jeudi 28 février 2013

Gouttard n’est plus énigmatique

On ne savait rien sur Gouttard, pas même son prénom, malgré le « Précis sur la vie et la bibliothèque de feu M. Gouttard, par un de ses amis », qui est en tête du Catalogue des livres rares et précieux de feu M. Gouttard (Paris, G. de Bure fils aîné, 1780, in-8, [4]-xvj-246 p., 1.604 lots). L’ami était Louis Popon de Maucune (1732-1799) :

« Monsieur Gouttard s’étoit rendu familieres par de bonnes études, les Langues Grecque & Latine, qu’il ne cessa de cultiver ; & son goût pour les Ouvrages des Auteurs qui ont illustré Athènes & Rome, devint si décidé, qu’il prit l’habitude d’en faire sa principale & sa plus douce occupation. […]
Sa carriere terminée à cinquante-quatre ans, eût été infailliblement beaucoup plus longue avec une vie aussi réglée que la sienne, si, par une suite de la routine des Colleges, il n’avoit dédaigné les Sciences relatives à l’économie animale. De là, la méprise qui lui fit adopter un régime funeste à sa poitrine ; […]
M.Gouttard s’occupoit depuis peu à revoir les différentes Editions d’Horace & de Virgile, afin d’en former un Texte plus correct encore que les précédens. […]
Loin d’être un de ces Bibliomanes qui entassent des Livres sans connoissances & sans goût, il rejetta absolument tous ceux qu’on ne lit point. Son plan se réduisoit à rassembler, en moindre nombre de volumes possible, les meilleures Editions & les plus beaux Exemplaires de tous les bons Ouvrages. […] Aussi son Catalogue a-t-il le mérite unique de ne renfermer que des Livres de choix. Les Exemplaires sont en grand Papier, autant que cela est possible, & réunissent la plus belle conservation, avec les relieures les plus soignées, presque toutes par de Rome, le Phénix des relieurs.
Quoique cette Collection soit peu nombreuse, on y trouve cependant à peu-près tout ce qu’il y a de plus rare parmi les Ouvrages qui méritent d’être lus ; il n’y manque presqu’aucune des bonnes Editions des Auteurs Classiques en grec & en latin ; la suite des Variorum est complette, & celle des Elzéviers ne laisse à désirer que ceux qui ne sont pas estimés. [sic] »



Plus tard, le baron Jérôme Pichon (1812-1896) a raconté que Gouttard « n’avait d’abord qu’une pension de six à huit mille francs que lui faisant son père, homme assez avare. Cependant, avec ce revenu modique, il était parvenu à réunir une fort belle collection de livres lorsque la mort de son père le rendit possesseur de 60.000 livres de rente.
M. Debure, le père, qui faisait ses commissions, était très lié avec lui. M. Gouttard lui disait de mettre le dernier sur les livres qu’il désirait avoir. – Mais, Monsieur, si je rencontrais quelqu’un d’aussi fou que vous ? – Cela m’est égal, mettez toujours le dernier.
Il ne poussait pas ses livres lui-même, mais il assistait presque toujours à la vente. Quand un livre qu’il avait commissionné montait, il devenait un peu pâle et souriait. M. Debure lui en demandait la raison. – Je ris, disait-il, parce que je sais que celui qui me le pousse ne l’aura pas.
Un jour, il avait chargé M. Debure de lui acheter un exemplaire d’un ouvrage du comte de Caylus qui n’a été tiré qu’à dix-huit exemplaires et qui était relié en peau de truie, reliure qu’affectionnait M. Gouttard.
Il n’avait pas assisté à la vente parce qu’il était malade et avait pris médecine. Le lendemain matin, M. Debure lui porte le livre qu’il avait acheté. Quand M. Gouttard le vit entrer avec le volume, il sauta au bas de son lit et, courant à lui en chemise, il l’embrassa en s’écriant : Ah vous l’avez ! Le voilà donc enfin ! – Il fallut que M. Debure le forçât de se recoucher.
Il avait économisé deux cent mille francs en or pour acheter à la vente du duc de La Vallière. Il avait son magot dans une armoire à côté de sa cheminée. Quand M. Debure venait le voir, il lui disait quelquefois : – J’ai là de quoi faire payer les livres à la vente du duc. – Mais ses espérances furent trompées, puisque le duc de La Vallière lui survécut au contraire trois ans. » (Bulletin du bibliophile. Paris, Techener, 1906, p. 389-390)

D’une famille estimée originaire de Vernon (Eure), l’avocat Mathieu Gouttard (1686-1778) fut prévôt de Vétheuil (Val-d’Oise), berceau de sa belle-famille, avant de devenir en 1728 bailli et receveur du duché-pairie de La Roche-Guyon (Val-d’Oise), noble en 1735 par l’achat d’une charge de secrétaire du Roi, puis seigneur de Courcelles-lès-Gisors (Oise) en 1746. Il avait épousé en 1721 Marie-Gabrielle Oursel, qui lui donna deux fils. Dans sa maison de La Roche-Guyon, la bibliothèque était au rez-de-chaussée :

« Plus de 200 volumes sont repérés et témoignent des différentes préoccupations de Mathieu Gouttard. L’intérêt pour la religion et la morale se marque chez lui par la présence d’une histoire du peuple de Dieu, du nouveau testament et par la présence d’une bible. Cette exigence spirituelle s’accompagne d’un intérêt pour les découvertes scientifiques du siècle : les Voyages de Tournefort ou un dictionnaire de médecine en six volumes et un autre d’anatomie animent l’univers mental de notre serviteur. Ses préoccupations d’administrateurs sont nourris par la coutume de Normandie et la présence des fables de la [sic] Fontaine finissent par le ranger parmi ceux qui affirment un certain éclectisme. L’inventaire ne présente pas de liste exhaustive de cette bibliothèque, sans doute la maison parisienne [héritée en 1758 de son cousin germain homonyme, médecin du Roi] nous réserve-t-elle d’autres ressources livresques, mais la liste n’en fait pas état. » (Michel Hamard. La Famille La Rochefoucauld et le duché-pairie de La Roche-Guyon au xviiie siècle. Paris, L’Harmattan, 2008, p. 219)

À sa mort, ses deux fils se partagèrent un important héritage de 615.070 livres, où dominait le foncier. C’est de l’aîné dont il s’agit ici : Mathieu-Robert Gouttard (1726-1780), décédé prématurément, dont la bibliothèque fut vendue en 17 vacations, du lundi 5 au vendredi 23 mars 1781, en l’une des salles de l’hôtel de Bullion, rue Plâtrière.  



Catalogue des livres de Gouttard. Exemplaire de Mérard de Saint-Just, relié par Derome.
New York, Christie's, 22 mars 2005, 13.200 $

Le littérateur Mérard de Saint-Just (1749-1812) a noté sur son exemplaire du catalogue de cette vente : « doit faire époque dans l’histoire de la Bibliographie. Les livres ont été porté [sic] à un tel prix par les acquéreurs, qu’il n’y a pas encore eu d’exemples d’une pareille folie dans ce genre de luxe. » Gouttard ayant été un amateur exigeant, la plupart des volumes sortis de sa bibliothèque furent alors reconnus et vendus effectivement à des prix excessifs. À côté des libraires (Bailly, Tilliard, Janet, etc.), on pouvait voir, parmi les acquéreurs, Gouttard de Levéville, frère cadet et héritier du mort, le comte d’Artois, Le Camus de Limare, Dincourt d’Hangard, Naigeon, Anisson-Duperron, le président Lepeletier de Saint-Fargeau, Girardot de Préfond et le procureur Lolliée.
De rares exemplaires du catalogue des livres sont suivis par un « Etat des bronzes, porcelaines, bijoux & autres effets précieux de la succession » (4 p., 51 lots), dont la vente se fit dans la même salle de l’hôtel de Bullion le samedi 24 mars 1781.

Cette bibliothèque ne renfermait que des livres de choix, le plus souvent en grand papier, de la plus belle conservation et presque tous reliés par Derome :

119. Platonis opera quae exstant omnia, graecè ex nova Joan. Serrani interpretatione, perpetuis ejusdem notis illustrata ; & cum annotationibus Henr. Stephani. Paris. Henr. Stephanus, 1578, 3 vol. in-fol. m. r. l. r. Chartâ Magnâ.
Exemplar nitidissimum & tarissimum. 699 liv. 19 s.   

Jeton aux armes de Charles-Claude Briasson, échevin de la ville de Lyon,
frère du libraire parisien Antoine-Claude Briasson (1757)
313. Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts & des Métiers, par une société de Gens de Lettres ; mis en ordre par MM. Diderot & d’Alembert. Paris, Briasson, 1751, 33 vol. in-fol. Gr. Pap. rel. en peau de truie.
Cet exemplaire a été choisi avec le plus grand soin, par le libraire Antoine-Claude Briasson (1700-1775), l’un des associés qui se l’était réservé. Gouttard l’acheta après la mort de Briasson le fils ; il l’a fait relier par Derome le jeune. On y a joint les portraits de Diderot, d’Alembert, de Voltaire et de Montesquieu. 2.510 liv.
428. Lysiae orationes & Fragmenta. graecè, cum novâ interpretatione & notis Jo. Taylor. Accedunt Jer. Marklandi conjecturae. Londini, Bowyer, 1739, 2 vol. in-4. Ch. Mag. en peau de truie.
Exemplar nitidissimum, libri rarissimi. 250 liv.
444. M. Tullii Ciceronis Opera omnia, ex recensione & cum notis Petri Victorii. Venetiis, in offic. Lucae Ant. Juntae, 1537, 4 vol. in-fol. m. viol. l. r.
Superbe exemplaire du comte d’Hoym. 361 liv.
648. P. Virgilii Maronis Bucolica, Georgica, & Æneis. Venetiis, Vindelinus de Spira, 1470, in-fol. m. cit. Editio Princeps & Exemplar impressum in Membranis.
On trouve à la tête du volume deux feuillets de vélin qui contiennent une pièce de vers latins manuscrits, adressés au marquis d’Uxelles par Charles Enoch Virey, secrétaire du roi, en 1626. Ce volume contient 161 feuillets. Cet exemplaire a été acheté 2.300 liv. à la vente de Paris de Meyzieu. 2.270 liv.
888. Collection des Ouvrages imprimés par ordre de Monseigneur le Comte d’Artois. Paris, de l’Imprimerie de Didot l’aîné, 1780, 18 vol. in-18, br.
Cette Collection dont il n’a été tiré qu’un très petit nombre d’exemplaires, est de la plus belle exécution ; mais ce qui la rend encore plus précieuse, c’est qu’on ne peut l’avoir que de la munificence du Prince. 2.210 liv.



1.040. Collectiones Peregrinationum in Indiam Orientalem & in Indiam Occidentalem XXV. Partibus comprehensae, cum appendice Regni Congo, & figuris aeneis Fratrum de Bry & Meriani. Francofurti, 1590, 9 vol. in-fol. m. viol. & m. r. Prima editio, & Exemplar elegans & integrum libri rarissimi.
1.041. Historia Americae sive Novi Orbis, comprehendens in XIII. sectionibus exactissimam descriptionem vastissimarum & multis abhinc seculis incognitarum Terrarum, quae nunc passim Indiae Occidentalis nomine vulgò usurpantur. Cum elegantissimis tabulis & figuris aeri incisis, necnon Elencho sectionum, & Indice capitum ac rerum praecipuarum. Francofurti, sumptibus Matt. Meriani, 1634, 3 vol. in-fol. m. cit. Secunda editio.
Ouvrage curieux qui renferme presque toutes les relations originales des voyageurs qui ont fait la découverte du Nouveau Monde, et dont toutes les figures ont été dessinées sur les lieux d’après nature. Cet exemplaire vient de la bibliothèque de l’abbé de Rothelin. Gouttard l’acheta à la vente de Paris de Meyzieu 1.911 liv. Il y ajouta deux volumes, des figures et des cartes qui y manquaient, pour le rendre absolument complet.


1.042. Premier Livre de l’Histoire de la Navigation aux Indes Orientales, par les Hollandois, & des choses à eux advenues […] par G. M. A. VV. L. Imprimé à Amstelredam, par Cornille Nicolas, sur l’eaue, au livre à écrir. anno 1598. 2.551 liv. pour les numéros 1.040 à 1.042.   






dimanche 24 février 2013

Cazin et cazinophilie

Dans la seconde moitié du xixe siècle, une biographie et une bibliographie de Hubert Cazin (1724-1795), libraire et éditeur à Reims et à Paris, furent publiées par des amateurs qui, devant l’absence d’archives consultables, lui inventèrent une histoire conforme à leur imaginaire. Limitant sa production aux éditions dans les petits formats, ils lui attribuèrent toutes ces éditions du dernier quart du xviiie siècle dont ils ne connaissaient pas les éditeurs et, utilisant l’appellation éponymique de « Cazin », favorisèrent ainsi la confusion entre « édition de Cazin » et « format Cazin ». Exclusivistes, les « cazinophiles » ne sont donc amateurs que de « Cazins », c’est-à-dire de petits formats (in-16, in-18, in-24 et in-32), alors que le libraire a aussi édité des textes dans des formats plus grands (in-12, in-8o et in-4o).  



Au début du xixe siècle, on ne connaissait de Cazin que ce que La Bastille dévoilée (Paris, Desenne, 1789), anonyme attribué à Pierre Manuel, procureur de la commune de Paris en 1792, avait rapporté à propos d’une perquisition faite en 1776.
Relevant le défi lancé en 1845 par Louis Paris, bibliothécaire de la ville de Reims, – « Il serait d’un bon bibliophile rémois de chercher à distinguer et à réunir tout ce qui est véritablement l’œuvre de Cazin » – le libraire rémois Charles Brissart-Binet publia anonymement Cazin. Sa vie et ses éditions par un cazinophile (Cazinopolis [Reims], s.n. [Brissart-Binet], 1863), où l’invention le dispute à l’inexactitude (332 titres, en 706 volumes tous formats, de 1758 à 1793).
Devant les insuffisances de cet ouvrage, le libraire parisien Augustin Corroënne commença en 1877 la publication mensuelle d’un Bulletin du cazinophile qui complétait un Manuel du cazinophile (Paris, A. Corroënne, 1877), où la collection, réduite aux éditions dans le format in-18, est présentée, sans raison véritablement légitime, en cinq périodes triennales (140 titres, en 438 volumes in-18, réimpressions comprises).
Par leurs limites arbitraires, leur inachèvement et leurs inexactitudes, tous ces travaux créèrent, involontairement, désordre et confusion.

À la lumière des résultats de l’étude des archives de l’État civil, de la trop rare correspondance de Cazin – 31 lettres –, d’environ 200 textes imprimés (biographies, bibliographies, mémoires, catalogues, journaux, etc.) témoins de son existence et de quelques milliers d’exemplaires d’éditions qu’il a, ou qu’il aurait, commandées, on peut aujourd’hui réviser la cazinophilie éponymomaniaque qui s’est imposée au xixe siècle.

Que sait-on de Cazin aujourd’hui ?

 

1. Libraire à Reims.


Hubert-Martin Cazin est né au pied de la cathédrale de Reims le 22 mai 1724. Il fit son apprentissage de libraire et relieur chez son père, ancien syndic de la communauté des marchands libraires et imprimeurs de Reims, auquel il succéda en 1755, rue des Tapissiers [aujourd’hui rue Carnot]. Sa femme, Marie-Françoise Duhamel, fille d’un maître brasseur de Soissons, lui donnera cinq filles : Marie-Françoise (1759), Marie-Thérèse (1761), Marie-Anne (1767-1811), future épouse du diplomate bavarois Antoine Cetto (1756-1847), Charlotte-Constance (1771) et Marie-Anne-Henriette (1774).

Client des frères Cramer, à Genève, Cazin fut pour la première fois destitué de sa qualité de libraire en 1759, pour avoir vendu des livres prohibés, des « mauvais livres » contraires aux bonnes mœurs, à la religion ou à l’État, édités en Hollande, en Suisse ou à Avignon, que les librairies provinciales s’étaient mises à vendre pour survivre, les libraires parisiens ayant monopolisé les privilèges et dominé le monde de l’édition. Grâce à l’intervention de son beau-frère, Nicolas Gerbault, procureur au bailliage ducal, il fut rapidement réhabilité.        

Cette sanction ne l’empêcha pas, dès l’année suivante, de s’entendre avec Pierre Rousseau, imprimeur de contrefaçons, fondateur du Journal encyclopédique et, en 1768, de la Société typographique de Bouillon, pour faire quelques affaires : le libraire bouillonnais Luc Trousseaud conduisait les ballots de livres chez Pierre Thésin, imprimeur à Charleville, qui les chargeait au carrosse pour Reims où Cazin devait s’entendre avec les officiers de la Chambre syndicale.
Comble du paradoxe, c’est Cazin qui fut chargé, en 1762 et 1763, de dresser le catalogue et de faire la saisie des livres interdits de la bibliothèque des Jésuites de Reims qui avaient été bannis du royaume !

C’est avec son complice carolopolitain, Pierre Thésin, que Cazin aurait débuté en 1762 ses activités éditoriales : ils auraient édité ensemble, selon Brissart-Binet, une Méthode nouvelle, courte et facile pour apprendre le plain-chant, par Henri Hardouin, maître de musique de l’Église métropolitaine de Reims (1 vol. in-8o).

Mais en 1764, des perquisitions faites à Bouillon et à Reims entraînèrent la condamnation de Cazin à 3.000 livres d’amende et sa destitution. Sa seconde réhabilitation fut moins rapide que la première. Il ne reprit ses activités que trois ans plus tard et se fit plus discret pendant plusieurs années, entreprenant des activités éditoriales, seul ou associé à des collègues de Paris et de Liège.

La deuxième édition connue réalisée par Cazin est anonyme et attribuée au philosophe Nicolas de Malebranche : elle s’intitule Recherches sur l'état monastique et ecclésiastique (Amsterdam, avec le libraire parisien Dessain junior et l’imprimeur rémois J.-B. Jeunehomme, 1769, 1 vol. in-12).


En 1773, il déménagea sa librairie sur la nouvelle place Royale voisine [aujourd’hui salon de coiffure, en face de la banque Société Générale]. Devenu libraire de l’Université l’année suivante, il édita la Relation des formalités observées au sacre des rois de France (1774, avec l’imprimeur liégeois Jean Dessain, 1 vol. in-12), attribuée au chanoine Charles Régnault, une Ordonnance du roi, concernant les régimens provinciaux (1775, 1 vol. in-8o), l’anonyme Corbeille galante : aux demoiselles de Reims (1775, avec l’imprimeur parisien Valleyre l’aîné, 1 vol. in-8o) et, selon Saugrain, le Traité économique et physique des oiseaux de basse-cour (1775, avec le libraire parisien Lacombe, 1 vol. in-12), par le docteur Pierre Buchoz.

C’est en 1775 que Cazin devint client de la Société typographique de Neuchâtel, fondée en 1769, dont le catalogue manuscrit de « livres philosophiques », – terme qui qualifiait les livres prohibés –, était déposé à Reims par l’un des fondateurs, Frédéric Ostervald.

En 1776, exaspérés par les atteintes portées à leurs privilèges par leurs collègues de province, les libraires parisiens obtinrent qu’une perquisition soit effectuée à Meaux chez un libraire qui, pour se défendre, dénonça Cazin. Celui-ci, se fournissant en particulier auprès de la Société typographique de Neuchâtel, était effectivement en contravention avec les règlements : il vendait des livres prohibés ou contrefaits. Des milliers de livres furent saisis chez lui et il fut conduit à la Bastille où il resta dix semaines. Ruiné, Cazin mettra  plus d’un an à remettre sur pieds son commerce, au prix de nombreux voyages à Paris et à l’étranger (Flandres, Hollande, Liège, Neuchâtel), et avec l’aide des relations de son beau-frère et la coopération à prix d’or d’individus sans scrupules. Cette affaire lui aurait coûté plus de 60 000 livres [environ plus de 600 000 €].

Ayant repris ses activités, Cazin aurait publié dès 1777, selon une lettre de Cazin à la Société typographique de Neuchâtel datée du 1er janvier 1780, une Histoire de Gil Blas de Santillane (Londres, 4 vol. in-12), par Le Sage. En 1778, il publia l’Analyse et abrégé raisonné du Spectacle de la nature de M. Pluche (1 vol. in-8o), par le marquis de Puységur, et la fameuse Question agitée dans les écoles de la Faculté de médecine de Reims […]. Sur l’usage du vin de Champagne mousseux contre les fièvres putrides (1 vol. in-8o, avec les libraires parisiens Méquignon l’aîné et Didot le jeune, le libraire châlonnais Paindavoine et l’imprimeur châlonnais Seneuze), par le docteur Jean-Claude Navier ; il publia son premier catalogue la même année.
Cherchant à s’installer à Paris, il échoua dans une association avec Jean-Baptiste Musier, libraire quai des Augustins, avant de faire la connaissance du libraire et imprimeur Jacques-François Valade (env. 1727-1784), rue des Noyers [aujourd’hui partie du boulevard Saint-Germain, Ve] : celui-ci, s’inspirant de la collection des auteurs latins éditée par son collègue londonien James Brindley, débuta en 1779 une collection in-18 sous la rubrique de Londres, allait fonder la « Bibliothèque amusante » et imprimer la « Petite bibliothèque des théâtres ».  



S. n. [Valade], Londres [Paris], 1780


2. Libraire à Paris.

Rue des Noyers

Séjournant de plus en plus souvent à Paris chez Valade depuis 1780, – au point de ne pas pouvoir assister au mariage de sa seconde fille à Reims en 1781 –, Cazin s’installa définitivement chez son hôte et s’associa à lui pour éditer certains titres de la collection in-18, dont le premier fut Les Jardins, ou l’Art d’embellir les paysages (Paris, 1782, 1 vol., grav. Laurent), par l’abbé Jacques Delille. Suivirent La Morale de Confucius (Paris, 1783, 1 vol., grav. Delvaux), attribuée au journaliste Louis Cousin, la Traduction nouvelle de l’Art d’aimer d’Ovide (Paris, 1783, 1 vol., grav. Duponchel, et 1784, 1 vol.), attribuée au magistrat Claude Masson de Saint-Amand, l’édition princeps grec-latin des Aphorismes et Pronostic d’Hippocrate (Paris, 1784, 2 vol.), annotés par le docteur Édouard Bosquillon, et, selon Paul Lacroix, les Œuvres de Molière (Londres, 1784, 7 vol., grav. Delvaux, catalogue de Valade au t. VII).
En 1783, Cazin se rendit à trois reprises à la Bastille, chargé de surveiller la destruction des livres saisis et mis au pilon sur ordre de Jean-Charles Lenoir, lieutenant général de police à Paris, ami de Valade et bibliophile. Cette même année, Cazin décida de cesser de se procurer des livres prohibés à l’étranger.

Malade, Valade laissa bientôt la direction de sa collection in-18 à Cazin. La première série que celui-ci publia dans le format in-18 fut éditée en 1784, à l’adresse de Reims, sous le titre de « Petite bibliothèque de campagne ou collection de romans », et comprend des traductions des œuvres de Henry Fielding (16 vol.), de Sarah Fielding (3 vol.), de Tobias Smollett (4 vol.) et de Goethe (1 vol.).

Valade mourut le 24 juin 1784 et sa veuve, Marie-Jeanne Ledoux, lui succéda. Cazin commença alors la publication de deux ouvrages importants : une Histoire des Allemands (Reims, 1784-1789, avec l’imprimeur liégeois Clément Plomteux, 8 vol. in-8o), traduite de l’allemand de Michel Schmidt, et une Histoire de l’Ordre Teutonique (Reims, 1784-1790, avec la veuve Valade, 8 vol. in-12), par le baron de Wal.

À la fin de l’année 1785, au cours de laquelle Cazin avait réédité, dans le petit format, Les Jardins de l’abbé Delille (Reims, 1 vol.), et édité le Roman comique, de Scarron (Londres, 3 vol., grav. Chapuy), les Pensées de Pascal (Londres, 2 vol., grav. Delvaux), le Nouveau voyage sentimental, traduction de l’anglais de Sterne qu’il fit imprimer à Bouillon (Londres, 1 vol.), et les Œuvres de M. Gresset (Londres, 2 vol.), la veuve Valade abandonna définitivement la collection in-18 à Cazin.
Devenu propriétaire d’un dépôt de gravures et de petits formats brochés ou « en blanc » [livres non reliés dont les feuilles sont classées et non pliées], Cazin fit graver son nom sur les planches de cuivre qui lui avait été cédées, signant ainsi le second tirage des titres gravés, des frontispices et autres portraits. C’est pourquoi certains volumes de la collection in-18 mis en vente par Cazin ont une ou des  gravures portant la mention « Edition de Cazin. » ou « Collection de Cazin. », avec un titre typographié datant de l’époque d’activité de Valade. D’autres volumes sont une véritable réimpression, avec date mise à jour au titre et une ou des gravures portant la mention « Edition de Cazin » [second tirage] ou non [premier tirage du dépôt].

Rue des Maçons

En 1786, Cazin quitta la rue des Noyers et installa sa petite librairie au 31 rue des Maçons [aujourd’hui rue Champollion, Ve].




La « Collection des poètes italiens », imprimée à Orléans et éditée sous l’adresse de Paris, commencée en 1785 avec La Gerusalemme liberata du Tasse (2 vol., grav. Delvaux), fut poursuivie avec d’autres textes du Tasse (1 vol.), de Guarini (1 vol.), de Tassoni (1 vol.), de Pétrarque (2 vol., grav. Delvaux), de Bonarelli (1 vol.), de Pignotti (1 vol.), de l’Arioste (5 vol., grav. Delvaux) et de Bonesana (1 vol.), et terminée en 1787, avec les trois actes distincts de La Divina commedia de Dante (3 vol.). Cette même année 1786, il publia, selon Brissart-Binet, Le Diable boiteux (Paris, 3 vol. in-12) par Lesage, et compléta la collection des petits formats avec les Poésies du romancier suisse François Vernes de Luze (Londres, 1 vol.), un Choix de poésies traduites du grec, du latin et de l’italien par le docteur Édouard-Thomas Simon (Londres, 2 vol., grav. Thomas), De l’amour de Henri IV pour les lettres par l’avocat Gabriel Brizard (Paris, 1 vol.), les Passions du jeune Werther par Goethe (Paris, 1 vol., grav. Chapuy), qu’il fit imprimer à Genève par Paul Barde, un Choix de pièces de théâtre du chansonnier Jean-Joseph Vadé (Londres, 2 vol.), Les Orangers, les Vers à soie et les Abeilles, poèmes traduits du latin et de l’italien par le monarchiste Anselme Crignon (Paris, 1 vol.), un Choix de petits romans de différens genres par le marquis de Paulmy (Paris, 1 vol. sur les 2), et les Nouvelles Lettres angloises traduites de l’anglais de Richardson (Londres, 7 vol., grav. Chapuy).

En 1787, outre les trois volumes de Dante, Cazin publia dans la collection in-18, Caroline de Lichtfield par la baronne de Montolieu, qu’il fit imprimer à Bouillon (Londres, 2 vol., grav. Frussotte), un Choix de pièces de théâtre du comédien Jean-Baptiste Sauvé dit « Lanoue » (Londres, 1 vol., grav. Duponchel), un Choix de pièces de théâtre des avocats Brueys et Palaprat (Londres, 1 vol.), Laure par le publiciste Samuel Constant (Londres, 5 vol., grav. Frussotte), et les Mémoires de madame la baronne de Staal (Londres, 3 vol., grav. Delvaux).

En 1788, la collection in-18 fut complétée par Ismene and Ismenias, traduit du français de l’historien Godard de Beauchamps (London, 1 vol., grav. Delvaux), et Les Chefs-d’œuvre de Pope traduits de l’anglais (Londres, 1 vol., grav. Frussotte). Cazin publia également Les Délassemens poétiques (Paris, avec le libraire lausannois Lacombe, 1 vol. in-8o), par le botaniste suisse Samuel-Élias Bridel, qu’il fit imprimer à Neuchâtel, et la Nouvelle grammaire pour enseigner le françois aux Anglois (Paris, 1 vol. in-12), par dom Jean-Noël Blondin, de l’ordre des Feuillants.   

Toujours désireux de multiplier ses activités éditoriales, il participa en 1789 à l’édition du quotidien royaliste, politique et littéraire de Jean-Charles Le Vacher de Charnois, intitulé Le Spectateur national.
La collection des « Cazins » fut complétée par le Voyage sentimental (Londres, 1789, 2 vol., grav. Duponchel, catalogue au t. II), traduit de l’anglais de Sterne, L’Aminte (Londres, 1789, 1 vol., catalogue), traduit de l’italien du Tasse, la Seconde partie des Confessions de J.J. Rousseau (Londres, 1790, 7 vol.), qu’il fit imprimer à Neuchâtel par Louis Fauche-Borel, l’Hymne au soleil (Londres, 1790, 1 vol., grav. Delaunay), par l’abbé de Reyrac, Les Saisons (S.l. [Paris], s.d. [1790], 1 vol.), poème traduit de l’anglais de Thomson, La Pucelle d’Orléans poème héroï-comique en dix-huit chants (Londres, 1790, 1 vol.), par Voltaire, Les Aventures de Télémaque (Londres, 1790, 3 vol., grav. Chapuy, id. 1791), par Fénelon, Les Jardins (Paris, 1791, 1 vol., grav. Delvaux), par l’abbé Delille, Du contrat social (Paris, 1791, 1 vol.), par J.-J. Rousseau, et les Entretiens de Phocion (Paris, 1792, 1 vol.), traduits du grec par l’abbé de Mably.     



Cazin publia des catalogues en 1788 et 1789, qui présentaient ses collections dans tous les formats, ainsi que les collections de Valade et celles d’autres éditeurs. Ses catalogues de 1792 et 1793 (154 titres en 382 vol., dont seulement 48 titres en 106 vol. sont des éditions authentiques de Cazin) ne contiennent que des petits formats.

Rue du Coq

Après son déménagement au numéro 3 de la rue du Coq-Saint-Honoré, dite cul-de-sac du Coq [aujourd’hui rue de Marengo, Ier], Cazin participa à l’édition en français des Considérations importantes sur les droits et les devoirs respectifs de la France et des états de l’empire d’Allemagne possessionnés en Alsace (Paris, Desenne et Gattey, Blanchon, Cazin, et Strasbourg, Kœnig, 1792, 1 vol. in-4o), traduites de l’allemand de l’archiviste Georg-August Bachmann, et publia ses derniers volumes dans le format in-18 avec les Œuvres du poète Charles-Pierre Colardeau (Paris, 1793, 3 vol., grav. L’Épine).

Rue Pavée

Cette dernière année, il déménagea au numéro 15 de la rue Pavée-Saint-André [aujourd’hui rue Séguier, VIe]. Dans l’après-midi du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), il se trouvait dans un café de la petite rue du Dauphin et en sortit au moment où le tir des boulets de Bonaparte enfilait la rue pour enlever le porche de l’église Saint-Roch où s’étaient barricadés les royalistes. Il fut atteint au ventre par un éclat de mitraille et expira le surlendemain 15 vendémiaire (7 octobre).

Cazin n’a donc jamais été imprimeur, n’a jamais eu de fils (invention de l’érudit rémois Lacatte-Joltrois), n’a été emprisonné qu’une seule fois à la Bastille en 1776, n’a jamais eu de valise toujours prête pour y séjourner (invention de son petit-fils, l’écrivain Chaalons d’Argé), s’est installé à Paris dès 1780 et définitivement en 1782, n’a jamais tenu de salon littéraire (invention de Brissart-Binet) et est mort le 15 et non le 13 vendémiaire an IV. 
À la mort de Cazin, sa femme lui succéda jusqu’en 1806 et lui survécut jusqu’en 1814. En 1799, la Société Richard, Caille et Ravier, rue Hautefeuille, racheta la collection des petits formats in-18 qui passa, après la mort de Richard en 1802, à la Société de Crapart, Caille et Ravier, au numéro 17 de la rue Pavée-Saint-André-des-Arcs, jusqu’en 1808, puis à la Société de Caille et Ravier jusqu’en 1822.

Comment authentifier une édition de Cazin ?

On devrait toujours garder à l’esprit les idées, en avance sur leur temps mais aujourd’hui évidentes, que l’abbé Jean-Joseph Rive (1730-1791) développait dans La Chasse aux bibliographes et antiquaires mal-advisés (Londres, N. Aphobe, 1789, t. I, p. 48-49) :

« Ainsi il n’y a rien de moins solide, que d’attribuer à un Artiste l’exécution typographique d’un ouvrage sorti de la presse sans nom d’Imprimeur, sous prétexte que les types de ce même ouvrage ont de l’analogie avec ceux des éditions qui portent son nom. […] Ne sera-t-il pas plus sage de renoncer à des conjectures inconcluantes, & de croire que ces éditions peuvent ne venir ni de l’une, ni de l’autre presse, mais qu’elles sortent peut-être d’une troisième que nous ne connoissons pas ? »    

Par un abus de langage, conséquence de l’ignorance de sa biographie et de sa bibliographie exactes, Cazin est considéré, sans preuve et donc à tort, comme l’éditeur de presque tous les petits formats du dernier quart du xviiie siècle sans nom d’éditeur, imprimés clandestinement à Paris ou dans les Provinces-Unies. S’ils appartiennent, pour partie, à la collection parisienne de Valade, ils pourraient, pour le reste, tout aussi bien appartenir à d’autres collections, dont celles de Couret de Villeneuve à Orléans, de Lehoucq à Lille, de La Roche ou de Bruyset et Périsse à Lyon, de Tutot à Liège, de Didot et Debure à Paris, de Hardouin et Gattey à Paris, de Le Prince et Baudrais à Paris, de Ancelle à Évreux, de Manoury à Caen, de Mercier à Paris, etc.

Parmi ces éditions sans nom d’éditeur attribuées à Cazin sans aucune preuve, les cazinophiles ont toujours été très intéressés par les éditions pornographiques, dites « érotiques », illustrées souvent par François-Roland Elluin (1745-1810), d’après Antoine Borel (1743-1810) :
Nouvelle traduction de Woman of pleasur [sic], ou Fille de joie par John Cleland (Londres, chez G. Fenton, 1776) ; La Pucelle d’Orléans, poème héroï-comique en dix-huit chants par Voltaire (Genève, 1777, 18 fig. libres non signées connues sous le nom de « suite anglaise » parce qu’elle est imitée des 27 figures d’un graveur anglais, gravées par Pierre Duflos d’après Marillier) ; La Pucelle d’Orléans, poème héroï-comique en dix-huit chants par Voltaire (Londres, 1780, mêmes illustrations que dans l’édition de 1777) ; La Foutromanie, poème lubrique par Sénac de Meilhan (Londres, aux dépens des Amateurs, 1780) ; Les Sonnettes par Guillard de Servigné (Londres, 1781) ; Le Meursius françois par Nicolas Chorier (Cythère, 1782) ; Parapilla par Charles Borde (Londres, 1782 ; Florence, 1784) ; Félicia par Nerciat (Londres, s.d. [1782]) ; La Tentation de Saint-Antoine par Sedaine (Londres, 1782) ; Les Égarements de Julie par Perrin (Londres, 1782) ; Mémoires de Saturnin par Gervaise de La Touche (Londres, 1787) ; Le Doctorat in-promptu par Nerciat (S.l., 1788) ; Étrennes aux amateurs de Vénus (Paphos, s.d. [1788]) ; Théâtre gaillard (Londres, 1788) ; Justine par Sade (Londres, 1792 : « Un des ouvrages les plus rares de la collection Cazin » dit Henri Cohen, dans la 6e et dernière édition de son Guide de l’amateur de livres à gravures du xviiie siècle, col. 920 !) ; etc.

L’attribution à Cazin des petits formats sans nom et à la fausse adresse de Londres (celle de Genève signant des éditions lyonnaises) ne peut se faire :

- ni à l’aide du format in-18 : économique, aisément maniable, discrètement transportable, voire facilement dissimulable, il est apparu au commencement du xviiie siècle, quand on voulut obtenir un volume de dimensions équivalentes à celles de l’ancien in-12 qui était devenu plus grand par l’emploi de papiers de plus grande forme. À la fin du même siècle, l’in-18 mesurait alors, en moyenne, 127 sur 80 millimètres. 
Pour obtenir un in-18, la feuille totale est divisée :
. soit en deux cahiers inégaux de 12 et de 24 pages : les signatures tombent alors aux pages 1, 25, 37, 61, etc., les pontuseaux de chaque feuillet sont verticaux et le filigrane est visible tout entier au milieu du feuillet dont la place est variable dans la feuille.
. soit en trois cahiers de 12 pages chacun : les signatures tombent alors aux pages 1, 13, 25, 37, etc., et coïncident avec celles d’un in-12 plié, par demi-feuilles, en deux cahiers successifs ; la direction des pontuseaux du papier permet alors de reconnaître le format, horizontaux dans l’in-12, verticaux dans l’in-18. 

- ni à l’aide de la reliure : en veau écaille [orné de marbrures rouges], triple filet d’encadrement sur les plats, filet ou roulette sur les coupes, avec ou sans roulette sur les chasses, dos long à six compartiments délimités par un double filet, dont deux portent les pièces de titre et de tomaison et les quatre autres ornés d’une grenade stylisée, baptisée « fer Cazin » et entourée d’une paire de volutes de feuillage, tranches dorées, signet de soie verte : ce type de reliure existait avant la collection Valade-Cazin. On peut regretter que cette reliure n’ait jamais retenu l’attention des historiens. Les dos de reliures qui portent en queue la mention dorée « Edition Cazin » appartiennent à des reliures réalisées au xixe siècle.

- ni à l’aide du papier azuré : rare, il est le plus souvent réuni au papier blanc dans un même volume, comme par accident ou indifférence.

- ni à l’aide des caractères, des fleurons ou des dispositions typographiques : prétendument caractéristiques, ils n’appartiennent qu’aux imprimeurs.
. la petite tête couronnée aux cheveux bouclés fait partie du matériel de Couret de Villeneuve à Orléans puis à Paris ;
. la petite tête rayonnée de Glisau et Pierret a appartenu auparavant à Valade et à Pierres ;
. les deux pigeons font partie du matériel de Valade qui les a utilisés pour les Œuvres de M. Gresset (Londres, 1780), Bélisaire, par M. Marmontel (Londres, 1780), les Œuvres mêlées de M. le chevalier de Boufflers, et de M. le marquis de Villette (Londres, 1782), Les Amours de Psyché et de Cupidon, par M. de La Fontaine (Londres, 1782), les Considérations sur les mœurs de ce siècle, par M. Duclos (Londres, 1784) et les Passions du jeune Werther (Reims, Cazin, 1784).
Quand bien même on identifierait l’imprimeur d’une édition adressée à Londres, il faudrait d’autres arguments pour pouvoir l’attribuer à Cazin.

- ni à l’aide des gravures : on cherchera en vain des éditions de Cazin avec des figures gravées d’après Charles Eisen (1720-1778).
Le graveur privilégié de Cazin fut Rémi-Henri-Joseph Delvaux (1748-1823), élève de Noël Le Mire, qui grava des figures pour La Morale de Confucius (1783), les Œuvres de Molière (1784) d’après Pierre Mignard (1612-1695), les Pensées de Pascal (1785) d’après Robert Nanteuil (1623-1678), La Gerusalemme liberata (1785) et Le Rime (1786) et Orlando furioso (1786) d’après Titien (1490-1576), les Mémoires de madame la baronne de Staal (1787) et, d’après Clément-Pierre Marillier (1740-1808), Les Jardins (1785 et 1791) et Ismene and Ismenias (1788).
Charles-Eugène Duponchel (né en 1748), élève de Tardieu, grava les figures de la Traduction nouvelle de l’Art d’aimer d’Ovide (1783) d’après Kaspar Pitz (1756-1795), du Choix de pièces de théâtre de La Noue (1787) d’après Charles Monnet (1732-1808) et du Voyage sentimental (1789).
Jean-Baptiste Chapuy (1760-1802) grava les figures du Roman comique de Scarron (1785), des Nouvelles Lettres angloises (1786) d’après Clément-Pierre Marillier, des Passions du jeune Werther (1786) et Les Aventures de Télémaque (1791).  
On ne sait pas grand chose sur C. Frussotte qui grava des figures pour Caroline de Lichtfield (1787) d’après Louis Binet (1744-1800), le collaborateur régulier de Rétif de la Bretonne, Laure (1787) d’après Balthasar-Antoine Dunker (1746-1807) et Les Chef-d’œuvres [sic] de Pope (1788) d’après Godfrey Kneller (1646-1723) ; ni sur P.-E. L’Épine qui grava le portrait de l’auteur des Œuvres de Colardeau (1793) ; sur N. Thomas, élève de Ingouf, qui grava le frontispice du Choix de poésies, traduites du grec, du latin et de l’italien (1786) d’après Jean-Jacques-François Le Barbier « aîné » (1738-1828) ; ni sur F. Dubercelle qui grava pour Le Diable boiteux (1786) d’après Magdelaine Hortemels (1688-1767), mère de Charles-Nicolas Cochin « fils ».
C’est Pierre-François Laurent (1739-1809), élève de Baléchou, qui grava d’après Charles-Nicolas Cochin « fils » (1715-1790) pour Les Jardins (1782).
Nicolas Delaunay (1739-1792), élève de Lempereur, grava pour l’Hymne au soleil (1790).

- ni à l’aide des catalogues de la librairie : sont ceux de tout libraire donnant la liste des ouvrages en différents formats disponibles en sa boutique.
- ni à l’aide des journaux contemporains : toute l’ambiguïté des annonces ou des comptes rendus des journaux contemporains se trouve dans celui-ci :

« Théatre [sic] de Regnard. Nouvelle édition, revue, exactement corrigée, & conforme à la représentation. 4 vol. in-18. A Londres, & se trouve à Paris, chez la veuve Valade ; à Reims, chez Cazin. 1784. On connoît les jolies éditions que le Sr. Cazin donne depuis quelque tems [sic] au public : nous lui devons encore celle-ci, qui sans doute ne sera pas moins recherchée. »
(Journal encyclopédique ou universel. Bouillon, février 1785, p. 552-553)

Elle concerne le « Théatre de Regnard ; Nouvelle édition, Revue, exactement corrigée, & conforme à la représentation. [entre deux filets] Tome Premier. [fleuron] A Londres. [double filet] M. DCC. LXXXIV. », en 4 vol. in-18.
Le matériel typographique appartient à l’imprimerie Valade, avec, en particulier, le même fleuron aux quatre pages de titre que celui utilisé pour la page de titre du Choix de pieces de théatre de Brueys et Palaprat (Londres, et Paris, Cazin, 1787).
Rien ne permet d’ajouter « & se trouve à Paris, chez la veuve Valade ; à Reims, chez Cazin. », comme s’il s’agissait de l’adresse au titre : en février 1785, le Journal encyclopédique sait effectivement que madame Valade est veuve et que Cazin a édité l’année précédente, sous l’adresse de Reims, la « Petite bibliothèque de campagne ou Collection de romans ».

Mais alors, comment peut-on attribuer à Cazin des éditions ne portant ni son nom, ni son adresse ?
En se souvenant qu’aucun petit format ne peut être de Cazin avant 1786, la collection appartenant aux Valade qui, eux, ne l’ont commencée qu’en 1779 :

- sur l’existence de la mention « Edition de Cazin » sur les gravures, seulement quand il n’y a pas d’édition antérieure par Valade : Roman comique de Scarron en 1785, Laure par Constant en 1787, Mémoires de Madame la baronne de Staal en 1787, Hymne au soleil par l’abbé de Reyrac en 1790.  

- sur le témoignage d’un éditeur : Claude-Marin Saugrain pour le Traité économique et physique des oiseaux de basse-cour par Buchoz en 1775, Cazin lui-même pour l’Histoire de Gil Blas par Le Sage en 1777.

- ou d’un bibliographe : Brissart-Binet pour la Méthode nouvelle, courte et facile pour apprendre le plain-chant en 1762 et pour Le Diable boiteux par Lesage en 1786, Paul Lacroix pour les Œuvres de Molière en 1784, Joseph-Marie Quérard pour les Pensées de Pascal en 1785.

- sur l’identité de l’imprimeur : Glisau pour les Œuvres de M. Gresset en 1785, Glisau et Pierret pour Les Aventures de Télémaque en 1790 et en 1791, Fauche-Borel pour la Seconde partie des Confessions de J.J. Rousseau en 1790.

- sur l’existence d’un « Avis » (Pensées de Pascal en 1785) ou d’un catalogue de Cazin (Voyage sentimental  en 1789).  



Dans la collection in-18, Cazin, seul ou associé, n’est donc le responsable, de 1782 à 1793, que de l’édition de 59 titres formant 120 volumes. Il ne peut être tenu responsable, de 1762 à 1793, que de l’édition de 74 titres, en 154 volumes, tous formats confondus, et d’un journal quotidien.
Ces éditions en d’autres formats que l’in-18, négligées jusqu’à présent, pourraient sensibiliser les amateurs à une nouvelle cazinophilie qui s’attacherait enfin à l’identification des éditeurs restés jusqu’à présent anonymes.



mercredi 20 février 2013

Repères pour le tricentenaire de la naissance de Diderot

Le 1er août 1784, à Paris, on chuchotait à la sortie de l’église Saint-Roch … On venait d’inhumer Diderot sous les dalles de la chapelle de la Vierge, et certains prétendaient que le philosophe n’était pas mort à Paris, mais à Sèvres, et que son corps avait été ramené rue de Richelieu.

Façade de l'église Saint-Roch
Tout avait commencé moins de six mois auparavant, exactement le 19 février, rue Taranne (VIe, disparue au percement du boulevard Saint-Germain), où il habitait depuis trente ans. Ce jour-là, Diderot eut une hémoptysie, et la pieuse Madame Diderot fit venir le curé de Saint-Sulpice, Jean-Joseph Faydit de Tersac, celui qui avait refusé en 1778 une sépulture ecclésiastique à Voltaire. Il fut reçu courtoisement, mais il ne fut point question de conversion. Diderot décida d’aller reprendre des forces à Sèvres, où il avait un pied-à-terre, et s’y installa au mois de mai.



Hôtel de Bezons

Il serait rentré à Paris le 18 juillet. Catherine II, l’impératrice de Russie qui avait fait assassiner son mari Pierre III en 1762, mit à la disposition de Diderot l’hôtel de Bezons, situé au n° 39 de la rue de Richelieu (Ier). C’est là, selon la tradition, qu’il mourut, à table, des complications d’une insuffisance cardiaque, le vendredi 30 juillet 1784, et non le 31 : ce n’est en effet que le lendemain que son gendre déclara au clergé de Saint-Roch que Diderot était décédé le jour même, d’où l’erreur de date qui figure dans l’acte d’inhumation, qui a été détruit :

« L’an 1784, le 1er août, a été inhumé dans cette église M. Denis Diderot, des Académies de Berlin, Stockholm, et Saint-Pétersbourg, bibliothécaire de Sa Majesté Impériale Catherine seconde, Impératrice de Russie, âgé de 71 ans, décédé hier, époux de dme Anne-Antoinette Champion, rue de Richelieu, de cette paroisse ; présents : M. Abel-François-Nicolas Caroilhon de Vanduel, écuyer, trésorier de France, son gendre, rue de Bourbon, paroisse Saint-Sulpice, M. Claude Caroilhon Destillières, écuyer, fermier général de Monsieur frère du Roy, rue de Ménard, de cette paroisse, M. Denis Caroilhon de la Charmotte, écuyer, directeur des domaines du Roy, susd. rue de Ménard, et M. Nicolas-Joseph Philpin de Piépope, chevalier, conseiller d’Etat, lieutt général honoraire au bailliage de Langres, rue Traversière, qui ont signé avec nous curé : Caroilhon de Vanduel, Caroilhon Destillières, Naigeon, Cochin, Caroilhon de la Charmotte, Michel ... Marduel, curé. » [sic]

Les restes mortels de Diderot ont disparu, après le 4 février 1796, quand les sépultures de Saint-Roch furent violées par les soldats qui y tenaient garnison. Au xixe siècle, le caveau fut utilisé pour installer le chauffage.



Statue et maison natale (à droite) de Diderot à Langres

Diderot était né à Langres (Haute-Marne) le 5 octobre 1713, au 1er étage du n° 9 de la place Chambeau (aujourd’hui place Diderot), sur la paroisse Saint-Pierre, et non au n° 6, sur la paroisse Saint-Martin, comme on l’a cru pendant longtemps, maison où il vécut avec ses parents de 1714 à 1728. Le lendemain de sa naissance, il fut conduit par son grand-père paternel, Denis Diderot (1654-1726), et par une tante maternelle, Claire Vigneron, sur les fonts baptismaux de l’église Saint-Pierre, aujourd’hui disparue.
Il fut élève du collège des Jésuites de Langres, qui sera détruit en 1744. Devant succéder à son oncle maternel, Didier Vigneron (1667-1728), il reçut la tonsure le 22 août 1726 des mains de Monseigneur Pardaillan de Gondrin d’Antin.
Dès 1729, Diderot termina ses études à Paris au collège Louis-le-Grand, c’est lui qui le dit, et non pas au collège d’Harcourt, comme le prétend sa fille Marie-Angélique, dans ses soi-disant Mémoires, correspondance et ouvrages inédits de Diderot (Paris, Paulin et A. Mesnier, 1830-1831, 4 vol. in-8). Il fut reçu maître ès arts à l’Université de Paris le 2 septembre 1732. Son père décida qu’il serait clerc de procureur à Paris et le fit entrer chez un ami Langrois, François Clément, dit « de Ris ». Inconstant et primesautier, il quitta cet emploi en 1734 et vécut alors plusieurs années mal connues, teintées de libertinage et de parasitisme.

On a souvent écrit qu’il eut une vie de bohême. Or son père n’a jamais cessé de le ravitailler, tout en sachant que sa femme et sa fille en faisaient autant par l’intermédiaire d’une servante, Hélène Brûlé, qui aurait fait au moins deux fois le voyage de Langres à Paris … à pieds !
Installé dans un garni, Diderot toucha à divers métiers : il donna des leçons, fit des traductions, arrangea des discours, fut pendant trois mois le précepteur des enfants d’un receveur des finances, Elie Randon de Massanes d’Aneucourt.
Vers 1741, il quitta la rue de l’Observance (aujourd’hui Antoine Dubois, VIe) pour s’installer rue Poupée (supprimée par le boulevard Saint-Michel, Ve), sur la paroisse Saint-Séverin. C’est là qu’il fit la connaissance d’Anne-Toinette Champion, née en 1710 à La Ferté-Bernard (Sarthe), dont la mère tenait un petit commerce de lingerie ; toutes deux habitaient sur le même palier que lui. Pour l’empêcher de se marier, le père de Diderot réussit à obtenir une lettre de cachet contre son fils. Quand il fut libéré, il s’installa rue des Deux-Ponts (IVe), sur la paroisse Saint-Louis-en-l’Ile, et se maria le 6 novembre 1743, à minuit, en l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs ; cette petite église de la Cité, qui sera démolie en 1837, servait aux mariages conclus sans le consentement des parents. Le père de Diderot n’apprendra le mariage de son fils que six ans plus tard. Cette union était mal assortie, elle ne fut pas heureuse.
Le jeune ménage s’installa rue Saint-Victor (Ve), sur la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet, et dès le 13 août 1744 naquit Angélique, baptisée le lendemain, qui mourut « en nourrice » le 29 novembre suivant.
Les Diderot ne restèrent qu’une année rue Saint-Victor. Dès 1745, ils furent rue Traversière (XIIe). C’est à cette époque que commença une liaison avec la frivole Madame de Puisieux, épouse d’un avocat au Parlement. Cette liaison dura jusqu’en 1749. Entre-temps, Diderot déménagea encore une fois, et c’est rue Mouffetard (Ve) que naquit François-Jacques-Denis, le 22 mai 1746, qui fut baptisé le lendemain à Saint-Médard.
Après la publication de la Lettre sur les aveugles, à l’usage de ceux qui voyent (Londres, 1749), Diderot, déjà suspect, fut arrêté chez lui, au 2e étage du n° 3 de la rue de l’Estrapade (Ve), et détenu au château de Vincennes du 24 juillet au 3 novembre 1749. L’année suivante, Anne-Toinette, alors enceinte pour la troisième fois, eut la douleur de perdre son deuxième enfant : François-Jacques-Denis, âgé de 4 ans, fut emporté le 30 juin 1750 au cours « d’une fièvre violente ».


C’est probablement en 1750 que Diderot rencontra le baron Frédéric-Melchior de Grimm (1723-1807), qui devint son plus grand ami. C’est en octobre de la même année que le « Prospectus » de l’Encyclopédie fut répandu dans le public. Il y eut au total près de 5.000 souscripteurs qui versèrent chacun 956 livres. L’année se termina très mal : Denis-Laurent, né le 29 octobre, mourut fin décembre, le jour de son baptême : « il tomba des bras de la femme qui le portait sur les marches de l’église » Saint-Étienne-du-Mont.
La premier tome de l’Encyclopédie parut le 28 juin 1751 : Diderot avait 38 ans.
Lors d’un premier voyage à Langres en août 1752, Anne-Toinette fit enfin connaissance avec sa belle-famille. Le 2 septembre de l’année suivante naquit Marie-Angélique, rue de l’Estrapade.  C’est en 1754 que les Diderot emménagèrent rue Taranne, au coin de la rue Saint-Benoît, au 4e étage ; la bibliothèque fut installée à l’étage au-dessus. C’est là que s’écoula la plus grande partie de leur existence. Cette même année débuta probablement la liaison de Diderot avec Louise-Henriette, dite Sophie, Volland (1716-1784). Quatre ans plus tard, Diderot se brouilla avec Jean-Jacques Rousseau, qu’il avait rencontré quinze ans auparavant.

Le père du philosophe, Didier Diderot (1685-1759), fit un voyage à Bourbonne-les-Bains à la fin du mois de mai 1759 ; renvoyé chez lui par le docteur Juvet, il mourut le lendemain de son retour, dans son fauteuil, le 3 juin 1759, jour de la Pentecôte, et fut inhumé le surlendemain au cimetière de Langres. La maison paternelle de la place Chambeau devint alors la propriété des trois enfants : Denis, le philosophe, Denise (1715-1797 s.p.) et l’abbé Didier-Pierre (1722-1787 s.p.). Seule Denise l’habita et y mourut ; après sa mot, la maison fut rapidement vendue.

En mars 1765, le général Betzky acheta la bibliothèque de Diderot pour le compte de Catherine II de Russie, lui en laissant l’usage pendant sa vie. Marie-Angélique avait alors 12 ans ; elle en avait 6 quand Diderot commença à envisager de vendre sa bibliothèque : il est donc douteux qu’il la vendit pour constituer la dot de sa fille, qui se maria en 1772 à Saint-Sulpice avec Abel-Françoids-Nicolas Caroillon, dit « de Vandeul ».



Encyclopédie
Paris, Piasa, 6 mars 2012, 28.933 €

L’Encyclopédie était achevée : 17 volumes de textes et 11 volumes de planches, imprimés par Le Breton et publiés de 1751 à 1772 sous la direction de Diderot. Celui-ci pouvait enfin répondre à l’invitation de Catherine II. Il quitta Paris le 11 juin 1773, séjourna à La Haye et arriva à Saint-Pétersbourg le 8 octobre, quitta la Russie le 5 mars 1774 et fut de retour à Paris le 21 octobre.

Les Diderot vécurent leurs dernières années entourés des Caroillon et de leurs petits-enfants, « Minette » et « Fanfan ». Anne-Toinette Diderot mourut le 10 avril 1796 à Paris, au n° 742 de la rue Caumartin (IXe).


Denis Diderot
Plâtre bronzé par Jacques-Antoine Houdon

On raconte que les Diderot sont venus de Franche-Comté et se sont fixés à Langres au xve siècle. Le père du philosophe, Didier, devint maître coutelier, comme son père. Après son mariage en 1712 avec Angélique Vigneron (1677-1748), il s’installa sur la paroisse Saint-Pierre, puis sur la paroisse Saint-Martin en 1714. Didier et Angélique eurent sept enfants : Denis, le philosophe, très souvent désigné comme étant l’aîné, fut le second.
À la veille de la Révolution, il n’existait plus à Langres qu’un seul chef de famille du nom de Diderot, la « sœurette » Denise. Depuis plus de deux siècles, les Diderot ont complètement disparu de la ville de Langres. L’arrière-petit-fils de Marie-Angélique Diderot, épouse Caroillon, Charles-Denis Caroillon de Vandeul, dit « Albert de Vandeul », dernier du nom, né en 1837, mourut le 16 mai 1911 au château d’Orquevaux (Haute-Marne).