lundi 30 décembre 2013

La Bibliothèque de la comtesse de Verrue


Originaire de Florence, la famille d’Albert est venue s’installer en Comtat-Venaissin au début du xv e siècle. Par son mariage avec Jeanne de Ségur en 1535, Léon d’Albert, tué à la bataille de Cérisoles (Italie) en 1544, acquiert la seigneurie de Luynes, à la porte d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).


En 1619, son petit-fils Charles d’Albert, premier duc de Luynes, pair et connétable de France, fit ériger en duché-pairie, sous le nom de Luynes, le comté de Maillé (Indre-et-Loire).






Fille de Louis-Charles d’Albert, deuxième duc de Luynes, pair et grand fauconnier de France, constructeur du château de Dampierre (Yvelines), Jeanne-Baptiste d’Albert de Luynes naquit à Paris, le 18 janvier 1670 à l’hôtel de Luynes [antérieurement de Chevreuse, 33 rue Saint-Dominique (VIIe)], aujourd’hui détruit. Elle fut baptisée  le 21 du même mois en l’église Saint-Sulpice (VIe) [et non Saint-Eustache], tenue sur les fonts baptismaux par Jean-Baptiste Colbert, ministre d’État, qui lui donna ses prénoms, et par Anne-Julie de Rohan, princesse de Soubise.
Elle fut élevée à Port-Royal, avec une telle austérité que la première fois qu’elle fut à l’Opéra, elle n’osa pas lever les yeux sur la scène.






Le 25 août 1683, âgée de 13 ans et 7 mois, elle épousa, en l’église Saint-Sulpice, Joseph-Ignace de Scaglia (1661-1704), comte de Verrue [Verrua Savoia, province de Turin, Italie], colonel de dragons. Les époux vécurent à Turin et eurent quatre enfants.
La comtesse de Verrue devint, après une résistance convenable, la maîtresse en titre de Victor-Amédée II (1666-1732), duc de Savoie, qui reconnut en 1701 deux enfants nés en 1690 et 1694.



En 1700, elle quitta furtivement Turin pour venir se réfugier à Paris, dans le couvent des religieuses bénédictines de Notre-Dame de Consolation de la rue du Cherche-Midi (VIe, n° 25), qui avait été conduit par sa tante maternelle, Marie-Éléonore de Rohan (1629-1681), abbesse de Malnoue (Émerainville, Seine-et-Marne).







Dès le 30 septembre 1701, les bénédictines lui vendirent l’hôtel voisin, n° 37 de la même rue, situé entre une cour et un jardin, à la suite duquel s’étendaient l’immense enclos des Carmes et, plus loin, les verdures du Luxembourg. De cet hôtel, détruit en 1907, qui était devenu en 1800 l’hôtel des Conseils de guerre, restent le portail, remonté dans le parc de Jeurre (Essonne),


et un plafond peint à décor de singeries, provenant d’un cabinet ovale et déposé au Musée des arts décoratifs. En 1703, elle acheta à la marquise de Louvois, moyennant 24.000 livres, une maison assez vaste, avec de grandes dépendances, sise à l’entrée de Meudon [Hauts-de-Seine, 18 rue de la République], aujourd’hui disparue.   

Veuve en 1704 – son mari ayant été tué à la bataille de Höchstädt (Allemagne) –, elle se partagea entre Paris, rue du Cherche-Midi, où elle était tout l’hiver, et sa maison de Meudon, où elle se réfugiait quand arrivaient les chaleurs.






Elle séjourna régulièrement au château de Sainte-Assise, que le magistrat et bibliophile Jean-Baptiste Glucq (1674-1748) possédait à Seine-Port (Seine-et-Marne),





et chez le diplomate et poète Jean-François Leriget, marquis de La Faye (1674-1731), au château de Condé-en-Brie (Aisne).

Riche, belle, intelligente et lettrée, elle noua des liens avec une société choisie d’écrivains et de philosophes et dépensa tous les ans cent mille francs en curiosités de toute sorte, meubles, tableaux – « une des plus grandes et des plus précieuses collections qu’il y eut en Europe » –, et livres. Ce qui lui valut l’admiration et les compliments de Jean-François Melon († 1738), secrétaire du Régent du royaume :

« Je me flatte d’avoir démontré, dans mon Essai politique sur le commerce, combien ce goût des beaux-arts et cet emploi des richesses, cette âme d’un grand état qu’on nomme luxe, sont nécessaires pour la circulation de l’espèce et pour le maintien de l’industrie ; je vous regarde, madame, comme un des grands exemples de cette vérité. Combien de familles de Paris subsistent uniquement par la protection que vous donnez aux arts ? Que l’on cesse d’aimer les tableaux, les estampes, les curiosités en toute sorte de genre, voilà vingt mille hommes, au moins, ruinés tout d’un coup dans Paris, et qui sont forcés d’aller chercher de l’emploi chez l’étranger. »
(« Lettre à la comtesse de Verrue sur l’apologie du luxe » tracée dans Le Mondain, par Voltaire, 1736)

Elle possédait environ 18.000 volumes, conservés dans des armoires en marqueterie de Boulle, aux portes garnies de rideaux de taffetas vert, le dessus couvert de marbre. À Paris, la bibliothèque contenait deux tables, sept « tablettes », quatre fauteuils, une chaise, deux tabourets, deux paravents, une pendule ; une grande carte du monde était accrochée au mur. 






Gilbert Saulnier du Verdier. Rozemire ou l'Europe délivée.
Paris, Denis Thierry, 1657, in-8
Librairie Camille Sourget, 2013 : 7.500 €

Les livres étaient reliés en maroquins de diverses couleurs – plutôt bleue et rouge – ou en veau fauve, à ses armes, faites de deux écus accolés : « d’argent, à la croix de sable, cantonnée de quatre losanges de même, qui est de Verrue ; écartelé aux 1 et 4, d’or au lion de gueules, armé, lampassé et couronné de même, qui est d’Albert de Luynes ; aux 2 et 3, de gueules à neuf macles d’or, qui est de Rohan ». Les entre-nerfs des dos sont décorés de lions et macles rappelant les armes d’Albert de Luynes et de Rohan.

« ils n’offrent pas le fini et l’élégance de ceux de Madame de Maintenon, de Madame de Chamillart et de la duchesse de Bourgogne. L’artiste moins surveillé, trop pressé, peut-être, n’a pas apporté les mêmes soins à son corps d’ouvrage ; de plus, les coiffes et les cartons sont lourds, la dorure est quelquefois défectueuse, et les armes, frappées à la hâte, laissent souvent à désirer. » [sic]
(Ernest Quentin Bauchart. Les Femmes bibliophiles de France. Paris, Damascène Morgand, 1886, t. I, p. 417)

La comtesse de Verrue n’était pas une bibliophile de « montre » : elle ne possédait pas des livres pour en tirer vanité, mais pour les lire, les étudier, et y mettait des notes. Sa bibliothèque était la plus riche connue alors en romans badins et en pièces de théâtre, réunis avant le comte de Pont-de-Veyle (1697-1774) et la marquise de Pompadour (1721-1764).     

« En 1719, elle achetait à Marguerite de Ratabon, comtesse de Crécy, moyennant la somme de 176,250 livres, trois maisons à porte cochère situées rue du Cherche-Midi, sur le devant de son hôtel. Mais ce n’était là qu’un placement de fonds, car elle ne les réservait pas pour son usage et les louait. Nous avons les traités de location de M. de Montullé qui s’installa dans l’une en 1729 moyennant un loyer de 2,200 livres, et celui de l’autre maison, qui devait être occupée en 1735 par le marquis de Parabère, moyennant 3,500 livres par an. En 1721 elle achetait aux Bénédictines de la rue du Cherche-Midi une maison joignant la porte cochère de son hôtel et qui donnait sur la rue du Regard où elle portait le n° 1 [payée 30.000 livres].
Cette maison, qu’elle faisait relier à son ancien pavillon, allait former une aile de son nouvel hôtel. De l’autre côté, elle faisait élever une aile semblable et surélever le bâtiment principal. Le plan de l’abbé de La Grive, de 1728, et le plan de Turgot, de 1739, montrent parfaitement ses nouvelles proportions : un bâtiment avec deux ailes en retour, accolé aux jardins des trois couvents qui l’enserraient, apparaissant derrière les bâtiments qui bordaient la rue du Cherche-Midi  et qui étaient sans doute les maisons qu’elle avait achetées deux ans auparavant.
Cet hôtel existe du reste encore presque en entier, non dans ses dispositions principales mais dans quelques-unes d’entre elles qui furent conservées lors de la construction de l’hôtel de Toulouse, beaucoup plus vaste et qui est aujourd’hui l’hôtel des conseils de guerre du gouvernement militaire de Paris. Le plan de Jaillot de 1774 indique parfaitement l’hôtel de Verrue comme incorporé à l’hôtel de Toulouse.
Les dépendances fort vastes renfermaient des écuries pour les 13 chevaux de carrosse qu’elle avait achetés, « belles bêtes noires à courtes queues » et pour ses deux juments de selle « sous poil bai », et des remises pour « sa grande berline dorée, montée sur quatre roues, garnie de trois glaces, tendue de velours ciselé cramoisi, pour ses deux berlines de campagne en drap rouge, pour un petit berlingot, un autre grand carrosse, une chaise à deux roues et une chaise de poste également à deux roues ».
Dans l’hôtel, les appartements étaient au premier, sur les jardins. Deux salons attenaient à sa chambre qui avait une sortie sur une grande galerie allant du jardin à l’extrémité d’une des ailes de l’hôtel où avait été établie une volière. […] Dans chaque aile il y avait deux appartements complets au rez-de-chaussée et au premier, et qui furent bientôt désignés par le nom de ceux auxquels Mme de Verrue les réservait le plus souvent. […]
Une seconde galerie faisait suite à la salle à manger et à la bibliothèque, pièce magnifique à deux fenêtres donnant sur une terrasse intérieure, séparait le corps principal de l’aile opposée. […]
Mme de Verrue apporta son goût, mais aussi un peu son désordre dans l’ameublement de son hôtel qu’elle renouvela en partie à cette époque, ne conservant qu’un certain nombre des meubles qu’elle avait précédemment et dont elle fit porter le surplus dans sa maison de Meudon et dans une seconde, plus grande, contiguë à la première, et qu’elle avait achetée, avec ses jardins et dépendances, à Pierre Caillot, en décembre 1719, moyennant 50,000 livres. […]
Les maisons de Meudon servirent ainsi petit à petit de débarras. A mesure que la place manquait à Paris et qu’il fallait caser les nouveaux tableaux ou les éditions plus rares de livres, on garnissait les murs de Meudon de tous les tableaux de peu de prix qu’elle avait achetés d’abord, et d’une partie des gravures qu’elle possédait, […]
Ses collections l’occupaient d’ailleurs beaucoup […] La Faye et Boulongne [Louis de Boullogne « le jeune », 1654-1733, peintre] la guidaient dans le choix de ses tableaux et des livres de sa bibliothèque sur lesquels Melon  lui donnait souvent aussi un avis utile […]
On peut dire qu’elle collectionnait un peu en toutes choses […]
Ainsi nous voyons qu’elle eut la passion des tabatières, celle des cachets gravés, celle des montres et des pendules, des boites de toutes formes et de toutes dimensions en écaille, en or, celle des cachets gravés [sic], des pierres dures, des médailles. » [sic]
(G. de Léris. La Comtesse de Verrue et la Cour de Victor-Amédée II de Savoie. Paris, A. Quantin, 1881, p. 198-206)   
  




Après une maladie de plus de deux ans, elle mourut étouffée par un abcès du poumon dans son hôtel de la rue du Cherche-Midi, le 18 novembre 1736. Elle fut enterrée dans le cimetière de la paroisse Saint-Sulpice. Attendu son goût pour les arts et pour les plaisirs, elle avait été surnommée « dame de volupté », et avait fait elle-même un quatrain pour lui servir d’épitaphe :

« Ci-gît, dans une paix profonde,
Cette dame de volupté
Qui, pour plus grande sûreté,
Fit son paradis en ce monde. »

L’inventaire, commencé le 10 décembre 1736, se poursuivit pendant tout le mois de janvier 1737. La vente des tableaux et celle des livres se firent à l’hôtel de la rue du Cherche-Midi, en mars et avril 1737. Le catalogue des tableaux n’existait qu’en manuscrits. L’inventaire des livres signale un lot de 68 ouvrages qui furent écartés de la vente, parce que traitant de querelles religieuses ou licencieux, parmi lesquels :

- Journal de la cour, par M. Dangeau. Manuscrit, 12 vol. in-fol. reliés en basane.
- La Clef du sanctuaire ou traduction de Spinosa. In-12, veau.
- Lettres philosophiques de Voltaire. In-12, veau.
- Les Princesses Malabarres. In-12, veau.
- Les Amours de Sainfroid, jésuite, et d’Eulalie, fille dévote. In-12, veau.
- La Galanterie monacale. In-12, veau.
- Vénus dans le cloitre. In-12, fig., mar. bleu.
- Tanzaï et Néadarné, histoire japonaise. 2 vol. in-12, mar.
- Aloisia ou l’Académie des dames. In-12, mar. bleu.
- Histoire amoureuse de France, de Bussy Rabutin. In-12, veau.
- Les Contes de La Fontaine, avec figures. 2 vol. in-8, mar.
- Relation du quiétisme en France. 2 vol. in-12, veau.
- L’Inceste innocent ou la Mauvaise Mère, aventure galante. In-12, mar. rouge.






La bibliothèque fut mise en vente avec un Catalogue des livres de feue Madame la comtesse de Verruë (Paris, Gabriel Martin, 1737, in-8, [4]-240 p., 389 numéros), dont l’ « Avis » prévient :

« Des raisons particulieres Nous ayant obligé de suivre scrupuleusement l’ordre & les n° de l’Inventaire, Nous n’avons pû donner aux Livres d’autre arrangement que celuy qu’ils avoient dans la Bibliotheque : Nous nous sommes seulement attachez à en exposer les titres clairs & detaillez, & à marquer les Auteurs & les Editions. Il en resulte une necessité de lire entierement le Catalogue, non-seulement à cause de la diversité des sujets qui peut se rencontrer dans les Livres compris sous un même n°, mais encore à cause des mélanges, c’est-à-dire des volumes qui renferment plusieurs Traitez reünis sous un crochet. » [sic]

Sous chaque numéro sont souvent compris plus d’une dizaine d’ouvrages, chacun en plusieurs volumes.


Gilbert Burnet. Histoire des dernières révolutions d'Angleterre.
La Haye, Jean Neaulme, 1725, 2 vol. in-4, fig.
Sotheby's, Paris, 19 novembre 2012 : est. 3.000/5.000 €, non vendu


Quentin-Bauchart a affirmé, sans preuve, que presque tous les livres avaient souffert de l'humidité :

« Le Pétrone, en deux volumes, maroquin rouge, qui provient de la vente de Bure et appartient à M. Édouard Bocher ; les Œuvres de Voiture, achetées également par M. Bocher, à la vente du baron Jérôme Pichon ; le très joli Regnier (Elzévier), de la bibliothèque du comte de Lignerolles ; le Cyrano de Bergerac, acquis par M. Dutuit, de Rouen, à la vente des livres du marquis de Ganay ; l’exemplaire des Portraits et Éloges, de Mademoiselle de Montpensier, acheté également par M. Dutuit ; la Jérusalem délivrée (Paris, 1648, in-8, mar. r., fig. de Michel Lasne), de la collection de M. Félix Vallois, de Rouen ; le Chef-d’œuvre d’un inconnu, que possède le comte de Mosbourg, et un Recueil de tragédies [relié en maroquin vert, avec les macles des Rohan servant de dentelle autour des plats, et les lions des Luynes aux angles et au milieu ; doublure en maroquin rouge avec dentelles], du cabinet du baron J. Pichon, le seul livre doublé de maroquin que nous ayons vu aux armes de la comtesse.
Quelques volumes auxquels Madame de Verrue attachait moins de prix et qui servaient à garnir ses armoires de campagne, portent au-dessus [plus rarement au-dessous] de l’écusson le mot Meudon, timbré en or. Les plus importants sont les Œuvres de Benserade (Paris, Ch. de Sercy), 1697, deux volumes maroquin rouge, aujourd’hui chez S. A. R. le duc d’Aumale, au château de Chantilly ; le Théâtre de Pierre Corneille (Rouen et Paris), 1664, de la collection de M. Abel Patoux, de Saint-Quentin ; l’Histoire de Palmerin d’Olive … (Anvers), 1572, pet. in-4, de la bibliothèque de M. de Terrebasse ; l’Astrée, d’Honoré d’Urfé, en sept volumes in-8, mar. bleu, prisé dans l’inventaire, par le libraire Gabriel Martin, 21 livres ; Cassandre, de la Calprenède, en dix volumes, prisé 25 livres ; Cléopâtre, du même, 12 vol. estimés 36 livres [cet exemplaire a reparu à la vente des livres du comte de Béhague, en 1880, et a été adjugé au prix de 200 fr.] ; Pharamond, du même, douze volumes prisés 36 livres ; Artamène ou le grand Cyrus de Mademoiselle Scudéry, dix vol. maroq. rouge, prisés 48 livres ; Clélie, Histoire romaine, par Scudéry, 10 vol. in-8, estimés 25 livres, aujourd’hui chez M. le marquis de Lagoy, à Aix en Provence ; les Œuvres de Scarron en 10 vol. prisés 20 livres ; Don Quichotte avec la suite, prisé 26 livres ; les Lettres de Bussy Rabutin, Paris, 1697, de la Bibliothèque Nationale ; les Mille et un jours [passé chez Lignerolles], en 5 vol. mar. bleu prisés, avec les Mille et un quarts d’heures [passé à la BnF] en un vol., 18 livres 10 sols, etc. » [sic]  
(Ernest Quentin Bauchart. Les Femmes bibliophiles de France. Paris, Damascène Morgand, 1886, t. I, p. 417-419)





Garcilaso de la Vega. Histoire des Incas (suivi de :) Histoire des guerres civiles des Espagnols dans les Indes
Amsterdam, Gérard Kuyper, 1704-1706, 4 vol. in-12
Librairie Camille Sourget, 2013 : 11.000 €

Samosate. Paris, Courbé, 1655
Sotheby's Paris, 19 novembre 2012 : 8.750 €

Gustave Brunet (In Bulletin du bibliophile, 1893, p. 253-259) a complété la liste de Quentin-Bauchart :
    
ABERY. Histoire du cardinal Mazarin. Paris, 1688, 2 vol. pet. in-8 (Giraud, n° 2827)
Amant de bonne foy. Paris, 1695, in-12 mar. vert (Béhague, n° 1009)
AULNOY (Mme d’). Voyage d’Espagne. Paris, 1699, 3 vol. in-12, veau (Grangier de la Marinière, 1883)
Axiamire ou le roman Chinois. Paris, 1675, in-12, veau (J. Techener, 1865)
BACILLY (De). Recueil des plus beaux vers. Paris, 1661, in-12, mar. bl. (vente Giraud, 1855, n° 1497)
BASSOMPIERRE. Mémoires. Cologne, 1665, 2vol. in-12, mar. (vente M. Avril, 1883)
BAUDOT DE JUILLY. Germaine de Foix. Paris, 1701, in-12, mar. (Fontaine, 1875)
BAUDOUIN. Les Advantures de la cour de Perse. Paris, 1629, in-8, mar. noir, (vente Pichon, 1869, n° 746, 205 fr. ; Béhague, 1880, n° 973, 150 fr.)
BAYLE. Lettres choisies. Rotterdam, 1714, 2 vol. in-12, mar. (A.-F. Didot, 1883)
BEKKER. Le Monde enchanté. Amsterdam, 1694, 4 vol. in-12, veau (P. J. D., 1856)
BELLEAU (Remy). Œuvres. Paris, 1578, in-12, mar. (Béhague, n° 592)
BENSERADE. Œuvres. Paris, 1697, 2 vol. in-12, mar. rouge (Cat. Cigongne, 1861, n° 988)
BLACKWOD (Adam). Histoire et martyre de la royne d’Escosse. Paris, 1589, in-16 mar. (Turner, 1878)
BONNECASE (R.-A.). Voyage d’Espagne fait en 1655. Cologne, 1666, in-12, veau (vicomte d’Auteuil, 1864)
BOULAINVILLIERS. Mémoires présentés au duc d’Orléans. La Haye, 1727, in-12, veau (J. Techener, 1865)
CAMUS. La Cleoreste, histoire française. Lyon, 1626, 2 vol. in-8, mar. r. (vente Giraud, 1855, n° 1947)
Célinte, première. Paris, 1641, in-8, mar. (J. Techener, 1865)
CERVANTES. Nouvelles. Paris, 1707, in-12, mar. (vente M., 1880)
Chansons pour danser et pour boire. Paris, 1645-1652, 2 vol. in-8, mar. (L. Techener, 1889)
COLET (Cl.). Histoire palladienne. Paris, 1555, in-fol., veau (A.-F. Didot, 1881)
CRENNE (Mme Hélisenne de). Œuvres. Paris, 1560, in-16, mar. (vente Brunet, 1868, n° 540)
DESJARDINS (Mlle). Alcydamie. Paris, 1661, in-8, mar. (J. Techener, 1865)
DESMARETS. L’Ariane. Paris, 1639, in-4, mar. (Pichon, 1869, n° 718 ; Fontaine, 1872)
Diversités curieuses. Paris, 1700, 10 vol. in-12, mar. r. (vente Didot, 1883, n° 435)
DUCHESNE (François). Recherches historiques de l’Ordre du Saint-Esprit. Paris, 1710, 2 vol. in-12, mar. r. (vente Béhague, 1880, n° 1899, 159 fr. ; Techener, 1886, n° 807, 140 fr.)
DU PERRET. La Cour d’amour. Paris, 1667, 2 vol. in-8, mar. (vente de J. Techener, 1865 ; comte de L., 1866)
DU VERDIER. Sibile, histoire de notre temps. Paris, 1633, in-8, mar. vert (vente Giraud, 1855, n° 1945)
FÉNELON. Télémaque. Paris, 1699, 2 vol. in-12, mar. citron, (vente Didot, 1878, n° 637, 120 fr.)
GACON. Le Poète sans fard. S. l., 1702, in-12, mar. rouge (vente Giraud, 1855, n° 1405)
GASCON (LE). Extravagant. Paris, 1639, in-8, veau (Giraud, n° 1955)
Germaine de Foix. Paris, 1701, in-12, mar. (Fontaine, 1877)
GUMBLE. La Vie du général Monk. Londres, 1672, in-12, mar. rouge (vente Ganay, 1881, n° 260, 105 fr.)
Histoire de Gustave Adolphe. Prade, 1695, in-12, veau (Giraud, n° 3067)
Histoire des ordres militaires. Amsterdam, 1721, 4 vol. in-8, veau (Giraud, 1855, n° 2503)
Histoire Palladienne traitant des gestes et faits d’armes de plusieurs grands princes et seigneurs. Paris, 1555, in-fol., veau écaille (vente Didot, 1881, n° 412)
Histoire politique et secrète de la cour de Madrid dès l’avènement du roi Philippe V. Cologne, Pierre le Sincère, 1719, in-8, veau.
JODELET. Comédie. Paris, 1648, in-4, mar. (Marquis, 1890)
LA CALPRENÈDE. Faramond ou l’histoire de France. Paris, 1661, 12 vol. in-8, veau (Solar, n° 1932)
LA CHAMBRE (De). Discours sur les débordements du Nil. Paris, 1665, in-12, veau (P. J. D., 1856)
LAFAYETTE (Mme de). Zayde, histoire espagnole. Paris, 1670, 2 vol. pet. in-8, mar. bl. (vente comte Roger du Nord, 1884, n° 335)
LA FONTAINE. Œuvres. Anvers, 1726, 3 vol. in-4, texte encadré, veau (un amateur étranger, 1877)
La Gibecière de Mome. Paris, 1644, in-8, veau (vicomte d’Auteuil, 1864)
La Liberté des dames. Paris, 1693, in-12, veau fauve (vente Pichon, 1869, n° 817)
L’Ambigu d’Auteuil. Amsterdam, 1725, in-12, veau (Fontaine, 1875)
LA MOTTE. Odes. Paris, 1707, in-12, mar. (Béhague, n° 719, ex. Génard, 1882)
LARREY. Histoire de France sous le règne de Louis XIV. Liège, 1723, 9 vol. in-12, veau (Grangier de la Marinière, 1883)
Le Courrier dévalisé. Villefranche, 1644, in-12, mar. (Fontaine, 1875, 120 fr.)
L’Heureux Chanoine de Rome. 1707, in-12, mar. (P. J. D., 1856)
MACHIAVEL. Œuvres. Amsterdam, 1697, 6 vol. in-12, mar. rouge (vente L. Techener, 1886, n° 603, 178 fr.)
MAFFÉE (J. P.). Histoire des Indes. Paris, 1665, in-4, veau (J. Techener, 1865)
MARCASSUS. La Clorymène. Paris, 1626, in-8, veau fauve (vente Huillard, 1870, n° 705)
MARGUERITE DE VALOIS. Mémoires. La Haye, 1715, in-12, mar. (Destailleur, 1891)
Marie Stuart, reine d’Écosse. Paris, 1675, in-12 (Chedeau)
MARIGNY. Œuvres. Paris, 1674, in-12, veau (comte de L., 1866)





MAROT (Clément). Œuvres. 1731, 6 vol. in-12, mar. Provient des bibliothèques Double et Huillaire (G. Haminski, 1866)
MATHIEU (Pierre). Histoire des troubles de France. 1601, in-8, veau (vente Grangier de la Marinière, 1883)
Meliadus de Leonnoys. Paris, Denis Janot, 1532, in-fol., veau (vente Didot, 1881, n° 404)
Mémoire du chevalier Hazard. Paris, 1705, in-12, mar. (Béhague, n° 1032)
MONTAIGNE. Essais. S. l., 1725, 3 vol. in-4, veau (vente Silvestre de Sacy, mai 1879, n° 177, 125 fr.)
MONTPENSIER (Mlle). Recueil de portraits en vers et en prose. Paris, 1659, 2 vol. in-8, mar. (Pichon, 1869)
NADAL (L’abbé). Le Voyage de Zulma dans le pays des fées. Amsterdam, 1734, in-12, veau (vente comte Roger du Nord, 1884, n° 352)
NICOLE (Le président). Œuvres. Paris, 1693, 2 vol. in-8, mar. (vicomte d’Auteuil, 1864)

Sotheby's Paris, 19 novembre 2012 : 4.750 €

NODOT. Histoire de Mélusine. Paris, 1700 (Beckford, 220 fr.)
Nouvelliste du Parnasse (Le). Paris, Chaubert, 1731, 3 vol. in-12, veau.
PALAPRAT. Œuvres. Paris, 1712, 2 vol. in-12, mar. (Solar)
PLUTARQUE. Décade contenant les vies des empereurs. Paris, 1567, in-8, mar. r. (vente Didot, 1884, n° 499)Poètes français de la collection Coustelier. 7 vol. in-12, veau.
Polixène de Molière (La). 1635, in-8, veau (catalogue Fontaine, 1875)
Prison sans chagrin (La). Paris, 1704, in-12, mar. (Giraud, n° 1974). Autre édition, Paris, 1669 (Génard, 1882)
PUGET DE LA SERRE. Le Roman de la cour de Bruxelles. Paris, 1628, in-8, mar. (Béhague, n° 972)
PURE (L’abbé). La Prétieuse. Paris, 1660, 2 vol. in-8, mar. (Pichon, 1869)
Quinte Curse. Amsterdam, 1696, pet. in-8, mar. (Giraud, n° 2573)
Recueil de soixante-cinq mazarinades. 1649, in-4, mar. (Pichon, 1869)
Recueil en deux parties de poésies diverses. Paris, 1678, in-12, mar. (voir Cabinet d’un curieux, p. 92)
RICHARD (L’abbé). Vie du père Joseph Leclerc. Paris, 1702, 2 vol. in-12, veau (Grangier de la Marinière, 1883)
ROUSSEAU (J.-B.). Œuvres. Amsterdam, 1726, 3 vol. in-12, mar. (Morgand, 1891, 500 fr.)
SAINT-AMANT. Œuvres. Paris, 1629, in-4, mar. (Pichon, 1869)
SAINT-HYACINTHE. Historiettes. La Haye, 1730, in-12 veau (Destailleur, 1891)
SAINT-HYACINTHE. Le Chef-d’œuvre d’un inconnu. La Haye, 1714, in-12 ; mar. (vente M., 1880)
SAINT-PIERRE (L’abbé de). Discours sur la polysynodie. Amsterdam, 1719, in-12, veau (P. J. D., 1856)
SCARRON. Théâtre. S. l., s. d., in-4, mar. bleu (L. Techener, 1886, n° 425, 305 fr.)
SCUDÉRY (Mlle). Célinte. Paris, 1661, in-8, mar. (Béhague, n° 989)
SCUDÉRY. Clélie, histoire romaine. Paris, 1656, 9 vol. in-8, mar. Ex. de Sainte-Beuve, avec des notes de sa main (Fontaine, 1870)  
SCUDÉRY (Mlle de). La Morale du monde. Paris, 1686, 2 vol. pet. in-8, mar. r. (vente comte Roger du Nord, 1884, n° 411)
SOREL (Ch.). La Maison des jeux. Paris, 1657, 2 vol. in-8, mar. (Pichon, 1194)
STRAPAROLE. Les Facécieuses nuits. Paris, 1726, 2 vol. in-12, veau (Béhague, 1194)
TASSO. La Jerusalem de la version de Baudouin. Paris, 1648, in-8, mar. (G. Kaminski, 1882)
Tideric, prince de Galles. Paris, 1677, in-12, veau (comte de L., 1866)
Valesiana. Paris, 1695, in-12, veau (vente H. de ***, 1885)
VILLEDIEU (Mme de). Alcidamie. Paris, 1661, 2 vol. in-8, mar. bleu (vente Béhague, 1880, n° 993, 72 fr.)
VOITURE. Œuvres. Paris, 1691, in-12, mar. (Pichon, 1869)
Voyages de Sulma (Les). Amsterdam, 1734, in-12, veau (Roger du Nord, 1884)
WILKINS (John). Le Monde dans la lune. Rouen, 1656, pet. in-8, mar. r. (vente Soleil, 1871, n° 623, 32 fr.)

Les volumes de théâtre passèrent, pour la plupart, dans la riche collection du duc de La Vallière et sont aujourd’hui à la Bibliothèque de l’Arsenal. La bibliothèque de Nîmes conserve néanmoins 95 volumes, contenant 400 pièces de théâtre publiées entre 1572 et 1714 [http://www.e-corpus.org/eng/notices/163037-Biblioth%C3%A8-que-th%C3%A9-%C3%A2-trale-de-la-comtesse-de-Verru%C3%AB-.html.].






Boulainvilliers. Mémoires. La Haye et Amsterdam, 1727, in-8
Librairie Patrick et Elisabeth Sourget, 2013 : 9.500 €


À part quelques exemplaires qui se trouvaient provisoirement à Paris, les livres de la bibliothèque de la maison de Meudon restèrent en place. Par testament du 20 septembre 1736, la comtesse de Verrue avait légué à son frère Louis-Joseph, prince de Grimberghen, et après lui à la duchesse Angélique-Victoire de Duras sa nièce, sa maison toute meublée « parce qu’il n’en possède aucune à la campagne ». L’héritière unique du prince de Grimberghen mourut sans postérité en 1736. Les héritiers firent relier des volumes portant la mention « Meudon », sans les armes de la comtesse sur les plats, mais avec lions et macles sur le dos. Des livres furent vendus après la mort du prince : Catalogue des livres de M. le comte d’Albert, prince de Grimberghen (Paris, Osmont, 1759, in-8). Les Villeroy, seuls héritiers de la duchesse de Duras, vendirent la maison en 1766, conservant une bibliothèque jusqu’aux confiscations de 1794. Entre-temps, la bibliothèque du duc d’Aumont, grand collectionneur d’objets d’art, avait été dispersée en 1783.
La Bibliothèque nationale de France possède 199 volumes ayant fait partie de la bibliothèque de Meudon.    

A droite : Gerzan. Histoire asiatique de Cerinthe, de Calianthe et d'Artenice. Paris, P. Lamy, 1634, in-8.
Exemplaire de Michel Wittock. Christie's, Paris, 8 novembre 2004 : 2.115 €
Montaigne. Les Essais. Paris, 1669, in-12
Aux armes de la comtesse de Verrue et de son frère Louis-Joseph d'Albert de Luynes
Sotheby's Paris, 19 novembre 2012 : 12.500 €

     

vendredi 20 décembre 2013

Le Musée bibliographique de Charles Motteley

Agent diplomatique sous Napoléon Ier, Jean-Charles Mottelay, dit « Motteley », est né à Giberville (Calvados), le 12 avril 1778 :


« Aujourd’huy jeudy dousieme jour d’avril mille sept sept [sic] Cents soixante dix huit, jean charles Motelay né d’aujourd’huy du légitime Mariage de jean françois Motelay et d’anne Catherine le febure son epouse de Cette paroisse, a été baptisé par nous prêtre Curé de Ce lieu, son parain Charle estienne philippe Motelay [signe avec deux « t »] tonsuré, sa Mareine anne françoise Bourget qui ont signés avec nous. » [sic]

Morose et peu accessible, Motteley ne vécut que pour ses livres. L’origine de sa bibliothèque et de son goût pour les livres date du temps de ses études : élève distingué, il avait beaucoup de prix, et sa mère lui faisait présent d’autres livres encore quand elle le voyait revenir chargé d’ouvrages.

« Quand on entre chez lui, on voit d’abord des livres assez ordinaires, fort mal rangés ; on entre à droite dans une grande pièce (son salon) qui contient trois corps de bibliothèque et trois armoires. Ça et là, sur la cheminée et au dessus des armoires, sont de belles reliures anciennes montrant le plat. Il a la coutume de ranger de cette manière quelques exemplaires du comte d’Hoym, de de Thou, de Longepierre et autres en dedans de ses armoires ; ses plus belles choses sont dans une petite armoire qui est dans sa chambre à coucher, dans son secrétaire et dans sa commode. C’est là que sont le Virgile, le Tacite et l’Horace elsevier d’Hoym, l’Horace de Longepierre, etc. » [sic]
(Baron Jérôme Pichon. « Bibliophiles & relieurs ». In Bulletin du bibliophile, 1906, p. 393)

« Mais, puisque je parle de livres, laissez-moi vous raconter une aventure qui m’est arrivée, ces jours derniers, avec un bibliophile distingué. J’étais allé, un matin, rendre visite à Jules Janin (qui habite toujours modestement, comme s’il était encore garçon et qu’il ne fût pas un grand écrivain), son 3e étage de la rue de Vaugirard. Là, j’examinais un magnifique Byron sur papier de Chine, avec dessins originaux. Vis-à-vis de moi se trouvait un homme d’une cinquantaine d’années, à belle physionomie, un peu pâle, mais dont les traits sont pleins de douceur. A l’une de mes exclamations, je vis paraître sur son visage un léger sourire qui me sembla vouloir dire : “ J’ai beaucoup mieux que cela, Monsieur.”
Je le regardai d’une façon qui l’engageait à s’expliquer, Oui, Monsieur, dit alors cette personne, le Byron de M. Janin est certainement très-beau, et j’avoue que cette reliure de Lewis, le Thouvenin de Londres, est réellement admirable, Mais, je possède mieux que cela, Monsieur. J’ai, par exemple, en un volume, grand papier, les Mémoires de Langey-Dubelley, exemplaire de Catherine de Médicis, que j’ai refusé de céder pour 1,500 fr. à feu le Marquis de Chalabre, l’adorateur de Mademoiselle Mars. J’ai aussi un Ronsard, petit in-12, pour lequel on m’assassinera quelque jour ; enfin, je possède un Missel du ixe siècle, en lettres d’or, couvert d’une reliure en bois, dans laquelle est incrusté un distique d’ivoire ciselé, qui est un véritable chef-d’œuvre. Mais là ne se bornent pas mes richesses. J’ai, chez moi, tout ce qui a paru de mieux en reliure depuis Charles VIII, Louis XII, Anne de Bretagne, le chancelier Séguier, le Comte d’Hoyne [i.e. Hoym], François Ier, Henri II, Charles IX et Anne d’Autriche, jusqu’à nos jours. Aussi, pour réunir ces chefs-d’œuvre, ai-je parcouru dix ans l’Europe. Si vous voulez me faire l’honneur de venir me voir un matin, je vous montrerai cela.





Ce disant, M. Motteley (ainsi se nomme mon bibliophile) me remit sa carte. Deux jours après, je frappais, sur les dix heures, à la porte d’une grande maison, située dans le faubourg Poissonnière, non loin de l’habitation de M. Sauvageot, notre plus riche collectionneur de verrerie italienne. Parvenu au 3e étage, je sonnai et le bibliophile lui-même m’ouvrit l’entrée de son sanctuaire. Imaginez-vous une assez longue suite de chambres décorées, pour tout ameublement, de grandes armoires à vitraux contenant plusieurs milliers de livres. Là, pas de glaces, pas de candélabres ni de pendules sur les cheminées. Non, partout des livres et rien que des livres.
M. Motteley me montra, outre 4,000 Elzevirs, arrachés à tous les pays, l’œuvre de botanique de Matthiole, enrichie des notes manuscrites de Nodier et de peintures, comme Redouté et quelques miniaturistes seuls en ont su faire ; –  un très-beau Faustus aux armes de Louis XII ; une Somme de Saint Thomas, édition des Juntes ; – un Coran, aux armes de Henri II et de Diane de Poitiers ; – enfin, l’Image de la vie chrétienne, Paris, in-4° gothique, relié aux armes de Henri III, c’est-à-dire, ayant une tête de mort et des ossemens en sautoir sur le dos du livre, et au-dessus la devise de ce Prince : Spes mea salus.
M. Motteley estime sa collection environ 500,000 fr. » [sic]
(Achille Jubinal. « A M. Gras, gérant de la Revue du Midi. » In Revue du Midi, Montpellier, Gras, 1845, 3e série, t. I, p. 259-260)


« Le 24 février 1848, les révolutionnaires (ceux-là même qui ont incendié la bibliothèque de Motteley dans le palais du Louvre, aux derniers soupirs de l’affreuse Commune de 1871) envahirent le Palais-Royal et commencèrent par jeter dans la cour du palais les livres de la Bibliothèque pour en faire un feu de joie. Motteley accourt ; ce n’est plus un bibliophile ; c’est un lion, c’est un apôtre : “ Brûler des livres ! s’écrie-t-il. Vous n’êtes pas des hommes, vous êtes des bêtes brutes ! Vous ne savez donc pas lire ? ” On s’empare de lui, on veut le coucher sur un bûcher de livres, auxquels on a mis le feu. “ O Voltaire ! crie Motteley, ce ne sont plus les Parlements qui brûlent les livres, c’est le bon peuple de Paris ! ” L’invocation à Voltaire sauva Motteley et la Bibliothèque du Palais-Royal.
Cependant quelques centaines de volumes avaient été brûlés, déchirés ou volés. Motteley errait autour des grilles du Palais-Royal […] Il vient s’adresser au concierge, qui est à peine remis des émotions de la journée : […] “ Monsieur le concierge, dit solennellement Motteley, je vous somme de vous assurer si le Grand Perceforest est encore à sa place dans la Bibliothèque. C’est une affaire d’Etat. Depuis longtemps l’Angleterre convoite ce magnifique exemplaire. Allez donc dans la Bibliothèque, seconde salle, première armoire, à gauche, six volumes, grand in-folio, portant au dos : Perceforest. Je vous rends responsable du sort de ce livre incomparable. Aidez-moi à le conserver, mon ami, et je vous promets la protection de l’illustre Arago.” […] Il disparut pendant quelques instants, qui parurent des siècles à Motteley ; il revint bientôt, le sourire sur les lèvres, et dit à voix basse : “ Oui, monsieur, il est là ! On n’y a pas touché. J’ai lu sur le dos des volumes : Percefort. Est-ce la même chose que Perceforest ? ”
(« Lettre du bibliophile Jacob à l’auteur des Amoureux du livre » In F. Fertiault. Les Amoureux du livre. Paris, A. Claudin, 1877, p. xxiij-xxv) 

Motteley publia, à ses frais, à l’instar des Elzévirs, dans un but mercantile, des réimpressions offrant aux amateurs l’élégance des éditions elzéviriennes : marques, têtes de pages, fleurons, vignettes et lettres grises, tout y est imité.  


Exemplaire unique sur peau de vélin, relié par Niedrée.
17.500 $ Jonathan A. Hill bookseller

- Un fac-similé du seul exemplaire original qu’on connaissait alors du Catalogus librorum officinæ Danielis Elsevirii (Amstelodami, 1681, pet. in-12, 12-[40] p.), fort rare, exécuté en 1823 par Firmin Didot, tiré à 101 exemplaires (1 sur peau de vélin, avec les armes des Elzévirs peintes en or et couleur, estimé par l’éditeur à 140 fr. ; 20 sur papier superfin de Hollande, numérotés à la presse ; 80 sur papier fin de Hollande, numérotés à la presse), avec vignettes gravées sur bois par Tompson ; le titre est répété et,




au dernier feuillet, Motteley a appliqué à la main son chiffre formé des initiales J. C. M. enlacées.






- Les Cérémonies et prières du sacre des rois de France, accompagnées de recherches historiques (Paris, Firmin Didot, 1825, pet. in-12, [8]-108 p.), que Motteley publia, sont ornées de vignettes elzéviriennes. Il en a été tiré 2 exemplaires sur peau de vélin ; le tirage ordinaire, à petit nombre, est sur papier fin ; il y en a sur grand papier vélin superfin.





- Discours de Michel de L’Hospital, chancelier de France, sur le sacre de François II (Paris, Firmin Didot, 1825, pet. in-12, 24 p.), orné de vignettes copiées sur celles des Elzévirs dont on a imité la typographie. Il en a été tiré 2 exemplaires sur peau de vélin [1 dans la bibliothèque du grand duc de Toscane ; 1 dans la bibliothèque de Louis Van Gobbelschroy, puis dans celle de Jean De Meyer], 25 sur papier de Hollande, numérotés à la presse, et le reste, tiré à petit nombre, sur papier ordinaire.

- Histoire des révolutions de la barbe des Français, depuis l’origine de la monarchie (Paris, Ponthieu, 1826, gr. in-24, 48 p.), avec des vignettes elzéviriennes, tiré à 4 exemplaire sur peau de vélin, 30 exemplaires sur papier de Hollande numérotés à la presse, le reste sur papier ordinaire.




- Sermon pour le Vendredi-Saint, prononcé en l’église catholique de Smyrne, l’an 1644 (Paris, Ponthieu, 1827, gr. in-24, viij-72 p.), avec fleurons, vignettes et lettres grises, tiré à 2 exemplaires sur peau de vélin, à un petit nombre d’exemplaires sur grand papier vélin, le reste sur papier ordinaire.

Les Elzévirs furent constamment l’objet de ses recherches et de ses études.







Aperçu sur les erreurs de la bibliographie spéciale des Elzevirs et de leurs annexes, avec quelques découvertes curieuses sur la typographie hollandaise et belge du xviie siècle (Paris, Panckoucke, 1847, pet. in-12, 40 p.), suivi d’une Liste des éditions en petit format avec fleurons, vignettes, lettres grises, publiées par le bibliophile Ch. M. ([4] p.). Volume orné de fleurons, vignettes, lettres grises et d’une sphère sur le titre et la couverture, tiré à 246 exemplaires : 1 sur peau de vélin, 15 sur papier bleu, numérotés, 30 sur papier superfin de Hollande, numérotés, 200 sur papier ordinaire :

« Quand quelqu’un parle de livres elzeviriens d’une manière pertinente, il a beau se cacher sous le voile de l’anonyme, on devine aisément M. Charles Motteley, le plus heureux possesseur d’Elzevirs de la France et l’on peut dire de l’Europe. Le joli livret que nous annonçons tombe naturellement dans notre domaine, parce qu’il restitue à d’habiles typographes belges bon nombre de livres attribués jusqu’ici aux Elzévirs. Nous voulons parler de François Foppens, de Bruxelles, qui lutte avec les illustres typographes hollandais, de telle sorte qu’il a fallu l’œil exercé de M. Motteley pour distinguer leurs labeurs de ceux de la Hollande ; de Jean Mommart, de la même ville, qui approche de près la perfection de Foppens ; de Lambert Marchant, également de Bruxelles, moins expert que les deux autres, mais dont les productions typographiques sont aussi admises dans les collections elzeviriennes. M. Motteley restitue à ces honnêtes imprimeurs leurs travaux, que M. Bérard et même l’exact M. Brunet leur avaient enlevés, pour les accorder, sans distinction, à la famille déjà si riche des Elzevirs ; et cela sur l’enseigne d’une sphère ou de quelqu’autre vignette adoptée par les célèbres typographes hollandais. L’intraitable dénicheur des véritables artisans de tous ces petits livrets si chèrement payés, rend également à Philippe de Croy, de Leyde, à Guillaume de Hoeve, de Goude, à Vander Marse, de Leyde, à Hackius, de la même ville, à Jean Blaeu, d’Amsterdam, les labeurs justement recherchés qui leur appartiennent ; il restitue même à L. Maurry, de Rouen, des soi-disants Elzevirs parfaitement français : ce sont des contrefaçons de la contrefaçon hollandaise. Après avoir rendu à chacun le sien, M. Motteley applique aussi aux presses elzeviriennes plusieurs ouvrages connus jusqu’ici seulement sous les noms de libraires réels ou supposés, et il rectifie ainsi les dernières données du Manuel de M. Brunet, si excellent en beaucoup de choses, mais qui n’a pu s’arrêter aux mille et un détails de lettres grises, de vignettes, et de l’œil des caractères des nombreuses productions typographiques qui forment aujourd’hui ce qu’on appelle la collection des Elvezirs [sic] et de leurs annexes. Il fallait une étude spéciale pour faire ces rectifications, et personne mieux que le collecteur infatigable de la plus vaste bibliothèque elzevirienne connue n’était à même d’opérer ces redressements. Le succès qu’obtiendra ce petit aperçu, charmant du reste par sa forme comme il est intéressant par le fond, devra encourager son auteur à publier une bibliographie complète des Elzevirs ; c’est à lui qu’est réservé ce droit. » [sic]
(A. Dinaux. In Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique. Valenciennes, au bureau des Archives, 1847, nouvelle série, t. 6e, p. 152-153) 

Cette brochure avait été donnée dans le Bulletin des arts (Paris, L’Alliance des arts, 1846, Ve année, t. V, p. 245-250, 293-295, 322-324, 400-403, 434-439), sous le titre « Sur les éditions elzeviriennes » [sic], et fut réimprimée à Bruxelles, avec le nom de l’auteur, à 200 exemplaires numérotés : le capitaine De Reume, flatté du compliment que lui a adressé Motteley dans sa préface, a fait faire une élégante contrefaçon dans laquelle 16 impressions attribuées aux Elzévirs sont restituées à F. Foppens, de Bruxelles :





Aperçu sur les erreurs de la bibliographie spéciale des Elzevirs et de leurs annexes, avec quelques découvertes curieuses sur la typographie hollandaise et belge du xviie siècle (Bruxelles, impr. de la Société des beaux-arts, 1848, pet. in-12, 43-[1 bl.] p.), suivi d’une Liste des éditions en petit format avec fleurons, vignettes, lettres grises, publiées par le bibliophile Ch. Motteley ([3]-[1 bl.] p.).  

Motteley fut un bibliophile des plus ardents et des plus fougueux. Il aurait voulu que dans les ventes aucun bibliophile ne surenchérit sur lui ; lorsque l’un d’eux se faisait adjuger un livre qu’il convoitait, il l’injuriait. Guglielmo Libri (1803-1869) et Jean-Louis Bourdillon (1782-1856), de Genève, et d’autres, ont eu se plaindre de ce sauvage procédé.
Bourdillon s’était trouvé le concurrent de Motteley dans une vente. Les invectives ordinaires envers son rival ne lui avaient pas suffi : il avait conservé de la rancune. Ayant rencontré Bourdillon l’une des journées révolutionnaires de 1830, il lui prodigua des outrages publics, et le signala à la multitude effervescente comme un Suisse, lui faisant courir un danger.
Dans un procès intenté par Motteley, à l’honorable Jacques-Simon Merlin (1765-1835), lui réclamant des dommages intérêts sous prétexte d’une prétendue perte causée par la révolution de 1830, à la suite d’un délai apporté à une vente, le libraire gagna et publia en 1831 un mémoire qui établit aussi l’habileté de ce bibliophile commerçant.   
C’est pourquoi on le disait plus bibliopole que bibliophile, donnant l’impression de ne former des bibliothèques que pour les vendre. Il se disait très géné et disait vivre du produit de ventes successives de mauvais bouquins qu’il faisait passer en province et aussi de cartulaires, chartes, etc. Jacques-Charles Brunet le traita très durement d’ « industriel en librairie » (Nouvelles Recherches bibliographiques. Paris, Silvestre, 1834, t. II, p. 202).







Son ex-libris (56 x 59 mm.), qui renvoie à un numéro de catalogue et qui est signé « F. Perry », représente un portique formé par des livres, avec la devise « Instruit et ornat », dans lequel une feuille de papier déroulée montre l’inscription « Ex-libris J. C. M. »


On peut penser qu’il a été inspiré par celui de Arthur Charlett (1655-1722), directeur du Collège universitaire d’Oxford.

 





Il mit en vente à la maison Silvestre, rue des Bons-Enfans, du 2 au 24 décembre 1824, une première bibliothèque : Catalogue des livres de la bibliothèque de M. Motteley, composée d’une collection considérable d’Elzévirs et autres beaux livres et manuscrits rares, précieux et singuliers, la plupart reliés par Desseuil, Padeloup, Derome, Simier, Purgold, Thouvenin et Vogel (Paris, Silvestre, 1824, in-8, 4-219-[1 bl.] p., 2.173 lots), sur grand papier de Hollande, tiré à 20 exemplaires, dont 12 seulement seront vendus.

« Ce catalogue renferme une réunion très-nombreuse de livres imprimés par les Elzeviers [environ 550 lots] ; il en est de très-rares et qui étaient jusqu’alors restés inconnus aux bibliographes. Le propriétaire de cette collection y avait ajouté plusieurs volumes petit in-12, avec la sphère et autres figures d’ornements employées par les Elzeviers. Il les avait surtout choisis dans la classe des livres que ces derniers n’ont point imprimés, de sorte que, loin de déparer sa bibliothèque elzevirienne en y faisant entrer des productions de ce genre, il l’avait au contraire enrichie d’éléments de même format, quelquefois supérieurs sous le rapport de la typographie à certains ouvrages imprimés par les Elzeviers eux-mêmes. […]
On trouve aussi, sur ce catalogue, divers volumes ayant appartenu à Louis XIII ou à Anne d’Autriche ; d’autres provenaient de quelques bibliothèques d’amateurs célèbres, tels que le comte d’Hoym et Girardot de Préfond ; enfin, plusieurs ouvrages portaient des notes de la main d’érudits renommés, tels que Bochart, Villoison, Chardon de la Rochette, etc. » [sic]
(Gustave Brunet. Dictionnaire de bibliologie catholique. Paris, J.-P. Migne, 1860, col. 498)

L’état si rare de « non rogné » augmentant la valeur d’un volume elzévirien, on en paya quelques-uns fort cher : Psalterium, 1653, très grand de marges, 190 fr. ; Lipsius, de constantia, 1652, in-24, non rogné, 44 fr. ; Baconus, de ventis, 1662, non rogné, 58 fr. ; Glissonius, de ventriculo, 1677, non rogné, 51 fr. ; Aphthonii progymnasmata, 1649, non rogné, 68 fr. ; Juvenal, 1671, in-16, non rogné, 50 fr. ; Senecae tragoediae, 1678, in-16, 45 fr. ; Decameron di Boccacio, 1665, très bel exemplaire, 150 fr. ; Satyre ménippée, 1677, non rogné, 74 fr. ; Defensio pro Carolo I, 1650, non rogné, 78 fr.






Une deuxième bibliothèque fut vendue par Motteley, à la maison Silvestre, en 22 vacations, du mardi 15 février au vendredi 11 mars 1842 : Catalogue d’anciens livres et manuscrits de la bibliothèque de M. ***, composé en partie d’ouvrages rares, précieux ou singuliers, et dont quelques uns en belles reliures anciennes (Paris, Silvestre, 1841, in-8, vij-[1]-335-[3] p., 2.652 lots). On a tiré 20 exemplaires sur grand papier de Hollande, avec fleurons, vignettes, lettres grises et culs-de-lampe, 20 exemplaires sur papier ordinaire avec les mêmes figures d’ornement, le reste sur papier ordinaire ; on a tiré en or et en noir sur papiers de diverses couleurs, un fac-similé de la reliure du volume porté sous le n° 323 [Hieronymi Cardani de rerum varietate libri XVII. Avinione, Matthaeus Vincentius, 1558, in-8, vélin à riches compartiments et à recouvrements]. Cette collection nombreuse contient des manuscrits, des livres imprimés sur vélin, des ouvrages curieux en tout genre, sans offrir cependant de veritables trésors bibliographiques. On remarque quelques volumes aux armes de Henri II, d’Anne d’Autriche, de Richelieu, de Mazarin. Contrairement à ce que dit Jean-George-Théodore Graesse (Trésor de livres rares et précieux. Dresde, Rudolf Kuntze, 1861, t. II, p. 72), la vente n’a pas été annulée : on trouve des exemplaires du catalogue avec les prix d’adjudication.






Le Catalogue de livres et manuscrits, la plupart d’une haute antiquité, rares, précieux et singuliers, ou qui se font remarquer par la beauté et la richesse de leurs anciennes reliures, suivis d’une collection considérable d’Elzevirs de format petit in-12 et infra, et d’autographes (Paris, Silvestre, 1842, in-8, [8]-213-[1] p., 1.974 lots de livres et 123 lots d’autographes) nécessita 15 vacations, du jeudi 2 mars au samedi 18 mars 1843.

Du 18 au 30 novembre 1844, Motteley mit en vente des manuscrits, des elzévirs, des éditions hollandaises et belges et des autographes précieux : Catalogue d’anciens livres et manuscrits de la bibliothèque de M*** (Paris, Silvestre, 1844, in-8, 187 p.).   


Le Catalogue d’une collection très-considérable de livres imprimés par les Elzevirs de formats in-f°, in-4° et in-8°, recueillis par un bibliophile pendant ces vingt dernières années, en France et dans les pays étrangers (Paris, Claye et Ce, 1846, in-8, 40 p., 302 numéros), avec des fleurons elzéviriens, tiré à petit nombre sur papier ordinaire et à 20 exemplaires sur papier bleu vélin, possède un avis sur la 3e de couverture :  

« Vingt années de recherches dans presque toutes les contrées de l’Europe, ont à peine suffi pour réunir cette précieuse Collection d’Elzevirs de grands formats, composée de 300 articles, contenant près de 600 volumes, tomes ou pièces, tous et toutes avec de grands titres.
Si elle pouvait convenir en masse, et sans être disséminée, à une Bibliothèque publique ou particulière, on la céderait au prix peu élevé de 7,500 fr., avec autant d’exemplaires de ce Catalogue qu’on en pourra désirer.
S’adresser franco à M. Motteley, rue du Faubourg-Poissonnière, n° 7, à Paris. » [sic]






Une seconde édition suivit : Catalogue d’une collection très-considérable de livres imprimés par les Elzevirs de formats in-f°, in-4° et in-8°, recueillis par un bibliophile pendant ces vingt dernières années, en France et dans les pays étrangers, accompagné de curieuses notes bibliographiques, et pouvant servir à l’étude de la bibliographie elzevirienne (Paris, Panckoucke, 1848, in-8, [2]-II-44 p., 334 numéros), avec des fleurons elzéviriens.

Motteley mourut célibataire à Paris, le 1er septembre 1850, au petit matin, en son domicile situé au 3e étage du n° 7 de la rue du Faubourg-Poissonnière (IXe).

« Quant à l’autre collectionneur, M. Motteley, il mourut de la vraie mort du bibliophile ; c’était un amateur enragé et jaloux, chaque porte de son appartement était garnie d’une serrure à secret, et la porte d’entrée, outre la serrure ordinaire, était encore agrémentée d’un énorme cadenas. Il recevait fort peu n’aimant pas les visites, et se refusait obstinément de faire à sa demeure les réparations les plus urgentes, dans la crainte d’un contact imprévu mais possible entre des ouvriers aux mains blanches de plâtras et les superbes reliures de ses livres, lesquels furent seuls témoins de sa mort – qui arriva brusquement au milieu de la nuit. Son cabinet valait bien 100,000 francs, mais on ne découvrit chez lui qu’une somme à peine suffisante pour le faire enterrer…, et, lui aussi, eut le convoi du pauvre sans chien, sans amis, sans parents. C’est peut-être payer bien cher l’amour des belles reliures. »
(Firmin Maillard. Les Passionnés du livre. Paris, Emile Rondeau, 1896, p. 139)

« Un des bibliophiles les plus ardens et les plus fougueux qui aient jamais existé, M. Charles Motteley, mort au mois de septembre dernier, a laissé un testament par lequel il lègue sa bibliothèque à la nation française, sous les auspices du Président de la République. Avant la Révolution de 89, de pareils legs n’étaient pas rares, et la plupart des grandes bibliothèques publiques devaient leurs richesses et leurs accroissemens à des donations du même genre ; mais depuis longtemps on avait en quelque sorte perdu l’habitude d’assurer ainsi la conservation des collections littéraires formées à force de patience et de recherches. Motteley possédait la plus riche et la plus nombreuse réunion d’éditions elzeviriennes, le plus magnifique musée de reliures françaises et étrangères, le plus curieux cabinet de livres rares, de manuscrits à miniatures, etc. Tout cela fait un ensemble fort intéressant qui témoigne des soins intelligens et éclairés du collecteur. Motteley, qui devait s fortune à l’empereur, qu’il avait servi honorablement dans la carrière diplomatique, a voulu consacrer en quelque sorte sa reconnaissance envers son bienfaiteur en confiant au neveu de l’empereur l’exécution d’un legs fait à la France. Il a espéré que sa collection serait placée soit au Louvre, soit aux Tuileries, soit au Luxembourg. Cette collection avait été presque achetée par le roi Louis-Philippe, et récemment par le British Museum de Londres, qui l’eût payée 300,000 fr. ; mais elle ne sortira pas de France, et nous la verrons bientôt sans doute dans un établissement public de Paris. Voici le texte du codicille en vertu duquel le gouvernement est appelé à recueillir le legs de M. Motteley :
“ Je donne de mon vivant et en cas de mort prématurée je lègue à la nation française, sous les auspices de M. le président de la République, ma remarquable bibliothèque, à condition :
1° Que le gouvernement la fera placer dans une galerie ou salon portant cette inscription : Musée bibliographique formé par le bibliophile Motteley ;
2° Qu’il n’y sera introduit d’autres livres ou manuscrits que ceux que le donateur y pourra ajouter de son vivant ;
3° Qu’il sera construit dans le local où elle sera établie une longue montre en acajou avec glaces, propre à recevoir le plus beau et le plus nombreux Musée de reliures (exécutées depuis Louis XII et Anne de Bretagne jusqu’à nos jours) qu’il y ait bien certainement en Europe.
4° Que le savant bibliophile Paul Lacroix sera spécialement chargé de rédiger une Notice sur cette bibliothèque et d’en rédiger le catalogue, qui devra passer à la postérité, à la condition expresse que ce travail important sera rémunéré d’une manière digne du gouvernement français.
Quant à moi ou à ma famille, je laisse à la générosité du même gouvernement d’agir comme il l’entendra, lui offrant en outre, autant que mon âge et mes forces me le permettront, d’être le conservateur honoraire de ce musée jusqu’à mon décès, mais avec l’aide d’un employé ou sous-conservateur rétribué qui pourra me suppléer au besoin.
Paris, le 5 août 1849.
Signé Mottelay, dit Motteley.” » [sic]
(Journal des débats. Vendredi 8 novembre 1850, p. 2)

« Il est vrai que, il y a quelques années, Louis-Philippe fut sur le point d’acheter ce petit musée, sur la proposition que lui en fit M. Vatout ; mais ce n’était pas au prix de 300,000 fr., ni même à celui de 200,000 fr. que le roi voulait en faire l’acquisition, qui n’a été rompue qu’en raison des prétentions qu’avait M. Motteley qu’il fût établi un local pour recevoir ses livres, et qu’on mit au-dessus de la porte cette inscription : Musée bibliographique Motteley. Cette inscription parut si singulière à Louis-Philippe, qu’il dit à son bibliothécaire : “ Je trouve une pareille demande aussi peu fondée que si, lorsqu’un cheval est attelé à ma voiture, son ancien propriétaire exigeait qu’on lui appliquât son nom sur le dos. La demande de M. Motteley ne serait raisonnable qu’à la condition qu’il ferait don de sa bibliothèque ; mais du moment qu’il en exige un prix, sa proposition est inacceptable.”
Le British Museum n’a pas offert non plus 300,000 fr. de la bibliothèque de M. Motteley, et n’a même entamé aucune négociation à ce sujet ; mais, dans le dernier mois de sa maladie, ce bibliophile avait été mis, par le libraire Techener, en rapport avec un lord anglais qui eût pu s’en rendre acquéreur, mais à un prix bien moindre.
Je tiens ces détails de M. Motteley lui-même, que je visitais très souvent pendant sa maladie, et j’étais la seule personne qu’il reçût volontiers ; c’est même par mes soins qu’il a été procédé à son inhumation, son concierge n’ayant pas cru pouvoir mieux s’adresser qu’à moi, qu’il avait l’ordre de laisser monter seul chez lui.
Quant à l’acceptation du legs fait par M. Motteley à l’Etat, j’espère, et c’est l’avis d’hommes très hauts placés, que le gouvernement prendra en considération l’état voisin de la misère d’une partie de la famille du donateur, dont un neveu même est domestique, et qu’une juste appréciation du legs en fera prononcer la répudiation, attendu que, à quelques reliures près, la Bibliothèque Nationale possède tous les livres, elzevirs et autres, qui se trouvent dans le cabinet de M. Motteley. » [sic]
(JulesChenu. In Journal des débats. Dimanche 17 novembre 1850, p. 3)
  

Plan du Louvre


Le gouvernement fut invité à entrer en possession du legs du savant bibliophile, par décret du 25 janvier 1853. Pour on ne sait quels motifs, le directeur de la Bibliothèque nationale, qui était à cette époque Taschereau, refusa d’ouvrir les portes de cet établissement à la collection Motteley. Après avoir été déposée pendant quelque temps dans une des salles du musée du Louvre, le gouvernement décida que cette collection ferait partie de la bibliothèque du Louvre, dirigée par Louis Barbier, le fils de son fondateur. 


In Paris nouveau illustré, N° 16, p. 241

Conformément aux intentions du donateur, un corps de bibliothèque spécial fut affecté à la collection Motteley, et l’on installa les volumes dans des vitrines à hauteur d’appui, de manière à ce que le public pût aisément les voir et étudier leurs superbes reliures. Un buste de Motteley en marbre blanc sculpté par Madame Claude Vignon fut placé au centre de ces vitrines.



Paris incendié
  

En 1871 à Paris, les communards, dans leur rage stupide de destruction, incendièrent l’Hôtel de ville, les Tuileries, la Légion d’honneur, le ministère des Finances, la colonne Vendôme, la Cour des comptes, le Grenier d’abondance, le Palais-Royal et une partie du Palais de justice. Mille souvenirs précieux, qui se rattachaient à tous les événements historiques de la vie sociale et politique de la France, disparurent.
De tous ces sinistres, le plus épouvantable fut l’incendie de la Bibliothèque du Louvre. Elle fut incendiée dans la nuit du 23 au 24 mai 1871 et fut complètement détruite. Elle avait été créée sous la Restauration par A.-A. Barbier. Vers 1822, elle reprit son ancien titre de Bibliothèque du Cabinet du Roi. Sous le règne de Louis-Philippe, on lui donna le nom de Bibliothèque du Louvre. Au moment de l’incendie, elle était dirigée par le fils de son fondateur et comptait plus de 100.000 volumes.
L’une des plus précieuses collections était la collection Motteley. Elle se composait de 2.000 volumes environ, tous remarquables, soit par leur reliure, soit par leur rareté comme impression, ou pour avoir appartenu à de grands personnages. C’est particulièrement au point de vue de la reliure que cette collection avait un grand prix et était admirée des amateurs. On y rencontrait les reliures types les plus rares et les plus splendides, depuis le xvie siècle jusqu’à nos jours, chefs-d’œuvre de Vérard, Duseuil, Purgold, Bozerian, Derome, Boyet, Padeloup, Duru, Capé, Thouvenin, Bauzonnet ; reliures en bois, avec fermoirs en cuivre, en bronze, mosaïques et incrustations ; reliures en parchemin, telles qu’elles étaient lorsque l’ouvrage sortait de la librairie des Elzévirs ; reliures indigènes, historiques, avec armoiries, chiffres, devises, etc.
Les ouvrages que recouvraient ces reliures n’étaient pas indignes de leurs parures précieuses. Il y avait une collection nombreuse d’Elzévirs authentiques, entre autres : l’Horace, le Tacite, le Virgile, du comte d’Hoym ; le Procès de Charles Stuart d’Angleterre, exemplaire dit de Coligny ; des Ovide, des Sénèque, des Pétrone, des Lucain, des Virgile, d’une conservation parfaite ; le Rabelais du comte d’Hoym, l’Ovide de Longepierre, les Prophéties de Nostradamus, la Bible hébraïque en 4 volumes, l’Appien et l’Histoire romaine de Robert Estienne, la Bible (1567) de François Estienne ; le Novum Testamentum, le Xenophon, 1561 (exemplaire du comte d’Hoym), de Henri Estienne ; le Plaute (1522), l’Ausone (1517), le Livre du Courtisan (1547) des Alde ; les Contes de La Fontaine (1795), le Boileau (1681), le Corneille (1783) de Didot ; des gothiques comme les Faits de maître Alain Chartier (1514), etc.

Pour former la collection des Elzévirs, Motteley avait mis 40 ans, parcourant l’Europe entière, fouillant dans leurs moindres recoins la Hollande, l’Allemagne, la Hongrie et la Belgique. Pas une bibliothèque un peu importante, pas un magasin de librairie ne lui avaient échappé. Aussi l’infatigable et ardent bibliophile avait-il acquis en cette matière une rare compétence et une science profonde, science dont il a tracé les règles dans divers ouvrages qui sont devenus le bréviaire de tous ceux qui s’occupent de bibliographie. Il avait divisé cette collection en trois parties :
- les Elzévirs authentiques avec ou sans nom, par ordre chronologique et par imprimeries, Amsterdam, Leyde, Utrecht ;
- les faux Elzévirs ou pseudo-Elzévirs sortis des diverses imprimeries de Hollande, de Belgique, d’Allemagne et de France ;     
- les petits livres imités des Elzévirs, avec leurs formats, leurs caractères et leurs fleurons.
Les dédicaces ex-libris, armoiries, portaient les noms suivants : François Ier, Henri II, Henri III, Diane de Poitiers, Henri IV, Louis XIII, Anne d’Autriche, Marie-Thérèse d’Autriche, Marie Leszczynska, Alexandre VII, Grégoire VII, Pie V, Napoléon Ier, comtesse d’Artois, Madame de Pompadour, Séguier, Grolier, comtesse de Verrue, Choiseul, cardinal Alexandre, Le Tellier, cardinal de Noailles, De Thou, Hozier, Colbert, Madame de Maintenon, cardinal Mazarin, maréchal d’Estrées, cardinal Albain, Grotius, cardinal Salviati, Marie-Antoinette, duchesse d’Angoulême, etc.
Une des plus belles reliures pour Grolier sur Hippocrates Cous. Elenchus octoginta librorum Hippocratis Coi, quos M. Fabius Calvus, civis Rhavennas, millesimi quingintesimi quintique, decimi mensis julii, die octavo Romæ convertit (Romæ, ex ædibus Francisci Minitii Calvi Novocomensis, 1525, in-fol.), en veau fauve, compartiments de maroquin orange, rouge et noir, tr. dor., avec titre, nom et devise (dos refait au xviiie siècle).

La section des manuscrits comprenait des richesses nombreuses, parmi lesquelles on peut citer : un Manuscrit de la Cité de Dieu, de Saint Augustin, daté de 1476, Florence, avec miniatures ; un Virgile du xve siècle ; un manuscrit sur vélin, Andrelini Fausti epistola, adressée à Anne de Bretagne ; un Traité de géométrie, par Léonard de Pise, écrit dans le xive siècle ; un Horace in-folio, du milieu du xiie siècle ; les Evangiles et la Passion de Jésus-Christ, manuscrit avec peintures de style byzantin, du ixe siècle ; un Evangéliaire du xe siècle ; un autre du ixe siècle, avec canons or et couleur en style byzantin, offert à Agobart ; un Extrait des Offices de Cicéron, dédié à Enoeas Sylvius, le pape Innocent II ; une Bible du xiiie siècle ; un Horace du xiie siècle ; les Tables astronomiques du roi Alphonse du xiie siècle ; les Campagnes de Louis XIV, avec plans de ville coloriés et un dessin de Van der Meulen en tête de la campagne de 1692 ; un manuscrit en langue basque de 1452, des chartes nombreuses et des portulans très bien conservés.

Toutes ces merveilles de typographie, tous ces chefs-d’œuvre de reliure ont été anéantis. Le feu a réduit en cendres cette collection précieuse, unique au monde. Il n’en reste plus aujourd’hui que le souvenir, d’autant plus douloureux que cette perte immense n’est pas due à un caprice du hasard ou à des circonstances indépendantes de la volonté humaine, mais à la bêtise.