jeudi 25 juillet 2024

Michel Lévy (1821-1875), éditeur de théâtre et « potentat de la librairie » *

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Privilège de l’âge, ce n’est pas Michel Lévy qui a fondé sa librairie, mais son père, Simon Lévy.

Le Colporteur, par Alphonse Lévy
In Léon Cahun. La Vie juive. Paris, Monnier et De Brunhoff et Cie, 1886, p. 56

Marchand colporteur à Phalsbourg [Moselle] - et à Lunéville [Meurthe-et-Moselle], où il demeura Grande Rue de 1813 à 1815 -, Simon Lévy est né à Mutzig [Bas-Rhin] en 1784, selon son acte de décès : les archives antérieures à 1785 n’existant pas, ses ascendants sont inconnus.



Il épousa Pauline Maas, née en 1789 à Mittelbronn [Moselle], qui lui donna sept enfants : Alexandre, dit « Nathan », né à Lunéville le 29 août 1813 ; Jacquot, dit « Jules », né à Lunéville le 9 août 1814 ; Alexandre, né à Phalsbourg le 22 novembre 1815 ; Babette, dite « Pélagie », née à Phalsbourg le 17 août 1817 ; Kalmus, dit « Calmann », né à Phalsbourg le 29 mars 1819 ; Rosalie, née à Phalsbourg le 22 juillet 1820 et décédée à Phalsbourg le 26 février 1821 ; Michel, né à Phalsbourg le 20 décembre 1821.

Les Halles de Paris, par Giuseppe Canella (1828)

En 1826, la famille vint à Paris, quartier des Halles [Ier], pour y tenter fortune, d’abord dans la revente de produits de mercerie, puis dans la location d’ustensiles divers à l’entrée des théâtres.  

 

Michel Lévy (1873)

Formé à l’école du Consistoire israélite de Paris, rue des Singes [rue des Guillemites, IVe], Michel Lévy a hésité pendant sept ans entre deux destinées : la scène et l’édition.

Rue Marie Stuart, par Eugène Atget

En 1836, la famille habitait 17 rue Quincampoix [IVe]. Cette année-là, Michel Lévy fut admis au Conservatoire d’Art dramatique et poussa son père, dont la santé était altérée par la vente en plein air de pièces de théâtre sur le boulevard Montmartre [à la lisière des IIe et IXe], à demander l’autorisation d’ouvrir un cabinet de lecture, au 6 rue Marie Stuart [IIe] : ce qui fut fait, sous le nom de « L. Michel », nom d’où était volontairement gommée toute consonance juive. 

Le cabinet de lecture fit partie des principaux dépôts des éditions du Musée dramatique. Pièces nouvelles représentées sur les théâtres de Paris, données par A. Mifliez, 19 quai des Augustins [VIe], et E. Michaud, 66 rue d’Enfer-Saint-Michel [partie du boulevard Saint-Michel, Ve], puis 2 boulevard Saint-Martin [Xe].

 

Calmann Lévy (1865)

Nathan Lévy (1870)

En 1841, Michel Lévy finit par ouvrir une librairie au 1 rue et terrasse Vivienne [Ier], derrière la Bibliothèque royale, sous la raison sociale « Michel frères », associé à ses deux frères, Calmann Lévy et Nathan Lévy. Avec la veuve de David Jonas, libraire de l’Opéra, et avec Christophe Tresse, libraire au Palais-Royal, il s’engagea dans la coédition et publia ses premiers livrets d’opéra : 

Bibliographie de la France, 10 avril 1841


Photographie BnF


Don Juan, opéra en cinq actes, de Mozart (1841) et Giselle ou les Wilis, ballet fantastique en deux actes, nouvelle édition (1841).

Passage du Grand Cerf, par Eugène Atget (1890)

 

En 1842, la librairie « Michel frères » fut complétée par un second local au 52 passage du Grand Cerf [IIe], situé entre la rue des Deux Portes Saint-Sauveur [rue Dussoubs] et la rue Saint-Denis, sous l’adresse duquel fut publié, avec la veuve Jonas et avec Tresse, La Jolie Fille de Gand, ballet pantomime en trois actes et neuf tableaux (1842) 



et Lady Henriette, ou la Servante de Greenwich, ballet-pantomime et trois actes et neuf tableaux (1844).

En 1843, les séquelles d’une ancienne fracture du bras gauche obligèrent Michel Lévy à quitter définitivement le Conservatoire, pour incompatibilité physique avec les exigences du métier d’acteur.


En 1843 et 1844, « Michel frères », 1 terrasse Vivienne et passage du Grand Cerf, publièrent, avec la veuve Jonas et avec Tresse, La Péri, ballet fantastique en deux actes (1843) et Le Lazzarone, ou le Bien vient en dormant, opéra en deux actes (1844).

 


À partir de 1844, Michel Lévy élargit son activité du théâtre au roman et au récit de mœurs. Sous la raison sociale « Michel Lévy frères » et sous l’adresse du 52 passage du Grand Cerf, il publia, avec Louis Pétion, libraire au 11 rue du Jardinet [VIe], Géraldine, par Mme Charles Reybaud. Deuxième édition (2 vol. in-8).

 


En 1845, « Michel Lévy frères », 1 rue Vivienne, publièrent Les Bagnes, par Maurice Alhoy. Édition illustrée, avec Gustave Havard, 24 rue des Mathurins Saint-Jacques [rue Du Sommerard, Ve], et Michel Dutertre, 20 passage Bourg l’Abbé [IIe], et Le Mari au bal, opéra-comique en un acte.



Cette même année, ils publièrent encore sous la raison sociale « Michel frères » et l’adresse 1 rue et terrasse Vivienne, L’Étoile de Séville, grand opéra en quatre actes, avec la veuve Jonas, qui a repris la location du 52 passage du Grand Cerf, et avec Tresse.

Ce fut aussi en 1845 que parurent les premières publications de « Michel Lévy frères », comme seul éditeur, avec Le Chemin de traverse, par Jules Janin.

Michel Lévy avait été le témoin de la réussite des efforts de Gervais Charpentier (1805-1871) qui, depuis 1838, avait fait entrer dans sa « Bibliothèque Charpentier », les œuvres de Balzac, Victor Hugo, George Sand, Alfred de Vigny, Madame de Girardin et Stendhal.

Il fut également le témoin du succès des imitateurs de Charpentier : Charles Gosselin (1795-1859), rue Saint-Germain-des-Prés, fondateur en 1840 de la « Bibliothèque d’élite », collection in-18 à 3 fr. 50 c. ; Henri-Louis Delloye (1787-1846), place de la Bourse, fondateur en 1840 de la « Bibliothèque choisie » à 1 fr. 75 c. le volume ; Alexandre Paulin (1792-1859), fondateur en 1846 de la « Bibliothèque-Cazin » à 1 fr. le volume in-18 ; Victor Lecou, rue Montmartre, « le Renduel du moment »,  qui vendait des ouvrages format Charpentier à 3 fr. 50 c. en 1846.

 


À son tour, il fonda en 1846 sa première collection, « Bibliothèque dramatique », dans le format grand in-8 à 2 colonnes, où parut La Mère de famille. Comédie-Vaudeville en un acte, par Dennery et G. Lemoine, éditée avec Tresse : reconnaissant immédiatement l’inconvénient de ce format, il créa une seconde série dans le format in-18 anglais, où parut d’abord Le Gant et l’Éventail. Comédie-Vaudeville en 3 actes, par Bayard et T. Sauvage.

La même année, il devint le libraire-éditeur de la collection « Bibliothèque contemporaine » [Première série], dans le format in-18 anglais, à 2 fr. le volume, dont le bon marché défiait les contrefaçons et dont les premiers volumes furent les Œuvres complètes d’Alexandre Dumas : 

Photographie Librairie Le Feu Follet

Le Comte de Monte-Cristo (6 vol.), Le Capitaine Paul, Le Chevalier d’Harmental (2 vol.), Les Trois Mousquetaires (2 vol.), Vingt ans après (3 vol.), La Reine Margot (2 vol.).  



Il publia aussi, avec Dutertre, Les Jésuites depuis leur origine jusqu’à nos jours, par A. Arnould, 2 volumes gr. in-8, édition illustrée de 20 gravures sur acier et 100 gravures sur bois d’après les dessins de Tony Johannot, Jules David, Janet-Lange, E. Giraud, Marckl, N. Cazes et Dupuis.

 



En 1847, fut publié Le Faust de Goethe, traduction revue et complète, précédée d’un Essai sur Goethe, par M. Henri Blaze (Paris, Michel Lévy frères et Dutertre, 1847, gr. in-8, 9 vignettes dessinées par Tony Johannot et 1 portrait de Goethe, gravés sur acier par Langlois) 



et le Théâtre de Victor Hugo (gr. in-8, sur 2 colonnes, orné du portrait de Victor Hugo et de 6 gravures sur acier).

Après la révolution de février 1848, le cabinet de lecture de la rue Marie Stuart fut fermé et Michel Lévy publia des textes politiques : Journal d’un journaliste au secret, par Émile de Girardin (juillet 1848, in-18) ; Trois mois au pouvoir, par M. de Lamartine (1848, in-12) ; Jérôme Paturot à la recherche de la meilleure des républiques, par Louis Reybaud (1848-1849, 4 vol. in-12) ; Mon journal - Événements de 1815, par Louis-Philippe d’Orléans (1849, 2 vol. in-12) ; les Mémoires de Caussidière (1849, 2 vol. in-12) ; 



l’Assemblée nationale comique, par Auguste Lireux, illustré par Cham (1850, in-4, front. et 19 h.-t.) ; Histoire de la politique extérieure du gouvernement français 1830-1848, par M. O. d’Haussonville (1850, 2 vol. in-18).  

Propriétaires du journal de théâtre Le Nouvelliste depuis 1847, Michel Lévy racheta en 1848 les journaux L’Entr’Acte, Le Vert-Vert et Le Messager des théâtres et des arts.

En 1850, la librairie « Michel Lévy frères » s’installa au 2 bis rue Vivienne [IIe], toujours derrière la Bibliothèque royale, mais à côté du passage Colbert. Michel Lévy créa alors une autre « Bibliothèque contemporaine » [Deuxième série], format in-18 anglais à 3 fr. le volume, où prirent successivement place, pendant 25 ans, les œuvres d’Octave Feuillet, de F. Ponsard, de Cuvillier-Fleury, d’Alexandre Dumas, de la comtesse Dash, d’Ernest Feydeau, de M. et Mme de Gasparin, de Gérard de Nerval, de Henri Heine, d’Arsène Houssaye, d’Alphonse Karr, de Pr. Mérimée, de Charles de Bernard, de Léon Gozlan, du comte d’Haussonville, de Jules Janin, 



d’Henry Murger - dont les Scènes de la Bohême (2e édition, 1851) eurent un immense succès, de Méry, d’A. de Pontmartin, de Prévost-Paradol, de Louis Reybaud, de George Sand, de Sainte-Beuve, de Jules Sandeau, de L. Vitet.  

Michel Lévy obtint son brevet de libraire le 28 avril 1852 et créa en 1853 la collection « Bibliothèque des voyageurs », dans le format in-32, à 1 fr. le volume. D’autres collections suivirent : « Théâtre contemporain illustré », « Musée littéraire du siècle », « Musée contemporain », « Collection Hetzel et Lévy », « Musée littéraire contemporain », « Bibliothèque nouvelle », « Les Bons Romans ».

La Librairie Nouvelle. In Le Monde illustré, 26 décembre 1857, p. 13 

La concurrence de la Librairie Nouvelle, 15 boulevard des Italiens [IIe], en face du restaurant la « Maison Dorée », amena dès octobre 1855 la publication de la « Collection Michel Lévy », format in-18, à 1 fr. le volume : Les Beaux-Arts en Europe, par Théophile Gautier (1855-1856, 2 vol.), Profils et grimaces, par Auguste Vacquerie (1856) ; puis, des romans d'Amédée Achard, de Charles de Bernard, de Henri Conscience, de Champfleury, de la comtesse Dash, de Théophile Gautier, d’Alphonse Karr, de Gozlan, d’Henri Murger, de Louis Reybaud, de Frédéric Soulié, Émile Souvestre, le théâtre d’Eugène Scribe, vinrent enrichir la collection. 



Madame BovaryMœurs de province, par Gustave Flaubert (1857, 2 vol.), parut sous cette couverture en édition originale.

D’autres œuvres importantes furent publiées : Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, par le comte d’Haussonville (1854-1859, 4 vol. in-8) ; Les Contemplations, par Victor Hugo (1856, 2 vol. in-8) ; L’Ancien Régime et la Révolution, par Alexis de Tocqueville (1856, in-8) ; Études d’histoire religieuse, par Ernest Renan (1857, in-8) ; Voyage dans les mers du nord, à bord de la corvette La Reine Hortense, par Charles Edmond (1857, in-8, dessins de Karl Girardet) ; Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, par Guizot (1858-1867, 8 vol. in-8) ; Études sur la marine [par le prince de Joinville] (1859, in-8) ; Essais de politique et de littérature, par Prévost-Paradol (1859, in-8) ; 

Photographie BnF

La Légende des siècles, par Victor Hugo (avec Hetzel et Cie, 1859, 2 vol. in-8 ; les deux vol. suivants ont paru en 1877 et le dernier vol. en 1883).

Le 24 juin 1858, à Bordeaux [2e section], Michel Lévy épousa Rachel-Amélie Raba, née le 25 décembre 1838 à Nice [Alpes-Maritimes], alors au royaume de Piémont-Sardaigne, fille de Amédée-Henri Raba et de Marianne Avigdor.



Ce fut en 1858 que Michel Lévy créa une publication périodique, L’Univers illustré.

Le 23 avril 1859, Nathan Lévy se retira de l’association.

L’écrivain Noël Parfait (1813-1896), que la politique avait conduit à Bruxelles, où il fut le secrétaire d’Alexandre Dumas, ne fut pas étranger à la transaction qui, le 20 décembre 1859, au prix de 25.000 fr., mit fin à toutes les réclamations de l’écrivain auprès de Michel Lévy, qui acquit alors la propriété pleine et entière des œuvres du romancier. Michel Lévy chargea désormais Noël Parfait de la partie littéraire de l’administration de sa maison.

Des œuvres importantes furent encore éditées : Questions de religion et d’histoire, par Albert de Broglie (1860, 2 vol. in-8) ; Merlin l’enchanteur, par Edgar Quinet (1860, 2 vol. in-8) ; Œuvres et correspondance inédites d’Alexis de Tocqueville, publiées par Gustave de Beaumont (1861, 2 vol. in-8) ; L’Église et la Société chrétiennes en 1861, par Guizot (1861, in-8) ; L’Histoire romaine à Rome, par J. J. Ampère (1861-1864, 4 vol. in-8).

La faillite de la Librairie Nouvelle permit à Michel Lévy d’acheter son concurrent en décembre 1861. Avec cet achat, moyennant 200.000 fr., la maison Michel Lévy devint des plus considérables.

In X. Aubryet et A.-P. Martial. Les Boulevards de Paris. Paris, à Paris-Gravé, 1877, p. 54

La Librairie Nouvelle devint une succursale de la maison Michel Lévy, fréquentée par des savants, des artistes, le caricaturiste Bertall, des compositeurs, des directeurs de théâtre, et surtout des romanciers : Fervacques, de son vrai nom Léon Duchemin, célèbre par ses articles sur la haute vie parisienne dans Le Gaulois ; les frères Goncourt, Gustave Flaubert, Paul de Saint-Victor et Xavier Aubryet, une des figures les plus originales de l’époque, se donnaient rendez-vous à la librairie tous les dimanches à six heures ; Léon Halévy aimait les éditions rares ; Meilhac était un bibliophile capricieux ; Octave Feuillet, qui habitait Saint-Lô [Manche] ; Cuvillier-Fleury, ancien précepteur des princes d’Orléans ; Xavier Marmier, qui offrait des cigarettes à tous ceux qui l’entouraient ; Jules Verne, qui habitait Amiens [Somme] ; Hector Malot ; le prince Lubomirski, dont les romans avaient acquis une certaine réputation, allait à la librairie entouré d’un état-major de généraux russes ; Bachaumont, de son vrai nom Émile Gérard ; Nubar-Pacha, bibliophile passionné et très érudit, se montrait en compagnie de Charles Edmond, directeur de la bibliothèque du Sénat ; Victor Hugo allait s’y reposer ; Henri Rivière, quand il ne voyageait pas. George Sand, qui avait pourtant Michel Lévy pour éditeur, n’allait jamais dans la librairie du boulevard des Italiens.

En 1862, Michel Lévy était à la tête d’une fortune considérable et de cinq magasins : un établissement principal rue Vivienne, la Librairie Nouvelle sur le boulevard des Italiens, deux autres locaux dans la galerie Colbert [n°s 24 et 26] - pour la vente de L’Univers illustré -, et un matériel d’imprimerie au 13 rue de la Grange Batelière [IXe] - sans autorisation -, pour l’impression de ses périodiques de théâtre. 


Parmi les éditions importantes de cette époque : Histoire de la campagne de 1815, par Edgar Quinet (1862, in-8) ; Élisabeth et Henri IV, 1595-1598, par Prévost-Paradol (1862, in-8) ; Philosophie du bonheur, par Paul Janet (1863, in-8) ; Guerre d’AmériqueCampagne du Potomac, mars-juillet 1862 [par le prince de Joinville] (1863, in-18) ; Histoire de la Réformation en Europe, au temps de Calvin, par J.-H. Merle d’Aubigné (1863-1866, 4 vol. in-8).

 

Château de l'Ermitage, Gradignan (2008)

En 1865, Michel Lévy fit l’acquisition du château de l’Ermitage, à Gradignan [Gironde], à 10 km au sud de Bordeaux : le vignoble fournissait un bon vin rouge, corsé, coloré et séveux, se rapprochant des vins de Léognan et de Talence.

Façade sur l'impasse Sandrié, Pl. 5

 
Plan du rez-de-chaussée, Pl. 7
In César Daly. Revue générale de l'architecture et des travaux publics
Paris, Ducher et Cie, 1874, 4e série, vol. I

Entrée. Photographie Léa Philippe

Façade. Photographie Bruno Lévy

Bibliothèques du rez-de-chaussée. Photographie Léa Philippe


Plafond. Photographie Léa Philippe


Escalier. Photographie Léa Philippe

En 1867, Michel Lévy acheta à la ville de Paris, pour 1.185.000 fr., un terrain de 1.313 m2 allant de l’impasse Sandrié jusqu’à la rue Scribe [IXe] ; pour implanter son magasin en retrait de la rue, au 4 impasse Sandrié, il choisit l’architecte Henri Fèvre (1828-1900), qui fit appel à l’ingénieur Gustave Eiffel (1832-1923). Les magasins et les bureaux furent transférés, à partir du 10 juillet 1871, à l’adresse du 3 rue Auber, entrée de l’impasse, formant un des plus beaux et des plus vastes magasins de librairie de l’Europe.

 

66 et 68 avenue des Champs-Elysées, par Charles Lansiaux (1920)

En 1873, Michel Lévy s’offrit, pour 400.000 fr., l’hôtel particulier de la baronne de Montailleur, 66 avenue des Champs-Elysées [détruit en 1970].

 

24 place Vendôme, par François Villeret (1840)

24 place Vendôme (mai 2024)

Michel Lévy mourut subitement et prématurément de la rupture d’un anévrisme, le 5 mai 1875, en son domicile, 24 place Vendôme [Ier], au lendemain d’avoir assisté à la première représentation de la pièce de Henry Meilhac et de Ludovic Halévy, Le Passage de Vénus, leçon d’astronomie en un acte, au Théâtre des Variétés. 

Cimetière du Père Lachaise

Il fut inhumé le lendemain au cimetière du Père Lachaise [division 7], en face de la tombe de Rachel. Il laissait à ses héritiers une fortune évaluée à 17 millions de francs. Il était chevalier de la Légion d’honneur depuis le 22 janvier 1873.

« Tous les journaux ont raconté la manière foudroyante dont cet homme, d’une si forte constitution et d’une énergie exceptionnelle, vient de quitter la sphère d’activité où il brillait parmi les plus célèbres. Michel Lévy était une des âmes de Paris, une de ces âmes ardentes au travail et douées du génie des affaires, dont l’action rayonne sur le monde entier, puissants instruments de civilisation, forces réelles dont l’extinction est un événement public.

Parmi les industries nobles, la librairie est au premier rang. Michel Lévy, parti de rien, - il en faisait gloire et avec raison, - était arrivé avec une rapidité surprenante à une fortune considérable des mieux acquises, car cette fortune était un chiffre correspondant aux immenses services qu’il avait rendus à la cause des lettres ; c’est par lui et par quelques-uns de ses collègues que la pensée littéraire de la France au XIXe siècle s’est répandue au dehors avec une promptitude et une abondance de moyens ignorés jusque-là ; tout le monde civilisé est arrivé à connaître et à lire la France en moins de temps qu’il n’en fallait autrefois pour que la France se connût et se lût elle-même. Le format Charpentier, le format Michel Lévy, c’est-à-dire les livres à bon marché mis à la portée des masses, c’est là une révolution industrielle et littéraire, qui, au point de vue matériel, a d’abord semblé préjudiciable aux écrivains. Peu d’années ont suffi pour démontrer qu’en abaissant le prix de la consommation, on créait un monde de consommateurs, et que, pour leurs intérêts pécuniaires comme pour l’intérêt plus élevé de leur renommée, les gens de lettres avaient à s’applaudir de cette révolution.

Si elle s’est accomplie si rapidement, c’est à coup sûr à la fiévreuse activité et à l’intelligence spéciale des grands éditeurs que nous le devons. Il y aurait ingratitude à méconnaître le fait. »

(George Sand. « Michel Lévy ». In Dernières pages. Paris, Calmann Lévy, 1877, p. 269-271)

 

Grand Hôtel de Bade, par Lancel. Musée Carnavalet 

Remariée en 1878 avec le commandant Abraham-Edmond Léon (1836-1891), Rachel-Amélie Raba, domiciliée à Bordeaux, 7 rue Duffour-Dubergier, décéda le 24 juillet 1896 à Paris [IXe], à l’hôtel de Bade, 32 boulevard des Italiens.

 * Théophile Gautier [lettre à Noël Parfait, octobre 1865]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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