mardi 21 octobre 2014

Le Duc de Chaulnes, entre la guerre et les sciences

Le duc de Chaulnes représenté en Hercule, par Jean-Marc Nattier (1746)
Musée du Louvre

Michel-Ferdinand d’Albert d’Ailly, duc de Chaulnes, pair de France, vidame d’Amiens, chevalier des Ordres du Roi, lieutenant général de ses armées, gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté en la province de Picardie, et pays reconquis d’Artois, gouverneur particulier des villes et citadelles d’Amiens et de Corbie, et capitaine-lieutenant des chevau-légers, naquit à Paris le 31 décembre 1714, de Louis-Auguste d’Albert d’Ailly (1676-1744), pair et maréchal de France, chevalier des Ordres du Roi, capitaine-lieutenant des chevau-légers de sa garde, et de Marie-Anne-Romaine de Beaumanoir (1688-1745), fille du marquis de Lavardin.

Il fut destiné dès l’enfance à l’état ecclésiastique, et pourvu à l’âge de sept ans d’un canonicat de Strasbourg, mais la mort du duc de Picquigny, son frère, arrivée dix ans après, fit changer sa destination ; il remit son canonicat, et entra en 1732 dans les Mousquetaires, d’où il ne sortit que pour passer à la Cornette des chevau-légers de la garde, dont il reçut le brevet en 1733, avec la commission de maître-de-camp de cavalerie.
Dès la fin de la même année il servit au siège de Kehl, comme aide de camps du maréchal de Berwick, 



et se trouva, un an après, à celui de Philippsburg, où le maréchal trouva la mort, la tête emportée par un boulet. Il fit la campagne de l’année suivante et fut pourvu de la place de capitaine-lieutenant des chevau-légers. Pendant le cours de la paix qui termina cette guerre, il fut fait brigadier de cavalerie des armées du Roi.
La guerre s’étant rallumée, il fit en 1742 la campagne de Bohème, et se trouva volontaire au siège de Prague ; l’année suivante, il se trouva à l’affaire de Dettinguen, où il reçut deux coups de feu ; il eut part aux sièges de Menin, Ypres, Furnes et Fribourg ; il fut honoré pendant cette campagne de la Croix de Saint-Louis, du titre de gouverneur des villes et citadelles d’Amiens et de Corbie et du grade de maréchal-de-camp.
Il servit en 1745 comme aide-de-camp du Roi ; après la victoire de Fontenoy, il accompagna le Roi aux sièges de la ville et de la citadelle de Tournai dont la prise termina la campagne.
L’année suivante, le duc de Chaulnes se trouva au siège d’Anvers et à celui de Namur ; il se trouva à la bataille de Rocourt, et en 1747 à celle de Lawfeld : ce fut la dernière opération de cette guerre à laquelle il eut part, la paix d’Aix-la-Chapelle y ayant mis fin en 1748.
Ce fut pendant ce même temps, en 1745, qu’il fut reçu au Parlement en qualité de duc et pair par la démission du maréchal de Chaulnes en sa faveur. À la fin de sa dernière campagne, il fut fait lieutenant général des armées du Roi, et peu de temps après il fut nommé pour assister comme commissaire du Roi aux États de Bretagne.
La guerre s’étant encore rallumée, il servit dans l’armée de Westphalie, et se trouva à la bataille de Hastenbeck en 1757. Le Roi lui avait accordé, dès 1751, une place de chevalier de ses Ordres, et en 1752 le gouvernement de Picardie et d’Artois, vacant par la mort du prince Charles de Lorraine. Il vendit en 1763 au marquis François-Gaston de Lévis (1720-1787) son gouvernement d’Artois. Il tomba malade au début de l’été 1769 et le mal alla en augmentant jusqu’à la mi-septembre ; il se trouva plus mal au moment où on s’y attendait le moins et mourut le 23 septembre 1769, en moins de cinq heures ; son corps fut porté à la sépulture de sa maison, accompagné d’un nombreux cortège de ses amis.   

Il avait obtenu en 1743 la place d’honoraire de l’Académie des sciences, vacante par la mort du Cardinal de Fleury. Tout le temps que ses fonctions lui laissaient libre, était employé à des recherches utiles. Il s’était procuré une nombreuse bibliothèque de livres de sciences, et, à l’instar de son beau-frère, il avait formé un cabinet très curieux de physique, de mécanique et d’histoire naturelle et avait établi un laboratoire destiné à l’augmenter d’un grand nombre de pièces qu’il imaginait tous les jours ; il s’était surtout extrêmement appliqué à la dioptrique et à l’art de perfectionner les instruments de mathématique et surtout ceux qui servent à l’astronomie.


Ses savants mémoires furent lus à l’Académie : « Observations sur quelques expériences de la quatrième partie du deuxième livre de l’Optique de Newton », « Nouvelle méthode pour diviser les instruments de mathématique et d’astronomie »,


Microscope du duc de Chaulnes
Musée des Arts et Métiers

« Description d’un microscope, et de différents micromètres destinés à mesurer des parties circulaires ou droites, avec la plus grande précision ». 
Louis XV se plaisait à faire l’éloge de cet estimable gouverneur, en l’appelant « l’honnête-homme par excellence ». Par de nombreuses faveurs, ce monarque s’étudiait à lui faire oublier, ou du moins à adoucir les malheurs domestiques qui le conduisirent au tombeau.

La duchesse de Chaulnes représentée en Hébé, par Jean-Marc Nattier (1744)
Musée du Louvre

En effet, son cœur vertueux trouvait une juste cause d’affliction dans la conduite de Anne-Joséphine Bonnier, née le 15 avril 1718,  fille de Joseph [I] Bonnier (1676-1726), baron de La Mosson, trésorier général des États de la province de Languedoc, et de Anne Melon († 1727), qu’il avait épousée à Asnières-sur-Seine [Hauts-de-Seine], le 23 février 1734, dans la maison du frère de la mariée :

« Le Mariage de M. le Duc de Piquigni avec Mademoiselle Bonnier s’est fait à Aquieresla nuit du 25. au 26. comme il n’y avoit à cette cerémonie que les parents les plus proches ; tout s’y est passé avec beaucoup d’ordre & de tranquilité. Le repas des noces fut, comme vous pensez bien, M. des plus magnifiques : on y fut servi avec la delicatesse des Financiers, qui vaut bien sur cet article celle des Ducs. Il y a eû une avenuë de lampions & de pots à feu, depuis Paris jusques à Aguieres. Mademoiselle Bonnie à 17. ans & 17. cent mille livres, sans compter 100. mille livres de diamants & 200. mille livres de meubles. On pretend que Bonnier a fait entendre à M. de Chaulnes, qu’il étoit, en faveur de leur alliance, dans l’intention de ne point se marier. Voila, M. toutes les circonstances de ce Mariage, qui a fait bien des jaloux & sur lequel on ne laisse pas de faire des commentaires ; quoique l’on soit acoutumé depuis longtems, à voir des extremités plus grandes encore se raprocher. Vous sentez bien, M. qu’il faloit un Archevêque au moins pour la benediction nuptiale. Aussi est ce celui de Toulouse, qui s’est charg[é] de ce soin, ou pour parler plus juste, qui en a eû la préference. Le Mariage de M. de Pequigny a étouffé tous les autres […] » [sic] ([Bruzen de La Martinière]. Anecdotes ou lettres secrettes sur divers sujets de Litterature & de Politique. S.l., s. n., février 1734, p. 55-56)  

C’était une femme aussi distinguée par sa richesse que par la vivacité de son esprit ; mais d’une inconstance inconcevable qui la portait avec autant d’ardeur vers le bien que vers le mal. Par ses écarts, ses prodigalités et ses folies, elle causa la ruine de cette illustre maison. Un mot de la comédienne Jeanne-Françoise Quinault (1699-1783) peint le duc de Chaulnes à merveille :

« M. de Chaulnes avait fait peindre sa femme en Hébé [femme d’Hercule] ; il ne savait comment se faire peindre pour faire pendant. Madlle. Quinaut, à qui il disait son embarras, lui dit : faites-vous peindre en hébêté. » [sic] (Œuvres de Chamfort. Paris, an 3 [1795], t. IV, p. 344)

En 1773, la duchesse de Chaulnes contracta un nouveau mariage, aussi ridicule que disproportionné à sa naissance, avec un magistrat, François-Henri, dit « Martial », de Giac (1737-1794) ; les époux se séparèrent, de gré à gré, dès l’année suivante. « La femme à Giac » mourut le 4 décembre 1782 au Val-de-Grâce. 

« La Duchesse de Chaulnes était certainement la plus extravagante et la plus ridicule personne de France. C’était une grosse douairière toute bouffie, gorgée, boursoufflée de santé masculine et de sensibilité philosophique, qui se faisait ajuster et coiffer en petite mignonne, et qui zézéyait en parlant pour se razeunir. Elle était éminemment riche, et c’étaient les enfans du Maréchal de Richelieu qui devaient hériter d’elle ; je pense que c’était à cause de leur grand’mère qui était une Mlle Jeannin de Castille. On supposait bien qu’elle éprouvait la tentation de se remarier ; mais ses héritiers ne s’en inquiétaient guère, en se reposant sur la difficulté qu’elle aurait à trouver un homme de la cour, ou même un simple gentilhomme qualifié qui voulût affronter une pareille exorbitance de chairs, de ridicules et de moustaches.
Il y avait à Paris, d’un autre côté, car c’était dans une des chambres d’enquêtes, un certain Conseiller sans barbe qui s’appelait M. de Giac, et qui était l’homme de justice le plus pédant, le plus risiblement coquet et le plus ennuyeux. Il avait l’air d’un squelette à qui l’on aurait mis du rouge de blonde et des habits de taffetas lilas. Il pinçait de la mandoline en se pinçant la bouche et jouant des prunelles. […]
Pour apprendre à M. de Giac à compromettre sa dignité parlementaire en épousant une folle à cause de son argent, le Parlement de Paris l’obligea de quitter la magistrature, et le Roi l’exila du côté de Barèges où nous l’avons vu se promenant le long des ruisseaux, costumé comme un berger d’Opéra, sous un parasol orné d’églantines, et la houlette à la main. » [sic] (Souvenirs de la marquise de Créquy de 1710 à 1803. Paris, H.-L. Delloye et Garnier frères, 1842, t. II, p. 5-7)

Le duc de Chaulnes n’avait laissé qu’un fils, Louis-Marie-Joseph d’Albert d’Ailly (1741-1792), qui quitta le service à 24 ans, avec le grade de colonel, par goût pour les sciences naturelles. Après de longs et dispendieux voyages, il revint, peu avant la Révolution, dans son château de Chaulnes, avec une santé ruinée, des dettes énormes et l’affaissement de ses capacités intellectuelles. C’est dans cet état déplorable et au milieu de l’abandon de ses serviteurs, qu’il termina sa carrière. Avec lui s’éteignit cette branche de la maison de Luynes.

Hôtel de Chaulnes (Plan Turgot, 1734)

Hôtel de Chaulnes (Plan Pichon, 1793)

Hôtel de Chaulnes (École des Mines)

Le duc de Chaulnes utilisait deux résidences : à Paris, l’hôtel de Chaulnes était situé rue d’Enfer [aujourd’hui 60-62 boulevard Saint-Michel, VIe, siège de l’École des Mines], près des Carmélites ; 

Château de Chaulnes (début xviiie siècle)

Château de Chaulnes (fin xixe siècle)

dans le département de la Somme, le château de Chaulnes fut détruit par son acquéreur, après sa vente en 1806, et un nouveau château fut construit sur son emplacement, qui fut détruit pendant la Première Guerre mondiale.

Super ex-libris

Ses armes étaient « De gueules, à deux branches d’alisier d’argent passées en double sautoir, au chef échiqueté d’argent et d’azur de trois traits [d’Ailly] sur le tout d’or, au lion de gueules armé, lampassé et couronné d’azur, alias de gueules [d’Albert] ».



La vente de la bibliothèque parisienne du duc de Chaulnes, qui eut lieu en 35 vacations, du lundi 19 mars au mardi 15 mai 1770, produisit 41.123 livres : Catalogue des livres manuscrits et imprimés, et des estampes, de la bibliothéque [sic] de M. le duc de Chaulnes (Paris, Le Clerc, 1770, in-8, [1]-[1bl.]-[1]-[1 bl.]-276-32 p., 3.951 articles), avec une « Table des auteurs ». 


Elle renfermait des ouvrages rares et curieux : théologie (312 lots = 8%), jurisprudence (156 lots = 4%), sciences et arts (1.346 lots = 34%) – dont « Arts du Dessein, Peinture & Gravure » (172 lots) et « Musique » (130 lots) –, belles-lettres (551 lots = 14%), histoire (1.585 lots = 40%).



Le duc de Chaulnes possédait une seconde bibliothèque, en son château de Chaulnes, qui fut vendue après le mois de mai 1770 : le Catalogue des livres de la bibliothèque du château de Chaulnes ([Paris], [Le Clerc], 1770, in-8, 52-11-[1] p., 1.105 articles), avec une « Table des auteurs ». Toujours joint au précédent, ce catalogue renfermait : théologie (82 lots = 7%), jurisprudence (22 lots = 2%), sciences et arts (176 lots = 16%), belles-lettres (420 lots = 38%), histoire (405 lots = 37%).  

Ex-libris













vendredi 17 octobre 2014

Les Grandes Bibliothèques du clan Colbert



Le Grand Colbert 



Une plaque apposée sur la façade du n° 13 de la rue Cérès, à Reims [Marne], nous rappelle aujourd’hui la tradition :
« Ici s’elevait la maison du “ Long Vestu ” [détruite pendant la Première Guerre mondiale] ou, le 29 aout 1619, naquit Jean-Baptiste COLBERT Fils d’un Marchand-drapier Ministre de Louis XIV » [sic]

Le 29 août 1619, en l’église Saint-Hilaire de Reims [détruite en 1791], fut baptisé « Jehan, fils de Nicolas Colbert et de Marie Pussort », porté sur les fonts baptismaux par son oncle Charles Colbert et par sa grand-mère paternelle, Marie Bachelier.
Jean a pu être baptisé le jour même de sa naissance ou plus tard : nous ne connaissons pas sa date de naissance exacte. Au xviie siècle, le prénom officiel était Jean, mais pour choisir leur patron, les uns optaient pour saint Jean l’Évangéliste, les autres pour saint Jean-Baptiste, dont on fête le martyre le 29 août. 



Son père quitta le « Long Vestu » en 1618 pour s’associer à son frère aîné, et de 1618 à 1620, date à laquelle il demeure rue de Porte-Cère [aujourd’hui rue Cérès] sur la paroisse Saint-Symphorien [la rue de Porte-Cère délimitait les paroisses de Saint-Hilaire à l’ouest et de Saint-Symphorien à l’est], rien n’indique son domicile : Jean a pu donc naître de l’autre côté de la rue. En interprétant les textes de façon erronée, certains érudits du xixe siècle ont fait du père de Jean un marchand-drapier : il était marchand-mercier, les Colbert n’ayant jamais cessé d’être des grossistes en mercerie. 

D’une famille champenoise connue à Reims depuis 1489, Nicolas Colbert (1590-1661), 3e fils de Jean Colbert (1557-1596), seigneur du Terron [Terron-sur-Aisne, Ardennes], et de Marie Bachelier († 1646), fut nommé capitaine des ville et tour de Fismes [Marne] en 1626. 

Château de Vandières

En 1628, il hérita de son cousin Nicolas Colbert († 1627), seigneur de Magneux [Marne], la terre de Vandières [Marne]. S’étant ensuite établi à Paris, il fut reçu secrétaire du Roi le 7 janvier 1630, maître d’hôtel ordinaire de Sa Majesté en 1650, puis conseiller d’État en 1652, et mourut le 20 décembre 1661. Il avait épousé, le 19 mai 1615, en l’église Saint-Hilaire de Reims, Marie Pussort [1596-1659], de Rethel [Ardennes]. Ils eurent 18 enfants, dont 15 sont connus : 8 naquirent à Reims, sur la paroisse Saint-Hilaire, et 7 à Paris, sur la paroisse Saint-Nicolas-des-Champs [IIIe].



Jean Colbert, dit « Jean-Baptiste Colbert », premier du nom, puis « le Grand Colbert », fit ses études à Reims, au collège des Jésuites, puis son apprentissage à Lyon, chez le banquier Paul Mascrany, ensuite à Paris dans une étude de notaire, chez un procureur au Châtelet et chez un officier de finances. En 1640, son cousin Jean-Baptiste Colbert (1602-1663), seigneur de Saint-Pouange [Aube], le fit entrer au ministère de la guerre, comme commissaire ordinaire des guerres. En 1643, Michel Le Tellier, beau-frère de Saint-Pouange, devint secrétaire d’État à la guerre et prit Jean-Baptiste Colbert à son service, en 1645, puis le fit nommer conseiller d’État en 1648.
Le 13 décembre 1648, Jean-Baptiste Colbert fit un riche mariage en épousant Marie Charron, sœur du président Menars (1643-1718). Ils eurent dix enfants, dont le 5e mourut en bas âge. Il gagna la confiance de Mazarin qui le prit à son service en 1651. Ce fut pendant l’intendance au service de Mazarin qu’il édifia l’essentiel de sa gigantesque fortune : n’oubliant pas ses propres intérêts, ni ceux de son clan, il réclama et obtint charges, abbayes, lieutenances, intendances, bénéfices, etc. 



En 1657, il acheta la baronnie de Seignelay [Yonne], dont il fit moderniser le château [démoli en 1800], que le roi érigea en marquisat en 1668.
Révolté par les pratiques financières de Nicolas Fouquet (1615-1680), surintendant des finances depuis 1653, le Grand Colbert travailla à sa disgrâce et le remplaça dès 1661 au Conseil d’En-Haut, où Michel Le Tellier et Hugues de Lionne détenaient les deux seuls départements qui lui échappèrent toujours, la Guerre et les Affaires étrangères.
En 1664, il acheta la surintendance des Bâtiments et manufactures, fut nommé contrôleur des finances en 1665, puis secrétaire d’État à la Maison du Roi en 1668 et à la Marine en 1669.
Élu à l’Académie française en 1667, on lui doit l’Académie des inscriptions (1663), l’Académie des sciences (1666), l’Observatoire de Paris (1667) ; il réorganisa l’Académie de peinture (1663), et créa les Académies de musique (1669) et d’architecture (1671), l’École de Rome et le Cabinet des médailles.

La bibliothèque du Grand Colbert » est attestée dès 1659. Mais ce fut seulement à partir de 1663 qu’elle va vraiment se développer et connaître la renommée : les accroissements de livres imprimés et de manuscrits, d’abord sous la direction du mathématicien Pierre de Carcavy (1603-1684), de 1663 à 1669, puis d’Étienne Baluze (1630-1718), de 1669 à 1683, furent alors continus.



L’hôtel Colbert était situé au coin de la rue Neuve-des-Petits-Champs et de la rue Vivienne [IIe] :

« L’aspect de cette habitation presque royale était des plus imposans. Un large escalier de marbre à balustres conduisait au péristyle d’un principal corps de logis, auquel on arrivait par une vaste cour d’honneur. Deux ailes en retour allaient rejoindre deux pavillons élevés de chaque côté de la grande porte d’entrée qui s’ouvrait sur la rue, et dont le fronton était orné des armes de Colbert, sculptées en pierre. Ces armes étaient d’or à la bisse ou couleuvre d’azur posée en pal ; deux licornes pour support, pour cimier une main tenant une branche d’olivier, avec cette devise : PERITE ET RECTE.
Derrière le bâtiment du fond on voyait pointer les branches dépouillées des grands arbres du jardin ; et l’aile gauche de l’hôtel, prolongée de ce côté, formait une longue galerie, dont le rez-de-chaussée servait de serre chaude et d’orangerie pour une foule d’arbres et de plantes rares et précieuses.
Le premier étage renfermait une magnifique collection de tableaux et d’objets d’arts.
Les communs et les dépendances de cette habitation étaient immenses, et de magnifiques écuries renfermaient vingt chevaux de prix et de choix, élevés en grande partie dans le haras que Colbert avait à sa terre d’Hauterive. […]
[La bibliothèque] était fort grande, ayant cinq fenêtres de façade sur la cour et autant sur le jardin ; les parties de murailles que ne cachait pas une magnifique bibliothèque de noyer sculpté, remplie de livres, étaient tendues de satin de Bruges vert ; les rideaux et portières étaient de la même couleur, mais de gros de Tours, rehaussés d’un galon et d’une frange d’or et d’argent, avec les armes de Colbert, brodées sur la pente des portières richement festonnées.
Les fauteuils, et une grande table située au milieu de cette pièce, étaient aussi de noyer sculpté, avec des housses de velours vert frangées de même en or et en argent ; enfin, sur le marbre d’une large console, on voyait les bustes de bronze de Richelieu et de Mazarin, avec une magnifique horloge au milieu.
Au bout de cette pièce était une grande cheminée garnie de ses chenets et de sa grille de fer bien polie, et défendue des courans d’air par un paravent de velours. Là, attendant Colbert, étaient rassemblés Baluze, bibliothécaire du ministre, l’abbé Gallois, directeur du Journal des Savans, et Isarn, ancien précepteur du marquis de Seignelay. » [sic] (Eugène Sue. « Hôtel Colbert ». In Musée des familles, 3e vol., 1836, p. 110-116)

Le Grand Colbert mourut en son hôtel, le lundi 6 septembre 1683, vers 3 heures de l’après-midi, et fut inhumé en l’église Saint-Eustache [Ier]. 

Tombeau avant la Révolution

En 1686, sa veuve fit élever un tombeau dessiné par Charles Le Brun : Colbert est représenté à genoux, un ange tient devant lui un livre ouvert, la Religion et l’Abondance, assises, les accompagnent ; la figure de Colbert et celle de l’Abondance ont été sculptées par Antoine Coysevox ; celle de l’ange et de la Religion l’ont été par Jean-Baptiste Tuby. À la Révolution, le tombeau de Colbert fut transporté au musée des Petits-Augustins ; 

Tombeau aujourd'hui

il fut ensuite replacé à Saint-Eustache, mais il n’est plus en son emplacement primitif : l’ange a disparu ainsi que l’arcade qui encadrait le monument et qui portait une épitaphe rappelant l’invention, pour des raisons de prestige, du rattachement de la famille Colbert à une noble famille écossaise venue en France en 1285 ; au sommet de cette arcade, on pouvait reconnaître les armes des Colbert.

Deux mois après la mort de Colbert, la famille fit procéder à l’inventaire des livres de sa bibliothèque, qui comptait plus de 20.000 volumes imprimés et plus de 8.000 manuscrits anciens, dont le Livre d’Heures de Charlemagne et la Bible de Charles le Chauve, provenant de la cathédrale de Metz [Moselle]. 



Presque tous les livres imprimés et manuscrits portent sur leurs plats des armoiries, dont les fers ont été gravés en 1672 par Simon Thomassin, et, sur les dos, un chiffre composé des lettres J.B.C. entrelacées et couronnées, ou redoublées de même. 



Les ouvrages imprimés furent estimés 41.844 livres. La prisée des manuscrits, confiée à trois libraires parisiens, Pierre Auboin, Arnoul Seneuze et Jacques Villery, s’éleva à 13.014 livres.

Le Marquis de Seignelay



Fils aîné du « Grand Colbert », Jean-Baptiste Colbert, IIe marquis de Seignelay, acquit la survivance de la charge de son père, qu’il remplaça à la Marine et à la Maison du Roi, et devint ministre d’État en 1689. Il voulut conserver intacte la bibliothèque Colbertine ; il en laissa la garde à Étienne Baluze ; mais il n’avait pas pour les livres la même passion que son père. Toutefois, les acquisitions de manuscrits se succédèrent avec assez de régularité, de sorte qu’un état dressé par Baluze vers 1690 mentionne environ 450 volumes manuscrits ajoutés à la bibliothèque depuis la mort du Grand Colbert. Atteint d’une maladie de langueur, le marquis de Seignelay mourut à Versailles le 3 novembre 1690. Il avait épousé 1°. le 28 février 1675, Marie-Marguerite, marquise d’Alègre, morte le 16 mars 1678. 2°. le 6 septembre 1679, Catherine-Thérèse Goyon de Matignon, comtesse de Gacé, marquise de Lonray, remariée en 1696, qui mourut à Paris le 7 décembre 1699.

L’Archevêque de Rouen


Cette collection échut alors au 2e fils du Grand Colbert, Jacques-Nicolas, abbé du Bec-Hellouin [Eure] puis archevêque de Rouen, qui mourut le 10 décembre 1707 et fut inhumé à Saint-Eustache, dans la chapelle de sa famille. Il avait été reçu l’un des 40 de l’Académie française, le 30 octobre 1678, par Racine. 

Super ex-libris de Jacques-Nicolas Colbert, abbé du Bec-Hellouin 

Super ex-libris de Jacques-Nicolas Colbert, archevêque de Rouen

Ce prélat portait un certain intérêt à la bibliothèque Colbertine, dont Baluze continua d’être chargé jusqu’en 1700. Pour remplacer Baluze, il choisit l’abbé Duchesne, qui fut bibliothécaire depuis 1700 jusqu’en 1716. L’administration de l’abbé Duchesne, pas plus que celle de l’abbé Guillaume Milhet (1674-1763), son successeur, n’a été marquée par aucune acquisition, par aucun travail digne d’être mentionné.

Le Comte de Seignelay

L’archevêque de Rouen disposa de la bibliothèque Colbertine en faveur de son neveu, Charles-Léonor Colbert, comte de Seignelay, né le 22 février 1689, espérant qu’il « conservera une bibliothèque qui convient à l’état qu’il a embrassé, laquelle a été formée avec tant de soin par un père si respectable, lequel a toujours désiré qu’elle ne fût point dissipée ». Ce vœu ne devait pas être exaucé. Charles-Léonor Colbert fit commencer, le 24 mai 1728, une vente publique des livres imprimés, qui compta 111 vacations : 

Christie's New York, 22-23 mars 2005 : 9.600 $
Reliure d'Antoine-Michel Padeloup, aux armes de Michel Larcher (1714-1772), marquis d'Arcy
Bibliotheca Colbertina (Paris, Gabriel Martin et François Montalant, 1728, 3 vol. in-12, xviij-[2]-288 p., 4.190 lots ; [1]-[1 bl.]-574 p. [chiffrées 289-862], 7.665 lots [chiffrés 4.191-11.855] ; [1]-[1 bl.]-486 p. [chiffrées 877-1.362], 6.364 lots [chiffrés 11.856-18.219]), dont la première partie contient les livres in-folio, la deuxième partie les livres in-quarto et la troisième partie les livres in-8, in-12 &c., des cinq catégories « Theologia », « Jurisprudentia », « Historia », « Scientiæ et Artes », et « Humaniores litteræ ». Au total : 1.372 pages renfermant 18.219 articles, dont la plupart sont doubles et triples. Les manuscrits, en très grand nombre, ne faisaient point partie de ce catalogue.  

Cette vente, et surtout l’abandon d’environ 600 manuscrits qu’il avait fait en 1727 à François-Nicolas Meigret de Sérilly (1673-1734), trésorier des dépenses du département de la Guerre, pour une somme de 12.000 livres, jetèrent l’alarme dans le monde savant, et des mesures furent prises.
Le comte de Seignelay accueillit favorablement les propositions qui lui furent faites au nom du Roi. Avant tout, il fallait estimer la collection, qui portait, d’une part, sur les 6.645 manuscrits « anciens et de science » qui composaient la première partie de la bibliothèque Colbertine, et d’autre part, sur environ 1.700 volumes remplis de copies diverses ou de documents modernes. Le 25 août 1728, le Roi choisit pour arbitres l’abbé de Targny et Falconet fils ; Lancelot et Montfaucon furent désignés par le comte de Seignelay. Après de longs débats contradictoires, les arbitres donnèrent, au mois d’octobre 1731, leur opinion sur la valeur des manuscrits de Colbert. Montfaucon et Lancelot les estimaient 350.000 livres ; les experts du Roi évaluèrent à 120.000 livres les manuscrits anciens et de science ; ils ne firent aucune proposition pour les autres volumes. Au mois de février 1732, le comte de Seignelay trancha la difficulté : il offrit la collection tout entière, et s’en remit à la générosité du Roi pour fixer l’indemnité qu’il espérait. Louis XV la fixa à 300.000 livres. 

Hôtel Seignelay, 80 rue de Lille, Paris

Ainsi fut consommée l’acquisition des manuscrits de Colbert, qu’on porta de la rue de Bourbon-Saint-Sulpice [aujourd’hui 80 rue de Lille (VIIe), siège du ministère de la fonction publique] à la bibliothèque du Roi les 11, 12 et 13 septembre 1732. Cette collection précieuse consistait :
- en manuscrits de sciences au nombre de 6.117, dont 3.370 in-fol., il y a 645 manuscrits orientaux et environ 1.000 grecs, puis beaucoup de latins, français, etc.
- en manuscrits modernes au nombre de 1.607 vol. in-fol. de copies collationnées des titres et archives de Guyenne et de Languedoc, puis 183 vol. in-fol. des titres et archives de Flandre ; et enfin un recueil, fait par le Grand Colbert lui-même, de titres, mémoires, lettres concernant le royaume et les affaires étrangères, en 524 vol.
- en 60 portefeuilles de pièces originales sur diverses matières, et en 622 diplômes de nos rois avec les sceaux depuis Philippe-Auguste (au xiie siècle) jusqu’à François Ier  (au xvie siècle), et une grande quantité d’autres chartes originales.

Joinville. Histoire de S. Louys.
Paris, Mabre-Cramoisy, 1668, in-fol. : 12.500 €
[Bibliotheca Colbertina, n° 2.598]
Librairie Camille Sourget
Parmi les livres imprimés, détaillés dans le catalogue, il y en a d’un très haut prix ; quelques-uns sont allés, lors de la vente, à plus de 3.000 livres, entres autres la Bible de Mayence, de 1462, imprimée sur vélin, et dont le prix a été porté à 3.005 livres.

[Bibliotheca Colbertina, n° 7.477]
In-4 dans une reliure moderne signée Rivière : 9.000 €
Librairie Camille Sourget
Les manuscrits vendus à Meigret de Sérilly furent rachetés en 1748, mais beaucoup de volumes constitués par les soins des ministres étaient restés dans les administrations qui avaient intérêt à les consulter. D’autre part, un certain nombre de documents étaient entrés au Trésor des chartes, Seignelay en avait gardé d’autres. Mais successivement presque toutes les pièces ainsi dispersées se réunirent à la Bibliothèque nationale, qui possède, à peu d’exceptions près, tous les manuscrits recueillis par le Grand Colbert.
Charles-Léonor Colbert, lieutenant-général au gouvernement de la province de Berry, mourut le 27 mars 1747. Il avait épousé 1°. le 11 mars 1717, Anne, princesse de La Tour et Taxis, morte en couches le 19 février 1719. 2°. le 22 octobre 1726, Marie-Renée de Gontaut-Biron.   

Le Neveu du Grand Colbert



Château de Maillebois

Nicolas Desmaretz, marquis de Maillebois [Eure-et-Loir], fils de Jean Desmaretz (1608-1682), trésorier de France à Soissons [Aisne], et de Marie Colbert (1626-1703), naquit à Soissons le 10 septembre 1648. Ministre d’État, il fut maître des requêtes (1674), puis intendant des finances (1678). Disgracié, pour un temps, à la mort de son oncle, il fut contrôleur général des finances de 1708 à 1715, à la place de Chamillart, et grand trésorier des Ordres du Roi en 1713. Il parvint à soutenir les énormes dépenses de la guerre de succession d’Espagne. 


Hôtel Desmaretz, rue Saint-Marc

Il vécut rue Vivienne, voisin de son cousin Torcy, puis s’installa, en 1710, rue Saint-Marc [IIe], où il mourut le 4 mai 1721. Il avait épousé, le 22 février 1673, Madeleine Béchameil, morte le 14 juin 1725 à l’âge de 76 ans ; ils eurent beaucoup d’enfants, entre autres Jean-Baptiste-François Desmaretz, marquis de Maillebois, maréchal de France (1682-1762).





Sa bibliothèque, dont les livres portent ses armes [D’azur à la dextrochère d’argent tenant trois fleurs de lis de marais du même mouvantes d’une seule tige], fut dispersée : Catalogus librorum bibliothecæ illustrissimi viri D. Nicolai Desmaretz, regni administri (Paris, Gabriel Martin et Jean Boudot, 1721, in-12, [4], 51, [1]; 31, [1]; 7, [1] p., 1.466 lots).


Marquise du Châtelet. Institutions de physique.
Paris, Prault fils, 1740, in-8
Aux armes de Marie-Sophie Colbert
Drouot, 18 mars 2010 : 14.100 €

Après la mort de Nicolas Desmaretz, l’hôtel de la rue Saint-Marc fut vendu à Charles-François de Montmorency-Luxembourg (1702-1764), qui épousa, le 9 janvier 1724, Marie-Sophie Colbert (1711-1747), marquise de Seignelay, comtesse de Tancarville et Dame de Gournay-en-Bray, nièce de Charles-Léonor Colbert. En 1799, on a construit le passage des Panoramas à l’emplacement de l’hôtel de Montmorency-Luxembourg. 
Lettres de Cicéron à Atticus
Paris, veuve Delaulne, 1738, 6 vol. in-12
Aux armes de Marie-Sophie Colbert : 1.850 €

L’Évêque de Montpellier


Château de Croissy, détruit le 17 août 1944
Auteur de la branche des marquis de Croissy [Croissy-Beaubourg, Seine-et-Marne] et de Torcy [Seine-et-Marne], Charles Colbert, frère cadet du Grand Colbert, fut baptisé à Reims, en l’église Saint-Hilaire, le 5 août 1629. Il présida le parlement de Metz (1662), fut ambassadeur à Londres (1668-1674), plénipotentiaire à Aix-la-Chapelle (1668) et à Nimègue (1778). Il devint secrétaire d’État aux affaires étrangères en 1679 et se chargea de l’aspect juridique de la politique des « réunions ». Il mourut, perclus de goutte, à Versailles, le 28 juillet 1696. Il avait épousé, le 20 janvier 1664, Françoise Béraud, morte le 17 septembre 1719, fille de Joachim Béraud, seigneur de Croissy, grand audiencier de France. Ce fut depuis ce mariage qu’il ajouta à son nom celui de Croissy.



Son fils Charles-Joachim Colbert est né à Paris le 11 juin 1667, fut abbé commendataire de l’abbaye cistercienne de Froidmond [Oise, détruite à la Révolution] en 1684, agent général du clergé de France en 1695 et sacré évêque de Montpellier [Hérault] le 10 mars 1697. Il s’opposa à la bulle Unigenitus en 1713 et mourut le 8 avril 1738.
Charles de Pradel avait été évêque de Montpellier de 1676 à 1696 ; il avait une fort belle bibliothèque dans laquelle se trouvaient les livres hérités de son oncle et prédécesseur sur le siège épiscopal de Montpellier, François de Bosquet, évêque de 1655 à 1676. Prélat fort lettré, ce dernier, ami de Baluze, avait été, avant d’occuper le siège de Montpellier, évêque de Lodève, où il avait succédé à l’érudit fameux Jean Plantavit de la Pause, lequel avait démissionné en sa faveur. Les livres qui composaient la bibliothèque de Plantavit de la Pause passèrent dans celle de François de Bosquet. À la mort de Monseigneur de Pradel, sa bibliothèque fut achetée par son successeur Charles-Joachim Colbert de Croissy. Celui-ci l’enrichit de nombreuses acquisitions. Dans cette tâche, il s’aida des conseils du célèbre historien Dom Joseph Vaissette (1685-1756). 

Château des évêques, à Lavérune

La plus grande partie des livres fut mise à l’évêché, le reste à Lavérune, à l’ouest de Montpellier. Colbert de Croissy légua sa bibliothèque aux pauvres de l’Hôpital général de Montpellier, sous la réserve suivante :

« Quoique mes deux bibliothèques de la Vérune et de Montpellier vaillent beaucoup plus de 60.000 livres, je veux néanmoins que si M. le marquis de Torcy, mon frère, et, à son refus, quelque autre de ma famille avait envie de les acquérir, on les lui donne pour le prix de 60.000 livres. »

Le marquis de Torcy, ainsi que ses autres parents, informés, ayant renoncé à ce legs, les administrateurs de l’Hôpital général décidèrent de vendre aux enchères les livres qui composaient la bibliothèque et en firent dresser le catalogue : 



Catalogus librorum bibliothecæ illustrississimi ac reverendissimi D. D. Caroli-Joachimi Colbert de Croissi, episcopi Montispessulani (S. l. [Avignon], s. n. [Girard], 1740, 2 vol. in-8, [1]-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-[8]-426 p. et [1]-[1 bl.]-[16]-464 p.). Un grand nombre d’exemplaires du catalogue furent répandus à Toulouse, Lyon, Aix, Paris, Bordeaux, Rouen, etc., et l’abbé Brosseau, chanoine de la cathédrale de Montpellier, fit annoncer cette vente dans la Gazette de Hollande. Un acheteur offrit 60.000 livres, et l’acte de vente fut passé le 17 janvier 1741, à Toulouse :

« Nous, intendants, recteurs et syndics de l’hôpital de Montpellier, commissaires, députés par délibération du dimanche 15 janvier, d’une part, et M. Raymond Rivals, conseiller du roi, receveur des tailles du diocèse de Carcassonne, avons convenu : Nous, commissaires députés, avons vendu et vendons à M. Rivals la bibliothèque de feu Mgr C.-J. Colbert et tous les livres qui la composent et sont contenus dans le catalogue imprimé en deux volumes, sauf les livres qu’il a plu à Sa Majesté de retirer et les autres livres qui ne sont pas trouvés dans ladite bibliothèque, quoique compris dans le catalogue […] le tout moyennant 60.000 livres que le sieur Rivals remettra entre les mains du trésorier de l’hôpital. »

Super ex-libris de Charles-Joachim Colbert

Dès le 25 janvier, Rivals retira un grand nombre de volumes et dès lors commença la dispersion de cette collection précieuse. Plusieurs manuscrits intéressants émigrèrent en Angleterre.      

Le Marquis de Torcy



Frère aîné de l’évêque de Montpellier, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy, est né à Paris le 14 septembre 1665. En 1689, il succéda à son père comme ministre des affaires étrangères, mais n’exerça sa charge qu’à la mort de son beau-père Simon Arnauld de Pomponne (1618-1699). Il prit une grande part aux négociations préliminaires à la guerre de Succession d’Espagne et à celles des traités d’Utrecht (1713) et de Rastatt (1714). Le Régent l’écarta définitivement du pouvoir en 1715. 

Hôtel de Torcy, 16 rue Vivienne 

Il mourut à Paris le 2 septembre 1746. Il avait épousé, le 13 août 1696, Catherine-Félicité Arnauld de Pomponne, décédée à Paris le 7 avril 1755. Il était membre honoraire de l’Académie des sciences depuis 1718. Il a laissé des Mémoires de M. de **** pour servir à l’histoire des négociations depuis le traité de Riswick jusqu’à la paix d’Utrecht (La Haye, s. n., 1756, 3 vol. in-12).



Sa bibliothèque fut vendue après la mort de sa veuve : Catalogue des livres de M. le marquis de Torcy (Paris, Barrois, 1755, in-8, 78-[1]-[1 bl.] p., 1.294 lots). Van Praet donne la date de 1715, dans son (Catalogue des livres imprimés sur vélin de la bibliothèque du Roi, Paris, De Bure frères, 1822, t. IV, p. 163) : c’est une coquille.