samedi 22 décembre 2012

Le Cabinet de Marigues de Champ-Repus

Eugène-Gabriel Marigues de Champrepus, qu’on doit écrire « de Champ-Repus », est né à Fismes, département de la Marne, le 14 décembre 1828 :

« Le quatorze décembre mil huit cent vingt huit, heure de midi, […] est comparu Monsieur Marie Gabriel Marigues, âgé de trente un ans, receveur des Contributions indirectes, demeurant à Fismes, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né ce jourd’hui à huit heures du matin, de lui déclarant et de Dame Joséphine de Champrepus, âgée de dix huit ans et demi, son épouse ; auquel enfant il a déclaré vouloir donner les prénoms de Eugène Gabriel, les dites présentation et déclaration faites en présence des sieurs Jean Baptiste Alexandre Filloy, jurisconsulte, âgé de soixante sept ans, et Jean Baptiste Vimorel, chevalier de Saint Louis, âgé de soixante huit ans, demeurant tous deux en cette ville […] »

En marge de l’acte de naissance est écrit :

« Par décret impérial du quatorze novembre mil huit cent cinquante huit, M. Marigues (Eugène Gabriel) né à Fismes, le quatorze décembre mil huit cent vingt huit, d’après l’acte ci-contre, a été autorisé à ajouter à son nom patronymique celui de de Champrepus et s’appeler à l’avenir Marigues de Champrepus.
Mention faite par nous greffier du Tribunal civil de Reims, soussigné, à la requête dudit sieur Marigues, en exécution d’un jugement rendu par ledit Tribunal le vingt sept janvier mil huit cent soixante, conformément aux articles 49 et 101 du Code Napoléon. »

Après des études au lycée de Reims, il devint élève de l’école de Saint-Cyr. Ses débuts dans la carrière militaire furent rapides et brillants, successivement attaché à l’état-major de la place de Paris, capitaine, chevalier de la Légion d’honneur à 24 ans, décoré de l’ordre ottoman du Medjidié pour sa belle conduite en Crimée.
Il épousa, à Paris le 18 janvier 1858, Marie-Jenny David, fille de Louis-Charles David-Deschamps (1801-1865), avocat à la Cour d’appel de Paris et membre du Conseil général de l’Orne, où il représentait le canton d’Écouché, depuis député de l’Orne. À la mort de son beau-père, il le remplaça au Conseil général et ne cessa d’être réélu jusqu’à sa mort : Écouché devint sa résidence d’été, tandis que Paris était sa résidence d’hiver.

Dans les loisirs de sa vie militaire, il fut membre de la Société des Antiquaires de Normandie et publia deux ouvrages se rattachant à son nom de Champrepus, commune du département de la Manche :
-          Viridovix, chef des Unelliens, et Sabinus, lieutenant de César (Paris, Librairie centrale, 1862, in-8, 38 p., carte), où il soutient que la rencontre de Viridovix et de Sabinus aurait eu lieu à Champrepus.
-          Œuvres poétiques de Jacques de Champ-Repus, gentilhomme bas-normand (Paris, Bachelin-Deflorenne, 1864, in-8, 4-XXXIII-184 p., 200 ex.). Réimpression, sous ce titre, de deux ouvrages introuvables : Ulysse, tragédie française (Rouen, Théodore Reinsart, 1603, exemplaire Soleinne) et Églogue enrichie de trente anagrammes sur cet illustre nom, Marguerite de Valois (Rouen, Jean Petit, 1609, exemplaire Cigongne, acheté par le duc d’Aumale).  

Pendant la guerre de 1870-1871, il reprit du service, fut fait prisonnier à Metz et emmené en captivité en Allemagne. Rentré en France, il fut nommé officier de la Légion d’honneur et quelque temps après chef d’escadron d’état-major. Il prit sa retraite en 1873, avec le grade de lieutenant-colonel du 32e régiment de l’armée territoriale. Séparé de son épouse, il mourut presque subitement le 7 mars 1892, à 1 h. 30 du matin, en son domicile, 8 rue de l’Arcade (VIIIe), frappé d’une congestion en sortant du cercle des Champs-Élysées, dont il était un habitué.

Sa bibliothèque fut dispersée les 24 et 25 janvier 1893, à l’Hôtel Drouot.
Le Catalogue d’un choix de livres rares & précieux […] composant le cabinet de feu M. Marigues de Champ-Repus (Paris, A. Claudin, 1893, in-8, XII-108 p., 309 lots) montre, qu’après avoir commencé une collection d’Elzévirs, il avait bien été un bibliophile de la période 1870-1880, recherchant essentiellement les impressions gothiques, les livres à gravures sur bois, les poètes du xvie siècle, les éditions originales des classiques du xviie et les livres à figures du xviiie. Sa collection, réduite mais de qualité, ne comprend pas un seul volume de l’époque romantique. Son ex-libris, circulaire et armorié, « D’azur coupé d’argent, à la fasce en devise d’or, accompagnée en chef d’une levrette courante colletée et testée d’or, en pointe une hermine de sable. », porte en périphérie « Ex libris + Marigues de + Champ Repus » 

Le produit de la vente atteignit 52.658 fr. Parmi les adjudications les plus intéressantes :
Heures à l’usage de Toul (n° 8 : Simon Vostre, alm. de 1515 à 1530, in-8, sur vélin, mar. doublé de Duru, 896 fr.) ;
La Practique et Enchiridion des causes criminelles (n° 20 : Louvain, E. Wauters et J. Bathen, 1554, in-4, fig. sur bois, mar. rouge ancien, 210 fr.) ; passé dans les bibliothèque Paillet, puis Robert Hoe ; aujourd’hui au catalogue Patrick Sourget (23.000 €) ;
Ars moriendi (n° 39 : Nuremberg, v. 1504, in-4, 13 fig. sur bois, mar. brun de Cuzin, 581 fr.) ;
Le Pastissier françois, exemplaire Lebeuf de Montgermont adjugé 4.550 fr. en 1876 (n° 50 : Amsterdam, Louys et Daniel Elzevier, 1655, in-12, mar. doublé de Trautz-Bauzonnet, 3.020 fr.) ; Les Œuvres feu maistre Alain Chartier, exemplaire Firmin-Didot vendu 520 fr. en 1879 (n° 82 : Paris, Galliot du Pré, 1529, in-8, mar. olive doublé de mar. rouge par Bauzonnet, 205 fr.) ;
Le Grand Testament, de François Villon, très rare (n° 83 : Pierre Le Caron, v. 1490, in-4, mar. de Chambolle, 730 fr.) ;
Le Séjour d’honneur, par Octavien de Saint-Gelais, exemplaire de Nodier, puis de Lacarelle, vendu 265 fr. en 1888 ( n° 86 : Paris, Antoine Vérard, 1519, in-8, mar. brun « à la fanfare » de Thouvenin, 403 fr.) ;
Fables choisies, mises en vers par M. de la [sic] Fontaine, exemplaire Lacarelle adjugé 515 fr. en 1888 (n° 141 : édition originale de Paris, Claude Barbin, 1668, in-4, mar. bleu de Trautz, 490 fr.) ;
Les Baisers, de Dorat (n° 148 : La Haye et Paris, Lambert et Delalain, 1770, in-8, mar. bleu de Lortic, grand papier, 705 fr.) ;
Fables nouvelles, de Dorat, exemplaire [médiocre] Desbarreaux-Bernard, vendu 1.150 fr. en 1879 (n° 149 : La Haye, et Paris, Delalain, 1773, in-8, demi-rel., grand papier, 615 fr.) ;
Choix de chansons mises en musique par M. de la Borde, exemplaire Quentin-Bauchart vendu 1.200 fr. en 1872 (n° 150 : Paris, de Lormel, 1773, 4 tomes en 2 vol. in-8, mar. rouge aux armes de J.-B. Sahuguet, baron d’Espagnac, 3.200 fr.) ;
Le Théâtre de P. et Th. Corneille, exemplaire de Paillet payé 3.000 fr. en 1887 (n° 166 : Amsterdam, Abraham Wolfgang, 1664-1678, 10 vol. in-16, mar. rouge doublé de Cuzin, 1.120 fr.) ;
Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé, édition dite du Régent (n° 185 : Paris, Quillau, 1718, in-8, mar. rouge ancien, 425 fr.) ;
Chronique du règne de Charles IX, par Prosper Mérimée (n° 211 : Paris, 1876, première publication de la Société des Amis des Livres, in-8, mar. doublé, 550 fr.).
  

2 commentaires:

  1. Comme beaucoup d'amateurs du 19e, Eugène-Gabriel Marigues de Champrepus était friand de reliures par Trautz, Duru, Cuzin...
    Certes le travail est soigné, les livres comme "neufs", mais le charme agit moins...
    Enfin, ce n'est qu'un avis tout personnel!
    Je n'ai pas trouvé le catalogue scanné sur le net; quelqu'un aurait un lien?
    Cordialement,
    Wolfi

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    1. Même avis que vous Wolfi.
      Le catalogue de la vente Martigues de Champ-Repus n'est, hélas, pas scanné sur le net.

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