mercredi 2 mars 2016

L'Abbé de Vougny (1706-1754), traducteur de Giordano Bruno


D'une famille originaire de Champagne, dont les armes étaient « D'azur, à l'agneau pascal d'or, au chef de gueules à trois étoiles d'argent », Louis de Vougny (1575-1644), médecin ordinaire du Roi, vint s'installer à Montfort-l'Amaury [Yvelines], en épousant en 1613 Jeanne Le Pelletier (1589-1652), fille de Jean Le Pelletier, lieutenant particulier en cette ville.
Son fils Jean de Vougny (1614-1687), médecin ordinaire du Roi et médecin du duc d'Orléans, épousa en secondes noces, le 18 mars 1664, Geneviève Le Maire (1636-1676), fille du président en l'Élection de Montfort-l'Amaury.
Son petit-fils, Jean-Marie de Vougny (1665-1729), d'abord secrétaire de l'intendant des Finances Joseph Fleuriau d'Armenonville en 1691, puis receveur général des Finances de la Généralité de Rouen de 1705 à 1719, fut conseiller du Roi en ses Conseils, secrétaire du Conseil d'État, directeur des Finances. Il fit enregistrer son blason en 1696, dans l'Armorial général de France. Il épousa à Paris, le 28 juillet 1698, Anne Moufle (1675-1750), fille de Simon Moufle, notaire au Châtelet. 

Plan de Turgot.

Installé place des Victoires [Ier-IIe], le couple déménagea rue du Grand Chantier [hôtel d'Anglade, 66 rue des Archives, IIIe], où il occupa un hôtel acheté aux héritiers de François Le Juge, fermier général. 

Plan de Turgot.
Le point rouge indique l'hôtel de Vougny, rue du Grand Chantier.

Bâti sous la conduite de l'architecte Robert de Cotte, cet hôtel était décoré de plusieurs bas reliefs de Antoine Coyzevox et embelli à l'intérieur de deux grands plafonds peints par Charles de La Fosse.

Hubert Robert. Démolition de l'église Saint-Jean-en-Grève.
(Musée Carnavalet)

Jean-Marie de Vougny et Anne Moufle y moururent et furent inhumés à Saint-Jean-en-Grève [cimetière et église détruits en 1800], leur paroisse.

66 rue des Archives, Paris (1897).

En parfait état, l'hôtel de Le Juge, devenu de Vougny, puis d'Anglade, fut détruit en juillet 1897, pour mettre à la place des grands bazars. La ville de Paris n'en conserva ni une photographie, ni un moulage, ni un souvenir quelconque. 


On a vendu aux enchères publiques, le 22 mai 1897, les plafonds pour 25.000 francs et les sculptures pour 1.500 à 2.000 francs (« Procès-verbal de la Commission du vieux Paris », 28 janvier 1898).

66 rue des Archives, Paris (1898).

L'architecte Paul Bonpaix (1847-1934) fut chargé d'édifier un immeuble à usage commercial, avec deux grands niveaux éclairés par des baies horizontales ouvertes dans une façade en pierre de taille, pour la Société française des Grands Bazars et des Nouvelles Galeries réunis.

Château de Jeurre.

Le vicomte Arthur-Henry Dufresne de Saint-Léon (1858-1947) acheta la façade de l'hôtel d'Anglade pour embellir celle du château de Jeurre [Morigny-Champigny, Essonne], devant le miroir d'eau. 



Archiviste paléographe et ancien attaché à la Bibliothèque Mazarine, Arthur de Saint-Léon avait publié, avec Paul Marais, archiviste paléographe et sous-bibliothécaire à la Bibliothèque Mazarine, le Catalogue des incunables de la Bibliothèque Mazarine (Paris, H. Welter, 1893, 2 vol. in-8).


Jean-Marie de Vougny et Anne Moufle eurent plusieurs enfants, dont Louis-Valentin de Vougny.
Louis-Valentin de Vougny mourut à Soissons [Aisne], le 25 janvier 1754, dans la 49e année de son 


âge, d'après la Suite de la clef (Paris, Ganeau, janvier 1754, p. 240), ce que confirme le Mercure de France (Paris, Chaubert, Jean de Nully, Pissot et Duchesne, mai 1754, p. 208-209), lu un peu rapidement par Joannis Guigard (Nouvel armorial du bibliophile. Paris, Émile Rondeau, 1890, t. I, p. 379) : son acte de décès à Soissons a été détruit. Il est donc né en 1706, à Paris : son acte de baptême n'est pas aux archives de l'état civil de Paris, ni dans les actes de l'état civil de Montfort-l'Amaury.

Devenu prêtre et chanoine de Notre-Dame de Paris, il fut également conseiller-clerc en la Grand'-Chambre du Parlement en 1726 et abbé de Notre-Dame de Larrivour [Lusigny-sur-Barse, Aube, détruite à la Révolution] en 1741.



On lui attribue Le Ciel réformé. Essai de traduction de partie du livre italien, Spaccio della bestia trionfante (S. l. [Paris], s. n., l'An 1000 700 50 [1750], de format in-12, tiré in-8, [1]-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-92 p.). Cet ouvrage est la traduction de la première partie du premier dialogue de Spaccio della bestia trionfante [Expulsion de la bête triomphante] (Paris [Londres], s.n. [Thomas Vautrollier], 

Statue en bronze de Giordano Bruno, par Ettore Ferrari (1889),
Campo de' Fiori, Rome.

1584, in-8), par Giordano Bruno (1548-1600), qui fut condamné par l'Inquisition et brûlé à Rome, au Campo de' Fiori, pour les impiétés répandues dans ses différents écrits. Cet ouvrage, accusé d'athéisme, n'est qu'un écrit fantastique peu dangereux pour la morale, allégorie entremêlée de traits contre les mœurs du XVIe siècle.

« Si ces deux Ouvrages [Spaccio della bestia trionfante et La Cena de le Ceneri] ne sont pas des chefs d'œuvres, au moins en ont-ils acquis en quelque sorte la valeur & le renom, par le prix exorbitant où ils sont portés, lorsqu'ils se trouvent dans quelque Vente publique. C'est ce qui est arrivé en dernier lieu à celle qui vient de se faire de la Biblioteque de M. l'Abbé de Rothelin, où ils ont été vendus onze cens trente-deux livres, quoiqu'ils ne forment qu'un in 12. sans beauté particuliere d'impression ni de caracteres. Seroit-ce donc la rareté qui en feroit seule le mérite ? Il faut croire qu'il s'y joint celui de la singularité. » [sic] (p. 4-5)

Ancienne maison de chanoine dans le cloître Notre-Dame,
24 rue Chanoinesse, rue centrale du cloître (v. 1900).

Après la mort de l'abbé de Vougny, sa bibliothèque fut vendue en son domicile, au cloître Notre-Dame [IVe], près de la salle du Chapitre, au nord de la cathédrale, après avoir été indiquée par affiches : 



Catalogue des livres de feu Monsieur de Vougny, conseiller au Parlement, chanoine de l'Église de Paris (Paris, Damonneville, 1754, in-8, [1]-[1 bl.]-89-[1 bl.] p., 1.167 + 16* = 1.183 lots). On y trouve : théologie 171 lots = 14,45 % ; jurisprudence 116 lots = 9,80 % ; sciences et arts 195 lots = 16,48 % ; belles-lettres 455 lots = 38,46 % ; histoire 246 lots = 20,79 %.




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