samedi 26 octobre 2024

Le Livre érotique français au XVIIIe siècle

   La reproduction des articles est autorisée à condition d'en citer l'origine 



Le livre érotique traite de l’amour charnel, le livre pornographique traite de la luxure ou de la débauche. Le livre érotique suggère plus qu’il ne décrit : c’est ainsi qu’il se distingue, parfois mal, du livre pornographique.

« Il arrive qu’en nommant les choses, on les frappe en plein cœur d’un coup irrémédiable. C’est ce qui fait, par exemple, la pauvreté des romans pornographiques ; le contenu de ces livres se détruit lui-même. »

(Julien Green, Journal, 4 avril 1933, t. IV, p. 235)

 


La naissance du roman érotique en France date de la publication, sous l’anonymat, de L’Escole des filles, ou la Philosophie des dames (Leyden [Paris], s. n. [Louis Piot], 1655, in-12, frontispice gravé par François Chauveau, 300 ex.), où deux cousines discutent de thèmes sexuels : âge du mariage, organes génitaux, rapports sexuels, positions sexuelles, flagellation, taille des pénis, méthodes de contraception. Une perquisition a lieu le 12 juin 1655 chez l’auteur, Michel Millot, responsable du paiement de la solde des gardes suisses, qui est en fuite : 263 exemplaires auraient été brûlés avec l’effigie de l’auteur le 9 août suivant. Quelques exemplaires non saisis ont permis d’en faire des réimpressions en Hollande, entre 1665 et 1668. On ne connaît plus aujourd’hui d’exemplaire de l’édition originale.

Les livres érotiques, ces livres « incommodes, en ce qu’on ne peut les lire que d’une main » (Œuvres complètes de J. J. Rousseau. Paris, Verdière, A. Sautelet et C°, A. Dupont et Roret, 1826, « Les Confessions », p. 1046), appartiennent à la famille des « Erotica » ou des « Curiosa ». Ils faisaient partie des livres interdits, nommés « livres philosophiques » dans le jargon des libraires du XVIIIe siècle : à travers la débauche qu’ils décrivent, ils ridiculisent les aristocrates et les prélats, propagent les idées des Lumières et dénoncent la domination masculine.

La littérature érotique utilise souvent :

-  les mêmes procédés (le voyeurisme),

-  les mêmes stratégies narratives (autobiographie des courtisanes, dialogues entre vétérans du sexe et débutants innocents, pseudo-manuels, visites guidées des couvents et des abbayes [le mot « abbaye » désigne en argot une maison close]),

-  les mêmes noms de personnages (Agnès, Suzon),

-  les mêmes fausses adresses : exotiques (« A Constantinople ») ; irrévérencieuses (« A Rome, de l’imprimerie du Saint-Père ») ; imaginaires (« A Cythère, au Temple de la Volupté », « A Tribaldis, de l’imprimerie de Priape ») ; vulgaires (« A Gratte-mon-con, chez Henri Branle-Motte, rue de J’enconne au coin de celle des Déchargeurs, Au Vit couronné », « A Lèchecon, et se trouve dans les coulisses de tous les théâtres »).

Des auteurs complètement oubliés aujourd’hui exercèrent alors une influence considérable, probablement plus que les grands écrivains, chez lesquels existe une veine érotique ou pornographique (Les Lettres persanes, par Montesquieu ; La Pucelle, par Voltaire ; Les Bijoux indiscrets, par Diderot ; L’Éducation de Laure et Errotika [sic] Biblion, par Mirabeau).

Au XVIIIe siècle, c’est au Palais-Royal, haut lieu de la prostitution et du jeu, qu’on peut, à Paris, le plus facilement se procurer littérature et images érotiques.

Les livres les plus célèbres ont été l’objet de nombreuses publications, mais toujours avec des tirages faibles (moins de 1.500 exemplaires), le plus souvent dans des petits formats (in-12, in-16 ou in-18), souvent non illustrés au début ; dans les petits formats, ils sont souvent attribués fautivement au libraire parisien Hubert-Martin Cazin (1724-1795). Leurs premières publications, dans l’ordre chronologique :


 
Photographies BnF

Histoire de Dom B… portier des Chartreux, Ecrite par lui-même.

Rome [Amboise], Philotanus [Jérôme Légier], s. d. [1741], in-8, 18 fig.

Gravures anonymes, attribuées à Meyerhelm, officier suédois.

Histoire de la vie sexuelle d’un moine, Dom Bougre, qui désignerait le célèbre abbé Guyot-Desfontaines (1685-1745), connu pour ses querelles avec Voltaire, qui fut accusé de sodomie et séjourna en prison en 1724.

Attribué à Jean-Charles Gervaise de Latouche (1715-1782), avocat au Parlement de Paris : un de ses amis lui aurait fait supprimer beaucoup de détails excessivement orduriers. 


 

Les Lauriers ecclésiastiques, ou Campagnes de l’abbé de T*** [Terray].

Luxuropolis [Paris], Imprimerie ordinaire du Clergé, 1748, in-12. 

Pamphlet dirigé contre l’abbé Terray (1715-1778), favori de Madame de Pompadour et contrôleur général des finances, connu pour ses fredaines de jeunesse.

Attribué au chevalier Jacques Rochette de La Morlière (1719-1785), ancien mousquetaire et intrigant sans scrupule.

 

Photographies BnF


Thérèse philosophe, ou Mémoires Pour servir à l’Histoire du P. Dirrag, & de Mademoiselle Éradice.

La Haye, s. n., s. d. [1748], 2 parties en un vol. in-8, 16 fig.

Gravures attribuées au comte de Caylus (1692-1765).

Un des ouvrages les plus réédités au XVIIIe siècle : on recense près d’une trentaine d’éditions de 1748 à la Révolution française.

Roman inspiré d’un fait divers scandaleux : en 1730, un jésuite séduisit une jeune carmélite âgée de 17 ans qui l’avait pris pour guide spirituel. Le P. Dirrag expose la dichotomie entre l’esprit et la matière en ordonnant à son élève, Éradice, de détacher son âme de son corps au moyen d’exercices spirituels tels que soulever ses jupes pendant qu’il lui flagelle les fesses et qu’elle se concentre sur le Saint-Esprit. Après avoir été bien fouettée, Éradice est prête pour l’exercice ultime : le rapport sexuel. Le jésuite lui explique que, grâce à une relique – un fragment durci de la cordelière de saint François –, elle subira une forme pure de pénétration spirituelle. Alors qu’elle prie, presque à plat ventre, il la chevauche par-derrière. La scène est décrite par Thérèse, héroïne et narratrice du roman, qui en est témoin depuis une cachette.

Attribué au marquis Jean-Baptiste de Boyer d’Argens (1703-1771), officier attiré par les actrices de théâtre, qui eut une vie sentimentale fort licencieuse.

 

Photographie Librairie du Château, Capens

Les Sonnettes, ou Mémoires de Monsieur le marquis D*** [d’Argens].

Utrecht [Paris], s. n., 1749, 2 parties en un vol. in-12.

Raconte l’éducation sentimentale et érotique d’un jeune marquis qui va s’encanailler au château d’un vieux duc libertin, personnage inspiré par le duc de Richelieu, arrière-petit-neveu du cardinal, qui avait épuisé ses facultés de bonne heure, et qui, pour les ranimer dans les bras de ses nouvelles maîtresses, avait imaginé, où il attirait la plus fringante jeunesse des deux sexes, de pourvoir tous les lits de ressorts et de fils qui faisaient mouvoir des sonnettes placées tout autour de son appartement, chacune avec son étiquette portant le nom des dames qui occupaient les chambres.

Attribué à Jean-Baptiste Guiard de Servigné (1723-1780), avocat au Parlement de Rennes, qui passait « huit jours dans le vin et huit jours au Palais » et qui fut mis à la Bastille.


 
Photographies BnF

Margot la ravaudeuse, Par MR. de M**.

Hambourg, s. n., 1800 [i. e. 1750], in-8, front.

Frontispice gravé par Christian-Friedrich Fritzsch (1719-1774).

Raconte l’ascension d’une jeune femme qui, partie de rien, va réussir en vendant son corps au plus offrant. Elle extorque 24.000 livres, forte somme, en deux semaines, à un homme d’Église, puis le renvoie à ses paroissiens avec une maladie vénérienne en cadeau : juste récompense, selon elle, pour celui qui avait d’abord soutiré leur argent aux pauvres gens.

Attribué à Louis-Charles Fougeret de Monbron (1706-1760), grand voyageur, auteur de plusieurs ouvrages libertins.

 


Félicia, ou Mes fredaines.

Londres [Belgique], s. n., 1775, 4 vol. in-18.

Félicia, jeune femme portée sur les plaisirs, raconte sa vie aventureuse et amoureuse.

Le plus connu et le plus réédité des romans de André-Robert Andréa de Nerciat (1739-1800), officier, espion et bibliothécaire, le plus grand romancier érotique de toute l’Europe, connu pour son roman posthume Le Diable au corps (1803).

 

Photographie Elysium Books, Norwich, Etats-Unis

La Foutro-manie. Poëme lubrique.

Sadarnapalis, aux dépens des Amateurs, 1775, in-8.

Poème lubrique faisant l’apologie de l’énergie virile :

« Fourbir les cons, des vits est le destin.

Le seul emploi, légitime et certain. »

Sa géographie érotique donne la préférence aux saines Teutones contre les « cons latins », infectés trop souvent de la vérole. Celle-ci tient une grande place dans le poème : l’auteur dénonce « toute crainte frivole » des maux vénériens, mais avoue qu’« on est bien sot quand on souffre du vit ».

Attribué à Gabriel Sénac de Meilhan (1736-1803), fils d’un premier médecin de Louis XV, qui entra dans l’administration royale. Disgracié par Necker, il parcourut l’Europe, obtint une pension de Catherine II de Russie, écrivit son chef-d’œuvre, L'Émigré (1797), se fixa à Vienne.



 

Parapilla, poëme en cinq chants, Traduit de l’Italien.

Florence [Lyon], Chez Cupidon, 1776, in-8.

Poème licencieux, prétendument traduit de l’italien, qui célèbre les bonnes aventures d’un sexe masculin ailé.

Attribué au poète Charles Borde [sans « s »] (1711-1781).

 


Mémoires de Suzon, sœur de D.. B…. portier des Chartreux, Écrits par elle-même.

Londres [Paris], 1778, in-12.

Rosalie, son amie de débauche, livre les mémoires posthumes de Suzon, qui vient de mourir, après une courte vie, ravagée par la vérole.

Auteur non identifié.





Le Meursius françois, ou Entretiens galans d’Aloysia.

Cythère [Paris], s. n., 1782, 2 vol. in-12, front., 12 fig.

Gravures attribuées à François-Rolland Elluin (1745-1822) d’après Antoine Borel (1743-1810).

Attribué à l’avocat Nicolas Chorier (1612-1692), auteur de la première Histoire générale de Dauphiné (2 vol. in-fol., 1661-1672).

Edition de 1790

 

Le Rideau levé, ou l’Education de Laure.

Cythère [Alençon], s. n. [Jean-Zacharie Malassis], 1786, 2 vol. in-12, 12 fig.

Gravures par Jean Godard (1735-1802).

Une très jeune fille est éduquée par son propre père.

Attribué à tort à Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau, dit « Mirabeau » (1749-1791), homme politique : selon Louis Dubois (1773-1855), bibliothécaire à Alençon, l’auteur serait le marquis de Sentilly, gentilhomme bas-normand.


 
Photographies BnF

L’Aretin françois, par un membre de l’Académie des dames.

Londres [Paris], s. n., 1787, 2 parties en un vol. in-12, front., 18 fig.

Gravures attribuées à François-Rolland Elluin (1745-1822) d’après Antoine Borel (1743-1810).

La première partie a pour titre L’Aretin françois, par un membre de l’Académie des dames (front. et 17 fig.), la seconde partie a pour titre Les Épices de Vénus ou Pièces diverses du même académicien (1 fig.).

Attribué à François-Félix Nogaret (1740-1831), employé au ministère de la maison du Roi et bibliothécaire de la comtesse d’Artois.


 
Photographie BnF

Le Doctorat in-promptu.

S. l., s. n., 1788, in-12, 2 fig.

 Conte érotique, qui met en scène un vilain prêtre, l’héroïne Érosie, adepte des amours saphiques, et un jouvenceau tout frais émoulu du collège qui va la guérir de sa haine des hommes et lui faire découvrir d’autres plaisirs. Il tient en deux lettres qu’Érosie envoie à son amie Juliette. Elle termine sa confession par « Sottise, à la bonne heure ; mais j’ai bien eu du plaisir. »

Par André-Robert Andréa de Nerciat (1739-1800), officier, espion et bibliothécaire, le plus grand romancier érotique de toute l’Europe, connu pour son roman posthume Le Diable au corps (1803).

 



Justine, ou les Malheurs de la vertu.

Hollande [Paris], Chez les Libraires Associés [veuve Girouard], 1791, 2 vol. in-8, front.

Frontispice gravé par Antoine Carrée († 1816), d’après Philippe Chéry (1759-1838).

Récit d’atrocités et de folies sanguinaires beaucoup plus qu’érotiques : Justine, renvoyée à douze ans du couvent parce qu’elle est soudain devenue orpheline et pauvre, mène, à Paris, une vie de misère et de combats pour sa vertu. 

Par le marquis Donatien-Alphonse-François de Sade (1740-1814), qui passera 30 ans de sa vie en prison pour ses débauches outrées.

Chronologiquement le premier des 8 romans vicieux du « divin marquis », parus de son vivant, avant Aline et Valcour, ou le Roman philosophique (1793), La Philosophie dans le boudoir (1795), La Nouvelle Justine (1797), Oxtiern, ou les Malheurs du libertinage (an VIII), Les Crimes de l’amour (an VIII), L’Auteur des Crimes de l’amour à Villeterque (an IX) et La Marquise de Gange (1813).

 

Photographie BnF



La Philosophie dans le boudoir, Ouvrage posthume de l’Auteur de Justine.

Londres, Aux dépens de la Compagnie, 1795, 2 vol. in-16, 4 fig.

Gravures attribuées à Claude Bornet (1733-1804).

Dialogues retraçant l’éducation érotique et sexuelle d’une jeune fille de 15 ans.

Par le marquis Donatien-Alphonse-François de Sade (1740-1814), qui passera 30 ans de sa vie en prison pour ses débauches outrées.

 

Photographies BnF


L’Anti-Justine, ou les Délices de l’amour. Par M. Linguet, av. au et en Parlem.

Au Palais-roial, chez feue la Veuve Girouard, très-connue, 1798, 2 parties en un vol. in-18, 60 fig.

L’un des chefs-d’œuvre de la littérature érotique française, dont on ne connaît que 5 exemplaires. Dernier roman, inachevé, de Nicolas-Edme Rétif de la Bretonne (1734-1806), imprimé « à la maison », rue de la Bûcherie, à 5 ou 6 exemplaires. Il y raconte les aventures érotiques imaginaires de l’auteur et de sa fille.

Le titre et le choix de la fausse adresse sont une riposte de Rétif de la Bretonne au mépris que le marquis de Sade avait à son endroit :

« Personne n’a été plus indigné que moi des sales ouvrages de l’infâme de Sade […]. Ce scélérat ne présente les délices de l’amour, pour les hommes, qu’accompagnées de tourments, de la mort même, pour les femmes. Mon but est de faire un livre plus savoureux que les siens, et que les épouses pourront faire lire à leurs maris, pour en être mieux servies. »   

Il se venge aussi du publiciste Linguet qui avait critiqué ses livres, en plaçant sous son nom le plus pornographique de ses ouvrages.

 

Photographies BnF


La Nouvelle Justine, ou les Malheurs de la vertu, suivie de l’Histoire de Juliette, sa sœur.

Hollande [Paris], s. n., 1797 [i. e. 1799 et 1801], 10 vol. in-12, front., 100 fig.

Gravures attribuées à Claude Bornet (1733-1804).

Imprimée à Paris, en 1799 pour La Nouvelle Justine (4 tomes) et en 1801 pour Juliette (6 tomes), sans nom d’auteur et d’éditeur, avec la date trompeuse de 1797 et la fausse adresse en Hollande. Ce fut la plus importante entreprise de librairie pornographique clandestine jamais réalisée, qui vaudra au marquis Donatien-Alphonse-François de Sade (1740-1814) un enfermement à vie à l’asile des fous de Charenton.



L’exemplaire de la bibliothèque « R. et B. L. » (Paris, Drouot, 8 novembre 2011, n° 55), dans une reliure du début du XXe siècle, en maroquin bleu, plats ornés d’un décor ovale central, composé de sexes entourant un faune en érection, estimé 150.000-180.000 €, n’a pas trouvé preneur.

 


Ces livres érotiques sont rangés dans « l’Enfer » des bibliothèques : « l’Enfer » est l’endroit fermé d’une bibliothèque où on tient les livres dont on pense que la lecture est dangereuse.

À Paris, dès le milieu du XVIIIe siècle, le Catalogue des livres imprimés de la Bibliothèque du Roy avait créé une rubrique pour les romans licencieux, qui étaient conservés dans un cabinet à part.

À la fin des années 1830, la Bibliothèque décida de donner une cote spéciale à ces ouvrages que l’on disait contraires aux bonnes mœurs.

En 1844, le terme « Enfer » fut ajouté à la cote initiale, dans le Carnet des inventaires des fonds anciens.

En 1876 commença l’inscription au catalogue d’environ 620 titres, provenant pour plus de la moitié de saisies judiciaires.

En 1913 parut le catalogue imprimé de Guillaume Apollinaire, Fernand Fleuret et Louis Perceau, intitulé L’Enfer de la Bibliothèque nationale.

De 1913 à 1969, « l’Enfer » s’enrichit de 850 numéros provenant de dons, d’acquisitions, mais aussi du dépôt légal, celui-ci se substituant en quelque sorte aux saisies devenues quasi inexistantes.

En 1969, une note, qui s’expliquait par l’évolution des mœurs, spécifiait la fermeture de « l’Enfer ».

En 1983 « l’Enfer » était rouvert à la demande des chercheurs et des bibliothécaires, non pour des raisons morales, mais dans l’intérêt de constituer un fonds cohérent recensant les livres érotiques.

Aujourd’hui encore, même si la cote « Enfer » est devenue une cote comme les autres, dont la communication n’est soumise à aucune restriction, « l’Enfer » reste un objet de fantasme, car il représente un lieu imaginaire, une sorte de cabinet secret entièrement dédié à l’érotisme. Or les ouvrages cotés « Enfer » occupent banalement aujourd’hui un petit espace dans un magasin de la Réserve des livres rares.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

mardi 22 octobre 2024

Robert-Samuel Turner (1819–1887), rat de bibliothèque bibliopégimane

  La reproduction des articles est autorisée à condition d'en citer l'origine 


Fils de Samuel Turner († 1841) et de Lucy-Jane Fownes (1786-1830), Robert-Samuel Turner est né le 25 février 1819 à Londres, 31 Haymarket, siège de « Brecknell & Turner », entreprise de bougies et de savon de sellerie dirigée par son père, associé à son oncle Benjamin Brecknell. Son frère aîné, Benjamin Brecknell Turner (1815-1894), deviendra un des premiers photographes anglais à partir de 1849.

Ancien palais de la reine Elizabeth, à Enfield, au XIXe siècle

Robert-Samuel Turner fit ses études jusqu’en 1834 à l’école du Docteur Thomas May, installée dans l’ancien palais de la reine Elizabeth [démoli en 1927], à Enfield, quartier de Londres, puis entra comme apprenti dans l’entreprise familiale. Après avoir hérité de cette entreprise, avec son frère aîné, il la quitta pour se consacrer entièrement à la littérature et à la formation d’une bibliothèque.

 

Robert-Samuel Turner. Photographie Disderi

Peu d’hommes de son temps avaient une connaissance aussi intime de la littérature espagnole et italienne, sans parler de celle de la France et de l’Angleterre.

Rassemblant les livres les meilleurs et les plus rares, la bibliothèque de Turner était remarquablement riche en éditions princeps des classiques français.

Ex-libris

La plupart de ses livres étaient reliés par des artisans célèbres : Clovis Ève, Desenil, Luc-Antoine Boyet, Nicolas-Denis Derome, Antoine-Michel Padeloup, Charles Capé, Trautz-Bauzonnet, Pierre-Marcellin Lortic, Hardy-Mennil, François Koehler, Thompson, Roger Payne, Charles Hering, Charles Lewis, Smith, Joseph Zaehnsdorf, Francis Bedford, John Wright, James Hayday, Robert Rivière.

Au lieu de longues rangées d’étagères, Turner préférait une série de vitrines indépendantes de différentes tailles, mais, faute d’espace, une grande quantité de livres étaient stockés dans des boîtes.

 


Membre de la Philobiblon Society depuis 1856, Turner a réimprimé en 1860, à ses frais, cinquante exemplaires, non mis en vente, d’un Avertissement de Henri Estiene [sic], pour son livre intitulé L’Introduction au traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes, Ou Traité préparatif à l’Apologie pour Hérodote.

Lors de l’affaire Libri, Turner prit position contre l’écumeur de bibliothèques et fit imprimer les débats du Sénat, qui eurent lieu à la séance du 4 juin 1861, sur la pétition de Madame Libri, demandant la révision du jugement de son mari condamné par contumace en 1850 à dix ans de réclusion.

 

1 Park Square West, Londres. Photographie Wellcome Images

A5 Albany, Piccadilly, Londres, par Thomas-Hosmer Shepherd

Turner résida à Londres, 1 Park Square West, jusqu’en 1878, quand il déménagea A5 Albany, Piccadilly. A ses réceptions du samedi matin, on pouvait rencontrer : Lord Houghton (1809-1885), collectionneur de livres érotiques, le consul de France Octave Delepierre (1804-1879), le Major Général Phillips dont la vaste collection a été vendue en 1887, l’orientaliste Pascual de Gayangos (1809-1897), l’architecte-voyageur Alexandre Graham, le bibliographe Ralph Thomas (1840-1876), le conseiller Eugène Paillet (1829-1901), Frederick-William Cosens (1819-1889), dont la bibliothèque fut vendue en 1890, Joseph Knight (1829-1907), éditeur du périodique Notes and Queries, dont la bibliothèque fut vendue en 1905, le libraire Harrison, William Ralston (1828-1889), le partisan de Darwin, le baron Jérôme Pichon (1812-1896), le baron Roger Portalis (1841-1912), Léon Mercier.

Changeant de résidence en 1878, Turner dut se défaire d’une partie de sa bibliothèque, qui ne comprenait qu’une insignifiante part de ses trésors littéraires.

Maurice Delestre à l'Hôtel Drouot en 1884

 


La vente eut lieu du mardi 12 au samedi 16 mars 1878, en 5 vacations, à Paris, à l’Hôtel des Commissaires-Priseurs, 5 rue Drouot, au premier, salle n° 3, par le ministère de Maurice Delestre, assisté de Laurent Potier, ancien libraire, et de Adolphe Labitte, libraire de la Bibliothèque nationale : Catalogue de livres rares et précieux, imprimés et manuscrits, la plupart français et latins, provenant de la bibliothèque de M. Robert S. Turner (Paris, Adolphe Labitte, 1878, in-8, XV-[1 bl.]-176 p., 774 – 1 manquant + 8 doubles [bis] = 781 lots), dont Théologie [120 lots = 15,36 %], Jurisprudence [10 lots = 1,28 %], Sciences et Arts [72 lots = 9,21 %], Belles-Lettres [409 lots = 52,36 %], Histoire [169 lots = 21,63 %].

 


1. Biblia Sacra. Parisiis, Antonius Vitré, 1666, in-4 à 2 col., réglé, mar. r., doublé de mar. r., dos orné, dent. int. et fil. sur les plats, tr. dor. (Du Seuil). Ex. Just de Noailles. 5.600 fr. à Morgand et Fatout.



3. Le Pseaultier de David. Paris, Iamet Mettayer, 1586, gr. in-4, réglé, mar. ol., compart. tr. dor. (Rel. époque). 5.000 fr. à Fontaine.



13. Le Nouveau Testament de Nostre Seigneur Jesus Christ, Traduit en François. Mons, Gaspard Migeot, 1667, 2 vol. pet. in-8, réglés, front. gravé, mar. bl. doublé de mar. r., dent., tr. dor. (Boyet). 1.430 fr.

Photographie BnF


19. Historiarum veteris instrumenti icones ad vivum expressæ. Lugduni, Sub scuto Coloniensi, 1538, in-4, 9é fig. sur bois de Hans Holbein, mar. r., dos orné, fil., tr. dor (Rel. anc.). Ex. Coste, et auparavant de Gay, architecte à Lyon, qui mettait une petite étoile rouge sur le titre de ses livres. 3.000 fr.

22. Annotationes Iacobi Lopidis Stunicæ contra Erasmum Roterodamum in defensionem tralationis Novi Testamenti. [à la fin :] In Academia Complutensi, per Arnaldum Gulielmum de Brocario, 1519, in-fol., veau ant., compart. noirs et or, dos fleurdelisé. Ex. Grolier. 3.000 fr.




47. Illustrissimi viri Petri de Marca archiepiscopi parisiensis dissertationes tres. Parisiis, Franciscum Muguet, 1649 [i.e. 1669], in-8, mar. r., fil., tr. dor. Aux chiffres et aux armes de Jacques-Nicolas Colbert, abbé du Bec, 2e fils du grand Colbert. [Artcurial, Paris, 25 mai 2021 : 316 €]

Exemplaire de Turner, puis de Guy-Pellion, de Martine de Behague et de Hubert de Ganay
Paris, Christie's, 26 novembre 2019 : 8.750 € 



54. Sermons du Père Bourdalouë. Paris, Rigaud, 1707-1721, 14 vol. in-8, et Cailleau, Prault, Rolin fils et Bordelet, 1734, 2 vol. in-8, portrait, mar. r., dent. sur les plats, tr. dor. (Rel. anc.). 1.040 fr.



77. Déclaration pour maintenir la vraye foy que tiennent tous Chrestiens de la Trinité des persõnes en un seul Dieu. Par Iean Calvin. Contre les erreurs détestables de Michel Servet Espaignol. Genève, Iean Crespin, 1554, in-8, mar. r., dos orné, fil., tr. dor. (Padeloup). Ex. Girardot de Préfond, et en dernier lieu de Aimé-Martin (1847) et de B. Delessert (1848). 1.599 fr.



79. Response au livre publié par le sieur evesque d’Evreux, Sur la Conference tenue à Fontaine-Bleau le quatriesme de May, 1600. Par Philippes de Mornay. Saumur, Thomas Portau,1602, in-4, réglé, v. br., compart., tr. dor. ciselée (Rel. époque). Ex. de Philippe du Plessis-Mornay. 2.000 fr.



124. Livre de la coustume du pays duchie de normēdie. [Paris], [Jean du Pré], 1483, 2 part. en 1 vol. pet. in-fol. goth., réglé, v. fauve, tr. dor. (Rel. anc.). Le plus ancien coutumier de Normandie. 1.500 fr.



145. Essais de Messire Michel seigneur de Montaigne. Bourdeaus, S. Millanges, 1580, 2 parties en 1 vol. in-8, mar. r., dos orné, riches orn. sur les plats, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 1.500 fr. à Rouquette.



160. Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, à Monseigneur le Dauphin. Ouvrage posthume de Messire Jacques-Benigne Bossuet. Paris, Pierre Cot, 1709, gr. in-4, gr. pap., portr. par Edelinck d’après Rigaud, mar. r., dos fleurdelisé, fil., tr. dor. Aux armes du duc du Maine. Ex. du roi Louis-Philippe, depuis de Giraud et de Solar. 2.300 fr.

Exemplaire Turner




180. L’Arithmétique de Iaques Peletier du Mans – L’Algèbre de Iaques Peletier du Mans. Lion, Ian de Tournes, 1554, 2 vol. en 1 vol. in-8, réglé, v. à compart., tr. dor. ciselée (Rel. époque). Aux armes du cardinal Charles de Lorraine. 1.060 fr. à Potier. [Legs Dutuit à la ville de Paris en 1902, Petit Palais]



188. Le Vite de piu eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani. Firenze, Lorenzo Torrentino, 1550, 3 part. en 2 vol. in-4, mar. ol., tr. dor. (Rel. époque). Aux armes de Cosme de Médicis. 1.100 fr.


Photographie The Met, New York


191. De gli habiti antichi, et moderni di Diverse Parti del Mondo. Venetia, Damian Zenaro, 1590, in-8, 430 pl. sur bois, non rogné, mar. orange, dos et plats ornés (Trautz-Bauzonnet). Ex. de Pinelli. 2.480 fr. à Fontaine.



222. Quinti Horatii Flacci Opera. Londini, Iohannes Pine, 1733-1737, 2 vol. gr. in-8, réglé, fig., mar. bleu, compart. de couleurs, doublé de tabis rose, tr. dor. (Derome). Ex. de Brancas-Lauraguais, puis de Cl.-Jos. Clos (1812), du Parc de Gand et Ch. Pieters de Gand. 5.000 fr. à Morgand et Fatout.



224. P. Ovidii Nasonis fastorum lib.VI. tristium lib. V. de ponto lib. IIII. Venetiis, Aldi et Andreæ soceri, 1516, in-8, mar. n., tr. dor. Ex. de Marc Laurin, portant d’un côté la devise « Virtus in arduo », et de l’autre « M. Laurini et amicorum ». 1.515 fr.



252. Le Rommant de la Rose. Paris, Galliot du Pré, 1529, pet. in-8, lettres rondes, fig. sur bois, réglé, mar. r., compart., tr. dor. (Bauzonnet). Ex. Cailhava, Giraud et Solar. 1.000 fr.


Exemplaire de Turner. Photographies Library of Congress, Washington


257. Le Champion des dames. S. l. [Lyon], s. n. [Jean du Pré], s. d. [1488], in-fol. goth. à 2 col., fig. sur bois, mar. vert, encadrements de fil., tr. dor. (Bauzonnet). Acquis à une des ventes Libri, Londres, 1849. 2.900 fr.


Paris, Artcurial, 20 juin 2009 : 28.328 €


262. Les Œuvres de Francoys Villon. Paris, Iehan Andry, s. d., pet. in-8, lettres rondes, mar. r., compart., dos orné, tr. dor. (Bauzonnet-Purgold). Ex. Aimé-Martin. [Artcurial, Paris, 20 juin 2009 : 28.328 € ; Drouot, 16 décembre 2020 : 24.011 €]

Photographie BnF


265. Le Temple Jehan Bocace, de la ruyne d’aulcuns nobles malheureux, faict par George son imitateur. Paris, Galliot du Pré, 1517, in-fol. goth. à longues lignes, fig. sur bois, mar. r., fil., tr. dor. (Derome). Ex. de Gaignat, J. Towneley et de Laings. 4.000 fr. à Morgand et Fatout.

Photographie BnF


268. Les Œuvres maistre Guillaume Coquillart. Paris, Galiot du Pré, 1532, pet. in-8, lettres rondes, mar. bleu, fil., tr. dor. (Laferté). Ex. du duc de La Vallière et de Renouard. 5.450 fr.

Photographie BnF


273. Chãtz royaulx, oraisons et aultres petitz traictez faictz et composez par feu de bonne mémoire maistre Guillaume Cretin. [à la fin :] Paris, Jehan Sainct Denys, s. d. [1529], in-8 goth., réglé, mar. r., fil., tr. dor. (Rel. anc.). 1.030 fr. à Fontaine.



282. Les Œuvres de Clément Marot. Lyon, Iean de Tournes, 1546, in-16, lettres rondes, mar. r., dos orné, fil., tr. dor. (Du Seuil). Ex. de Crozat. 1,040 fr.

Photographie BnF


285. Les Controversses des Sexes Masculin et Femenin. [à la fin :] Tholose, Jacques Colomies, 1534, pet. in-fol. goth. à longues lignes, fig. sur bois, mar. citron, compart. à mosaïque, fil., tr. dor., dans un étui (Niedrée). 1.500 fr.



302. Les Odes d’Olivier de Magny de Cahors en Quercy. Paris, André Wechel, 1559, in-8, mar. bl., dos orné, fil., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 1.250 fr.




304. Les Premières Œuvres de Philippes Des-Portes. Paris, Mamert Patisson, 1600, in-8, réglé, mar. ol., volutes et rinceaux de feuillages, tr. dor., dans un étui (Rel. époque). Ex. de Philippe des Portes [monogramme ΦΦ disséminé sur la reliure], puis de Ballesdens [signature sur la page de titre], de Cailhava, Aimé-Martin et B. Delessert. 3.505 fr.



333. Œuvres d’Évariste Parny. Paris, Debray, 1808, 5 vol. gr. in-18, gr. pap. vélin, relié sur brochure, mar. bl., fil., dos orné à la rose, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 1.200 fr.




337. Fables choisies, mises en vers Par M. de la Fontaine, & par luy reveuës, corrigées & augmentées. Paris, Denys Thierry et Claude Barbin [vol. 1-4], Claude Barbin [vol. 5], 1678-1694, 5 vol. in-12, réglés, fig. à mi-page, mar. r. doublé de mar. r., dent., tr. dor. (Boyet). 11.950 fr. à Labitte, pour le comte de Mosbourg.



342. Contes et nouvelles en vers, Par M. de La Fontaine. Amsterdam [Paris], [Barbou], 1762, 2 vol. in-8, portr., fig., culs-de-lampe, mar. r., dos ornés, large dent., doublé de tabis bleu, tr. dor. (Rel. anc.). « Cas de conscience » et « Diable de Papefiguière » voilés. Ex. La Roche Lacarelle [1859, n° 246]. 1.200 fr.



350. Le Parnasse satyrique du sieur Théophile. S. l. [Leyde], s. n. [F. Hackius], 1660, pet. in-12, mar. r. , dos orné, fil., tr. dor. (Bauzonnet). Ex. de Pixerécourt [qui était relié par Simier]. 1.181 fr.



376. Oronte gigante de leximio poeta Antonino Lenio Salentino. [à la fin :] Vinegia, Aurelio Pincio Veneto, 1531, in-4 à 2 col., fig. sur bois, v. à compart. de couleurs, tr. dor. (Rel. époque). Aux chiffres de Henri II et de Diane de Poitiers. 4.400 fr. à Techener.



379. M. Acci Plauti Comœdiæ. Lugd. Batavorum, Officina Hackiana, 1664, 1 tome en 2 vol. in-8, front., mar. bleu, fil., tr. dor. (Padeloup). Ex. de Longepierre avec ses insignes. 2.500 fr.


Photographie Bayerische Staatsbibliothek, Munich

395.
Le Premier [Second] Volume du triumphant Mystère des Actes des Apostres. [à la fin :] Paris, Guillaume Alabat, 1537, 2 tomes en 1 vol. in-fol. goth. à 2 col., réglé, 2 fig. sur bois, mar. r., dos orné, fil., tr. dor. (Rel. anc.). Ex. Delaleu [1775], Tersan [1819] et Boluut de Nortdonck [1858]. 3.000 fr. à Techener.

Exemplaire Turner


404. Pyrrhe. Tragédie de Luc Percheron, du pays du Maine (1592). Paris, Imprimerie de Crapelet, 1845, in-8, mar. vert, dos orné, riches comp. à petits fers au pointillé, doublé de mar. citr., large dent. en mosaïque de mar. noir, doré en tête, non rogn. (Niedrée, 1847). Tiré à 16 ex. aux frais de Max de Clinchamp et Raoul de Montesson et offert aux bibliophiles. [Drouot, 17 décembre 2007 : 1.200 € ; Drouot, 11 juin 2021 : 3.159 €)

Exemplaire Turner. Paris, Sotheby's, 18 novembre 2019


407. Œuvres de Molière. Paris, Bauche, 1739, 8 vol. in-12, fig., mar. vert, dent., tr. dor. (Derome le Jeune). Ex. Ourches, Duriez et Pixerécourt. 32 figures par Jan Punt, d’après Boucher, ajoutées. 5.000 fr. à Rouquette.



422. Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé. S. 1. [Paris], s. n., 1718, pet. in-8, front. et fig. gr. par Audran, d’après les dessins de Philippe duc d’Orléans, mar. vert, dos orné, large dent., tr. dor. (Rel. anc.). Edition dite « du Régent », aux armes de Charles-François-Frédéric de Montmorency, duc de Luxembourg et de N. de Colbert-Seignelay sa femme. 2.150 fr.



425. Titi Petronii Arbitri equitis romani Satyricon, Cum Fragmento nuper Tragurii reperto. Concinnante Michæle Hadrianide. Amstelodami, Ioannis Blaeu, 1669-1671, 3 tomes en 1 vol. in-8, front. gravé par Romeyn de Hooghe, dos orné, mar. r., fil., doublé de mar. r., dent., tr. dor. (Boyet). Ex. de Noailles, duc de Poix. 4,000 fr. au baron de Rothschild.


Photographies Bibliothèque de l'Institut


429. Larbre des batailles. [à la fin :] Paris, Anthoine Vérard, 1493, in-fol. goth., fig. sur bois, cuir de Russie, dent., tr. dor. Ex. de Duriez, puis du prince d’Essling. 1.450 fr.



432. Meliadus De leonnoys. Paris, Galliot du Pré, 1528, in-fol. goth., mar. r., dos orné, encadr. à la Du Seuil, doublé mar. ol., compart. à la Grolier, tr. dor. (Koehler). Ex. Giraud [n° 1.861] et La Roche Lacarelle [1859, n° 312]. 2.000 fr. à un libraire de Londres.



439. Les Fais et Prouesses du noble et vaillant chevalier Jason. S. 1. [Lyon], s. n. [Guillaume Le Roy], s. d. [1486], pet. in-fol. goth. à 2 col., mar. r., dos orné, fil., tr. dor. (Anguerrand). Ex. de Girardot de Préfond, passé chez La Vallière, Crevenna, Roxburghe [armes ajoutées sur les plats], Heber, Essling et Delessert. 7.600 fr. à Potier.




456. Histoire amoureuse des Gaules Par le Comte de Bussi Rabutin. S. l. [Paris], s. n. [Grangé], 1754, 5 vol. pet. in-12, titres gravés, mar. vert, tr. dor. (Derome). [Drouot ? 15 mai 2024 : 1.264 €]



496. Les Amours du chevalier de Faublas ; Par J.-B. Louvet. Troisième édition, revue par l’auteur. Paris, Chez l’Auteur, An VI [1798], 4 vol. in-8, 27 fig., pap. vélin, relié sur brochure, mar. citr., dos ornés, fil., dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 3.750 fr.



499. Les Nouvelles Recreations et joyeux devis de feu Bonavanture des periers. Lyon, Robert Granjon, 1558, pet. in-4, mar. bl., dos orné, compart., tr. dor. (Trautz- Bauzonnet). En caractères de civilité. 3.000 fr.



508. Il Decamerone di messer Giovanni Boccaccio. Venetia, Gabriel Iolito di Ferrarii, 1542, pet. in-16, mar. r., dos et plats ornés en plein, tr. dor. (Rel. époque). 1.020 fr.



512. Il Decamerone di M. Giovanni Boccaccio. Londra [Parigi], [Prault], 1757, 5 vol. in-8, front., fig. et culs-de-lampe, mar. vert, large dent., tr. dor. (Rel. anc.). Aux armes de Louis-Charles de Choiseul, évêque d’Evreux. 2.000 fr.



564. Apologie pour Hérodote. Ou Traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes. Par Henri Estiene [sic]. La Haye, Henri Scheurleer, 1735, 2 tom. en 3 part. pet. in-8, fig., mar. citr., fil., tr. dor. (Padeloup). Ex. de Randon de Boisset puis de J. de Noailles, duc de Poix. 1.100 fr. à Bocher.



589. M. Tullii Ciceronis opera omnia. Amstelodami, Ludovicum et Danielem Elzevirios, Lugd. Batavorum, Franciscum Hackium, 1661, 2 vol. in-4, réglés, mar. r., dos ornés, fil., doublé de mar. r., dent., tr. dor. (Du Seuil). Aux armes appliquées après coup de Emmanuel-Henri-Timoléon de Cossé-Brissac, abbé de Fontfroide. 3.900 fr.`

Photographie BnF


618. La Mer des hystoires. Paris, Imprimé par Pierre le Rouge pour Vincent Comin, 1488, 2 vol. gr. in-fol. goth. à 2 col., fig. sur bois, mar. r., ornem. en or, dent. à froid, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 2.800 fr.



619. La Cronique Martiniane. [à la fin :] Paris, Antoine Vérard, s. d. [v. 1505], in-fol. goth. à 2 col., mar. r., fil., dos orné, tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). Ex. de Hibbert, relié autrefois par Lewis. 2.250 fr.

Photographie Librairie Camille Sourget


620. Discours sur l’histoire universelle. Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy, 1681, in-4, gr. pap., mar. r., dos orné, fil., tr. dor. (Du Seuil). Aux armes du chancelier Le Tellier, appartenait en 1716 à Dominique Turgot, évêque de Séez [ex-libris]. 6.400 fr. à Fontaine.

Photographie Librairie Le Feu Follet


651. Histoire des variations des églises protestantes. Paris, Veuve de Sébastien Mabre-Cramoisy, 1688, 2 vol. in-4, mar. r., dos ornés, fil., tr. dor. (Du Seuil). Aux armes de Charles de Loménie, seigneur de la Faye. 1.850 fr. à Bocher.


Exemplaire Turner


661. Dyctis Cretensis de bello Troiano. Amsterodami, Guiljelmum Blaeuw, 1630, in-24, titre gravé, réglé, mar. r., comp., tr. dor. (Rel. anc.). Aux armes de Tallemant des Réaux.

Photographie BnF


673. Le Premier [Second et Tiers] Volume de Enguerran de Monstrellet ensuyvant Froissart. [à la fin :] Paris, Anthoine Vérard, s. d. [1501-1503], 3 tom. en 2 vol. in-fol. goth. à 2 col., v. br. Aux armes du duc de Roxburghe. Ex. de La Vallière, Crevenna, Roxburghe, Heber et Essling. 3.250 fr. au baron de Rothschild.

675. La Cronique du très chrestien et victorieux Roy Loys unziesme du nom [dite « Chronique scandaleuse »]. Paris, Galliot du Pré, 1558, in-8, mar. r., fil., tr. dor. Aux armes et aux chiffres de J.-A. de Thou et de sa première femme. 2.650 fr.

Photographie I.N.H.A.


687. Bref et sommaire recueil de ce qui a esté faict, & de l’ordre tenüe à la ioyeuse et triumphante Entrée de tres-puissant, tres-magnanime & tres-chrestien Prince Charles IX. de ce nom Roy de France, en sa bonne ville & cité de Paris. Paris, Imprimerie de Denis du Pré pour Olivier Codoré, 1572, in-4, fig. sur bois, vélin. 1.220 fr.

Photographie Librairie Camille Sourget


710. Recüeil des portraits et éloges en vers et en prose. Dédié à Son Altesse Royalle. Mademoiselle. Paris, Charles de Sercy et Claude Barbin, 1659, in-8, front. par Chauveau, mar. r., dos et coins fleurdelisés, tr. dor. (Rel. anc.). Aux armes de Mademoiselle, signature de Charles de Lorraine sur le titre. 14.000 fr. à La Roche Lacarelle.



732. La Légēde des Flamēs, Artisiens et Haynuyers. Paris, s. n. [François Regnault], 1522, in-4, fig. sur bois, vél., tr. dor. Signature d’Adam Fumée sur le feuillet de garde. 1.410 fr.

Photographie BnF

738. Histoire du cardinal Ximenés. Par Messire Esprit Fléchier Evêque de Nismes. Paris, Jean Anisson, 1693, in-4, réglé, mar. r., dos orné, encadr. à la Du Seuil, doublé de mar. r., large dent., tr. dor. (Du Seuil). 1.350 fr.



762. Œuvres du seigneur de Brantome. La Haye, Aux dépens du Libraire, 1740, 15 vol. pet. in-12, front. à chaque vol., mar. v., fil., dos ornés, tr. dor. (Rel. anc.). 1.100 fr.

Cette vente produisit 321.214 francs. Plus de 60 articles dépassèrent le prix de 1.000 francs.

« La vente Turner, […], compte dès aujourd’hui parmi les plus extraordinaires qui aient jamais été. Jamais la furie des enchères n’avait été poussée aussi loin : cet érotisme du livre a fait dire à un bibliophile des plus fins que libraires et amateurs avaient pris de la cantharide.

Chaque vente a sa morale, chaque prix d’adjudication emporte avec lui sa leçon. La morale de la vente Turner est multiple. Il en ressort : 1° que la plupart des grands amateurs ont abdiqué entre les mains des libraires, auxquels ils s’en remettent du soin d’enchérir pour eux ; 2° que jamais la collection des exemplaires en état exceptionnel de papier et de reliure n’a été un placement plus sûr ; 3° qu’un catalogue descriptif bien fait et bien présenté comme celui qu’a rédigé M. Potier est aujourd’hui la meilleure précaution oratoire d’une grande vente.

[…]. La lutte, une lutte héroïque, s’est principalement passée entre la maison Morgand et Fatout et la maison Fontaine. Jugez-en par cet état comparatif des bordereaux des gros enchérisseurs : Morgand et Fatout…………………………………………….90.000 fr.

Fontaine……………………………………………………….60.000 fr.

Rouquette……………………………………………………...30.000 fr.

Techener………………………………………………………30.000 fr. »

(Le Moniteur du bibliophile. Paris, 1878, t. I, p. 59)

« Le thermomètre de la bibliomanie monte, monte sans cesse ; il a atteint une hauteur que personne n’aurait osé prévoir ; c’est avec une ardeur sans exemple que d’opulents amateurs se disputent ds livres d’une extrême rareté, des volumes ayant appartenu à des personnages célèbres, d’anciennes et somptueuses reliures ; cette faveur ne se porte d’ailleurs que sur ce qui est d’une rareté exceptionnelle, d’une beauté parfaite ; les livres ordinaires, en condition médiocre, n’y ont aucune part. »

(Messager des sciences historiques ou Archives des arts et de la bibliographie de Belgique. Gand, Imprimerie et lithogr. de Eug. Vanderhaeghen, 1878, p. 242-243)

 


Exemplaire Turner. Photographies John Carter Brown Library

En 1879, Turner céda à la John Carter Brown Library, à Providence [Rhode Island, États-Unis d’Amérique] son très bel exemplaire du premier recueil publié des œuvres de Shakespeare, dit « Premier Folio », intitulé MR. William Shakespeares comedies, histories, & tragedies (London, Isaac Iaggard et Ed. Blount, 1623), qu’il avait acheté vingt ans plus tôt dans une reliure du XVIIe siècle, et qu’il avait fait relier par Francis Bedford (1799-1883).

Note de son ami Henry Spencer Ashbee (1834-1900)
« Il a vécu pour sa bibliothèque, et s'est ruiné pour elle. Lorsqu'un jour il a découvert
qu'il avait vécu sur son capital à cause de dépenses trop importantes pour ses livres,
et que le seul moyen de se sauver était de vendre sa bibliothèque, il n'a pas pu y faire
face ; alors il s'est suicidé pour sauver ses livres. Après sa mort, ses héritiers ont vendu
la bibliothèque. »


Membre correspondant de la Société des Amis des Livres, à Paris, depuis 1881, Turner était resté célibataire. Sa fin fut brutale : il se suicida à Brighton, le 6 juin 1887.

 

Vente chez Sotheby en 1888



Les héritiers de Turner dispersèrent la partie restante et principale de la bibliothèque, en deux ventes qui se déroulèrent du lundi 18 au samedi 30 juin 1888, en 12 vacations, et du vendredi 23 novembre au samedi 8 décembre 1888, en 14 vacations, à Londres, chez Sotheby, Wilkinson & Hodge, 13 Wellington Street : Bibliotheca Turneriana. Catalogue of the first [second and remaining] portion of the library of the late Robert Samuel Turner, esq., member of the Philobiblon Society (London, Sotheby, Wilkinson & Hodge, 1888, 2 vol. in-8, IV-[1]-[1 bl.]-226 p., 2.999 lots et IV-258 p., 4.569 lots).

 

La première vente rapporta 13.370 £ :

 


213. Cosmographiæ introductio cum quibusdam geometriæ ac astronomiæ principiis ad eam rem necessariis. Saint-Dié, 1507, mar. r. (Bedford). 55 £

Photographie Université de Coimbra


223. Paesi Novamente retrovati Et Novo Mondo da Alberico Vesputio Florentino intitulato. Vicentia, 1507, mar. br. 186 £



239. Los Quatros Libros del muy efforçado y muy virtuoso cavallero Amadis de Gaula. [Roma], Antonio de Salamanca, 1519, in-fol., mar. br. (Bedford). 56 £ à Quaritch.



506. Decamerone. Venetia, Giovanni et Gregorio de Gregorii, 1492, in-fol, mar. bleu (Trautz-Bauzonnet). 96 £ à Quaritch.



698. Il Decamerone di M. Giovanni Boccaccio Nuovamente corretto et con diligentia stampato. [Firenze, Heredi di Philippo di Giunta], 1527, in-4, mar. bleu (Bozerian). 74 £ à Quaritch.



1.379. Assertio septem sacramentorum Adversus Mart. Lutherum, Henrico VIII. Angliæ Rege auctore. Parisiis, Sebastianum Nivellium, 1562, in-8, mar. r. (Clovis Ève). Aux armes de Marguerite de Valois. 118 £ à Quaritch.



1.430. Quinti Horatii Flacci Opera. Londini, æneis tabulis incidit, Iohannes Pine, 1733-1737, 2 vol. in-8, mar. bleu (Padeloup). 90 £ à Quaritch.



2.287. Italy, a poem. By Samuel Rogers. London, T. Cadell, Jennings and Chaplin, E. Moxon, 1830-1834, 2 vol. in-8, mar. bleu (Bedford). 61 £ à Bain.



2.427. Poems : written by Wil. Shakespeare. London, Iohn Benson, 1640, in-8, mar. br. (Lewis). 106 £ à Stevens.



2.515. Dictionary of the english language. By Samuel Johnson. London, Printed by W. Strahan, 1755, 2 vol., mar. bleu (Derome). Aux armes de Senac Radzevil. 70 £



2.716. Macrobii de somno Scipiõis : nec non de Saturnalibus libri. Brixiæ, Angelum Britãnicum, 1501, veau ant., comp. noirs et or (Clovis Ève). Ex. de Grolier. 84 £



2.763. Poliphili hypnerotomachia. Venetiis, Aldus, 1499, in-fol., mar. br. (Bedford). 137 £ à Collett.



2.977. Omnia Themistii Opera. Venetiis, In ædibus Hæredum Aldi Manutii et Andreæ Asulani, 1534, mar. brun. Aux armes de Henri II et de Diane de Poitiers. 86 £



2.978. Die geuerlicheiten und einsteils der geschichten des loblichen streytparen und hochberumbten helds und Ritters herr Tewrdannckhs. Nürnberg, 1517, mar. brun (Trautz-Bauzonnet). 250 £



2.994. Flave Vegece Rene homme noble et illustre, du fait de guerre : et fleur de chevalerie, quatre livres. Paris, Chrestian Wechel, 1536, mar. br. (Clovis Ève). Aux armes du comte de Mansfelt. 87 £

 

La seconde vente rapporta 2.874 £ :

 

Photographie BnF

1.596. Nicolai Copernici Torinensis de revolutionibus orbium cœlestium, Libri VI. Nirimbergæ, Ioh. Petreium, 1543, in-fol., rel. en bois d’époque. 8 £ 8 s. à Quaritch.



3.941. Travels into several Remote Nations of the world. London, Benj. Motte, 1726, 2 vol. in-8, portr. et cartes. Ex. Thackeray. 10 £ 2 s. 6 d. à Harvey.



4.158. The Countesse of Pembrokes Arcadia. Written by Sir Philip Sidney. London, Mathew Lownes, 1613, in-fol., vel. 12 £ à Gondi.