TRANSCRIPTION
Jean-Paul Fontaine, nos
lecteurs vous connaissent bien, car nous avons déjà réalisé deux
entretiens avec vous en 2010 et 2013 (n° 82 et 106). Vous avez aussi
été un des collaborateurs de cette revue de février 2005 à
novembre 2012, avant d’animer un blog bibliophilique très érudit
et documenté depuis le 13 décembre 2012
(http://histoire-bibliophilie.blogspot.fr/), où vous vous définissez
comme « "collecteur" de "physiologies bibliophiles"
», vivant « en permanence avec ceux qui ont été nos prédécesseurs
» et utilisant « sur les bibliophiles anciens des techniques
équivalentes à celles qu'utilise mon confrère Philippe Charlier
sur les restes d'Agnès Sorel ou de Diane de Poitiers. Mon maître en
histoire fut le Dr. Cabanès, c'est tout dire. » Vous venez de
publier un imposant volume, Les Gardiens de Bibliopolis,
consistant en 160 portraits-notices de bibliophiles du XVIe
au XIXe siècle, qui apparaît comme
une émanation directe, non seulement de votre blog ou de vos
articles, mais de votre démarche de collecteur de "physiologies
bibliophiles". C’est donc une sorte d’aboutissement ?
Profondément
intéressé par l'histoire réelle, non romancée, des bibliophiles
et de la bibliophilie, j'ai essayé de faire vivre tous ces amateurs
dont on connait les noms, mais qui ne sont que des fantômes.
Après
un peu plus de sept années de rédaction dans le Magazine du
bibliophile, j'ai regretté l'impossibilité, dans un magazine
papier, de corriger les erreurs commises ou d'ajouter de nouvelles
découvertes. La formule du « blog » le permettait. Mais le
bibliophile ne peut se passer de livre : d'où le retour vers
l'édition. L'enthousiasme et la détermination de Remy Bellenger,
qui avait déjà pris le risque d'éditer Cazin, l'éponyme
galvaudé, en 2012, ont
permis la publication de ce travail, depuis longtemps commencé.
160 portraits (parmi
lesquels trois femmes seulement), c’est beaucoup : nous ne pourrons
pas tous les citer dans notre entretien. Évoquer
votre livre, c’est parler de son sujet. Mais une question pour
commencer : avez-vous des favoris et pour quelles raisons ? Ou bien
n’établissez-vous aucune hiérarchie, par principe, entre les
personnages retenus ?
La
liste initiale des personnages retenus comprenait 268 noms, couvrant
les quatre siècles qui suivirent celui de la découverte de
l'imprimerie. Je les avais choisis selon des critères de sélection
obligatoires : état civil vérifiable aux sources, catalogue de
bibliothèque disponible avec les résultats de la vente, existence
d'un ex-libris ou d'un portrait. Un critère supplémentaire,
technique, s'est alors imposé : pour un seul volume, le nombre de
pages ne pouvait être supérieur à environ 600. Une nouvelle
sélection, plus rigoureuse, limita le nombre des candidats à 160.
Ce livre et vos articles
procèdent à chaque fois d’enquêtes et de recherches
approfondies. Quelles sont vos méthodes de travail ? Faites-vous des
recherches généalogiques, des enquête de terrain, collectez-vous
des informations dans les ouvrages de référence, collectionnez-vous
les catalogues de vente ?
Pendant
plus de trente ans, j'ai constitué plus de 800 dossiers de
bibliophiles, qu'ils soient amateurs ou professionnels du livre : ils
contiennent des notes de lectures et des pièces originales,
photographies, gravures, ex-libris, coupures de presse d'époque,
quelques lettres autographes et catalogues de bibliothèque, ces
derniers prenant trop de place pour être systématiquement
conservés. Ces dossiers sont le point de départ de mon travail,
avec l'obligation de vérifier, aux sources, toutes les informations,
évitant ainsi de recopier les erreurs de mes prédécesseurs, voire
les miennes : je pense à l'accent aigu sur le premier « e » de
Pixerécourt, que j'avais copié chez le Bibliophile Jacob !
Je
vérifie l'état civil de
tous les bibliophiles aux Archives et j'établis leur généalogie
sur au moins trois générations, quand c'est possible. C'est ainsi
que j'ai découvert le lieu d'inhumation et la date officielle du
décès d'Étienne Psaume,
les racines de la famille Beraldi à Pesaro, en Italie, et la
scandaleuse reprise administrative de la sépulture des Brunet au
cimetière du Montparnasse.
Je
lis entièrement les catalogues des bibliothèques et relève les
résultats significatifs, avec le prix d'adjudication et parfois le
nom des adjudicataires.
Quelle
est votre bibliothèque de travail, celle qui vous sert dans vos
recherches quotidiennes ? Autrement dit, quelle est, ou devrait être,
la documentation de base d'un bibliophile d'aujourd'hui ?
Hormis
le Manuel de bibliophilie (Paris, Éditions
des Cendres, 1997, 2 vol.), par Christian Galantaris, les ouvrages de
référence en matière d'histoire de la bibliophilie et des
bibliophiles n'existent pas.
Certaines
publications sont néanmoins incontournables : Dictionnaire de
bibliologie catholique (Paris, J.-P. Migne, 1860), par Gustave
Brunet ; Armorial du bibliophile (Paris, Bachelin-Deflorenne,
1870), par Joannis Guigard ; « Livres rares et pratiques
bibliophiliques » et « Les Nouvelles Bibliophilies » (in Histoire
de l'édition française. Paris, Promodis, 1984), par Jean
Viardot ; L'Amour des livres au siècle des Lumières. Pierre
Adamoli et ses collections (Paris, École
des chartes, 2001) et « Bibliophilie » (in Dictionnaire
encyclopédique du livre. Paris, Cercle de la Librairie, 2002),
par Yann Sordet.
Outre
les notices biographiques données parfois en tête des catalogues,
la consultation d'autres ouvrages est indispensable : le Bulletin
du Bibliophile, la Bibliographie de la France, la
Biographie Michaud, La France littéraire de Quérard,
la Revue biblio-iconogaphique, L'Hôtel Drouot de Paul
Eudel, Le Livre-Bibliographie rétrospective, La
Bibliophilie du baron de Claye, etc., les journaux contemporains
et les innombrables travaux des sociétés savantes. D'autres
informations sont dispersées dans de nombreuses revues françaises
et étrangères, notamment artistiques.
Les portraits que vous
avez sélectionnés montrent des personnages très divers. On
pourrait établir d’autres hiérarchies entre les bibliophiles :
les plus grandes (ou les plus petites) collections, les plus rares,
les plus chères, mais les résultats n’auraient que peu de valeur
dans cet ensemble quelque peu disparate, à cause de l’écart
temporel qui sépare les uns des autres. Finalement, ne peut-on pas
dire que ces collectionneurs n’ont que peu de points communs, en
dehors d’un état d’esprit qui les a fait se lancer dans cette
quête du livre rare. Pouvez-vous nous décrire en quelques mots cet
« état d’esprit » du bibliophile « parfait » ou « idéal » ?
Est-ce que tous les personnages retenus partagent cet état d’esprit,
ou y a-t-il d’autres motivations possibles ?
La
définition de la bibliophilie ne peut pas être limitée à sa
définition étymologique : « amour des livres ». On peut assimiler
la bibliophilie à une maladie congénitale, donc incurable. Elle se
révèle le plus souvent à l'adolescence. Elle touche plus souvent
le sexe masculin que le sexe féminin. Elle se manifeste par un état
d'esprit particulier vis-à-vis du livre, associant goût,
compétences et pratiques spécifiques mis au service de la
collection de livres rares, singuliers, curieux ou précieux, dans le
but de construire une bibliothèque. Touchant toutes les catégories
sociales, cette maladie contraint le bibliophile à adapter ses
désirs à ses moyens financiers. Enfin, le bibliophile est en
général fort peu démonstratif.
Tous
les amateurs ne partagent pas totalement cet état d'esprit
particulier vis-à-vis du livre : c'est bien là une des difficultés
rencontrées pour définir le bibliophile. En outre, les variations
de la mode peuvent influencer le contenu des bibliothèques : il y a
eu la mode des incunables, des Elzévirs, des reliures
rétrospectives, des romans de chevalerie, des provenances, des
préfaçons, etc.
On
peut nommer les trois femmes bibliophiles que vous avez retenues, qui
sont également des personnages historiques : la comtesse du Barry,
la duchesse de Berry, la comtesse de Verrue. Ont-elles une approche
similaire, ou divergente, de la bibliophilie de celle de leurs
confrères masculins ? Y aurait-il, pourrait-on dire une bibliophile
spécifiquement « féminine » ou non ? Les romancières ou femmes
de lettres (telles Mme de Staël, George Sand, etc.) n’ont-elles
pas particulièrement développé de propension à la bibliophilie ?
La
comtesse de Verrue fut l'une des plus grandes femmes bibliophiles de
l'Ancien Régime. Il y a effectivement moins de femmes bibliophiles
que d'hommes, et elles sont moins nombreuses aujourd'hui
qu'autrefois. Mais il ne faut pas oublier que, dans un certain nombre
de cas, la bibliothèque est celle du couple ; à l'inverse, Madame
de Chateaubriand n'aimait pas plus les livres que son illustre époux.
La bibliophilie des femmes est comme celle des hommes : comme chez
les hommes, il y a des femmes qui collectionnent les livres pour
l'effet produit, ignorant ce qu'ils contiennent ; mais la
bibliothèque de la comtesse d'Yve était l'une des plus riches
d'Europe. Quant à George Sand, elle est la seule femme de lettres
qui se soit déclarée « bibliophobe », dans une lettre au vicomte
Spoelberch de Lovenjoul.
La quête bibliophilique
peut-elle avoir une fin ? Cela dépend pour partie de la motivation,
ou du type de collection poursuivi ou de l’étendue du domaine
concerné. Mais y a-t-il, dans votre corpus, des bibliophiles qui ont
eu l’impression, pour une raison ou pour une autre, d’avoir
achevé leur collection ?
La
quête bibliophilique ne peut pas connaître de fin. Le Bibliophile
Jacob a écrit : « le feu sacré de la bibliomanie ne meurt qu'avec
le bibliomane ». Antoine Boulard mourut sur le « champ de bataille
», après avoir accumulé environ 500.000 volumes. Après que le
comte de La Bédoyère, à l'âge de 54 ans, eut vendu les livres
rares et précieux de sa bibliothèque en 1837, il passa le reste de
sa vie à retrouver les volumes qu'il avait vendus, et les paya
parfois très cher.
Plusieurs ont dû se
séparer de leurs collections, pour des raisons financières,
notamment. Certains ont-ils arrêté par lassitude, par exemple ? Le
bibliophile peut-il connaître l’ennui ? Auriez-vous des exemples
de ce cas sans doute un peu extraordinaire ?
Plusieurs
bibliophiles ont effectivement dû vendre leur bibliothèque par
nécessité. Souvent gêné, le journaliste gastronome Charles
Monselet se résigna à se séparer de ses livres, en 1871 et en
1885. Pour payer ses dettes, le professeur Charles Giraud dut se
séparer de sa collection en 1855. Même le riche Cailhava, trop
dépensier, fut obligé de se défaire de sa magnifique collection,
par deux fois, en 1845 et en 1862. Quant à Charles Motteley, il
avoua vivre du produit des ventes successives de ses livres, ce qui
lui valut d'être traité d' « industriel en librairie » par
Brunet.
À
l'inverse, Jules Chenu préféra mourir pauvre, au milieu de ses
livres, plutôt que les vendre pour augmenter ses maigres ressources
de typographe.
«
Dernière passion de l'être intelligent », la bibliophilie ne peut
donc engendrer l'ennui. C'est de ne plus acheter de livres qui
provoque l'ennui du bibliophile ! Seul Nicolas Yemeniz fut un jour
dégoûté de tout et n'ouvrit plus ses livres : mais c'était à
cause de la mort de sa femme.
Un
des personnages les plus étonnants de votre galerie est Boulard,
sans doute le particulier qui a amassé le plus grand nombre de
livres (voir Le
Magazine du bibliophile n°44,
2005). On raconte que lors de la vente de sa bibliothèque, pendant
plusieurs années, le marché du livre s’est effondré, tant il a
été noyé sous le nombre
N’aurait-il pas servi de modèle à
certain bibliomane de fiction ? Quelle était le sens de son action ?
Charles
Nodier a effectivement connu Antoine Boulard, qu'il appelle, dans «
L'Amateur de livres », son « cher et honorable maître » et dont
il dit, qu'après avoir « été un bibliophile délicat et difficile
», il est devenu bibliomane, quand son esprit a diminué. Dix ans
auparavant, dans « Le Bibliomane », Nodier avait regretté le temps
où « le vénérable Boulard » enlevait chaque jour un mètre
linéaire de raretés chez les bouquinistes des quais de la Seine.
En
réalité, Boulard était un homme généreux qui voulut sauver les
vieux livres que la Révolution avait jetés sur les trottoirs : mais
rapidement, il fut pris par une obsession qui provoqua des achats
désordonnés. À la vente, ses
acquisitions n'attirèrent donc pas spécialement les amateurs, et le
nombre inhabituel de livres remis sur le marché fit effectivement
baisser les prix.
Sans citer tous les personnages dont vous traitez, nous remarquons qu’il en est d’obscurs ou du moins connus, d’autres célèbres, parfois dans d’autres domaines. Cela influe sur la longueur de certaines notices, parfois assez courtes. Vous avez ainsi inclus plusieurs littérateurs notoires, comme Jules Claretie, Anatole France, Jules Janin (Le Magazine du bibliophile n° 46, 2005), Charles Monselet (n° 56, 2006), Charles Nodier, Pixerécourt (n° 60, 2007), choix intéressant car ce n’est pas toujours leur activité bibliophilique que l’on retient d’eux, ainsi que P. L. Jacob (Paul Lacroix), plus connu sous le nom de Bibliophile Jacob (n° 59, 2006), et Octave Uzanne (n° 98, 2011), ce qui fera plaisir à Bertrand Hugonnard-Roche, libraire d’Alise-Sainte-Reine. Vous n’oubliez aucun des grands bibliographes du XIXe siècle : Antoine Barbier, Jules Brivois, Jacques Charles Brunet, Gustave Brunet, Henry Cohen, Léopold Derome, Antoine Laporte, ainsi que le premier d’entre eux, Quérard, dont vous rappelez qu’une association en sa mémoire a été créée en 2005 (voir n° 47). Il y a aussi des éditeurs, comme Firmin-Didot, Armand Bertin (directeur du Journal des débats), Curmer, Poulet-Malassis, ou La Mésangère, directeur du Journal des dames et des modes. Des libraires comme Aubry (n° 58, 2006), Barbier (n° 52, 2006), Renouard (n° 88, 2010), Rouveyre, Techener… Des érudits, Beraldi (n° 57, 2006), Bouchot (n° 91, 2011), Peignot, Klaproth, Silvestre de Sacy… Ou bien le singulier Félix Solar…
Comment s’est opéré
le choix des personnages que vous traitez ? Y a-t-il des bibliophiles
que vous auriez aimé inclure et sur lesquels vous n’aviez pas
assez d’élément ou d’autres que vous avez exclus car ils
avaient déjà été traités ailleurs ? Pouvez-vous nous citer des
noms dans l’une ou l’autre catégorie ?
Nous
avons vu comment les critères de sélection choisis et les
contraintes éditoriales avaient limité le nombre des personnages
retenus.
Parmi
les bibliophiles que j'aurais aimé raconter et qui n'ont pas été
retenus à cause d'insuffisance d'informations vérifiables :
Jean-Baptiste Bearzi, Édouard
Bocher, Michel Brochard, Léopold Carteret, Fernand Drujon, Bernard
Gausseron, Girardot de Préfond, Joseph-Louis d'Heiss, Jules Le
Petit, le baron de Longepierre, Firmin Maillard, Damascène Morgand,
Léon d'Ourches, Diane de Poitiers, la marquise de Pompadour, le
baron Portalis, Jules Richard, le marquis du Roure, le baron Taylor,
Fernand Vandérem, Georges Vicaire, etc.
D'autres,
déjà traités ailleurs, auraient pu faire partie de la liste
: Jean Grolier, Pierre Adamoli, Jules Mazarin, Catherine de Médicis,
le marquis de Méjanes, le marquis de Paulmy, Nicolas-Claude Fabri de
Peiresc, Jean-Joseph Rive, etc. Mais je ne pouvais pas ne pas inclure
le « roi des bibliophiles », Charles Nodier, pourtant déjà
traité par de nombreux historiens.
Vous avez précisé que
chacune de vos notices est constituée de l’état civil précis du
personnage, d’éléments biographiques, notamment de ses
publications, d’une reproduction de son ex-libris, de citations à
son sujet, et d’informations sur sa collection, recueillies
notamment à travers les catalogues de vente de sa bibliothèque. Ce
dernier élément a-t-il été un critère essentiel pour le choix
des personnages à traiter ?
Ce
critère fut l'un des deux critères indispensables, avec l'état
civil vérifiable. Si la biographie d'un bibliophile, comme celle de
tout personnage, doit commencer par un acte de naissance, sa
personnalité doit être recherchée dans le catalogue de sa
bibliothèque.
Qu’en est-il de
l’élargissement des centres d’intérêt bibliophilique au fil du
temps ? Constatez-vous une évolution du « critère de bibliophilie
», autrement dit de livres qui seraient exclus ou non de l’univers
de la bibliophilie selon les époques ? Car en quatre ou cinq siècles
la bibliophilie a beaucoup évolué, du simple fait de l’expansion
de la production. Comment tenir compte de ces écarts ou de cette
évolution inévitables dans un ouvrage panoramique comme le vôtre ?
Un des fils conducteurs de votre travail est la « traçabilité »
de certains livres, de certains exemplaires d’une collection à
l’autre, dans la suite des ventes et des successions. Les
collectionneurs s’intéressent-ils aux mêmes livres d’un siècle
à l’autre ? Ou bien y a-t-il des livres qui « disparaissent » ou
que l’on ne parvient plus à trouver ou retrouver ? Les «
fondamentaux » de la bibliophilie ont-ils évolué durant cette
période, et dans quel sens ?
Jusqu'au
Premier Empire, les bibliophiles ont recherché les mêmes livres :
les manuscrits, les premiers monuments de l'imprimerie, les
classiques des XVIe et XVIIe
siècles, de préférence sur grand papier et reliés en maroquin. Ce
n'est qu'à la Restauration que la bibliophilie connut sa
renaissance. La vulgarisation des connaissances sur les livres rares
provoqua l'augmentation du nombre des acheteurs éclairés, donc la
concurrence et la hausse des prix. Nodier lança la bibliophilie dans
la recherche de nouvelles catégories de livres. Après
l'inauguration de l'Hôtel Drouot en 1852, la hausse des prix
s'accentua. Les amateurs firent preuve de plus d'exigences vis-à-vis
de la rareté, de la condition ou des particularités distinctives.
Puis ce fut la mode des livres à gravures du XVIIIe
siècle, suivie par celle des livres romantiques, des livres à
vignettes du XVIIIe, etc., enfin des
livres illustrés contemporains et des publications de bibliophiles.
Ces différentes catégories nouvelles favorisèrent l'arrivée de
nouveaux amateurs. Mais ces derniers, écartés par le prix élevé
atteint par les livres anciens, les négligèrent, et vers la fin du
XIXe siècle, les prix de vente s'en
ressentirent : c'est ce qui se passa à la vente Lignerolles.
Quelles sont les collections les plus
curieuses ou les plus étonnantes que vous avez rencontrées dans vos
recherches ?
J'aime
bien la personnalité de Motteley, dont la bibliothèque se composait
de 2.000 volumes remarquables par leur reliure, leur rareté comme
impression ou pour avoir appartenu à de grands personnages ; léguée
à la Bibliothèque du Louvre en 1853, elle fut détruite dans
l'incendie allumé par les communards en 1871.
Tous
les bibliophiles sont fascinés par les trois grandes bibliothèques
françaises de l'entre-deux guerres : Beraldi, Descamps-Scrive et
Barthou.
Y aura-t-il une suite, un tome II,
consacré au XXe siècle ?
Il
est plus difficile d'appliquer les critères de sélection retenus
aux bibliophiles du XXe siècle, qu'à
ceux des siècles précédents. Par contre, alors qu'existent une
Histoire de l'édition française, une Histoire des
bibliothèques et une
Histoire de la librairie, il n'y a pas encore d'Histoire de
la bibliophilie. J'aimerais réussir à rassembler une équipe
capable de rédiger cette vaste et complexe histoire : là serait
l'aboutissement.
Propos recueillis par Jean-Etienne Huret
MERCI ! Votre exemplaire est chez le relieur ?
RépondreSupprimerPropos recueillis par Jean-Étienne Huret
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