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Carte de Cassini |
D’une famille d’ouvriers agricoles à Sommelans
[Aisne], Jean-Nicolas Barba y est né le 23 janvier 1769, fils de Nicolas Barba
(1746-1822) et de Marie-Jeanne Barrast (1744-1782), mariés le 23 janvier 1769,
après s’être fait la cour pendant cinq ans.
Jean-Nicolas Barba fut envoyé en apprentissage chez
Ledru, peintre et vitrier, à Gandelu [Aisne], dont le seigneur était le duc
Louis-Joachim Potier de Gesvres (1733-1794).
En 1785, Barba partit pour Paris où il arriva
chez Honoré-Clément Dehansy, libraire sur le Pont-au-Change [IVe],
qui lui donna l’adresse de son oncle, frère cadet de son père, qui exerçait
l’état d’assembleur [qui assemble des feuillets ou des cahiers dans l’ordre,
pour constituer un livre].
Angle de la rue Pavée [rue Séguier] et du quai des Augustins |
Jugeant son oncle trop sévère, Barba le quitta pour
entrer chez Pierre-Michel Lamy (1752-v. 1829), libraire, quai des Augustins
[quai des Grands Augustins, VIe].
Drapeau d'ordonnance |
Sur un coup de tête, il s’engagea en 1788 dans le
régiment de Boulonnais, en garnison à Cambrai [Nord] depuis le mois de mars. La
Révolution ne tarda pas à éclater, entraînant le soulèvement d’une partie de
l’armée, dont le régiment de Boulonnais, qui déserta presqu’entier : Barba
déserta le 30 août 1789 et rejoignit Paris.
Arrivé dans la capitale, il s’enrôla dans le
district du quartier des Filles-Saint-Thomas, caserné dans l’hôtel Richelieu
[détruit], rue Neuve-Saint-Augustin [rue Saint-Augustin, IIe], puis
fut engagé dans la compagnie Catol, 4e division, faubourg
Poissonnière [Xe].
Après quelques mésaventures qui le conduisirent pour
un mois à la prison de l’Abbaye, place Sainte-Marguerite [boulevard
Saint-Germain, VIe, démolie en 1854], il s’associa avec un
colporteur d’un village près de Bavay [Nord], qui vendait des mauvais livres
édités par Charles Lehoucq (1748-1830), libraire à Lille [Nord]. L’association rapidement
rompue, il partit pour la foire de Saint-Remi à Reims [Marne], où il ouvrit une
boutique, que les libraires de la ville réussirent à faire fermer en quelques
jours.
Plan du Palais-Royal en 1818 Photographie BnF |
De retour à Paris, il s’établit libraire, le 1er
février 1791, au Palais-Royal [Ier], dit alors « Palais de la
Révolution » ou « Jardin de la Révolution », dans la galerie
vitrée, située au bout des galeries de bois et conduisant au Théâtre-Français, alors
Théâtre de la République
« En m’établissant en 1791, j’avais deux
cents francs, après avoir donné cent cinquante francs pour six mois d’avance.
Le Prieur [Pierre-Sébastien Le Prieur (1758-1834)] me fit crédit de cinquante
francs sur cent que je lui achetais de livres, et le bon Maradan [Claude-François
Maradan (1762-1823)] me fit aussi crédit de cent francs. Bance père [Jacques-Louis
Bance (1761-1847)] me vendit à crédit la Vie de Marie-Antoinette pour
deux mille francs. Je fis en tremblant vingt billets à ordre, et je réussis.
[…] Puis vint mon père nourricier, Pigault-Lebrun, le Cuisinier royal
avec lequel j’ai gagné cent mille francs. J’ai imprimé sept millions
d’exemplaires de pièces de théâtre ; je ne réussissais pas toujours. […] Quant
aux livres, je réussissais presque toujours, jusqu’aux Œuvres d’Alex. Duval. »
(Souvenirs de Jean-Nicolas Barba, ancien
libraire au Palais-Royal. Paris, Ledoyen et Giret, 1846, p. 175-176)
En 1793, année de la mort de Marie-Antoinette
Cailleau, veuve de Nicolas-Bonaventure Duchesne (1710-1765), libraire rue
Saint-Jacques [Ve], Barba aurait racheté le fonds de théâtre de la
maison Duchesne.
Rue Gît-le-Coeur, vue de la rue Saint-André-des-Arts (septembre 2018) |
Rue Gît-le-Coeur A gauche : Bouton, relieur, est au n° 12 ; Gennequin est au n° 6 ; Brunet est au n° 4. A droite : Barba est au n° 15. Photographie Charles Marville (1866) |
Il rencontra le romancier prolifique Guillaume-Charles-Antoine Pigault de l’Épinoy, dit « Pigault-Lebrun » (1752-1835), avec lequel il fit ses premières affaires en lui achetant des comédies en 1793 – Charles et Caroline, ou les Abus de l’Ancien Régime – et en 1794 : Les Dragons et les Bénédictines et Les Dragons en cantonnement, ou la Suite des Bénédictines. Par la suite, Barba édita tous les ouvrages de Pigault-Lebrun, dont la vente s’éleva à plus de 600.000 francs, et le proclama son « père nourricier ».
Dès 1793, Barba ouvrit également un
« Magasin de pièces de théâtre » au 27 rue Saint-André-des-Arts [VIe],
dans un hôtel particulier du XVIIe
siècle, dit « hôtel Duchesne » [construit pour l’historien André
Duchesne], voisin de la maison [n° 29, détruite] du célèbre notaire bibliophile
Antoine Boulard (1754-1825).
Avant d’acheter 49.000 pièces de théâtre à
Maradan, en 1795, Barba en édita quelques-unes avec lui, dont Robert chef de
brigands et Le Tribunal redoutable, en 1793, par Jean-Henri
Lamartelière.
En 1796, la veuve de Philippe Fabre d’Églantine,
au nom de son fils, mineur, a fait saisir une contrefaçon de L’Intrigue
épistolaire chez Barba, qui fut poursuivi (Les Tribunaux civils de Paris
pendant la Révolution. Paris, Léopold Cerf, Noblet et Quantin, 1907, t. II,
1ère partie) :
-
le
5 floréal An IV [24 avril 1796], pour avoir contrefait, vendu et distribué
l’ouvrage dramatique dit L’Intrigue épistolaire, comédie en cinq actes
dont était l’auteur le feu Fabre d’Églantine, Barba fut condamné à payer à la
veuve Fabre d’Églantine une somme équivalente à la valeur de 3.000 exemplaires
de l’édition originale, ce qui sera évalué par experts ; le tribunal
ordonna la confiscation des exemplaires contrefaits saisis.
-
le
24 thermidor An V [11 août 1797], pour avoir contrefait un ouvrage dit L’Intrigue
épistolaire, dont le feu citoyen Fabre d’Églantine était l’auteur, Barba
fut condamné à 3.000 livres, pour la valeur de 3.000 exemplaires dudit
ouvrage ; les exemplaires saisis furent confisqués au profit de la veuve
Fabre d’Églantine.
-
le
5 ventôse An VI [23 février 1798], vu le procès-verbal dressé le 7 pluviôse An
IV [27 janvier 1796] par le commissaire de police de la division du
Théâtre-Français constatant qu’il s’est trouvé dans le magasin de Barba 132
exemplaires contrefaits de l’imprimé intitulé L’Intrigue épistolaire,
comédie en cinq actes de Fabre d’Églantine, et attendu que Barba est convenu
d’avoir rendu 2 exemplaires à différents prix, mais qu’il n’est pas prouvé
qu’il soit lui-même contrefacteur, Barba fut condamné à payer à la veuve Fabre
d’Églantine la somme de 500 francs à laquelle elle a fixé elle-même, à raison
d’un franc par exemplaire, la valeur de 500 exemplaires ; les 132
exemplaires saisis furent confisqués au profit de la veuve.
Au Petit Dunkerque, 3 quai Conti Eau-forte par Ernest Laborde. In Gazette des beaux-arts, février 1913, p. 158 |
En 1798, Barba déménagea son Magasin de pièces de
théâtre dans la maison « Au Petit Dunkerque » [détruite en 1913], 3 quai
de Conti [VIe], en face du Pont Neuf, au coin de la rue de Nevers, ancienne
boutique de Charles-Raymond Granchez, bijoutier de la reine Marie-Antoinette.
En 1800, Barba s’installa définitivement au
Palais-Royal, alors Palais du Tribunat, dans la galerie derrière le Théâtre-Français.
Barba avait épousé Marie-Françoise-Lucie Cavanagh
(† 1815) le 8 juin 1793. Ce mariage n’a pas été heureux. Il y avait entre les
époux incompatibilité d’humeur et, après quelques années de mariage, ils
avaient cessé de vivre ensemble. Ils divorcèrent le 3 germinal An XI [27 mars
1803].
Marie-Françoise Cavanagh ouvrit alors une
librairie 5 passage des Panoramas [IIe], devint libraire du Théâtre
des Variétés, puis déménagea en face de ce Théâtre, 2 boulevard Montmartre [IXe].
Le 5 fructidor An XI [23 août 1803], Marie-Françoise
Cavanagh accoucha de Henri-Frédéric Barba.
Le 13 brumaire An XII [4 novembre 1803], Barba présenta
à l’état-civil, comme né de lui et d’Adélaïde Cavanagh, sœur de son ex-épouse,
Gustave-Émile Cavanagh, dit « Barba » : cette déclaration
impliquait un inceste, puisqu’en 1803 le mariage était prohibé de manière
absolue entre le beau-frère et la belle-sœur, sans même qu’il fût possible de
lever l’interdiction.
Jean-Nicolas Barba In Souvenirs. Paris, Ledoyen et Giret, 1846 |
Spécialisé dans le théâtre et éditeur de
Pigault-Lebrun, Barba fut aussi acteur au Théâtre de la Cité, place du Palais
de Justice [IVe], et agent dramatique, ce qui lui permit de faire
d’importants profits :
« Voyez, par exemple, ce gros monsieur, à la
figure épanouie, à l’air franc et ouvert, qui vient de terminer ses comptes, de
donner sa signature, et qui sort un sac d’argent à la main. Vous croyez sans
doute que c’est quelque gai successeur de Panard et de Désaugiers, le soutien
de quelque théâtre chantant, le géant du couplet de facture.
Détrompez-vous : ce gros monsieur, c’est M. Barba.
-
M.
Barba ! me direz-vous en faisant un bond ; M. Barba, auteur !
Pour qui me prenez-vous ? Je sais que M. Barba est l’éditeur de la
Cuisinière bourgeoise, des romans de Pigault-Lebrun, du Cuisinier royal,
des mélodrames de M. Pixérécourt [sic], et de douze à quinze cents pièces de
théâtre. Mais M. Barba, auteur ! Vous voulez rire ?
-
En
effet, M. Barba n’est pas auteur ; ce qui ne l’empêche pas de venir tous
les mois toucher une somme assez ronde chez l’agent dramatique ; et voici
comment :
Un vaudeville, un mélodrame a-t-il réussi sur
l’un de nos théâtres, M. Barba offre du manuscrit trois, quatre, cinq cents
francs, selon le succès.
-
Jusque
là, me direz-vous, rien de mieux. Il fait son métier de libraire. Seulement il
offre peu.
-
Oui,
mais un instant. Voici venir le spéculateur. M. Barba, vous dis-je, offre
trois, quatre ou cinq cents francs du manuscrit, somme que vous trouvez fort
modique ; mais il l’offre à condition que vous lui céderez le tiers de
vos droits d’auteur en province. Comprenez-vous maintenant ?
-
Mille
fois trop ! vous écriez-vous. Mais c’est une horreur ! c’est un
marché de dupe !
-
Attendez !
car il faut voir la question sous toutes ses faces. S’il y a avantage pour le
libraire, et avantage énorme, peut-être aussi n’y a-t-il pas dommage complet
pour l’homme de lettres, et voici comment. Vous comprenez que M. Barba, acquéreur
d’une pièce nouvelle aux conditions que je viens de vous décrire, se hâte d’en
adresser des exemplaires aux directeurs de tous les théâtres de France, avec
une recommandation de sa propre main ! Et vous sentez ce que ce doit être
qu’une recommandation de M. Barba ! Aussi un mois après, le nouveau
chef-d’œuvre est-il à l’étude au Nord et au Midi ; on le répète à
Marseille et à Cambrai ; on le joue partout. M. Barba apporte dans ses
intérêts dramatiques toute son activité de commerçant ; il expédie les succès,
franc de port, par toute la France ; il fait voyager par le roulage
accéléré la tirade et le couplet, le marivaudage et le gros comique, le rire et
les sanglots ; il ne néglige pas la plus petite bourgade, pourvu qu’elle
ait un théâtre. La France ne sait vraiment pas tout ce qu’elle a d’obligations
à M. Barba, ce grand pourvoyeur de ses plaisirs. Il résulte de cette
sollicitude de l’infatigable éditeur, que si les droits de l’auteur sont
diminués, ils sont plus fréquents ; que s’il touche moins dans chaque
ville, il touche dans presque toutes : cela se compense. Je ne parle pas
de l’avantage d’être représenté dans tous nos départements, d’être adulé,
prôné, encensé, dans les circulaires de M. Barba, et au bas de ses
factures : au temps où nous sommes, on tient si peu à la gloire !
Qu’il me suffise de vous avoir prouvé qu’entre M. Barba et les auteurs qui
traitent avec lui, les profits se balancent.
-
Oui ;
mais je vois aussi qu’au bout de six mois, M. Barba, rentré dans ses déboursés,
s’est créé un revenu durable et certain ; que la somme qu’il offre n’est
pas en rapport avec les bénéfices qu’il en retire, et que, moyennant ce genre
de spéculation, c’est une véritable dîme qu’il prélève sur les travaux de nos
auteurs dramatiques, sur les veilles de nos écrivains.
-
Permis
à vous de le dire ; mais M. Barba n’impose à personne ses
conditions ; libre à tout le monde de les rejeter : il ne fait point
signer ses traités au coin d’un bois, et le pistolet à la main ; cela
s’opère à l’amiable, et de gré à gré. Si nos auteurs veulent l’enrichir, qu’y
trouvez-vous à redire ? Et puis vous ne songez qu’aux bénéfices ; il
faut aussi songer aux pertes, aux non-valeurs, aux chutes de province, aux
banqueroutes !
-
Laissez-moi
donc tranquille ! Voyez donc seulement cet air de jubilation ! voyez
la rotondité de ce sac d’écus ; voyez ce sourire qui annonce l’abondance
de la récolte et la douce prévision de l’avenir ! Je vous dis que M. Barba
mourra millionnaire, et dans l’impénitence finale.
-
Dieu
vous entende ! dirait-il, s’il connaissait le vœu que vous formez. »
(Léon Halévy. « Une agence
dramatique ». In Paris, ou le Livre des cent-et-un. Paris,
Ladvocat, 1832, t. IX, p. 299-302)
Photographie Archives de Nantes |
Outre d’innombrables pièces de théâtre, Barba édita,
en particulier :
Photographies BnF |
La Religieuse, par Diderot (avec Le Prieur,
An V-1797, 3 vol. in-12) ; Des calembourgs comme s’il en pleuvoit
(An VIII-1800, in-16)
Photographie G.F. Wilkinson, San Francisco |
et Angotiana, ou Suite des calembourgs comme
s’il en pleuvoit (An IX-1801, 6e édition), par Armand Ragueneau
de la Chainaye ;
Les Nouveaux Savans de société (An IX-1801),
attribué à S.-J. Ducœurjoly ;
Photographie Thierry Corcelle |
Les Sérails de Londres (An IX-1801, 2
vol. in-16) ;
Photographie Médiathèque Fontainebleau |
Histoire de Bonaparte (An IX-1801) et Histoire du
général Moreau (An X-1801) ;
Photographie Bertrand Hugonnard-Roche |
Vie philosophique, politique et littéraire de Rivarol (An X-1802, 2 vol. in-12), par Sulpice de la Platière ;
Abrégé chronologique de la révolution de France (An
X-1802, 3 vol. in-12), par Antoine Fantin-Desodoards ;
Vie de
Chrétien-Guillaume Lamoignon Malesherbes (An X-1802), par Alphonse Martainville ;
L’Ami des femmes (1804), par P. J. Marie de Saint-Ursin ;
Souvenirs
de Paris (An XIII-1805, 2 vol. in-12), par Auguste Kotzebue ;
Le
Cuisinier impérial (1806, in-8) - dont le titre devint Le Cuisinier
royal en 1814 -, par André Viard ;
Fêtes du mariage de S. M. l’Empereur
Napoléon-le-Grand avec la princesse Marie-Louise (1810).
Photographie Musée Médard |
Ligue des nobles et des
prêtres contre les peuples et les rois (1820, 2 vol. in-8), par Paul de
P. ;
Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse (1821), par Charles
Nodier ;
Œuvres de L. B. Picard (1821-1823, 10 vol. in-8) ; Œuvres
complètes d’Alexandre Duval (avec Chasseriau, 1822-1823, 9 vol. in-8) ;
Œuvres complètes de Pigault-Lebrun (1822-1824, 20 vol. in-8) ; Histoire
de France, abrégée, critique et philosophique (1823-1828, 8
vol. in-8) ;
Dictionnaire théâtral (1824, in-16), par François
Harel, Maurice Alhoy et Auguste Jal ; Dictionnaire historique de Paris
(1828, 2e édition, 2 vol. in-8), par Antony Béraud et P. Dufey ;
Histoire philosophique de Marc-Aurèle (1830, 2e édition, 4
vol. in-8), par feu Louis Ripault ;
Almanach perpétuel des gourmands
(1830, 6e édition, in-18) ;
Rabelais analysé (1830), par
Francisque Michel ;
La Ruine de Missolonghi (avec Garnier et
Blosse, 1836), par Alphonse Muzzo Mauro.
À partir de 1824, Barba fut également le premier
éditeur des œuvres de Charles-Paul de Kock (1793-1871).
Barba fut impliqué dans divers procès l’opposant
à des auteurs ou à des éditeurs, et fut également condamné pour outrage à la
morale publique et religieuse :
-
le
26 juin 1821, Victor Ducange fut condamné à 6 mois d’emprisonnement et à 500
francs d’amende, pour avoir composé, fait imprimer, publier, vendre et
distribuer Valentine, ou le Pasteur d’Uzès (Paris, J.-N. Barba, 1820,
3 vol. in-12) ; la cour a en outre déclaré définitive la saisie de
l’ouvrage et a ordonné la suppression et la destruction des exemplaires saisis,
ainsi que de tous ceux qui pourraient l’être ultérieurement.
-
le
3 décembre 1824, Barba a été condamné à 1 mois de prison et 520 francs d’amende,
pour avoir fait réimprimer, publier et distribuer Monsieur de Roberville
(1824, 4 vol. in-12). Sur l’appel de ce jugement, la Cour royale de Paris, par
arrêt rendu le 15 janvier 1825, a infirmé ledit jugement et déchargé Barba des
condamnations prononcées contre lui, attendu qu’il a pu être induit en erreur
par une édition publiée en 1818 ; mais néanmoins la Cour a maintenu
l’ordre que les exemplaires saisis et tous ceux qui seraient trouvés par la
suite, seraient supprimés et mis au pilon.
-
le
25 juin 1825, Barba a été condamné à 8 jours d’emprisonnement, 16 francs
d’amende et aux dépens, pour avoir fait imprimer, publier et vendre L’Enfant
du carnaval (1824, 3 vol. in-12) ; le même jugement ordonna que les
exemplaires saisis soient confisqués pour être détruits.
Une ordonnance royale du 7 août 1825 retira à
Barba son brevet, mais il continua à exercer son état de libraire en
s’associant à Théophile Grandin, pourvu d’un brevet depuis le 20 novembre 1820.
Des poursuites furent alors dirigées contre Barba, comme exerçant la librairie
sans brevet, et le Tribunal correctionnel les condamna le 5 juillet 1826 tous
deux à 500 francs d’amende, pour avoir éludé le règlement de la librairie de
1723, au moyen d’un acte de société simulé, par lequel Grandin s’établissait en
réalité le prête-nom de Barba. Ils en appelèrent, et la Cour royale, par arrêt
du 19 avril 1827, a infirmé ce jugement en considérant que la loi ne défendait
pas à un libraire d’avoir un associé, et qu’ainsi il n’y avait pas de délit de
la part de Barba. Le ministère public s’est pourvu contre cet arrêt, et la cour
de cassation, dans sa séance du 28 juillet 1827, l’a annulé et a renvoyé
l’affaire devant la Cour royale d’Amiens, pour statuer sur la condamnation. La
Cour royale d’Amiens les a renvoyés des poursuites dirigées contre eux, par le
motif qu’aucune loi pénale ne pouvait leur être appliquée. Le ministère public
s’est pourvu en cassation contre cet arrêt. Le 13 février 1836, la Cour de
cassation rejeta le pourvoi.
« Les galeries de bois, appelées dans
l’origine Camp des Tartares, et la galerie adossée au Théâtre Français, ont
toujours été un sujet continuel d’alarmes. On eût appris avec autant de peine
que de surprise qu’elles avaient été la proie des flammes ; ce pronostic,
fondé sur la frêle construction des baraques qui déparent cette partie du plus
beau palais de la capitale, s’est réalisé dans la nuit du 28 au 29 octobre
1827, dans la galerie adossée au Théâtre Français. Le feu éclata vers 3 heures
du matin. Un soldat en faction dans la cour donna le premier signal d’alarme.
Les secours furent prompts, mais toute la partie qui longe la cour était déjà
consumée ; elle se composait de légers étalages en planches, occupés par
des marchands de chaussures. L’étalage de librairie de M. Lécrivain, établi sur
la partie intérieure de la cour, fut entièrement brûlé. Heureusement pour le
propriétaire, qu’il s’était fait assurer ; mais pour peu que les secours
eussent tardé, les lettres et le commerce subissaient une perte peut-être
irréparable ; la librairie de M. Barba était dévorée par les flammes. Déjà
toutes les boutiques en face ne formaient qu’un seul foyer. Les flammes
enveloppaient dans toute sa largeur la devanture du magasin de M. Barba ;
l’épaisseur et la solidité des volets et des portes, avaient résisté aux
premières atteintes du feu ; mais un instant plus tard, tout périssait. Le
même danger menaçait le magasin de comestibles de Chevet. Les huiles, les
liqueurs, tous les corps gras qui s’y trouvaient amoncelés, eussent augmenté
l’intensité et la violence de l’incendie, dont les ravages auraient bientôt
atteint le Théâtre Français, la galerie de tableaux et les appartemens du
prince. Echappée aux flammes par la prodigieuse rapidité et l’habile
application des secours, la librairie Barba fut endommagée par le jeu des
pompes. Tous les livres furent plus ou moins avariés, mais rien ne fut
entièrement détruit. Cette perte aurait dû désarmer la sévérité de la direction
de la police, qui, récemment, avait retiré à M. Barba son brevet de libraire, à
la suite d’un jugement qui l’avait condamné pour un ouvrage dont il était
éditeur depuis trente-cinq ans, et dont la publication n’avait jamais éprouvé
le plus léger obstacle.
Les renseignemens donnés sur la cause de ce
désastre l’attribuaient à l’imprévoyance de M. et madame Warnier, dont la
boutique avait été ou présumée être le premier foyer de l’incendie ; on
répétait qu’une chaufferette allumée y avait été oubliée, et qu’un chat resté
dans l’étroit magasin avait renversé cette chaufferette, dont la braise avait
promptement enflammé le plancher et le comptoir. Le fait, eût-il été prouvé, ne
constituait point délit d’incendie par imprudence. Les époux Warnier ont été
traduits en police correctionnelle. Un premier jugement ordonna une plus ample
information ; mais les nouvelles dépositions furent aussi vagues, aussi
insignifiantes que les premières, et au jugement du 16 janvier 1828 a renvoyé
M. et madame Warnier de la plainte portée contre eux. » [sic]
(Antony Béraud et P. Dufey. Dictionnaire
historique de Paris. Paris, J.-N. Barba, 1828, Seconde Edition, t. II, p.
685-686)
Construction de la galerie d'Orléans en 1829 [détail] |
L’incendie du Palais-Royal força Barba, au mois
de novembre 1827, de déplacer son magasin cour des Fontaines, entre la rue de
Valois et la rue des Bons-Enfants [passage de la Cour des Fontaines, Ier],
et au Magasin de pièces de théâtre, vis-à-vis le Café de la Régence, « À
la Civette », 210 rue Saint-Honoré [Ier]. Les embellissements
du Palais étant terminés dans la partie incendiée, le magasin y fut de nouveau
transféré, Grande Cour, derrière le Théâtre-Français, à partir du 1er
janvier 1829.
Catalogue 1830 Photographie BnF |
En 1834, Barba, Pierre-Joseph-Victor Bezou
(1795-1860) - boulevard Saint-Martin et 34 rue Meslay [IIIe] – et Charles-Alexandre
Pollet († 1834) – rue du Temple [IIIe] -, qui fut remplacé en 1835 par
Henri-Louis Delloye (1787-1846) – rue des Filles-Saint-Thomas [IIe],
près de la Bourse -, fondèrent La France dramatique au dix-neuvième siècle,
collection composée du répertoire de tous les théâtres de Paris.
Atteint de cécité, Barba se retira des affaires, après
avoir vendu son fonds de commerce, à son commis Christophe Tresse (1808-1867) :
« Suivant contrat passé devant Me
Halphen et son collègue, notaires à Paris, le 6 juillet 1839, enregistré, M.
Jean-Nicolas BARBA, libraire, demeurant à Paris, cour des Fontaines, n° 3, et
Palais-Royal, galerie de Chartres, n° 2 et 3, a vendu à M. Christophe TRESSE,
commis en librairie chez M. Barba, demeurant à Paris, cour des Fontaines, n°
3 ;
LE FONDS DE COMMERCE DE LIBRAIRIE exploité par M.
Barba au Palais-Royal, galerie de Chartres, n° 2 et 3, et composé notamment
de : 1° l’achalandage et la clientèle attachés audit fonds et au nom qu’il
porte ; 2° tous les meubles et objets mobiliers, et généralement tout le
matériel servant à son exploitation ; 3° tous les exemplaires des pièces
de théâtre, tant anciennes que modernes ; 4° tous les livres de fonds et
d’assortiment existant ; 5° la propriété de tous les ouvrages publiés
jusqu’à ce jour par M. Barba, ou dont il est éditeur ou propriétaire ; 6°
tous les livres, brochures, pièces mis en dépôt ou confiés en quelque lieu et à
quelque personne que ce soit ; 7° la propriété de tous les exemplaires de
la France Dramatique, appartenant à M. Barba ; 8° et tous les
droits de propriété, possession et jouissance appartenant à M. Barba dans la France
Dramatique, y compris la propriété des clichés et du matériel, sauf la
réserve qui a été faite par M. Barba au sujet de ladite France Dramatique :
le tout ainsi qu’il est expliqué audit contrat de vente ;
Cette vente a été faite moyennant cent
soixante-onze mille francs, sur lesquels M. Tresse a payé comptant quatre-vingt
mille francs ; pour le surplus de ce prix, payables aux époques indiquées
dans le contrat de vente, M. Tresse a souscrit soixante-douze billets à l’ordre
de M. Barba ; lesquels billets, acquittés à leurs échéances, vaudront
quittance à M. Tresse de son prix. »
(Feuilleton du Journal de la librairie, 13
juillet 1839, p. 3)
Jean-Nicolas Barba mourut à Paris, le 17 mai 1846,
après avoir publié ses Souvenirs (Paris, Ledoyen et Giret, 1846, 2
portraits).
Après avoir travaillé deux ans dans la librairie
de son père, Gustave-Émile Barba s’était installé en 1826, assembleur, satineur
et brocheur, au 33 rue de Seine [VIe]. Devenu éditeur et
« Propriétaire des œuvres de Pigault-Lebrun et de Paul de Kock », il
s’était établi 34 rue Mazarine [VIe] en 1831, puis déménagea 31 rue
de Seine en 1847, avant de se fixer 8 rue Cassette [VIe] en 1859.
Aussi
infatigable que son père, il s’occupa surtout, à partir de 1847, de
publications populaires à bon marché.
7 rue Christine (avril 2019) |
7 rue Christine Photographie Eugène Atget |
Atteint d’une cruelle et douloureuse
affection du pylore, il mourut le 15 mai 1867, en son hôtel - qui datait de
1771 -, 7 rue Christine [VIe], veuf de Lucie Noël.
Parmi ses publications : Œuvres complètes
du capitaine Marryat (1838-1841, 60 vol. in-12) ;
La Case du Père
Tom (1853), première traduction française, par Émile de Labédollière, de Uncle
Tom’s Cabin (Boston, 1852), par Harriet Beecher Stowe ; Géographie
universelle (s. d. [1853], 3 vol. in-4, ill. Gustave Doré), par Conrad
Malte-Brun ; Histoire de la guerre d’Orient (s. d. [1856], ill. par
Janet-Lange, cartes par A.-H. Dufour), par Labédollière ; Abd-el-Kader
(s. d. [1856], ill. par Janet-Lange), par Léon Plée ; Histoire des
environs du nouveau Paris (s. d. [1860], in-8, ill. par Gustave Doré,
cartes par Ehrard)
et Le Nouveau Paris. Histoire de ses 20 arrondissements
(s. d. [1860], gr. in-8, ill. par Gustave Doré, cartes par Desbuissons), par Labédollière ;
Histoire de la guerre d’Italie (s. d. [1860], ill. par Janet-Lange), par
Charles Paya ; Londres et les Anglais (s. d. [1862], ill. par
Gavarni), par Labédollière.
S. d. [1863] Photographie BnF |
Fils adultérin de Gustave-Émile Barba et de
Élise-Ismérie Coteau, Georges-Émile Barba avait succédé à son père dès 1862, 8
rue Cassette. Après avoir été breveté libraire le 24 mars 1863, il s’était
installé 7 rue Christine. Il fit beaucoup de librairie courante et n’eut pas,
comme éditeur, de spécialité particulière : ce fut lui qui édita l’Histoire
de la guerre du Mexique (s. d. [1863-1868], ill. par Janet-Lange et G.
Doré), par Labédollière.
Georges Barba mourut prématurément le 9 janvier
1877, à son domicile parisien, 63 boulevard Saint-Michel [Ve]. Sa
veuve, Nathalie-Claire Rochette, née le 19 janvier 1841 à Paris, mariée à Paris
[IXe] le 7 octobre 1867, céda le fonds de librairie, le 1er
mars 1877, à Jules Rouff (1846-1927).
In Oeuvres complètes de Casimir Delavigne. Paris, Delloye et Lecou, 1836 |
Henri-Frédéric Barba, relieur-libraire, 38 rue
Saint-Jacques [Ve], puis 4 rue des Poitevins [VIe], fut breveté
le 6 septembre 1831, tint une simple boutique de détail et réalisa quelques ouvrages
sérieux de science, de morale et d’histoire,
telle que Jésus devant Caïphe
et Pilate (1864), par André Dupin. Après qu’il eut appris que Gustave Barba
venait de céder sa librairie à son fils Georges, Henri leur contesta le droit
de porter le nom de Barba ; le Tribunal civil de la Seine jugea le 12
juillet 1866 :
« Attendu que la reconnaissance faite de
Gustave Cavanagh par Nicolas Barba étant nulle, ledit Gustave Cavanagh et son
fils Georges n’ont pas le droit de porter le nom de Barba […] ; - Dit que
Georges Cavanagh, sans qu’il puisse jamais prendre le nom de Barba, sera
néanmoins autorisé à mettre sur les livres qu’il publiera, sur les lettres et
annonces relatives à son commerce, toute mention indiquant que sa librairie
n’est autre que l’ancienne librairie Barba. »
(Bulletin de la Cour impériale de Paris,
1867, p. 823-826)
« Gustave et Georges Barba ont interjeté
appel de ce jugement. De son côté, Henri Barba en a interjeté appel incident,
et le fait seul de cet appel incident prouve que Henri Barba fait ce procès non
dans un intérêt de famille, mais dans un intérêt commercial et de concurrence
[…]. M. l’avocat général Sallé a conclu à la confirmation du jugement, tant sur
l’appel principal que sur l’appel incident.
La Cour, conformément à ces conclusions, a
confirmé. »
(Gazette des tribunaux, 25 juillet 1867,
p. 706-707)
Henri-Frédéric Barba mourut à Paris, à son modeste
domicile du 55 rue des Moines [XVIIe], le 11 février 1879.
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