in-8) ;
Au milieu des douleurs, par Michel Raymond (Raymond Brucker) (Paris, Werdet, 1842, 2 vol. in-8) ; Dictionnaire élémentaire d’histoire
naturelle […] publié sous la direction
de M. Victor Meunier (Paris, Werdet, 1842, 2 vol. in-8),
objet de la dernière annonce de Werdet dans le Feuilleton du Journal de la librairie du 15 janvier 1842.
Le 31 mars 1841, Werdet, se disant
négociant, 5 rue Mazarine, avait obtenu un brevet d’invention de cinq ans pour
la composition d’une huile propre à la frisure des cheveux. Il reprit sa valise de commis-voyageur en
librairie l’année suivante. En 1843, après 28 ans de cohabitation, Marie-Louise-Joséphine
Beix le quitta pour aller vivre avec le romancier Jules-Antoine David (1811-1890).
Il ne tarda pas à épouser, en l’église Saint-Roch, le 24 juin 1845, Reine Simon
(1800-1861), libraire 335 rue Saint-Honoré [VIIIe], originaire de Jallaucourt
[Moselle]. Mais le 2 octobre 1845, sa seconde faillite le ruina complètement.
Après
deux derniers essais éditoriaux, à l’adresse du 15 rue du Dragon [VIe]
- Biographie impartiale des représentants
du peuple à l’Assemblée nationale. Seule édition complète (Paris, Victor
Lecou et Werdet et Sylvestre [sic], novembre 1848, in-8)
et Louis-Napoléon
Bonaparte, représentant du peuple à l’Assemblée
nationale, candidat à la présidence
de la République française (Paris, Werdet, 28 novembre 1848, in-12) -,
Hameau de Gare-le-Cou |
Werdet
se retira avec sa femme dans une des
quatre modestes habitations du hameau de Gare-le-Cou, sur la commune de Bicqueley
[Meurthe-et-Moselle], à 4 km au sud de Toul. De là, pendant dix ans, neuf mois
par an, il partit voyager en qualité de mandataire de l’administration de la Jurisprudence générale, recueil périodique et critique de Dalloz.
Hospice de Petits-Ménages |
Joseph Werdet père mourut le 12 avril 1854, à l’Hospice
des Petits-Ménages, 24 rue de Sèvres [VIIe] ; sa femme, Anne
Lacroix, mourut au même endroit, le 10 juin 1855. C’est sur l’emplacement de cet
hospice, démoli en 1868, que fut construit le magasin « Au Bon Marché »
en 1869.
En 1856, au cours de son dernier déplacement, Werdet
fit une chute à Strasbourg [Bas-Rhin], en descendant du chemin de fer, qui le
laissa impotent de la jambe droite et estropié du pied gauche, malgré les bons
soins prodigués pendant plusieurs mois à Toul, puis à Paris, par les docteurs
Alfred Velpeau (1795-1867) et Alexandre Thierry (1803-1858), ami du libraire Alexandre
Paulin (1796-1859). Devenu en outre aveugle d’un œil, Werdet ne marcha plus que
guidé par sa femme.
Il ne lui resta plus qu’à écrire ses souvenirs. Il
commença par publier quelques portraits de gens de lettres dont il avait été l’éditeur,
dans les journaux Le Diable boiteux
et Le Béranger,
avant la publication
du Portrait intime de Balzac, sa vie, son humeur et son caractère, par
Edmond Werdet, son ancien libraire-éditeur
(Paris, E. Dentu et A. Silvestre, 1859, gr. in-18), où apparut, pour la
première fois, son prénom « Edmond », qui s’était déjà signalé en
1836 et 1837 de façon abrégée par « Ed. ». Il fit paraître son article
« Gustave Planche. Souvenirs inédits de Werdet, son ancien
libraire-éditeur, 1834 – 1843 » dans la Revue anecdotique des excentricités contemporaines (Paris, Second
semestre, Année 1859, t. IX, N° 2, p. 29-44 et N° 3, p. 49-72).
Revenu à Paris en 1859, Werdet habita 36 chaussées
du Maine [avenue du Maine, XVe], où il rejoignit son ami Eugène Garay
de Monglave (1796-1873), fondateur du journal Le Diable boiteux, qui s’y cachait sous le nom d’Oscar Mac Carthy pour
échapper à ses créanciers.
Werdet étudia alors à la Bibliothèque de l’Arsenal,
pour publier De la librairie française.
Son passé – son présent – son avenir, avec des notices biographiques sur les libraires-éditeurs les plus
distingués depuis 1789 (Paris, E. Dentu, 1860, gr. in-18),
puis son Histoire du livre en France, depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789
(Paris, E. Dentu, Auguste Aubry et L. Hachette, 1861-1864, 4 parties en 5 vol.
gr. in-18). Lors de la publication de la troisième parte de cette dernière, Jules
Tardieu (1805-1868) fit part de sa compassion :
« Un phénomène étrange s’accomplit sous nos yeux
distraits, et nous le remarquons à peine : un mourant, un vaincu, une
victime du livre se relève et écrit d’une
main fiévreuse et défaillante toute l’histoire
du livre en sept ou huit gros volumes.
Il peut à peine marcher, et il marche, il cherche,
il accumule les documents pour son œuvre ; ses yeux sont perdus, il est presque
aveugle, et il lit les textes et les petits textes de commentaires ; il n’a
pas d’argent, et il paye son imprimeur.
Le plus clairvoyant, le plus intrépide, le mieux secondé
d’entre nous aurait peut-être reculé devant une entreprise pareille, devant une
œuvre qui embrasse pour ainsi dire toute l’histoire de l’esprit humain ;
eh bien ! ce faible, cet abandonné, le fait ou plutôt l’a déjà fait, car l’œuvre est presque achevée. Nous avons vu le
temps où sa pauvre femme soutenait ses pas, suppléait à sa cécité et lui
faisait la lecture, et – à présent il est
seul.
A quoi nous servirait de tenir une plume si ce n’était
pour rendre hommage à tant d’efforts, pour exprimer devant nos confrères notre
intérêt et notre pitié pour cet esprit vaillant qui survit à une nature débile,
qui lutte contre tant d’infortune. […]
Espérons qu’une récompense, un encouragement, un secours
quelconque, ou tout au moins la sympathie de la librairie, viendront
réconforter le pauvre travailleur. »
(J. T. « Bibliographie ». In Chronique du Journal général de l’imprimerie
et de la librairie, 5 décembre 1863, p. 201-202)
Malgré les recommandations de ses anciens collègues –
Firmin-Didot, Hachette, Baillière, Delalain, Tardieu – et celles de ses amis
encore vivants – Sandeau, Jubinal, Dalloz, Lacroix, Lucas, Houssaye, Pichot -, Werdet
n’obtint du ministre de l’Instruction publique qu’une modeste pension, très insuffisante
pour vivre. Le Cercle de la librairie et la Société des Gens de lettres lui accordèrent
plusieurs fois des secours.
Reine Simon décéda le 13 août 1861, à Toul, au nouveau
domicile conjugal de la rue Saint-Amand. Werdet revint habiter avec son fils, monteur
mécanicien, à Paris [XIVe], 45 rue du Chemin-de-Fer. Il donna sa
démission et son brevet de libraire fut repris par Joseph-Baptiste Lefeuvre, le
19 mai 1862. Le 26 juillet 1862, son fils épousa Apolline Grélot, lingère, née
à Azerailles [Meurthe-et-Moselle], le 4 avril 1817, veuve de Jean-Baptiste
Destape le 4 décembre 1855.
Werdet continua ses publications : « Mon jardin
du cap Sunium », dans L’Artiste
(Paris, 1862, t. II, p. 60-64) ;
Extrait
de l’Histoire du livre en France. Études bibliographiques sur la famille des
Didot (Paris, E. Dentu et Auguste Aubry, 1864, in-8), tiré une première
fois à 100 exemplaires, dont 20 seulement furent livrés au commerce, et une
seconde fois, la même année, à 70 exemplaires, dont 20 seulement furent vendus.
Désemparé depuis la mort de sa femme, Werdet se
décida, en 1865, à aller vivre chez son fils, devenu modeste chauffeur à Champs-sur-Marne
[Seine-et-Marne]. Il publia encore dans La
Petite Revue ses souvenirs sur Maurice Alhoy (21 avril 1866, p. 153-158) et
« Le Pseudonyme Michel Raymond » (30 juin 1866, p. 99-104).
Il mourut
chez son fils, le 27 février 1870 ; son enterrement fut payé par la
Société des Gens de lettres.
Ses Souvenirs
de la vie littéraire. Portraits intimes (Paris, E. Dentu, 1879, in-8)
furent publiés après sa mort.
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