Descendant d'une famille
de magistrats picards, Gervais-Hélène
Charpentier est né le 2 juillet 1805, à Paris, rue des
Poules [rue Laromiguière, Ve].
Il était destiné à suivre la carrière des armes.
Voltigeur de la Garde impériale |
Son père,
Pierre Charpentier, parent du général Henri-François-Marie
Charpentier (1769-1831), dont le nom figure sur le pilier sud de
l'arc de triomphe de l'Étoile, était lieutenant du 2e
régiment de voltigeurs de la Garde impériale : il mourut
prématurément à la suite de ses blessures. Sa mère, Adélaïde
Cailleux (†
Paris, 17 septembre 1850),
fut privée, à la Restauration, de l'emploi qu'elle tenait de sa
qualité de veuve d'un officier de l'armée impériale.
Après
sa sortie de l'école primaire à 14 ans, Gervais Charpentier fut
donc empêché de poursuivre ses études et entra comme apprenti chez
un tapissier. Mais les fardeaux qu'on lui faisait porter étant trop
lourds pour son jeune âge, il se plaça comme garçon de salle chez
un marchand de vin.
Ayant
le goût des livres, il entra en 1821, comme commis, chez
Jacques-Frédéric Lecointe et Étienne Durey, libraires, 49 quai des
Augustins [VIe], éditeurs de la célèbre collection
in-18 des «
Résumés de l'histoire de tous les peuples » : ses appointements de
30 francs par mois lui permettaient de ne pas mourir de faim.
Hoffbauer. Paris à travers les âges. Paris, Firmin-Didot et Cie, 1885. |
En
1823, Pierre-François Ladvocat
(1791-1854), libraire au Palais-Royal, galerie de bois, n° 195, lui
offrit une condition meilleure et les occasions de rencontrer l'élite
des écrivains de l'époque. Maurice Dreyfous se trompe, quand il
écrit « il entra comme petit commis, chez le célèbre éditeur
Renduel. » (Ce qu'il me reste à dire. Paris, Paul
Ollendorff, 1913, p. 191) : Eugène Renduel (1798-1874) ne s'est
installé qu'en 1825, 20 rue du Battoir [rue de Quatrefages, Ve].
Ladvocat,
était né à Caudebec-en-Caux
[Seine-Maritime]. Il s'était installé à Paris dès 1813 et y avait
épousé, en 1817, Constance-Sophie Aubé, divorcée de Jacques
Courtois, propriétaire d'un cabinet de lecture au Palais-Royal. En
avance sur son temps, Ladvocat lançait ses publications au moyen
d'affiches. Il avait reçu, en 1824, le titre de libraire du duc de
Chartres et était devenu le libraire à la mode.
Commis-voyageur de
Ladvocat, Charpentier quitta son patron, qui l'avait abandonné à
Lyon alors qu'il était tombé gravement malade. En 1828, Charles
Mary, libraire-commissionnaire 69 rue et passage Saint-Antoine [IVe],
céda à Rousselle et Charpentier son cabinet de lecture, situé à
l'angle de la rue Saint-Antoine et du passage du Petit-Saint-Antoine
: ce dernier reliait la rue du Roi-de-Sicile à la partie ouest de la
rue Saint-Antoine [rue François Miron] et fut détruit à
l'ouverture de la rue de Rivoli en 1856. Tout l'avoir des deux
associés, en dehors des volumes in-8 reliés ou cartonnés, se
limitait à des rayons de sapin, un poêle de faïence et ses tuyaux,
une lampe Carcel et trois quinquets [lampes à huile]. Au printemps
de 1829, on pouvait y souscrire aux premières livraisons du Panorama
historique ancien et moderne, ou Collection de portraits des
personnages célèbres de l'histoire, avec des notices
rédigées par une société de gens de lettres.
« Un jour il
[Charpentier] vit arriver un client fort jeune et qui paraissait très
pauvre, et, comme lui-même ne l'était guère moins, on causa. Entre
gens de même âge et de même indigence on se met facilement en
confiance. Ce lecteur assidu ne fut pas long à confesser qu'il ne
savait guère comment il pourrait payer le loyer de son garni. Il se
trouvait justement quelques sous dans la caisse du cabinet de
lecture, et le patron, pris de pitié pour son client, lui conseilla
de se mettre dans ses meubles, puis, à cet effet, il lui offrit de
lui payer un lit, un matelas, une table et deux chaises.
L'offre fut acceptée
sans autre condition que celle de rembourser le plus tôt possible la
somme avancée.
Celui auquel Charpentier
procurait ainsi son premier lit et sa première chaise était un
pauvre Savoyard venu à Paris pour y faire fortune. Il vivotait très
misérablement des menus travaux d'imprimerie qu'il pouvait
rencontrer de-ci de-là, mais il avait le sentiment de sa haute
valeur et l'ambition des plus hautes destinées. Il n'avait point
tort assurément, ce jeune homme. Il s'appelait Buloz [François
Buloz (1803-1877), cofondateur de la Revue des deux mondes en
1829]. » (Maurice Dreyfous. Ce
qu'il me reste à dire.
Paris, Paul Ollendorff, 1913, p. 191-192)
Le
6 décembre 1829, Charpentier acquit la maison de détail de
Ladvocat, mais la quitta en 1833 pour devenir exclusivement éditeur.
Domicilié d'abord 4 rue Montesquieu [Ier], voisin du
Bazar, en 1833-1834, puis 31 rue de Seine [VIe], de 1834 à
1837, il déménagea 6 rue des Beaux-Arts [VIe] en 1837.
Ses premières
publications furent des éditions de cabinet de lecture : André
Chénier. Poésies posthumes et inédites (Paris, Eugène Renduel
et Charpentier, 1833, 2 vol. in-8) ; Atelier d'un peintre. Scènes
de la vie privée (Paris, Charpentier et Dumont, 1833, 2 vol.
in-8), par Madame Desbordes Valmore ; Angèle, drame en
cinq actes (Paris, Charpentier, 1834, in-8), par Alexandre Dumas
; Œuvres complètes de Alex.
Dumas (Paris, Charpentier, 1834-1836, 6 vol. in-8) ;
Mémoires d'un officier d'état-major (Paris, Charpentier,
1835), par le baron Barchou de Penhoën ; Les Derniers Bretons
(Paris, Charpentier, 1836, 4 vol. in-8), par Émile
Souvestre ; Souvenirs et mémoires de Madame la comtesse Merlin
(Paris, Charpentier, 1836, 4 vol. in-8) ; Le Salon de Lady
Betty (Paris, Charpentier, 1836), par Madame Desbordes-Valmore ;
Œuvres complètes de Lord
Byron (Paris, Charpentier, 1836-1837, 4 vol. in-8),
traduction nouvelle par Benjamin Laroche.
À
cette époque, la librairie française, dite « de nouveautés »,
voyait ses ventes à l'étranger sans cesse diminuer ; les romans
français à 7 francs 50 centimes le volume mal imprimé, aux
interlignes exagérées, aux pages presque blanches, n'étaient lus à
l'étranger que dans les contrefaçons bruxelloises de Adolphe
Wahlen, imprimeur-libraire de la Cour, 22 rue des Sables, et de Louis
Hauman et Compagnie, libraires.
Soucieux de concurrencer
les cabinets de lecture et d'enrayer la contrefaçon belge,
Charpentier eut l'idée de publier des romans d'un format très
maniable, d'une présentation compacte, ce qui lui permettait de
réduire les coûts et d'offrir des ouvrages bon marché : le fameux
in-18 Jésus à 3 francs 50 centimes allait révolutionner l'édition.
L'in-18 Jésus remplaça l'in-12 raisin : tous deux, pliés et
brochés, avaient les mêmes dimensions [18,5 x 11,5 cm.] et furent
appelés « format Charpentier ».
Le 6 août 1838
paraissait le premier volume de la « Bibliothèque Charpentier » :
Physiologie du gout [sic], ou Méditations de gastronomie
transcendante. Ouvrage théorique, historique et à l'ordre du
jour, dédié aux gastronomes parisiens, par un
professeur, membre de plusieurs sociétés savantes
(Paris, Charpentier, 1838), par Brillat-Savarin.
Ce volume fut suivi de la
Physiologie du mariage ou Méditations de philosophie éclectique
(Paris, Charpentier, 1838), par H. de Balzac, et en 1839, toujours au
6 rue des Beaux-Arts : Œuvres
complètes du comte Xavier de Maistre ; La Peau de chagrin,
par H. de Balzac ; Le Médecin de campagne, par H. de Balzac ;
Le Père Goriot, par H. de Balzac ; Le Lys dans la vallée,
par H. de Balzac ; Delphine, par Madame de Stael ; Corinne,
ou l'Italie, par Madame de Stael ; De l'Allemagne, par
Madame de Stael ; Manon Lescaut, par l'abbé Prévost ;
Théâtre de Goethe, traduction nouvelle par X. Marmier ;
Adolphe, par Benjamin Constant.
Charpentier fit exécuter
sa collection par Maximilien Béthune et Henri Plon, imprimeurs 36
rue de Vaugirard [VIe]. La célèbre couverture jaune, à
encadrement de feuilles d'acanthe, fut imprimée par Lacrampe et
Compagnie, imprimeurs 2 rue Damiette [IIe].
Le nouveau format fut si
bien apprécié qu'il fut rapidement adopté en 1840 par Charles
Gosselin (1793-1859), 9 rue Saint-Germain-des-Prés [VIe],
pour sa « Bibliothèque d'élite », collection à 3 francs et 50
centimes, et par Henri-Louis Delloye (1787-1846), 13 place de la
Bourse [IIe], pour sa « Bibliothèque choisie », dont
chaque volume ne coûtait que 1 franc et 75 centimes.
G.-H. Charpentier. Le Livre. Bibliographie rétrospective (Paris, Quantin, IXe année, 1888, p. 234) |
Après avoir déménagé
29 rue de Seine [VIe], Charpentier épousa, le 24
septembre 1840, à Paris, Aspasie-Justine Générelly, née à Lyon
le 26 octobre 1819. Les Charpentier déménagèrent ensuite 17 rue
de Lille [VIIe] en 1845, dans un immeuble construit en
1700, puis, non loin de là, 39 rue de l'Université [VIIe]
en 1854, dans un immeuble construit en 1830. Entre-temps, ils eurent
un fils, mais sur le soupçon d'avoir été trompé et de ne pas en
être le père, Charpentier se sépara de corps et de biens de sa
femme, le 19 juillet 1855. Il déménagea l'année suivante 40 rue
Bonaparte [VIe], puis en 1857, 28
quai de l'École,
devenu quai du Louvre [Ier]
en 1868.
En l'espace de 30 ans,
2.000 volumes ont paru dans la « Bibliothèque Charpentier ».
À
côté d'ouvrages qui sont restés dans la collection, tels que les
œuvres de Nodier,
Mérimée, Théophile Gautier, Alfred de Musset, Auguste Barbier,
Sainte-Beuve, Madame de Stael, Benjamin Constant, Aimé Martin, Émile
Saisset, Saint-Marc Girardin, Édouard
Laboulaye, Sandeau, Lanfrey, Mezières, d'autres ont figuré dans
cette collection et, après y avoir reçu le baptême du succès, ont
été enrichir d'autres collections. Telles sont les œuvres
de Balzac, Victor Hugo, George Sand, Alfred de Vigny, Casimir
Delavigne, Béranger, Henri Monnier, Madame de Girardin, de Barante,
Guizot, Capefigue, Stendhal, Hégesippe Moreau, Edgar Quinet, Vitet,
Victor Cousin, Buchez, Arsène Houssaye, Saintine.
À
côté de la littérature moderne, la littérature française des
XVe, XVIe,
XVIIe et XVIIIe
siècles, les classiques français, grecs ou latins, et les œuvres
les plus estimées de la littérature étrangère, sont venus prendre
place dans la « Bibliothèque Charpentier ». Les éditions des
classiques français, annotées par Charles Louandre (1812-1882), ont
eu dans le même format plusieurs imitateurs.
Aucune œuvre
n'a obtenu un succès aussi grand que les Œuvres
de Alfred de Musset.
"Don Paez" (t. I, p. 9) Gravure par Balin, d'après le dessin de Bida. |
Charpentier en multiplia les éditions dans
des formats variés, dont l'édition de bibliothèque, en 10 volumes
in-8 cavalier vélin, ornée du portrait de Musset, gravé par
François Flameng, d'après l'original de Charles Landelle, et de 28
dessins de Alexandre Bida, gravés sur acier par les premiers
artistes (Paris, Charpentier, 1866), et une édition de poche, en 10
volumes in-32 Jésus, ornée du portrait de Musset, d'après
l'original de Landelle, et de 28 dessins de Bida, réduits et
reproduits par la photographie (Paris, Charpentier, 1867).
Charpentier était bon
commerçant mais n'admettait pas les combinaisons d'affaires où
chacun n'était pas normalement rétribué, ce qui ne permettait pas
de réaliser des fortunes au détriment des auteurs à succès. Il
n'eut donc jamais une grosse fortune, et son caractère irascible
était probablement lié au fait de voir des auteurs de sa collection
attirés par des confrères plus habiles.
Le 28 novembre 1855,
Charpentier écrivit au directeur du Journal de la librairie :
« Le dernier numéro du
Journal de la librairie donne les noms des libraires éditeurs
de Paris auxquels le jury de l'Exposition a décerné une médaille
de bronze et parmi ces noms j'y trouve le mien. Je suis dès lors
obligé de recourir à la même publicité pour déclarer que je
refuse cette distinction et pour en dire les motifs.
Quelque flatteuse qu'elle
soit, je la trouve au-dessus ou au-dessous de mes
travaux depuis dix-huit ans comme éditeur.
Si le jury a voulu, par
cette médaille, reconnaître la bonne exécution matérielle de mes
publications, il a été trop indulgent, car cette fabrication n'est
pas supérieure à celle des publications de beaucoup de mes
confrères qui n'ont pas même été nommés, entre autres de M.
Chaix, dont le simple livret des chemins de fer est à mon avis un
petit chef-d'oeuvre de bonne entente, d'ordre, de clarté,
d'exécution typographique, eu égard à son prix.
Que si, au contraire,
l'intention du jury a été de récompenser l'ensemble de mes travaux
dans leur généralité, leur caractère large et élevé, la
création d'un format nouveau, à la fois commode, élégant,
portatif et à l'application que j'en ai faite pour la composition
d'une vraie bibliothèque, réunissant ou pouvant réunir toutes les
productions de l'esprit humain dans leur immense variété,
établissant ainsi entre elles le lien puissant de l'unité, chaque
ouvrage communiquant sa force aux autres et recevant la leur et dont
l'ensemble est de nature à augmenter le goût des bons livres et
d'élever le niveau des intelligences ;
A ces avantages que le
public a reconnus depuis dix-huit ans par ses suffrages et qui ont
été si appréciés que le format, auquel le public a donné mon
nom, a été adopté partout où l'on imprime des livres, si l'on
ajoute celui du bon marché en se reportant à l'époque où j'ai
commencé et qui m'a permis de porter le premier aux contrefacteurs
étrangers le coup qui a grandement contribué à les faire déchoir
insensiblement, jusqu'au moment des traités pour la garantie de la
propriété littéraire leur industrie de contrebande était à peu
près éteinte ;
Si l'on ajoute, à ce que
je viens de dire, les soins constants que j'ai apportés dans la
composition de la Bibliothèque Charpentier, les nombreux
travaux d'érudition, de recherches historiques, littéraires et
autres que j'ai provoqués, inspirés, dirigés même quelquefois,
auxquels j'ai aussi quelquefois un peu participé ; les traductions
nouvelles que j'ai fait exécuter par les personnes les plus capables
qui, souvent, n'y songeaient guère, de plus de cent ouvrages
étrangers et des meilleurs, j'ose le dire, des littératures
ancienne et moderne, traductions qui ont fait connaître en France
l'esprit des littératures étrangères ;
Si c'est tout cela, je le
répète, que le jury de l'Exposition a cru récompenser par une
médaille de bronze, on m'excusera de croire qu'il a été trop
économe à mon égard et que je n'ai peut-être pas tort de refuser
son cadeau. »
(Louis de Hessem [i.e.
Auguste Lavalle]. « Le Cinquantenaire de la Bibliothèque
Charpentier (1838-6 Août-1888) » In Le Livre-Bibliographie
rétrospective. Paris, Quantin, 1888, Neuvième année, p. 249)
L'entreprise de
Charpentier ne tarda pas à s'affaiblir, à cause de la guerre de
Crimée [1854-1855], qui avait gelé les exportations vers la Russie,
et à cause de la concurrence de Hachette et de Michel Lévy.
De novembre 1858 à
octobre 1860, Charpentier publia Le Magasin de librairie, qui
eut un succès médiocre, malgré sa transformation en Revue
nationale et étrangère, politique, scientifique et
littéraire. Charpentier y fit paraître des articles signés de
son nom ou de son pseudonyme « Georges Bernard ».
Charpentier a encore
écrit diverses notices littéraires et des mémoires se rattachant à
la profession d'éditeur, dont Du monopole de MM. Hachette et Cie
pour la vente des livres dans les gares de chemin de fer (Paris,
Charpentier, 1861), où il s'oppose au monopole de Hachette sur les
bibliothèques de gares, et De la prétendue propriété
littéraire et artistique (Paris, Charpentier, 1862), où il
refuse la perpétuité du droit d'auteur.
Les fréquentations
mondaines de son fils, surnommé « Zizi » à cause de son
zézaiement, déplaisaient à Charpentier, au point qu'il s'était
associé avec son vieil employé Alphonse-Alexandre Toussaint (né à
Paris, le 3 janvier 1826) et qu'il désigna, dans son testament de
1870, Charles-Edmond Villetard (1828-1889), mari de sa nièce
Aline-Lucie Charpentier, pour gérer son fonds de librairie après sa
mort, n'assurant à son fils qu'une rente annuelle de 3.000 francs à
partir de sa quarantième année.
Gervais Charpentier
mourut brusquement le 14 juillet 1871, en son domicile du 28 quai du
Louvre. Il fut inhumé au cimetière de Montparnasse.
Après négociations, sa
succession fut liquidée le 15 avril 1872 : les Villetard se
désistèrent et les divers légataires furent indemnisés ; son
épouse, qui habitait alors Versailles [Yvelines], conserva la
propriété des murs de la librairie et de l'immeuble du 28 quai du
Louvre, dont elle percevrait les loyers ; son fils reçut le fonds de
commerce, la marchandise et les contrats.
À
la mort du fondateur de la maison Charpentier, son fils,
Georges-Auguste Charpentier, qui était né à Paris, 17 rue de
Lille, le 22 décembre 1846, quitta le journalisme pour lui succéder.
Il avait été attaché par son père à la rédaction de la Revue
nationale et étrangère,
puis avait collaboré au Gaulois
et au Paris-Journal,
tous deux fondés par le journaliste Henri de Pène (1830-1888), et
au Journal des débats.
Il avait épousé, le 24 août 1871, Marguerite-Louise Lemonnier,
fille d'un joaillier de la place Vendôme [Ier],
née le 1er
mars 1848.
Georges Charpentier |
D'abord
associé pour cinq ans avec son ami Maximilien-Maurice Dreyfous
(1843-1924), qui fondera ensuite sa propre maison d'édition, Georges
Charpentier voulut transformer l'entreprise paternelle en une maison
d'avant-garde et changer les rapports entre l'éditeur et les
auteurs.
C'est
ainsi qu'il alla trouver Émile Zola (1840-1902), sans éditeur
depuis la faillite d'Albert Lacroix (1834-1903), l'éditeur des
exilés politiques et des républicains, pour lui proposer un nouveau
contrat, après le rachat à Lacroix des droits de rééditer les
deux premiers volumes de Les Rougon-Macquart. Il fit de même
avec Gustave Flaubert (1821-1880), qui qualifia sa démarche,
inhabituelle à l'époque, de « Procédé inouï de la part de ses
pareils ».
En
1875, la librairie et le domicile déménagea dans des locaux plus
grands, 13 rue de Grenelle-Saint-Germain [rue de Grenelle, VIIe].
En
quelques années, les grandes œuvres de l'époque entrèrent au
catalogue de Georges Charpentier :
Maison de Zola, à Médan |
celles d'Émile Zola, qui devint
son ami intime et le parrain de son fils Paul-Émile-Charles, né à
Neuilly-sur-Seine [Hauts-de-Seine], le 10 juillet 1875 ;
Cabinet de travail de Flaubert, à Croisset. Dessin de Caroline Commanville. Catalogue Drouot, 18-19 novembre 1931. |
de Gustave
Flaubert, qui le recevait à Croisset [hameau de Canteleu,
Seine-Maritime, détruit] et qui fut le parrain de son fils
Marcel-Gustave, né à Paris [Ier], le 7 janvier 1874, et
décédé à Paris [VIIe], le 15 avril 1876 ;
Maison des Goncourt 67 boulevard de Montmorency (Paris XVIe) |
d'Edmond de
Goncourt (1822-1896), en deuil de son frère Jules depuis 1870, qui
l'accueillait à Auteuil [Paris XVIe] dans son « Grenier
» et qui fut le parrain de sa fille Jane-Blanche-Edmée, née à
Paris [VIIe], le 11 janvier 1880 ;
Maison de Daudet, à Champrosay |
d'Alphonse Daudet
(1840-1897), qui l'invitait à Champrosay [commune de Draveil,
Essonne].
Il
se déclara l'éditeur de l'école naturaliste dont Zola s'était
fait le théoricien, et dont le recueil intitulé Les Soirées de
Médan constitua le manifeste.
Exemplaire n° 3, des 10 sur papier de Chine, de Madame Zola. Envoi autographe signé par les auteurs. Reliure de Pougetoux, relieur de Huysmans. Paris, Sotheby's, 29 novembre 2007 : 96.250 € |
Ce recueil collectif de six
nouvelles, qui fut publié en avril 1880 par Georges Charpentier, est
animé par l'antimilitarisme et a pour sujet la guerre de 1870 :
L'Attaque du moulin par Émile Zola, Boule de suif par
Guy de Maupassant (1850-1893), Sac au dos par Joris-Karl
Huysmans (1848-1907), La Saignée par Henry Céard
(1851-1924), qui faisait ici ses débuts, L'Affaire du grand 7
par Léon Hennique (1851-1935), entré depuis peu comme lecteur à la
librairie Charpentier, et Après la bataille par Paul Alexis
(1847-1901).
Les Charpentier chez les Zola, à Médan |
Ces amis étaient reçus par Zola dans sa maison d'été
de Médan [Yvelines], qui y avait fait construire pour son éditeur
une annexe dite le « Pavillon Charpentier ».
À
la collection des romans, Charpentier joignit celles d'historiens, de
critiques, d'auteurs dramatiques, d'épistoliers, de poètes et de
philosophes.
Georges Charpentier |
Georges
Charpentier fut aussi le mécène des artistes impressionnistes,
notamment d'Auguste Renoir (1841-1919), lequel fit le portrait de
Madame Charpentier, qui est au Louvre, et celui de Georgette-Berthe
Charpentier, née à Neuilly-sur-Seine le 30 juillet 1872, sur une
chaise, qui appartient à une collection privée new-yorkaise.
De gauche à droite : Georgette, Paul et Madame Charpentier |
Le
peintre triompha au Salon de 1879 avec Madame Charpentier et ses deux
premiers enfants, qui est au Metropolitan Museum of Art de New York.
Cette
même année 1879, sur une idée du journaliste Émile Bergerat
(1845-1923), Georges Charpentier créa un journal illustré
hebdomadaire, littéraire et artistique, intitulé La Vie moderne,
qu'il revendit en 1883.
Pendant
ce temps, quand elle ne s'occupait pas de diverses œuvres sociales,
Madame Charpentier tenait salon quai du Louvre, puis rue de
Grenelle-Saint-Germain, et recevait, outre les auteurs de la maison
et les artistes, les hommes politiques les plus en vue du moment tels
que Jules Ferry, Georges Clemenceau ou Léon Gambetta.
Villa "Le Paradou", à Royan |
En
1886, Georges Charpentier fit construire à Royan [Charente-Maritime]
une villa baptisée « Le Paradou », en souvenir de l'un des lieux
du roman de Zola intitulé La Faute de l'abbé Mouret. Il y
passa ses vacances jusqu'en 1893, entouré de ses amis des arts et
des lettres. Cette villa fut scandaleusement rasée une nuit de
novembre 1978.
Sa
mère mourut le 10 juin 1887, chez elle, 9 rue de Grenelle.
En 1896, ses deux fils étant décédés, Georges Charpentier céda sa librairie à Eugène Fasquelle (1863-1952), qui était devenu son secrétaire en 1886, puis son associé en 1890.
Librairie Marpon et Flammarion, sous les arcades de l'Odéon (Paris VIe) |
Fasquelle
avait épousé à Paris [IXe], le 24 octobre 1887,
Jeanne-Léonie-Marie Marpon, fille de l'éditeur Charles Marpon
(1838-1890), associé de Jules-Ernest Flammarion (1846-1936) depuis
1875.
Fidèle
aux traditions de la maison, Fasquelle conserva la célèbre
couverture jaune de la Bibliothèque Charpentier, ainsi que l'amitié
de Zola.
À
la mort de sa femme, le 30 novembre 1904, Georges Charpentier quitta
son domicile du 3 avenue du Bois de Boulogne [avenue Foch, XVIe]
pour s'installer chez sa fille Jane, 48 avenue Victor Hugo [XVIe].
Il y mourut brutalement et prématurément le 15 novembre 1905.
«
Dans la soirée d'avant-hier, il avait pris gaiement congé de
quelques amis, et paraissait en excellente santé. En se réveillant
hier, il se sentit vaguement indisposé ; il se plaignait d'un peu
d'oppression. Un médecin fut appelé ; quand il arriva, Georges
Charpentier ne respirait plus qu'avec peine. Il essaya de se soulever
sur son lit, et retomba mort dans les bras du médecin. Une crise
d'angine de poitrine l'avait tué, sans souffrance, en quelques
minutes. Il avait cinquante-neuf ans. » (Em. B. « Georges
Charpentier ». In Le Figaro, jeudi 16 novembre 1905, p. 2)
Les
obsèques eurent lieu au cimetière Montparnasse.
Bonjour. Vous dites que Alphonse-Alexandre TOUSSAINT était "son vieil employé" (de Gervais) : sur quelles sources vous appuyez-vous pour écrire cela ? Ca m'intéresse beaucoup. Il fut en effet son associé à partir de 1869, d'où les éditions "Charpentier et Cie". Toussaint travailla avec le fils, Georges, après la mort du père. Il finit par revendre ses parts à Georges Charpentier en 1876.
RépondreSupprimerMerci. sebastienduconge@yahoo.fr
L'ascendance de Marguerite-Louise Lemonnier remonterait à Fleury Bourriquant, via de Houry, Beauplet. Tout élément confirmant cette lignée est bienvenu.
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