Né à Paris le 12 février 1816, Alfred Chenest fit le tour du monde avant de se marier en 1846 avec Clémence Camion (1826-1908), fille d’un notaire, maire de Sedan et propriétaire du château de La Cassine [Vendresse, Ardennes], construit en 1571 par Louis de Gonzague, duc de Rethel et de Nevers, détruit par la foudre en 1697, reconstruit en 1850 et détruit par un incendie en 1927.
Banquier, gros propriétaire foncier, Chenest acheta en 1871 un des hôtels des maréchaux de la place de l’Étoile [aujourd’hui place Charles De Gaulle], au 3 rue de Tilsitt. Membre de la Société de l’Histoire de France, il mourut à Paris (IXe) le 3 mars 1880.
La plus grande partie de sa bibliothèque, formée d’ouvrages précieux acquis au mois de mars 1848 parmi ceux que les événements forçaient le directeur du Journal des débats, Armand Bertin (1801-1854), de vendre, a été dispersée le 4 mai 1853.
Catalogue d’une petite collection de livres rares et précieux, anciennes poésies, romans de chevalerie, chroniques, manuscrits, etc., provenant du cabinet de M. A. C. (Paris, J. Techener, 1853, in-8, [3]-[1 bl.]-III-[1 bl.]-48 p., 302 lots).
Ce catalogue est de peu d’étendue, mais il n’est guère d’articles qui ne soient d’une importance extrême, splendidement reliés : « Peu de ventes ont mérité à un degré égal, d’être suivies par les hommes distingués qui s’occupent de bibliographie ; bien des volumes qui se rencontreront là, ne passeront sans doute pas de longtemps sous les yeux. », écrit Techener en tête du catalogue. Cette collection a produit 47.149 francs, en trois vacations.
Parmi les manuscrits :
un Missel du xiiie siècle sur vélin, in-4 orné de 46 miniatures, avec la musique notée qui accompagne les prières, dans une reliure de Bauzonnet-Trautz en velours vert, tranches dorées, avec fermoirs en vermeil formant fleurs de lys (n° 12, 950 fr.) ; un autre Missel du xive siècle sur vélin, in-4 contenant 28 petites miniatures, dans une reliure en velours cramoisi, tr. ciselée, avec fermoirs en vermeil enrichis de pierres fines (n° 13, 2.000 fr.) ; Preces piae, in-8 du xve sur peau de vélin, orné de 15 miniatures, dans une reliure en velours bleu, provenant d’une ancienne vente de Bourdillon (n° 16, 1.030 fr.) ; Legenda sanctorum, in-8 du xive sur vélin, exécuté en Italie, avec 24 miniatures, dans une reliure de Bauzonnet en maroquin citron, fil. à comp. entrelacés à la Grolier, doublé de vélin blanc, mosaïque, tr. d. ciselée (n° 36, 1.000 fr.) ; Aeneas Sylvius [Pie II], in-4 sur vélin, orné de 11 miniatures, rel. velours rouge, provenant de la vente du sénateur Grivaud la Vincelle et de celle de Didier-Petit de Lyon (n° 221, 1.475 fr.).
Parmi les imprimés :
Aristoteles opera, imprimé à Venise chez Alde Manuce, en 1495-1498, 5 t. en 6 part. in-fol., dans une riche et belle reliure de Capé en mar. vert, fil. à comp. avec l’ancre, tr. dor. (n° 38, 1.300 fr.) ;
Essais de Michel de Montaigne, édition seconde, Bordeaux, S. Millanges, 1582, in-8, mar. v., fil., dos à la Duseuil, tr.dor., Trautz-Bauzonnet (n° 43, 220 fr.) ;
L’Œuvre de Jean Berain, dessinateur du Roi, composé de 138 pièces, in-fol. dans une reliure d’époque en veau brun (n° 68, 1.075 fr.) ;
Compost et Calendrier des bergers, Paris, Guy Marchant, 1500, in-fol. goth., fig. en bois, dans une des plus belles reliures de Niedrée, mar. vert, riche dorure à filets composés, doublé de mar. rouge, riches compart., dent., tr. dor. (n° 88, 475 fr.), qui fera 1.850 fr. en 1867 à la vente Yemeniz (n° 961) ;
Phebus des deduiz de la chasse des bestes sauvaiges et des oyseaux de proye, rarissime édition in-fol. goth. imprimée à Paris par Jean Treperel à la fin du xve dans une reliure mar. r., fil., large dent., tr. dor. de Bauzonnet-Trautz (n° 94, 1.605 fr.) ;
Ficheti rethoricorum libri, in-4 imprimé vers 1471 à la Sorbonne, par Gering, Crantz et Friburger (n° 100, 530 fr.) ;
Virgilius, Venise, Alde, 1528, in-8, mar. br., fil., reliure à comp. à la Grolier, tr. dor., de Capé (n° 102, 335 fr.) ;
Lespinette du jeune prince conquérant le royaulme de bonne renommée, impr. à Paris pour Vérard en 1508, in-fol., goth., mar. cit., comp., fil., tr.d., reliure en mosaïque de Niedrée qui a figuré à l’exposition de 1844 (n° 121, 585 fr.) ;
Le Romant de la rose, édité par Galliot du Pré en 1529, in-8, fig. sur bois, mar. v., fil. à riches comp., à petits fers, tr. d., doublé de mar. r., dent., de Thouvenin (n° 122, 385 fr.), acquis 160 fr. à la vente de la bibliothèque Saint-Mauris en 1849 (n° 630) ;
Les Œuvres de Me Alain Chartier, in-8 édité par Galliot du Pré en 1529, dans une reliure de Bauzonnet-Trautz, mar. r., fil. à comp., dorure à petits fers, doublé de mar. r., large dentelle à petits fers (n° 123, 510 fr.), acquis 551 fr. à la vente de la bibliothèque Saint-Mauris en 1849 (n° 636) ;
Saingelais, œuvres de luy, Lyon, Pierre de Tours, 1547, in-8, mar. v., à comp., tr. d., édition rarissime dans une reliure de Niedrée (n° 129, 1.258 fr.) ;
Chronique et histoire faicte et composée par révérend père en Dieu Turpin, archevesque de Reims, imprimée à Paris par Pierre Vidoue pour Regnault Chauldière en 1527, in-4 goth., mar. r., tr. d., doublé de mar. bleu, riches comp., dent., dorures à petits fers, chef-d’œuvre de reliure de Bauzonnet-Trautz (n° 166, 610 fr.) ;
Le Recueil des histoyres troyennes, Lyon, Jacques Maillet, 1494, édition in-fol. très rare, une des plus remarquables productions ornées de gravures sur bois, dans une reliure de Bauzonnet-Trautz en mar. r., fil., comp., dent., tr. d. (n° 168, 400 fr.) ;
très rare et très belle édition de Cy finist le livre des faiz de messire Bertrand du Guesclin, in-fol. goth., s.l., s.d., fig. en bois, mar. r. de Bauzonnet, fil., tr. d., doublé de mar. vert, dent. (n° 169, 800 fr.) ; rare et magnifique exemplaire in-fol. goth. à 2 col., avec fig. en bois, de Cy fine le livre intitulé le Triumphe des neuf preux, imprimé à Paris, pour Michel Le Noir, 1507, dans une reliure de Bauzonnet-Trautz, mar. gr., fil. à comp., riche dorure sur les plats (n° 171, 900 fr.) ;
fort rare in-fol. goth. à 2 col. et fig. en bois de la Très-plaisante et récréative histoire du très-preux et vaillant chevalier Perceval le Galloys, imprimé à Paris pour Jean Sainct-Denys en 1529, reliure de Bauzonnet-Trautz, mar. r., fil., tr. d., doublé de mar. bleu, fil., dent. (n° 172, 710 fr.) ;
Le Trésor de la cité des dames, in-fol. goth. superbe et rare, imprimé à Paris en 1497 pour Vérard, reliure de Bauzonnet-Trautz, mar. bleu, dent. à petits fers, tr. d. (n° 173, 1.255 fr.) ;
Hystoire de deux vrays amans, Eurial et Lucresse, s.l., s.d., in-4 goth., fig. en bois, de la plus grande rareté, mar. br., fil. à comp., mosaïque, tr. d., de Niedrée (n° 174, 680 fr.) ;
Origine delli volgari proverbi, di Aloyse Cynthio de gli Fabritii, Vinegia, Bern. et Matth. Vitali, 1527, in-fol., mar. r., fil., tr.d., de Bauzonnet, exemplaire de Libri, regardé comme le plus beau connu (n° 214, 670 fr.), payé 575 fr. à la vente Libri, en 1847 (n° 1.498) ;
Collection d’ouvrages français en vers et en prose, imprimée par ordre du comte d’Artois, Paris, Didot, 1780-1784, 64 vol. in-18, tirée à 60 ex., mar. bleu, dent., tr. d., de Bozerian, ex. vendu 712 fr. à la vente Chénier, acheté par Pixerécourt (n° 228, 480 fr.) ;
Racolta di poemetti italiani stanze, réunion dans un seul volume in-4 de petits poèmes italiens et opuscules en vers, imprimés de 1518 à 1524, la plupart à Venise par Fr. Bindoni, achetée 1.050 fr. à la vente Crozet en 1841, mar. v., fil. et comp., large dent., tr. d., reliure de Bauzonnet dans le goût italien du xvie (n° 230 bis, 1.360 fr.) ;
Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, Paris, Lequien, 1822, 7 vol. in-8, mar. bleu, fil. comp à la Duseuil, grand papier vélin, rel. de Niedrée (n° 236, 500 fr.) ;
C. Sallustii, de conjuratione Catilinae et de bello Jugurthae, historiae, Venise, 1546, in-fol., fig. en bois, rel. ancienne en mar. br., fil., tr. d., dent., portant sur les plats « Maioli et amicorum » (n° 240, 295 fr.) ;
Rob. Gaguini compendium super Francorum gestis ab ipso recognitum et auctum, Paris, Th. Kerver, 1500, in-fol., mar. r., fil. tr. d., Bauzonnet, précieux exemplaire imprimé sur peau de vélin, la plus belle édition, la plus complète et la plus recherchée (n° 247, 651 fr.) ;
première édition d’une rareté extrême des Chroniques de France, Paris, Pasquier Bonhomme, 1476, 3 in-fol. goth., mar. r., fil., tr. d., de Purgold (n° 248, 3.605 fr.) ;
Les Vies des hommes illustres, par Plutarque, transl. de grec en français par Amyot, Decade, par Allègre, Paris, Vascosan, 1567-1574, ensemble 14 vol. in-8, rel. Derome, mar. r., fil., tr. d., superbe exemplaire de Nodier (n° 292, 521 fr.), vendu 17.500 £ le 4 juin 2008, par Christie’s, à Londres.
Belle histoire ... un homme qui a voyagé en camion de luxe si on peut dire ...
RépondreSupprimerSympa ces bibliophiles du CAC40 d'un autre âge ! Mais je te lance un défi : fais-nous l'histoire d'un brave bibliophile, né pauvre, mort pauvre, pauvre bibliophile et riche de livres ... (j'en connais au moins un - sourire).
Bon je dis pas RMIste non plus (faut pas pousser) mais si on pouvait varier de temps en temps des "fils de" XXX, maire de XXX, propriétaire du château de XXX ... ça doit être possible non ?
A prendre avec tout l'humour dû à ton rang bien évidemment !
Et meilleurs voeux (de pauvreté) pour 2013 !
B.
Je te comprends.
SupprimerPas facile à trouver, mais je vais le trouver, pour le prochain message.
Bonjour,
RépondreSupprimerc'est difficile de monter une bibliothèque remarquable sans avoir de gros moyens.
Je crois que ça a toujours été le cas!
Si l'on reprend le Plutarque (pour l'avoir eu en main, il était superbe d'ailleurs!), on note qu'il a appartenu à Nodier.
Je ne sais pas trop s'il avait une fortune personnelle. Comme bibliothécaire de l'Arsenal, je doute qu'il ait fait fortune... Mais peut-être ses publications lui rapportèrent suffisamment de revenus pour réunir la collection qu'on lui connait.
C'est peut-être un nom à creuser!
Dans le style "flamboyant", j'aime beaucoup une réflexion de La Valliere :
"On ne me verra jamais difficile sur aucun marché"
Tout est dit non? :))
Cordialement,
Wolfi
L'angélisme et l'envie nous poussent à imaginer que l'on puisse se constituer une belle bibliothèque sans argent. Je gage que Jean-Paul aura bien du mal à nous convaincre qu'un bibliophile impécunieux ait pu, un jour, remplir ses rayonnages sans l'aide d'un héritage ou au détriment du bonheur de sa famille.
RépondreSupprimerUn sens aigu du commerce et une absence totale de scrupules ne suffisent même pas au libraire que je suis ;-)) Pierre
Antoine Rochebilière ne pourrait-il être un bon candidat pour ce que cherche Bertrand ?
RépondreSupprimerGuillaumus
Oui, mais j'ai plus modeste.
SupprimerRochebilière, bien que d'origine modeste, devint assez rapidement un privilégié, du moins au point de vue matériel.
C'est quoi une "bibliothèque remarquable" Wolfi ? Une bibliothèque qu'on remarque ou qui sert à se faire remarquer ? Si la bonne réponse est la première proposition, on peut remarquer une bibliothèque pour bien des choses qui n'ont ni armes, ni maroquin, ni provenance, ni cherté, une certaine cohérence et la transpiration d'une passion, aussi simple soit-elle peut suffire. Mais en parlerait-on ici ? c'est vrai que c'est peu probable.
RépondreSupprimerJe suis certain que Jean-Paul va trouver ! (sourire)
B.
Bertrand,
RépondreSupprimerje ne me pose pas la question par ce biais : pour moi pour qu'elle soit remarquable, il faut qu'il y ait un attrait personnel. Quelque chose qui te fasse rêver...
Je m'explique : une collection constituée de toutes les éditions de Candide est certes remarquable, mais n'est pas à mes yeux une collection remarquable.
La bibliothèque Nodier, ça c'est une collection remarquable : chaque exemplaire est choisi, et l'on n'en rencontre plus guère de nos jours de cette qualité malheureusement.
Chacun sa propre sensibilité...
Mais je suis d'accord avec toi qu'on peut être contenté par une collection d'une grande cohérence, style Chadenat.
Mais bon c'est pas trop mon truc...
Perso, je préfère La Vallière, Mac Carthy Reagh ou Rahir !!
Cordialement,
Wolfi
Certes Wolfi, Rahir, je suis d'accord ! (sourire). Beaucoup moins pour La Vallière (affaire de goût).
RépondreSupprimerJe reste convaincu qu'on peut goûter les plaisirs de la bibliophilie à tous les niveaux, de la collection in extenso des Nelumbo de chez Guillaume / Borel à la fin du XIXe s. à la série en maroquin rouge des EO des auteurs romantiques ... la question des moyens est cruciale pour aller vite et bien, sans cela, il faudra plus de temps et s'interdire ce que tout le monde cherche.
Mais "tout le monde" forme-t-il un goût sûr ou une mode affirmée ?
B.
Faut-il vraiment chercher ce que tout le monde cherche ? Ne vaut-il pas mieux se laisser guider par ses propres goûts que s'imposer de suivre une mode ?
SupprimerC'est là où je voulais en venir Jean-Paul ! Si tous les riches qui ne veulent plus payer autant d'impôts venaient en Bourgogne au lieu d'aller en Belgique, en Suisse ou à Monaco, ma région serait riche ! mais voilà ... la mode ! encore la mode ! (sourire).
SupprimerB.