Caudebec-en-Caux : Grande Rue et église Notre-Dame |
Fils aîné de
Pierre-François-Barbe Ladvocat, conducteur des Ponts-et-Chaussées,
et de Marie-Françoise-Victoire Récusson, mariés à
Caudebec-en-Caux [Seine-Maritime] le samedi 27 novembre 1790,
Pierre-François Ladvocat est né le 29 août 1791, à Caudebec, dans
une maison à colombages de la Grande Rue ;
Arbre généalogique simplifié |
il fut baptisé le
lendemain sur les fonts baptismaux du XVIIe
siècle, en bois sculpté et de forme octogonale, de l'église
Notre-Dame, « la plus belle chapelle de mon royaume », avait dit
Henri IV.
Il aurait reçu une formation d'
« ingénieur-architecte » et arriva à Paris vers 1813. Il y devint
le collaborateur et le compagnon de Constance-Sophie Aubé, née le
28 avril 1782 à Vernon [Eure], fille de Jacques-Philippe Aubé,
marchand drapier, et de Geneviève Mollier. Divorcée de
Jacques-Nicolas-Charles Courtois, qu'elle avait épousé, à Paris,
le 20 frimaire An VII [10 décembre 1798], Constance-Sophie Aubé
était propriétaire d'un « Cabinet littéraire », au Palais-Royal
[Ier], alors centre de l'agitation littéraire et
bibliographique, qui occupait le n° 205 de la première galerie de
bois, et habitait un appartement au 25 rue de Chartres [disparue lors de l'aménagement du Louvre, Ier].
Galeries de bois au Palais-Royal en 1828 (extérieur) |
À
cette époque, quand on voulait se procurer une nouveauté
littéraire, il fallait aller la chercher au Palais-Royal, «
capitale de Paris », où se trouvaient les célèbres librairies de
Ladvocat, de Delaunay, de Barba, et le cabinet de lecture, alors fort
en vogue, de la « Tente », fondé en 1815 par le capitaine Gautier.
Le Palais-Royal a été élevé
en 1636 par le cardinal Richelieu, sous le nom de « Palais-Cardinal
». Après la mort de Richelieu, le palais prit le nom de «
Palais-Royal » quand Anne d'Autriche et Louis XIV enfant s'y
installèrent en 1643. Le palais fut réédifié par le duc de
Chartres – duc d'Orléans à la mort de son père en 1785 et «
Philippe Égalité » en
1792 -, après les incendies de 1763 et de 1781 : il fit élever les
trois galeries qui entourent le jardin à l'ouest, au nord et à
l'est, afin d'y aménager des boutiques, et les deux salles de
spectacles, qui sont aujourd'hui la Comédie-Française et le théâtre
du Palais-Royal ; en 1786, il fit compléter la clôture de la face
sud du jardin par des galeries provisoires en bois, d'abord appelées
le « Camp des Tartares », rendez-vous des mauvais sujets :
Galeries de bois au Palais-Royal en 1820 (intérieur) |
« Des draperies grossières
ornaient les portiques de ces promenoirs bordés de boutiques qui
étaient séparées seulement par des vitrages. Les marchandises n'y
étaient pas toujours à l'abri de la pluie. […] C'était un
endroit scandaleux, mais pittoresque, et une foire perpétuelle. Rien
de plus varié, rien de plus pêle-mêle et de plus fouillis que les
étalages des baraques. On y trouvait réunis les objets les plus
disparates, les plus communs et les plus étranges : des chapeaux,
des pompons, des plumes, des livres, des chiffons, des estampes, des
joujoux, des brochures, des gilets, des bonnets de femme, des
soieries, des dorures, des bijoux, des cannes, des pipes, des
fleurets, des friperies, du papier, des portefeuilles, des
saucissons, de la lingerie, des fruits, des faïences, des bouquets,
des marrons, des dragées, des lorgnettes, du pain d'épice, des
têtes à perruque, des colifichets à la mode, de la pommade, des
rubans, des robes, de la gaze, des fleurs, des nouveautés et des
vieilleries. […]
A la nuit tout se mêle et tout
s'anime. C'est entre cinq et six heures que de tous côtés, des
alentours comme du Palais-Royal même, arrivent les sirènes. Elles
s'immiscent parmi les promeneurs, les incitent par des œillades
et des sourires. […] Après minuit elles sont maîtresses de leur
personne. »
(B. Saint-Marc et le marquis de
Bourbonne. Les Chroniques du Palais-Royal. Paris, L. Baillière
et H. Messager, s. d. [1860], p. 204-208)
Les marchandes de modes
régnaient dans la « galerie vitrée », dite « Camp des Barbares
», située au bout des galeries de bois, construite en 1792, entre
le Théâtre-Français et l'aile des arcades qui séparait la rue de
Montpensier du jardin du Palais-Royal. Après l'exécution de
Philippe Égalité en
1793, le palais fut vendu à l'encan. De 1801 à 1807, il fut occupé
par le Tribunat, resta ensuite vide jusqu'en 1814 et fut enfin
restauré par la famille d'Orléans.
Le 31 octobre 1827, le feu
éclata dans la galerie vitrée, vers 4 heures du matin. Plusieurs
boutiques furent entièrement brûlées, dont la librairie de
Casimir-Nicolas Lécrivain. Échappée
aux flammes par la rapidité des secours, la librairie Barba fut
endommagée par l'eau : tous les livres furent plus ou moins avariés,
mais rien ne fut entièrement détruit.
Galerie d'Orléans In L'Illustration, 7 février 1846 |
Les galeries de bois n'ont fait
place que sous Louis-Philippe, duc d'Orléans - futur Louis-Philippe
Ier -, à la galerie neuve, dite « galerie d'Orléans »,
passage vitré construit à moitié en 1828 et achevé en 1829.
Dès 1816, bien que n'étant pas
encore mariés, Pierre-François Ladvocat et Constance-Sophie Aubé
éditèrent des pièces de théâtre, sous les patronymes respectifs
de Monsieur Ladvocat et de Madame Ladvocat, avec Mademoiselle
Adélaïde-Julie Huet, 7 rue de Richelieu [Ier], qui ne
sera brevetée que le 28 juillet 1820. Leur imprimeur fut
Étienne-Joachim Doublet,
7 rue Gît-le-Coeur [VIe], breveté depuis le 1er
avril 1811 :
Trois pour une, ou les Absens n'ont pas
toujours tort. Comédie-vaudeville, en un acte, par
MM. Désaugiers et Barrière («
M. Ladvocat », 1816, in-8) ;
Les Deux Maris,
opéra-comique en un acte. Paroles de M. Étienne,
musique de M. Nicolo
(« Mad. l'Advocat », mars 1816, in-8) ; Fortunatus,
féérie vaudeville en deux actes ;
par MM. du Mersan et Brazier
(« Mad. L'Advocat », avril 1816, in-8) ; Le Bateau à
vapeur, comédie en un
acte, mêlée de
couplets, par M.
Henri-Simon (« Mad. L'Advocat
», mai 1816, in-8).
Le
« Cabinet littéraire » déménagea à la fin de l'année 1816, au
n° 197, côté de la cour. Madame Ladvocat édita :
avec Aaron
Martinet, 15 rue du Coq [rue de Marengo, Ier],
breveté depuis le 1er
octobre 1812, Le Comte Ory,
anecdote du XIe
siècle, vaudeville en
un acte, par MM.
Eugène Scribe et Delestre-Poirson
(1816, in-8), imprimé par Hugues-Marie Feugueray, 4 rue du
Cloître-Saint-Benoît [Ve,
disparue en 1855], breveté depuis le 1er
avril 1811 ; avec Jean-Nicolas Barba, derrière le Théâtre-Français,
breveté depuis le 1er
octobre 1812, La Petite Coquette,
comédie-vaudeville en un acte ;
par MM. Désaugiers et Gentil (1817,
in-8), imprimé par Pierre-Nicolas-Firmin Didot
«
Jeune », 13 rue des Maçons-Sorbonne [rue Champollion, Ve],
breveté depuis le 1er
avril 1811 ; avec Martinet et Barba, Encore un
Pourceaugnac, folie-vaudeville
en un acte, de MM.
Eugène Scribe et Delestre-Poirson
(1817, in-8), imprimé par Feugueray.
Le 7 mars 1817, Ladvocat épousa
Constance-Sophie Aubé. L'année 1817 se termina avec des éditions
de Madame Ladvocat, imprimées par François Hocquet, 4 rue du
Faubourg Montmartre [IXe], breveté depuis le 1er
avril 1811 : Le Solliciteur,
ou l'Art d'obtenir des places,
comédie en un acte,
mêlée de couplets,
par MM. Eugène S..... et M***
(1817, 3e
éd., in-8) ; Le Petit Dragon,
comédie en deux actes,
mêlée de vaudevilles,
par MM. Eugène Scribe,
Delestre-Poirson et Mélesville (1817,
in-8) ; L'Homme gris,
comédie en trois actes et en prose,
par MM. d'Aubigny et Poujol
(1817, in-8) ; Les Comices d'Athènes ou les Femmes
orateurs, comédie
vaudeville en un acte, traduit
du grec (d'Aristophane)
; par MM. Eugène Scribe et ***
(1817, in-8) ;
Naufrage de la frégate La Méduse : frontispice |
avec Hocquet, Eymery, 30 rue Mazarine [VIe],
Barba et Delaunay, au Palais-Royal, Naufrage de la frégate
La Méduse, faisant
partie de l'expédition du Sénégal,
en 1816 […]. Par
J. B. Henri Savigny,
ex-chirurgien de la marine,
et Alexandre Corréard,
ingénieur-géographe
(1817, in-8).
Les véritables débuts
d'éditeur de Ladvocat commencèrent en 1818. La devanture de sa
petite boutique, qui ne comptait que quelques rayons, un modeste
comptoir et deux ou trois sièges, présentait des couvertures
voyantes qui attiraient l'œil.
Il lança ses publications au moyen de prospectus et d'affiches
apposées partout, non seulement sur sa boutique, mais aussi sur les
murs de Paris, et bénéficia souvent de souscriptions royales.
Avec Pierre-Henry Raymond, «
éditeur du Dictionnaire le plus portatif de la langue française
», 4 rue de la
Bibliothèque [Ier,supprimée en 1854], qui était breveté
libraire depuis le 1er octobre 1812, il publia Les
Fastes de la gloire, ou les Braves recommandés à la
postérité ; monument
élevé aux défenseurs de la patrie,
par une société d'hommes de lettres et de militaires
(1818-1822, 5 vol. in-8), sous
la direction du linguiste Pierre-François Tissot, imprimés par
Pierre-Nicolas Rougeron, 22 rue de l'Hirondelle [VIe],
breveté depuis le 1er
avril 1811 ; le prix de chaque volume était fixé à 6 fr. pour les
souscripteurs, 7 fr. 50 c. pour les non-souscripteurs. Ladvocat
prit alors souvent, jusqu'en 1820, le titre d' « Éditeur
des Fastes de la gloire ».
Suivirent les éditions de : Une
visite à Bedlam, comédie en un acte, mêlée de
vaudevilles, par MM. Eug. Scribe et Delestre-Poirson (1818,
in-8), imprimée par Hocquet ; avec l'imprimeur-libraire
Julien-Léonard Chanson, 10 rue des Grands-Augustins [VIe],
breveté depuis le 1er
avril 1811, qui imprima Mes visites au musée royal du
Luxembourg, ou Coup-d'œil
critique de la galerie des peintres vivans [sic], par M.
Gustave J** (juin 1818, in-8) ; avec Barba, Palais-Royal, Les
Orphelins, comédie en un acte et en vers ; par M.
Hennet-Duvigneux (1818, in-8), imprimés par Chanson ; avec
Nicolle, rue de Seine [VIe], et Béchet, 3 quai des
Augustins [quai des Grands Augustins, VIe], Lettres à
Jennie, sur Montmorency, L'Hermitage, Andilly,
Saint-Leu, Chantilly, Ermenonville, et les
environs […]. Par M. F. L*** (juillet 1818, in-8),
imprimées par Charles-Frobert Patris, 4 rue de la Colombe [IVe],
quai de la Cité, breveté depuis le 1er
avril 1811 ; L'École
du village, ou l'Enseignement mutuel, comédie en un
acte, mêlée de vaudevilles, par MM. Brazier,
Dumersan et Delestre-Poirson (1818, in-8), imprimée par
Hocquet ; L'Ultra, ou la Manie des ténèbres, comédie
en un acte et en vers (1818, in-8), dont la représentation
n'avait pas été autorisée par le Ministre de la Police, imprimée
par Hocquet ; avec Eymery, Mémoires de M. Clémandot, en
réponse à ceux de Mme Manson (1818, in-8), imprimés par
Marie-Jean-Christophe Lebègue, 14 rue des Rats [rue de l'Hôtel
Colbert, Ve], près la place Maubert, breveté depuis le
1er
avril 1811 ; Journée de Mont Saint-Jean,
par Paul (1818, in-8),
imprimée par Joseph-Raymond Plassan, 15 rue de Vaugirard [VIe],
breveté depuis le 1er
avril 1811.
Emploi de ma demi-solde,
ou Budget d'un sous-lieutenant en expectative. Par un
officier du 3e bataillon de la légion du
c..... (1818, in-8), imprimé
par Plassan, et les Trois Messéniennes. Élégies
sur les malheurs de la France (1818,
in-8), par le poète Casimir Delavigne, imprimées par Charles
Baudouin « fils », 36 rue de Vaugirard [VIe], breveté
depuis le 16 février 1816, se
vendirent en peu de temps à plusieurs milliers exemplaires et
furent la première source de la fortune de Ladvocat.
Avec l'année 1818 cessa
l'activité éditoriale de Madame Ladvocat.
Elle fit imprimer par Hocquet :
Le Solliciteur, ou
l'Art d'obtenir des places,
comédie en un acte,
mêlée de couplets,
par MM. Eugène S..... et M***
(1818, 4e
éd., in-8) ; L'Homme gris, comédie en trois actes
et en prose, par MM. d'Aubigny et Poujol (1818, 3e
éd., in-8) ; L'Esprit de parti, comédie en trois actes et
en vers, par MM. Bert et O. Le Roy (1818, in-8) ; L'Homme
vert, comédie en un acte, mêlée de couplets, par
MM. Delestre-Poirson et Mélesville (1818, in-8) ; avec Eymery,
Delaunay, et Treutell et Wutz [i.e. Wurtz], Londres et Strasbourg,
Naufrage de la frégate La Méduse,
faisant partie de l'expédition du Sénégal en 1816
[…]. Par Alexandre Corréard,
ingénieur-géographe,
et J. B. Henri Savigny,
ex-chirurgien de la marine (1818, 2e éd.,
in-8).
Elle
édita avec Barba, L'An 1840, ou Qui vivra verra,
comédie épisodique, de MM. Delestre-Poirson, Brazier
et Mélesville (1818, in-8), imprimée par Jules-Louis-Melchior
Porthmann, 43 rue Sainte-Anne [Ier], breveté depuis le
1er
avril 1811 ; Le Tournoi, ou une journée du vieux
tems [sic], vaudeville à spectacle, en un acte, de
M. Mélesville (1818, in-8, [« n° 19 » i.e. n°197]), imprimé
par François Nicolas-Vaucluse, 59 rue de Grenelle-St-Honoré [partie
sud de la rue Jean-Jacques Rousseau, Ier], breveté depuis
le 1er
avril 1811.
La
petite boutique ne devenait plus qu'un souvenir. Dès la fin de
l'année 1818, la librairie de Ladvocat occupa également le
n° 198 de la première galerie de bois du Palais-Royal, d'où la
coexistence momentanée d'éditions datées 1818 à l'adresse des
numéros 197-198, avec des éditions datées 1819 à l'adresse du n°
197 :
Le Tour de faveur, comédie en un acte, en
vers (1818, in-8), imprimée par Plassan ; avec l'Éditeur
et propriétaire des Œuvres
de Mme de Genlis, 26 rue
Neuve-des-Petits-Champs [rue des Petits Champs, IIe], près
celle Sainte-Anne, Les Parvenus, ou les Aventures de Julien
Delmours, écrites par lui-même ; par MME
la comtesse de Genlis (1819, 2 vol. in-8) et Pétrarque et
Laure, par M.ME la comtesse de Genlis
(1819, in-8), imprimées par James Smith, 16 rue de Montmorency
[IIIe], breveté depuis le 24 mars 1813.
Un contemporain – Édouard
Thierry (1813-1894) - a rapporté qu'une figure dorée du dieu Mars
servait alors d'enseigne à la librairie.
Les années 1819 et 1820 virent
des éditions imprimées par Armand-Louis-Jean Fain, place de l'Odéon
et 4 rue Racine [VIe], breveté depuis le 1er
avril 1811 :
Jeanne d'Arc à Rouen, tragédie en
cinq actes, en vers. Par M. C. J. L.-d'Avrigni (1819,
in-8) ; Proverbes dramatiques, par Étienne
Gosse (1819, 2 vol. in-8) ; Thérèse Aubert, par
l'auteur de Jean Sbogar (1819, in-8) ; avec Barba, Les Vêpres
siciliennes, tragédie en cinq actes, […], par M.
Casimir Delavigne (1819, in-8) ; avec Lacretelle aîné et Cie,
21 rue Dauphine [VIe], Réflexions sur l'art de la
comédie. Par M. Alexandre Duval (1820, in-8) ; avec Barba, Le
Marquis de Pomenars, comédie en un acte et en prose ; par
MME. Sophie Gay (1820, in-8) ; Le
Folliculaire, comédie en cinq actes et en vers, par M.
de La Ville de Mirmont (1820, in-8) ; De l'esprit public,
ou de la toute-puissance de l'opinion. Par le baron Guérard de
Rouilly (1820, in-8) ; Œuvres
complètes de lord Byron, traduites de l'anglais par A. E. de
Chastopalli (1820, 2e éd., 3 vol. in-8) ; avec Barba,
Clovis, tragédie en cinq actes ; par M. Viennet
(1820, in-8) ;
Du gouvernement de la France depuis la
Restauration, et du ministère actuel ; par F. Guizot
(1820, in-8).
D'autres furent imprimées par
Rougeron : De la liberté religieuse, par Mr. A. V. Benoît
(1819, in-8) ; Trois Messéniennes. Élégies
sur les malheurs de la France. Deuxième édition,
augmentée de deux élégies sur la vie et la mort de Jeanne d'Arc.
Par M. Casimir Delavigne (1819,
in-8) ; Le Champ-d'Asile, tableau topographique et
historique du Texas […]. Par L. F. LH.....(de l'Ain)
(1819, in-8).
Le Ministériel, ou la
Manie des dîners, comédie en un acte et en vers (1819,
in-8), fut imprimée par Hocquet ; l'édition, avec Barba, de Marie
Stuart, tragédie en cinq actes, par M. Pierre Lebrun
(1820, in-8), fut imprimée par Firmin Didot, 24 rue Jacob [VIe],
breveté depuis le 1er
avril 1811.
L'édition, avec Henri Nicolle
et Charles Gosselin, 12 rue de Seine [VIe], des Œuvres
complètes de Walter-Scott (1820-1832,
165 vol. in-12), traduites de l'anglais par divers traducteurs
et imprimée par divers typographes, était alors la seule collection
complète en français de cet écrivain.
En 1820, la librairie, qui avait
pris le nom de « Librairie française de Ladvocat » en automne,
s'installa, au mois de décembre, au n° 195, toujours du côté de
la cour :
« Ce Ladvocat, bavard,
confiant, jeune encore et assez fashionable [élégant], est un
charlatan qui a des premiers découvert et exploité grandement les
ressources de l'annonce et de la réclame. Il allait au café avec
les journalistes et il était bon pour lancer un pamphlet. Mais
c'était un fripon qui n'avait pas le sou et il m'a avoué depuis
que, lorsque j'étais entré dans sa boutique pour lui proposer le
manuscrit de Guizot [Du gouvernement de la France depuis la
Restauration], il ne
savait pas où donner de la tête, à ce point qu'il avait été
obligé de mettre en gage un shall [châle] de sa femme pour trouver
crédit avec un peu d'argent comptant chez l'imprimeur. » (Charles
de Rémusat. Mémoires de ma vie. Paris, Plon, 1958, t. I, p.
456-457)
En effet, jamais éditeur ne
comprit, mieux que Ladvocat, l'influence du journalisme à cette
époque : il traitait les journalistes princièrement, et la
publicité lui coûtait fort cher ; tous les rédacteurs qui
travaillaient à un journal recevaient un exemplaire de chacune de
ses publications nouvelles.
Chaque matin, le premier soin de
Ladvocat était de lire les journaux. Il donnait dans la matinée
quelques heures aux soins de sa librairie et le reste du temps était
tout aux journalistes.
Au Rocher de Cancale |
Il partait vers 13 h. et ne rentrait chez lui
que vers 2 h. du matin, après avoir dîné au restaurant « Au
Rocher de Cancale », rue Montorgueil [IIe], ou à celui
du « Café de Paris » [IIe].
De même, jamais éditeur n'a,
mieux que Ladvocat, honoré les auteurs : ne cherchant que la
renommée et le succès, il les payait convenablement et les
défendait contre la critique.
Tandis qu'un grand nombre de
libraires, qui n'étaient pas brevetés, s'étaient mis en règle,
Ladvocat était le seul qui ne l'était pas, mais ses activités
éditoriales ne faiblissaient pas.
Il fit imprimer par Fain :
Frontispice, t. I |
Œuvres
dramatiques de F. Schiller, traduites de l'allemand (1821,
6 vol. in-8) ;
Frontispice, t. I |
Œuvres
complètes de Shakspeare [sic], traduites de l'anglais par
Letourneur (1821, 13 vol. in-8) ; Mémoires de l'abbé
Morellet, de l'Académie française, sur le
dix-huitième siècle et sur la Révolution (1821, 2 vol. in-8,
portr.) ;
éditée avec Barba, Le Présent du prince, ou
l'Autre Fille d'honneur. Comédie en trois actes et en prose […].
Par MM. de Comberousse et B. d'Aubigny (1821, in-8, [«
galerie de bois, N.° 16. »]) ; Des conspirations et de la
justice politique, par F. Guizot (1821, in-8) ; Des
communes et de l'aristocratie, par M. de Barante (1821,
in-8) ; Du gouvernement de la France depuis la Restauration,
et du ministère actuel, par F. Guizot (1821, in-8, 4e
éd.).
Éditée
avec Barba, L'Amour et le Procès, comédie en un acte et
en vers, par M. Gaugiran Nanteuil (1820, in-8), fut
imprimée par Hocquet. Édité
avec Marie-Françoise Goullet, au Palais-Royal, galeries de bois, du
côté du jardin, n° 259, brevetée depuis le 1er octobre
1812, et Favério, à Lyon, Examen critique du judaïsme et du
mahométisme […] ; par P. Feuillade (1821, in-8), fut
imprimé par Feugueray. Éditée
avec Théophile-Étienne
Gide « fils », 20 rue Saint-Marc [IIe], breveté depuis
le 1er octobre 1812, Bertram, ou le château de
S.T-Aldobrand, tragédie en cinq
actes. Traduite librement de l'anglois […], par MM. Taylor
et Nodier (1821, in-8), fut imprimée par Smith. Éditée
avec Barba, La Femme du sous-préfet, ou le Charlatan,
comédie en un acte, en prose, mêlée de couplets,
par MM. Moreau et Sewrin (1821, in-8), fut imprimée par
Jean-Baptiste Constant-Chantpie, 20 rue Sainte-Anne [Ier],
breveté depuis peu, le 28 décembre 1820. Des moyens de
gouvernement et d'opposition dans l'état actuel de la France,
par F. Guizot (octobre 1821), furent imprimés par
Joseph-Denis David, 14 rue du Pot-de-Fer [Ve], breveté
récemment, le 26 juillet 1821.
Mais le 28 septembre 1821, alors
qu'il avait enfin demandé son brevet le 20 septembre, Ladvocat fut
condamné à 500 francs d'amende, et à cesser d'exercer sa
profession, comme ayant contrevenu à l'article 11 de la loi du 21
octobre 1814, portant que nul ne sera imprimeur ni libraire, s'il
n'est breveté par le Roi et assermenté ; le 21 novembre 1821, le
tribunal réduisit l'amende à 100 francs. Ladvocat reçut enfin son
brevet le 13 décembre 1821.
Dès 1822,
Achille Devéria (1800-1857) vit paraître ses vignettes, gravées
par divers burins, chez Ladvocat. Celui-ci entreprit diverses
publications, imprimées par Firmin Didot : De la littérature
française pendant le dix-huitième siècle, par M. de Barante
(1822, 3e éd., in-8) ; Œuvres
inédites de Millevoye, dédiées au Roi (1822, in-8) ;
Frontispice, t. I |
Œuvres
complètes de Millevoye, dédiées au Roi (1822, 4 vol.
in-8, portrait gravé par West d'après Devéria) ;
Titre gravé, t. I |
Frontispice, t. I |
Œuvres
de lord Byron. […]
par A. P....T (1822-1825
[t. I et VI datés 1823, t. II à V datés 1822, t. VII daté 1824,
t. VIII daté 1825], 4e
édition, 8 vol. in-8, 27
vign.), édition la plus luxueuse qui ait été donnée de la
traduction Pichot.
D'autres
furent imprimées par Fain : éditée avec Barba, Valérie,
comédie en trois actes et en prose,
par MM. Scribe et Mélesville
(décembre 1822, in-8) ;
la collection des Chefs-d'œuvre
des théâtres étrangers,
allemand, anglais,
chinois, danois,
espagnol, hollandais,
indien, italien,
polonais, portugais,
russe, suédois
; traduits en français (1822-1823,
25 vol. in-8).
Du système financier, ou
coup-d'œil
analytique sur le budget de 1822. Par Guérard de Rouilly (1822,
« Galerie de Bois, N° 519 » i.e. 195), fut imprimé par Paul
Dupont, Hôtel des Fermes [rue de Grenelle, VIIe], breveté
depuis le 25 novembre 1818.
Le Voyage aux colonies
orientales […]. Par Augte Billiard
(1822, in-8) et L'Écolier,
ou Raoul et Victor,
par MME. Guizot,
née Pauline de Meulan (1822, 4 vol. in-12, 16 grav. non
signées), couronné par l'Académie française, furent imprimés par
David.
Cosson imprima Rob-Roy,
par sir Walter Scott […]. Traduit de l'anglais (1822,
4 vol. in-12), édité avec Charles Gosselin.
En 1823, Ladvocat engagea le
jeune Gervais Charpentier (1805-1871) comme commis-voyageur, installa
une succursale de sa maison à Bruxelles, au 731 Montagne de la Cour,
pour contrecarrer la contrefaçon belge, et édita de nombreux
ouvrages, plus ou moins importants, qui lui conservèrent une
position exceptionnelle.
Les Œuvres
posthumes de Millevoye (1823, 2 vol. in-8), les Œuvres
complètes de Millevoye,
dédiées au Roi (1823, 4 vol. in-8, portrait et 6
vignettes),
La Mort de Socrate, poëme, par A. de
Lamartine (1823, in-8) et les Messéniennes et poésies
diverses, par Casimir Delavigne (1823, in-18, première et
non sixième édition comme indiqué au titre, 4 fig. dessinées par
Devéria) furent imprimées par Firmin Didot.
La Bibliothèque étrangère
d'histoire et de littérature, ancienne et moderne, […]
; par M. Aignan (1823, 3 vol. in-8) fut imprimée par David
[t. I-II], qui déménagea au 6 boulevard Poissonnière [IXe],
puis par Edme-Eugène Pochard [t. III], 14 rue du Pot-de-Fer,
récemment breveté le 29 août 1823, qui imprima ensuite les
Mémoires du général Hugo (1823, 3 vol., fig.).
Fain fut l'imprimeur des
Mémoires anecdotiques pour servir à l'histoire de la Révolution
française ; par Lombard de Langres (1823, 2 vol. in-8),
Frontispice |
de Les Hermites en prison, ou Consolations de
Sainte-Pélagie, par E. Jouy, membre de l'Institut,
et A. Jay (1823, 2 vol. in-12, portr., 2 grav. et 6 vign.),
éditées avec Martin Bossange, Londres, dont la première partie de
la 2e édition fut vendue à plus de 1.000 exemplaires
dans la seule journée de sa parution le 15 juin 1823,
et de L'École
des vieillards, comédie en cinq actes et en vers ; par
M. Casimir Delavigne (1823, in-8), éditée avec Barba et dont
les 3.000 exemplaires de la première édition furent épuisés en 24
heures.
La réussite de Ladvocat lui
valut, en 1824, le titre de « Libraire de S. A. R. Monseigneur le
Duc de Chartres » [Ferdinand-Philippe d'Orléans, fils aîné de
Louis-Philippe Ier], titre qui deviendra
« Libraire de S. A. R. le duc
d'Orléans » en 1831, puis « Libraire du Prince Royal » en 1838.
Pierre-François Ladvocat Lithographie de Henri Grévedon (1776-1860), d'après le tableau d'Eugène Devéria |
Eugène Devéria (1808-1865),
frère d'Achille Devéria, exposa au Salon de 1824 un « Portrait en
pied de M. Ladvocat, libraire », qui tient à la main un volume
in-12.
Dans L'Imprimeur sans
caractère, ou le Classique et le Romantique,
comédie-vaudeville en un acte, par MM. Francis,
Dartois et Gabriel (Paris, J.-N. Barba, 1824), le personnage
de « Satiné », libraire romantique, est le portrait de Ladvocat :
« Satiné est mis dans le dernier genre, chapeau de soie, gilet de
poil de chèvre, cravatte à l'anglaise, redingotte à manche de
gigot, pantalon à larges plis et bottes à talons ; il porte un
lorgnon. » [sic]
« Un jockey l'accompagne
dans ses courses ou ses promenades. Les petites affaires ne sont pas
pour lui ; partout, on célèbre ses largesses et son audace : il
“achète un manuscrit 100 louis
dans les journaux, pour l'amour-propre de l'auteur, et 300 francs
espèces sonnantes, pour la bourse de l'homme de lettres”.
Dans sa maison, les tirages commencent toujours par la cinquième
édition, et le dixième mille est en vente, quand le premier
sommeille encore dans les magasins. Il sait l'art d'attirer
l'attention du lecteur par des lignes de points, par des épigraphes
étranges, et de réserver au milieu des pages de larges blancs qui
donnent une importance aux vers les plus anodins et élèvent une
plaquette à la dignité d'un volume. Et quelle variété dans ses
entreprises !
J'aurai
des traducteurs, des romans à fracas
Et
des collections … qui n'en finiront pas !
Nous
vendrons de l'Anglais, du Chinois, du Tartare,..
du
Français, même, à condition pourtant que ce Français soit habillé
à la mode étrangère, car la vogue de W. Scott a déterminé le
décor de toutes les fictions romanesques. “Tous
les genres sont bons, hors le genre ennuyeux, c'est-à-dire hors
celui qui ne se vend pas”
: voilà le principe fondamental de son esthétique. »
(Jules
Marsan. Notes sur la bataille romantique (1813-1826). In Revue
d'Histoire littéraire de la France.
Paris, Armand Colin, 1906, t. XIII, p. 599)
Jules
Janin raconte qu'après avoir vu la pièce, « il envoya au comédien
qui le représentait dans cette comédie à sa louange l'habit, le
gilet et le pantalon que lui-même il avait portés ! Gilet à fleurs
panachées, habit à boutons d'or, pantalon gris blanc, rayé de
bleu, morbleu ! Le chapeau était blanc, la cravate était comme un
semis de pois de senteur. Il portait des gants de peau de Suède ;
ajoutez le soulier à talon haut et presque rouge que rattache au cou
de pied un ruban noir. “Apprenez,
mon cher Monsieur, disait Ladvocat au comédien, à vous habiller
historiquement, lorsque vous représentez un personnage historique !”
»
(Feuilleton
du Journal des débats. In Journal
des débats politiques et littéraires,
lundi 11 septembre 1854, p. 3)
Au cours de l'année 1824,
furent imprimés par Jean-Baptiste Pinard, 8 rue d'Anjou-Dauphine
[rue de Nesle, VIe], breveté depuis le 9 avril 1823 :
Jane Shore, tragédie en cinq actes, par Nicholas
Rowe ; traduite de l'anglais (1824, in-8) ;
Ourika,
par Mme la duchesse de Duras
(mars 1824, 2e éd., in-12) ; Poësies et
Messéniennes, par M. Casimir Delavigne (1824, 9e
éd., in-8) ;
Frontispice |
Nouvelles odes, par Victor-M. Hugo (1824,
in-18) ; Messéniennes et poésies nouvelles. Par M. Casimir
Delavigne (1824, in-18, fig.) ; avec Barba, Trois Messéniennes
nouvelles, par M. Casimir Delavigne (1824, 4e
éd., in-8) ; Le Temple de Gnide (1824, in-fol., vign., 140
ex.).
Furent imprimés par Fain :
Essai sur l'éducation des femmes, par MME.
la comtesse de Rémusat (1824, in-8) ; Les Hermites en
liberté, par E. Jouy et A. Jay (1824, 2 vol. in-8, 2
grav. et 18 vign.) ; Œuvres
nouvelles de lord Byron, traduites de l'anglais par A. P....T
(1824, 10 vol. in-12) ; Mémoires du général Custine sur les
guerres de la République (1824, in-8, portr.).
Furent imprimés par Pochard :
Mémoires d'Olivier d'Argens […] ; pour servir à
l'histoire de la guerre civile de 1793 à 1796 (1824, in-8,
portr.) ; Études
morales, politiques et littéraires, ou Recherche des
vérités par les faits ; par M. Valery (1824, in-8) ; Du
commerce de la France. […] ; par M. le comte de Vaublanc
(1824, in-8) ; Dictionnaire historique des événemens [sic]
remarquables, par Voltaire (1824, in-8).
Furent imprimés par Joseph
Tastu, 36 rue de Vaugirard [VIe], breveté depuis le 12
août 1822 : Éveline
(1824, in-12) ;
Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de
Valois. 1364-1477 ; par M. de Barante (1824-1826, 13 vol.
in-8) ; éditée avec Barba, Messénienne sur lord Byron, par
M. Casimir Delavigne (10 août 1824, in-8, « galeries de bois,
numéros 195 et 196 »).
Les Chants hellènes […].
Par Alexandre Guiraud (1824, in-8, « galeries de bois,
numéros 195 et 196 »), « Vendus pour la délivrance de deux jeunes
grecs prisonniers. », furent imprimés par Démophile
Huzard-Courcier, 12 rue du Jardinet [VIe], breveté depuis
le 14 mars 1820. Éditées
avec Delaunay, les Observations sur l'histoire de la révolution
helvétique de M. Raoul-Rochette, par Charles Monnard
(1824, in-8), furent imprimées par Paul Renouard, 22 rue de
L'Hirondelle [VIe], breveté depuis le 23 décembre 1823.
De la littérature française, pendant le dix-huitième
siècle, par M. de Barante (1824, 4e éd, in-8)
fut imprimée par Firmin Didot. Le Bal, poème moderne,
suivi de poésies, par Ulric Guttinguer (1824, in-18)
fut imprimé par Henri Fournier, 9 rue de Cléry [IIe],
breveté récemment le 6 juillet 1824.
Des premières difficultés
financières obligèrent Ladvocat à s'associer, le 4 septembre 1824,
avec Augustin-Pierre Dufey, de quatre ans son aîné, qui n'était
pas encore libraire et qui fut uniquement son bailleur de fonds.
En 1825, Fain fut l'imprimeur
des Proverbes et comédies posthumes de Carmontel […], par
Madame la comtesse de Genlis (1825, 3 vol. in-8),
Frontispice |
des Mœurs
administratives, par M. Ymbert (1825, 2 vol. in-12, 2
grav. et 18 vign.),
des Mémoires inédits de Madame la comtesse
de Genlis, sur le dix-huitième siècle et la Révolution
françoise (1825, 10 vol. in-8) et de Édouard,
par l'auteur d'Ourika (1825, 2 vol. in-12), première édition
tirée à 100 ex., non destinée au commerce, publiée au profit d'un
établissement de charité.
Firmin Didot fut l'imprimeur des
Élégies et
poésies nouvelles, par MME Desbordes
Valmore (1825, in-8).
Jules Didot « Aîné », 6 rue
du Pont-de-Lodi [VIe], breveté depuis le 6 avril 1822,
imprima Le Duc de Guise à Naples ou Mémoires sur les révolutions
de ce royaume en 1647 et 1648 (1825, in-8). Claude-Joseph
Carpentier-Méricourt, 59 rue de Grenelle-S.-Honoré [partie sud de
la rue Jean-Jacques Rousseau, Ier], breveté depuis le 21
mai 1823, imprima Les Antilles françaises, particulièrement
la Guadeloupe […], par le colonel Boyer-Peyreleau (1825,
3 vol. in-8).
Fournier fut l'imprimeur de
Lascaris, ou les Grecs du quinzième siècle […]. Par
M. Villemain (1825, in-8).
Éditées
avec Ponthieu, au Palais-Royal, Gabon, rue de
l'École-de-Médecine, et
Charles Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, Alexandre
Lachevardière « fils », 30 rue du Colombier [rue du Vieux
Colombier, VIe], breveté depuis le 9 décembre 1823,
imprima les Opinions des médecins d'Édimbourg
sur la petite-vérole et la vaccine, publiées par M. Amédée
Pichot (1825, in-8).
Georges-Adrien Crapelet, 9 rue de Vaugirard
[VIe], breveté depuis le 1er
avril 1811, fut l'imprimeur du Voyage historique et
littéraire en Angleterre et en Écosse
par M. Amédée Pichot (1825, 3 vol. in-8 et atlas), édité avec
Gosselin, et de l'Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de
Valois. 1364-1477 ; par M. de Barante (1825-1826, 3e
éd., 13 vol. in-8).
« Le libraire Ladvocat ajoute
chaque jour au luxe et à l'œil
de ses éditions, par le rétrécissement des lignes de chaque page,
et par l'amplitude des marges ; de telle sorte que le lecteur est
contraint, pour les lire, de faire un mouvement de pouce continuel et
fatigant. M. Ladvocat, pour remédier à cet inconvénient vient,
dit-on, d'inventer un petit tournefeuille-mécanique à l'usage de
ses éditions. » (La Pandore. Journal des spectacles,
des lettres, des arts,
des mœurs et des modes,
mercredi 21 décembre 1825, p. 4)
Ladvocat était devenu un
libraire magnifique. Il portait des gants jaunes et un pantalon avec
une bande de soie de son invention. On disait qu'il était le
libraire le mieux chaussé d'Europe et qu'il était l'homme qui
mettait le mieux sa cravate : la cravate « à la Ladvocat » était
un heureux assemblage du nœud de la Chateaubriand, de la sévérité
de la Talma, de l'originalité de la Byron et des pointes de la
Bergami.
Il possédait un cheval et un cabriolet à ses armes : une
ancre accompagnée d'un flambeau et d'un caducée, avec les mots «
Aidez moi. »
L'auteur dramatique
Jean-François Bayard (1796-1853), dans son Roman à vendre,
ou les deux libraires, comédie en trois actes et en vers
(Paris, Barba et Brière, 1825, p. 22), le représente sous le nom de
« Fortuné » :
« Grâce aux souscriptions,
tout va bien ; les auteurs
Rançonnent le libraire, et lui,
les souscripteurs.
Voyez : jeune, estimé, ma
maison est brillante,
J'ai sur l'esprit courant vingt
mille écus de rente,
Je vends tout, j'use tout ; par
trente éditions,
J'exploite à mon profit les
réputations,
Et pour me composer de séduisans
ouvrages,
J'ai mis par un traité vingt
savans à mes gages.
Tout Paris vient chez moi ; je
plais dans les salons ;
On me trouve à la Bourse, au
Gymnase, aux Bouffons ;
Recherché des auteurs, estimé
des actrices,
Je fais des marchés d'or
jusques dans les coulisses ;
Pour me mettre en crédit j'ai
partout un prôneur,
Et dans chaque journal
j'engraisse un rédacteur :
On dîne mieux chez moi que chez
une Excellence. » [sic]
Fain imprima en 1826 :
Les
Deux Apprentis, par M. Merville (1826, 4 vol. in-12) ;
Dictionnaire analytique d'économie politique. Par M. Ganilh
(1826, in-8) ;
éditées avec Dufey, 14 rue des Beaux-Arts [VIe],
Œuvres
complètes de M. le vicomte de Chateaubriand (1826-1831,
28 tomes en 31 vol. in-8, car il y a des tomes Vbis,
Vter
et XVIIIbis,
titres gravés par C. Thompson), première édition des œuvres
complètes qui, achetées 550.000 francs – contrat réduit à
350.000 francs l'année suivante -, eurent un grand succès et
valurent à Ladvocat le titre de « Prince des éditeurs » ;
édités
avec Ponthieu et Delaunay, Mémoires historiques et littéraires
sur F.-J. Talma, par M. Moreau (1826, in-8, fac-similé) ;
Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois. 1364-1477
; par M. de Barante (1826, 4e éd., 13 vol. in-8).
Tastu imprima le Mémoire sur
la vie et les ouvrages de J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, par
L. Aimé Martin (1826, in-8), la Correspondance de J.-H.
Bernardin de Saint-Pierre, […]. Par L. Aimé Martin
(1826, 3 vol. in-8)
et les Odes et ballades, par Victor
Hugo (1826, in-18).
Édité
avec Barba, 7 cour des Fontaines [Ier], le Théâtre
de M. C. Delavigne (1826, 4 vol. in-8, vign.) fut imprimé par
Fournier.
Les Messéniennes et poésies
diverses, par M. Casimir Delavigne (1826, 13e
éd., 2 vol. in-18, fig.) furent imprimées par Pinard.
Balzac, 17 rue des
Marais-Saint-Germain [VIe], breveté très récemment le
1er juin 1826, imprima l'Affaire Tétard.
Accusation d'assassinat portée contre Joseph Tétard, ouvrier
maçon, défendu par Me Bautier
(1826, in-8).
Au cours du premier trimestre de
1827, Ladvocat, sans renoncer à son magasin de la galerie de bois,
voulut éblouir le tout Paris et se logea dans le quartier des
bouquinistes, dans le somptueux hôtel du 23 quai Malaquais [VIe],
à l'angle de la rue des Saints-Pères, hôtel qui a depuis été
habité par la tragédienne Rachel (1821-1858).
Depuis, presque tous les livres
qu'il publia portèrent « Quai Voltaire et Palais-Royal ». Or, le
quai Voltaire [VIIe] finissait alors à la rue des
Saints-Pères, qui le séparait du quai Malaquais : mais quai
Voltaire, c'était plus littéraire.
Les Préludes poétiques,
par M. de Loy, membre de l'Académie provinciale (1827,
in-8), furent imprimés par Charles Coque, 3 rue de l'Archevêché, à
Lyon.
Pinard imprima les Sept
Messéniennes nouvelles, par M. Casimir Delavigne (1827,
in-8),
Portrait de "la Contemporaine" In 2e édition, 1828, t. VIII |
les Mémoires d'une contemporaine (1827, 8 vol. in-8),
les Chansons et poésies diverses de M.-A. Désaugiers (1827,
4 vol. in-12), Les Trois Quartiers, comédie en trois actes
et en prose, par MM. Picard et Mazères (1827, in-8),
édités avec Barba.
Fain imprima les Nouveaux
mélanges historiques et littéraires, par M. Villemain (1827,
in-8, portr.) et les Mélanges historiques et littéraires,
par M. Villemain (1827, 3 vol. in-8, portr.).
Thomas-François Rignoux, 8 rue
des Francs-Bourgeois-S.-Michel [partie de la rue Monsieur-le- Prince,
VIe], breveté depuis le 14 mars 1820, fut l'imprimeur des
Œuvres de J. F.
Ducis (1827, 4 vol. in-18, portr.), éditées avec Aimé André, 59 quai des Augustins, et de Du
rétablissement de la censure par l'ordonnance du 24 juin 1827 ;
par M. le vicomte de Chateaubriand (1827, in-8).
Jean-Baptiste-Jules-Marcellin
Gaultier-Laguionie, Hôtel des Fermes [rue de Grenelle, VIIe],
breveté depuis le 17 avril 1823, imprima l'Opinion de M. le
vicomte de Chateaubriand, pair de France, sur le projet
de loi relatif à la police de la presse (1827, 2e éd.,
in-8).
Balzac imprima le Cri
d'un vieux soldat à l'ex-garde nationale. Par A. Béraud
(1827, in-8), Mélanges
historiques et littéraires,
par
M. Villemain
(1827-1828, 3 vol., in-8, portr.),
Proverbes
romantiques,
par
Romieu
(1827, in-8).
Gaspard
Doyen, natif de Reims [Marne], 38 rue Saint-Jacques [Ve],
breveté depuis le 20 juillet 1824, imprima Poésies
diverses de Ch. Nodier (1827,
in-8), éditées avec Delangle frères, 19 rue du
Battoir-Saint-André-des-Arcs [partie de la rue Serpente, VIe].
L'une des plus importantes
opérations de Ladvocat, non au point de vue littéraire, mais sous
le rapport des énormes bénéfices qu'il en retira, fut la
fabrication et la publication des fameux Mémoires d'une
contemporaine, par une courtisane hollandaise, Maria-Elselina
Versfelt (1776-1845), dite « Ida Saint-Elme », au prix de 7 francs
le volume, et qui eurent en moins de deux ans quatre éditions :
« M. Ladvocat avec une
délicatesse qui, n'en déplaise aux commerçans [sic], tenait bien
plus de la politesse de la bonne compagnie, que de la haute prudence
des chiffres, M. Ladvocat n'ayant que peu de cahiers et nulle autre
garantie que ma bonne volonté à lui livrer au fur et à mesure mon
manuscrit complet, me remit cinq cents francs en or, et deux billets
de la même somme. La confiance qu'on témoigne aux autres est un sûr
moyen d'en inspirer, et j'avoue que la mienne pour M. Ladvocat allait
jusqu'à la reconnaissance. » (t. VIII, p. 409)
Ladvocat installa chez lui son
ami Pierre-Armand Malitourne (1796-1866), rédacteur de La
Quotidienne, pour rédiger en chef les Mémoires, sur les
notes de la « Contemporaine ». Malgré son étonnante facilité
d'improvisateur, Malitourne n'allait pas encore assez vite au gré de
Ladvocat qui, encouragé par le succès du livre, lui adjoignit
plusieurs écrivains, dont Maxime de Villemarest, autre rédacteur de
La Quotidienne, Amédée Pichot, traducteur des Œuvres
de lord Byron, et Charles Nodier.
En octobre 1827, Ladvocat acheta
Le Mercure du dix-neuvième siècle, fondé en 1823, dont il
voulait relever l'ancienne splendeur et qui devint Le Mercure de
France au dix-neuvième siècle.
En
1828, Gervais Charpentier quitta
son patron, qui l'avait abandonné à Lyon alors qu'il était tombé
malade, pour reprendre le cabinet de lecture de Charles Mary, 69 rue
et passage Saint-Antoine [IVe].
Pinard imprima pour Ladvocat :
Mémoires sur Napoléon, l'impératrice Marie-Louise et la
cour des Tuileries […] ; par MME VE
du général Durand (1828, in-8) ;
Librairie Koegui |
éditée avec Dufey, Histoire
des rois et des ducs de Bretagne, par M. de Roujoux
(1828-1829, 4 vol. in-8, Pinard imprimeur des t. I à III, Fain
imprimeur du t. IV) ; Mélanges philosophiques et littéraires,
par M. Auger (1828, 2 vol. in-8) ; Mémoires sur
l'impératrice Joséphine (1828, 3 vol. in-8) ; éditée avec
Barba, La Princesse Aurélie, comédie en cinq actes et en
vers ; par M. Casimir Delavigne (1828, in-8) ; Heures
poétiques et religieuses, dédiées au Roi, par Mme
Hortense de Céré-Barbé (1828, in-18).
Balzac imprima les Mémoires
sur la cour de Louis Napoléon et sur la Hollande (1828, in-8),
L'Écolier
ou Raoul et Victor par MME. Guizot née
Pauline de Meulan (1828, 4 vol. in-12, 2e éd., fig.),
Odes et poésies diverses, par M. Léon Dusillet (1828,
in-18), Le Cri des employés du gouvernement, par un chef
de division (1828, in-8) et le Catalogue général de la
Maison Ladvocat (1828, in-8).
Les Mémoires d'un
apothicaire sur la guerre d'Espagne, pendant les années 1808
à 1814 (1828, 2 vol. in-8) furent imprimés par
Gaultier-Laguionie,
l'Histoire de Pierre Terrail seigneur de
Bayart […]. Par Alfred de Terrebasse (1828, in-8), par
Tastu, et, éditées avec Delaforest, place de la Bourse [IIe],
les Poésies européennes […] ; par Léon Halevy (août
1828, in-8), par Anthelme Boucher, 34 rue des Bons-Enfants [Ier],
breveté depuis le 22 juin 1818.
À
la suite de mauvaises spéculations de son mari, Madame Ladvocat
s'efforça de sauver la librairie, avec l'aide de Charles Malot,
libraire au Palais-Royal, galerie de bois n° 201, qui avait acquis,
le 2 juin 1828, le fonds de détail de la librairie. Ladvocat et
Dufey se séparèrent le 22 décembre 1828. Dufey s'associa avec les
frères Pourrat, 5 rue des Petits Augustins [partie de la rue
Bonaparte, VIe], avant d'obtenir son brevet de libraire le
5 mai 1829.
Certaines éditions de 1829 sont
à l'adresse de « Quai Voltaire, et Palais-Royal, Galerie neuve » :
Mémoires d'une contemporaine (1829, 4e éd., 8
vol. in-8), imprimés par Gaultier-Laguionie ;
Mémoires de M. de
Bourrienne, ministre d'État,
sur Napoléon (1829, 10 vol. in-8), imprimés par André
Barbier, 17 rue des Marais-Saint-Germain [VIe], successeur
de Balzac, breveté depuis le 26 septembre 1828.
Barbier a aussi imprimé les
Mémoires posthumes, […] de Charles-François duc de
Rivière (1829, in-8), édités avec Dufey, et De l'origine,
de la nature et des progrès de la puissance ecclésiastique en
France. Par M. le comte de Montlosier (1829, in-8).
Rignoux a imprimé Marino
Faliero, par M. Casimir Delavigne (1829, in-8), édité
avec Barba, et Œuvres
complètes de M. le vicomte de Chateaubriand (1829-1831,
20 vol. in-8, portr.), éditées avec Lefèvre, 6 rue de l'Éperon
[VIe].
En octobre 1829, Ladvocat
transféra la propriété du journal Le Mercure de France au
dix-neuvième siècle à Paul Lacroix et à Amédée Pichot.
Le
6 décembre 1829, par suite d'arrangements passés avec les syndics
de Malot et Ladvocat, Gervais Charpentier,
libraire 9 rue des Beaux-Arts [VIe],
acquit la librairie de Ladvocat au Palais-Royal et la totalité de
l'édition des Œuvres
complètes de M. le vicomte de Chateaubriand,
publiée par Ladvocat et Lefèvre.
Pour
devenir exclusivement éditeur, Charpentier quittera
en 1833 la librairie Ladvocat,
In Journal des débats, 8 mai 1836 |
que Madame Ladvocat récupérera.
Charles Malot conserva sa
librairie au Palais-Royal, galerie neuve d'Orléans, nos 38-39,
côté de la cour.
En 1830, Gaultier-Laguionie
imprima Alger. Esquisse topographique et historique du royaume et
de la ville […] ; par A. M. Perrot (1830, in-8) ; éditée
avec Camoin, Marseille, et Laurent, Toulon, Esquisse de l'état
d'Alger […] ; traduit de l'anglais, et enrichi de
notes, par M. X. Bianchi (1830, in-8, plan) ; Napoléon,
ses exploits et sa mort, poème élégia-héroïque en
douze chants, par F. E. Belly (1830, in-8).
Auguste Mie, 9 rue Joquelet [rue
Léon Cladel, IIe], breveté depuis le 1er octobre
1829, imprima Histoire de Charles-Édouard,
dernier prince de la maison de Stuart […]. Par Amédée
Pichot (1830, 2 vol. in-8) ; édité avec Urbain Canel, Journal
de ST-Cloud à Cherbourg, ou Récit
de ce qui s'est passé à la suite du Roi Charles X, du 26
juillet au 16 août 1830. Par M. Théodore Anne (1830, in-8).
Le Sylphe, poésies de
feu Ch. Dovalle (1830, in-8), fut imprimé par Alexandre
Selligue, 14 rue des Jeûneurs [IIe], breveté depuis le
20 septembre 1825.
Claude Cosson, 9 rue
Saint-Germain-des-Prés [partie de la rue Bonaparte, VIe],
breveté depuis le 27 juillet 1818, imprima les Mémoires de
Constant, premier valet de chambre de l'Empereur (1830-1831,
6 vol. in-8).
Barbier fut l'imprimeur des
Mémoires de Brissot, membre de l'Assemblée législative
et de la Convention nationale (1830-1832, 4 vol. in-8), dont les
deux derniers tomes portent l'adresse du 22 rue
Neuve-des-Petits-Champs [rue des Petits Champs, IIe].
Sur le crédit de 30.000.000
créé par la loi du 9 octobre 1830, Ladvocat obtint du trésor
public un prêt de 40.000 francs. En échange, il souscrivit à
l'ordre du caissier central du trésor des billets qui, à leur
échéance, n'ont pas été payés. Suivant acte passé devant Me
Chaudron, notaire à Paris, les 1er et 31 décembre
1830, Ladvocat donna, en nantissement au trésor, pour le garantir,
divers ouvrages de librairie, et, de plus, la moitié de la propriété
littéraire des Ducs de Bourgogne, estimée par le jury
d'équité à la somme de 6.000 francs.
En 1831, Barbier imprima pour
Ladvocat Paris en province et la province à Paris, par MME
GTTE Ducrest (1831, 3 vol. in-8).
Cosson
imprima La Contemporaine en Égypte.
Pour faire suite aux souvenirs d'une femme (1831, 6 vol. in-8),
écrit par Villemarest et qui n'eut aucun succès, et Seize mois
ou La Révolution et les Révolutionnaires […]. Par N. A. de
Salvandy (1831, in-8).
Firmin Didot frères imprimèrent
les Mémoires de Madame la duchesse d'Abrantès (1831-1832, 8
vol. in-8), dont les tomes VII et VIII portent l'adresse du 2 rue de
Chabannais [rue Chabanais, IIe] ; ils seront continués
jusqu'en 1835 et jusqu'au tome XVIII, par Mame-Delaunay, 25 rue
Guénégaud [VIe], puis Louis Mame, à la même adresse :
« Les Mémoires de la
duchesse d'Abrantès ne devaient d'abord se composer que de 4
volumes in-8°. Un traité intervint entre elle et son libraire, M.
Ladvocat, le 11 juillet 1830, par lequel le prix de l'ouvrage fut
stipulé payable partie comptant, partie en billets. Il fut
expressément convenu qu'en cas de retard dans les paiemens, Mme
d'Abrantès rentrerait dans la libre disposition de la partie
de son manuscrit qui ne serait pas encore livrée à l'impression.
Différens effets furent souscrits par le libraire, et avant
l'échéance de la plupart d'entre eux, un nouveau traité intervint
pour la publication de six nouveaux volumes, et l'on y maintint la
clause du traité primitif, relative aux conséquences de non
paiement. Après avoir vainement patienté, et accordé des facilités
qui n'eurent pas le résultat qu'elle attendait, Mme d'Abrantès,
s'appuyant de la clause qui lui maintenait ses droits, traita, pour
les 4 derniers volumes de ses Mémoires, avec un nouveau
libraire, le sieur Mame. Dès qu'il eut connaissance de ce traité,
M. Ladvocat attaqua Mme d'Abrantès et le nouvel éditeur,
afin d'obtenir contre eux condamnation à la remise du manuscrit des
4 derniers volumes des Mémoires, sinon 20,000 francs de
dommages-intérêts, et en outre 100 francs par chaque jour de
retard. M. Léon Duval a soutenu ces conclusions devant la 1re
instance. Me Patorni, avocat de la duchesse
d'Abrantès, les a combattues avec succès. Le tribunal,
reconnaissant que les divers traités stipulés entre le demandeur et
la défenderesse n'avaient pas été exécutés, et que celle-ci
rentrait dans son droit de disposer de son manuscrit, a déclaré M.
Ladvocat non recevable et mal fondé dans ses demandes contre la
duchesse d'Abrantès et M. Mame, libraire, et l'a condamné aux
dépens. » [sic]
(Feuilleton du Journal de la
librairie, samedi 11 mai 1833, p. 5)
En août 1831, cent
soixante-et-un auteurs déclarèrent venir en aide à Ladvocat en lui
donnant chacun au moins deux chapitres qui composeraient un ouvrage
intitulé Le Diable boiteux à Paris, ou Paris et les Mœurs
comme elles sont. L'ouvrage
devint Paris, ou
Le Livre des cent-et-un
(1831-1834, 15 vol. in-8), dont les tomes VIII à XV portent
l'adresse du 2 rue de Chabannais, qui fut imprimé par Firmin Didot
frères ; la vignette de titre fut gravée par Thompson, d'après
Henry Monnier :
«
la librairie éditante, la librairie de Ladvocat, que Ladvocat a
poussée jusqu'à ses colonnes d'Hercule, cette librairie qui marche,
flanquée de prospectus, de larges affiches ; adroite, audacieuse,
saluant le public, lui mettant le titre d'un livre sous les yeux, à
toutes les heures, dans tous les endroits, sur sa porte, dans son
journal, au spectacle, à la Bourse, sous sa serviette, partout.
Livre des Cent-et-Un,
souscription littéraire, honorable pour ceux qui l'ont faite,
honorable pour celui qui la mérite, vous serez un monument durable
de l'appui généreux prêté par la littérature à l'éditeur qui
lui a beaucoup donné. »
(Frédéric
Soulié. La Librairie à Paris. In Paris,
ou Le Livre des cent-et-un.
Paris, Ladvocat, 1832, t. IX, p. 317-318)
Mais le 27 janvier 1832, le
Tribunal de commerce de Paris déclara Ladvocat en état de faillite
: elle fut suivie d'un concordat par lequel les créanciers lui
firent remise de 90 pour 100 ; les 10 pour 100 restant furent
stipulés payables en huit années par huitième ; mais Ladvocat ne
put effectuer que les trois premiers paiements, et ses créanciers ne
reçurent que 3 fr. 75 c. pour 100. Il quitta le quai Voltaire pour
un appartement situé d'abord au 22 rue Neuve-des-Petits-Champs, puis
au 2 rue de Chabannais, dans le même immeuble, à l'angle des deux
rues :
Frontispice |
La Conspiration de Cellamare. Épisode
de la Régence. Par J. Vatout (1832, 2 vol. in-8, 2
portr.) fut imprimée par Firmin Didot frères.
Frontispice, t. I |
En 1833, Jean Casimir, 12 rue de
la Vieille-Monnaie [IVe, supprimée], breveté depuis le
27 décembre 1822, imprima les Mémoires de Mademoiselle
Avrillion, première femme de chambre de l'Impératrice (1833,
2 vol. in-8, portr. et fac-similé) et les Mémoires du cardinal
Pacca, sur la captivité du Pape Pie VII […] ; traduits
de l'italien […]. Par L. Bellaguet (1833, 2 vol. in-8).
Le Népenthès. Contes,
nouvelles et critiques, par M. Loève-Veimars (1833, 2
vol. in-8), fut imprimé par Firmin Didot frères.
André
Éverat, 16 rue du Cadran [rue Léopold Bellan, IIe],
breveté depuis le 1er avril 1811, imprima Les Enfans
[sic] d'Édouard
tragédie en trois actes et en vers, par M. Casimir Delavigne
(1833, in-8)
et Les Cent-et-Une Nouvelles nouvelles des cent-et-un
(1833, 2 vol. in-8, 101 vign.),
dont le prospectus, imprimé par Firmin Didot frères, porte la
signature de « C. Ladvocat », qu'on doit traduire par «
Camille Ladvocat » et non par « Charles Ladvocat », comme l'a
prétendu Edmond Werdet (De
la librairie française.
Paris, E. Dentu, 1860, p. 233).
En
effet, la révolution de Juillet ayant précipité sa ruine, Ladvocat
s'en était allé demeurer avec Madame Camille, qui devint une
couturière célèbre : appelé « Monsieur Camille » par les
ouvrières et certaines clientes, Ladvocat adopta ce prénom.
Le 18 février 1834, le Tribunal
de commerce de Paris déclara Ladvocat une nouvelle fois en état de
faillite : il obtint un nouveau concordat par l'abandon de son actif
qui, réalisé, produisit pour ses créanciers un dividende de 2
centimes ½ p. 100.
Casimir imprima Les Voisins
de l'autre côté, par l'auteur d'Élisa
Riwers (1834, 2 vol. in-8).
En 1835, Fain imprima Saphira,
ou Paris et Rome sous l'Empire. Par M. Kératry (1835, 3 vol.
in-8). Casimir imprima pour Ladvocat et Bohaire, 10 boulevard des
Italiens [IXe], les Mélanges historiques et
littéraires, par M. le baron de Barante (1835, 3 vol.
in-8)
et l' Histoire du royaume de Naples, depuis Charles
VII jusqu'à Ferdinand IV. […]. Traduite de l'italien sur la
4e édition par Ches
Lefèvre et L** B** (1835-1840, 4 vol. in-8).
Au cours du premier trimestre de
l'année 1835, Louis-André Corbet « aîné », libraire 61 quai des
Augustins [quai des Grands Augustins, VIe], acquit de
Ladvocat les restants d'éditions de onze ouvrages : Mémoires
d'une contemporaine (8 vol. in-8), La Contemporaine en Égypte
(6 vol. in-8), Mémoires de Mademoiselle Avrillion (2 vol.
in-8), Mémoires de Brissot (4 vol. in-8), Mémoires
contemporains, contenant ceux des impératrices Joséphine et
Marie-Louise, de Napoléon, du duc de Rivière, etc. (8 vol. in-8),
13e livraison des Œuvres
complètes de M. le vicomte de Chateaubriand, contenant les «
Études
historiques » et « Moïse
» (6 vol. in-8), La Conspiration de Cellamare (2 vol.
in-8), Histoire de Charles Édouard
(2 vol. in-8), Seize mois ou La Révolution (in-8), De
l'origine, de la nature et des progrès de la puissance
ecclésiastique en France (in-8), Les Voisins de l'autre côté
(2 vol. in-8).
Le 12 décembre 1835, alors
qu'il était à Londres pour affaires, Ladvocat fut sinistré à
Paris :
« Un incendie considérable a
éclaté ce matin, à dix heures et demie, rue du Pot-de Fer, n° 14.
La vaste cour de cette propriété était entourée de constructions
légères qu'habitaient des brocheurs et des assembleurs de livres,
ou qui servaient de magasin à la librairie de Paris, et renfermaient
un nombre immense d'ouvrages en feuilles.
Le feu a pris, dit-on, dans les
ateliers de brochage de M. Perrotet ; une feuille tombée de
l'étendage auprès de la porte du poêle a communiqué la flamme à
toutes les autres. Les pompiers sont accourus ; mais les papiers qui
servaient d'aliment aux flammes et la nature des constructions
propageaient l'incendie avec une effrayante rapidité.
Malheureusement le froid de la
nuit avait gelé les conduits des fontaines, et dans les premiers
momens on manquait d'eau. Cependant l'expérience des pompiers et le
zèle des citoyens ont bientôt organisé des moyens de secours. M.
le maire du onzième arrondissement, le colonel et le
lieutenant-colonel de la légion, M. Pernot, commandant du 1er
bataillon, un capitaine d'état-major de la garde nationale, M.
Legris, capitaine d'état-major de la place, et M.
Prunier-Quatremère, commissaire de police du quartier, se sont
trouvés des premiers sur les lieux avec un grand nombre de gardes
nationaux.
Le préfet de police et le
préfet de la Seine y sont arrivés quelques momens après. Tout le
6e régiment d'infanterie, officiers et soldats, y était
déjà venu de la rue Mouffetard. Quant aux étudians ecclésiastiques
qui habitent le séminaire Saint-Sulpice, et aux gardes municipaux
qui ont une caserne rue de Tournon, ils furent presque aussitôt
arrivés qu'avertis.
Gardes nationaux et soldats,
artisans et séminaristes, rivalisaient de zèle pour former des
chaînes, traîner des tonneaux et manœuvrer
les pompes. On a vu même des femmes prendre rang dans la chaîne et
ne la quitter qu'épuisées de fatigue. Mais lorsque tant d'habitans
s'honoraient par un empressement respectable, d'autres ne voyaient
qu'un spectacle dans un pareil évévement : des hommes et des femmes
contemplaient du haut des tours Saint-Sulpice les toits embrâsés et
les bâtimens s'écroulant dans des tourbillons de fumée.
On doit aux séminaristes une
justice que tout le monde aimait à leur rendre. On ne saurait
montrer plus d'activité et de dévouement. Les meubles qu'on
arrachait aux flammes, les marchandises enlevées de chez un épicier,
les livres qu'on pouvait transporter des magasins ont été mis en
dépôt dans le séminaire.
Toute l'habileté des pompiers,
qui ont déployé leur courage et leur sang-froid ordinaires, a dû
se réduire à concentrer le feu dans les bâtimens en pans de bois,
que leur construction condamnait, pour ainsi dire, aux flammes. A une
heure on était complètement maître du feu, et les maisons voisines
n'avaient plus rien à craindre.
Indépendamment de la ruine des
bâtimens, qui appartenaient à Mme la comtesse des
Brosses, ce déplorable événement cause une perte immense au
commerce de la librairie. On évalue à plus de 1 million 500,000 fr.
les résultats du sinistre. S'il peut y avoir quelques motifs de
consolation dans un pareil désastre, c'est que du moins personne n'a
péri. Deux pompiers ont été légèrement blessés, l'un à la
main, l'autre au visage. » [sic]
(Journal des débats
politiques et littéraires, dimanche 13 décembre 1835, p. 2)
« Le libraire Ladvocat, qui se
trouve en ce moment à Londres, a fait une perte considérable dans
l'incendie de la rue du Pot-de-fer. Cinq ou six cents exemplaires de
l'Histoire du royaume de Naples, par le général Colletta,
ont été consumés, avec quinze cents autres d'un volume des
Mémoires du Prince de la Paix, qui se trouvaient dans les
ateliers d'assemblage et de brochure. Du reste, toutes les mesures
sont prises pour que cet ouvrage paraisse le 25 décembre. »
(Journal des débats
politiques et littéraires, mardi 15 décembre 1835, p. 3)
Rentré de Londres le 25
décembre 1835, Ladvocat écrivit au rédacteur du Journal des
débats le lendemain :
« L'incendie de la rue du
Pot-de-Fer, qui a fait tant de malheureux, ne m'a pas épargné non
plus. J'ai appris ce désastre à Londres où m'avait appelé une
affaire majeure, le besoin de m'entendre avec M. le prince de Canino
(Lucien-Bonaparte), sur la publication de ses Mémoires,
auxquels l'illustre auteur met en ce moment la dernière main ; j'ai
l'espoir d'offrir bientôt cet important ouvrage à l'impatience des
personnes qui attendent depuis si long-temps les révélations
historiques de ce frère de Napoléon. Ce n'est qu'à mon retour à
Paris, c'est-à-dire depuis hier seulement, que j'ai pu connaître la
grandeur de la perte que m'a causé l'incendie ; une partie
considérable des livres édités par moi depuis un an a été la
proie des flammes, et
notamment la première livraison des Mémoires du Prince de
la Paix, qui devait paraître le 20 de ce mois, et dont la
publication aura certainement lieu le 18 janvier prochain.
Je serais
doublement à plaindre, Monsieur, si je n'obtenais, dans cette
fâcheuse circonstance, une part de la vive sympathie à laquelle ont
droit toutes les victimes de cette affreuse calamité. »
(Journal des débats
politiques et littéraires, lundi 28 décembre 1835, p. 3)
« Nous n'avons point à nous
justifier des retards qui ont été apportés à la publication DES
DEUX PREMIERS VOLUMES DE CES MÉMOIRES
: nos motifs d'excuse sont malheureusement trop légitimes, et le
public lui-même, loin d'en contester la valeur, a été le premier à
déplorer les nouveaux revers qui sont venus nous frapper.
Notre promptitude à réparer
des pertes impossibles à prévoir, témoignera du prix que nous
attachons à satisfaire l'impatience des lecteurs ; nous n'avons
reculé devant aucun sacrifice pour hâter la réimpression de cette
première livraison, et le peu de jours qui se sont écoulés depuis
le désastre, sembleront peut-être une preuve suffisante de notre
zèle et de notre activité.
Toutefois, si nous sommes
parvenus à reproduire en si peu de temps le texte de cette première
partie des Mémoires, il n'en pouvait être de même pour les
portraits lithographiés dont elle était accompagnée. Les flammes
les ayant consumés, et le premier tirage ayant épuisé les pierres,
nous nous sommes décidés à faire graver nos portraits sur acier,
par les artistes les plus célèbres de Londres, afin de pouvoir
répondre promptement au vœu de tous nos souscripteurs, dont le
nombre s'était considérablement augmenté depuis l'incendie : cette
circonstance nous force à publier ensemble les six portraits avec la
deuxième livraison de l'ouvrage, qui paraîtra vers la fin de
février prochain. »
(Au public, le libraire éditeur.
In Mémoires du prince de la paix. Paris, Ladvocat, 1836, t.
I, p. II-III)
Les magasins étaient assurés :
Ladvocat n'obtint donc aucune indemnité de la part de la Commission
des secours pour les incendiés.
En 1836, Casimir imprima Les
Aventures d'un renégat écrites sous sa dictée, par H.
Arnaud (1836, 2 vol. in-8), Le Château de Saint-Germain par
H. Arnaud (1836, 2 vol. in-8)
et les Mémoires du prince de la
paix Don Manuel Godoy […], traduits en français d'après le
manuscrit espagnol par J.-G. d'Esménard (1836, 4 vol. in-8),
édités avec Richard Bentley, Londres, et Casimir Monnier, Madrid.
Éverat
imprima les Mémoires du chevalier d'Éon
[…] ; par Frédéric Gaillardet (1836, 2 vol. in-8) et les
Mémoires sur la reine Hortense et la famille impériale, par
Mademoiselle Cochelet (1836-1838, 4 vol. in-8) dont les tomes III
et IV portent l'adresse du 241 place du Palais-Royal [Ier].
En 1837, Éverat
imprima le Voyage du maréchal duc de Raguse (1837, 4 vol.
in-8). Fain imprima Le Faubourg ST-Germain,
par M. le comte Horace de Viel Castel (1837, 2 vol. in-8).
Ce ne fut qu'au troisième
trimestre de 1837 que Ladvocat déménagea au 241 place du
Palais-Royal et que Casimir commença l'impression de l'Histoire
des salons de Paris […]. Par la duchesse d'Abrantès
(1837-1838, 6 vol. in-8).
Façade de Ladvocat, par Maurice Leloir Charles Nodier. Le Bibliomane. Paris, L. Conquet, 1894, p. 18
|
Aux armes de Marie-Louise, impératrice. Christie's, Paris, 21 avril 2010 : 5.250 € |
Fain fut l'imprimeur de
L'Espagne sous Ferdinand VII, par le marquis de Custine
(1838, 4 vol. in-8), de Madame la duchesse, par M. le
comte Horace de Viel Castel (1838, 2 vol. in-8) et de
Mademoiselle de Verdun, par M. le comte Horace de Viel
Castel (1838, 2 vol. in-8).
Les Mémoires et
pérégrinations d'une paria 1833-1834. Par MME
Flora Tristan (1838, 2 vol. in-8, 2e éd.) furent
imprimés par Madame Huzard, 7 rue de l'Éperon
[VIe] : il n'y a pas eu réimpression de l'ouvrage, mais
seulement substitution de nouveaux titres à ceux qui portaient le
nom de Arthus Bertrand, 23 rue Hautefeuille [VIe].
Les Mémoires d'un prisonnier
d'État au
Spielberg. Par A. Andryane (1838, 4 vol. in-8) furent imprimés
par Auguste Desrez et Cie, 24 rue Lemercier [XVIIe].
Ce fut aussi Desrez qui imprima
Mannarino ou Malte sous les chevaliers. (1775.) par
A. de Kermainguy (1839, 2 vol. in-8). Les Bourbons de Goritz
et les Bourbons d'Espagne, par le comte Robert de Custine
(1839, in-8) furent imprimés par Fain.
Casimir fut l'imprimeur de
deux ouvrages du marquis de Custine : Mémoires et voyages (1839,
2 vol. in-8) et Éthel
(1839, 2 vol. in-8).
Dauriat, par E. Lampsonius In "Un grand homme de province à Paris" Œuvres illustrées de Balzac. Paris, Maresque et Havard, 1852 |
C'est en 1839 que Balzac publia
la deuxième partie des Illusions perdues, où il décrit les
galeries de bois du Palais-Royal et dresse le portrait de Ladvocat,
sous le nom de « Dauriat », « le libraire fashionable » :
« A cette époque, les Galeries
de Bois constituaient une des curiosités parisiennes les plus
illustres. Il n'est pas inutile de peindre ce bazar ignoble, car,
pendant trente-six ans, il a joué dans la vie parisienne un si grand
rôle, qu'il est peu d'hommes âgés de quarante ans à qui cette
description, incroyable pour les jeunes gens, ne fasse encore
plaisir.
En place de la froide, haute et
large galerie d'Orléans, espèce de serre sans fleurs, se trouvaient
des baraques, ou, pour être plus exact, des huttes en planches,
assez mal couvertes, petites, mal éclairées sur la cour et sur le
jardin par des jours de souffrance appelés croisées, mais qui
ressemblaient aux ouvertures les plus sales des guinguettes hors
barrière. Une triple rangée de boutiques y formaient deux galeries.
Les boutiques de la rangée sise au milieu donnaient sur les deux
galeries, ne tiraient leur jour que des vitrages, et leur air que de
la méphitique atmosphère des deux galeries, hautes d'environ douze
pieds. Ces boutiques, ou plutôt ces alvéoles, avaient acquis un tel
prix par suite de l'affluence du monde, que la largeur de certaines
n'excédait pas six pieds, la longueur huit à dix, et leur location
coûtait mille écus. Les rangées éclairées sur le jardin et sur
la cour étaient protégées par de petits treillages verts,
peut-être pour empêcher la foule de démolir, par son contact, les
murs en mauvais platras qui formaient le derrière des boutiques. Là
donc se trouvait un espace de deux ou trois pieds où végétaient
les produits les plus bizarres d'une botanique inconnue à la
science, et mêlés à diverses industries non moins florissantes.
[…] Ces galeries étaient percées au milieu par un passage comme
aujourd'hui, et comme aujourd'hui l'on y pénétrait encore par les
deux péristyles actuels commencés avant la révolution, et
abandonnés faute d'argent. La belle galerie de pierre qui mène au
Théâtre-Français formait alors un passage étroit d'une hauteur
démesurée et si mal couvert, qu'il y pleuvait souvent. Elle était
appelée Galerie Vitrée, pour la distinguer des Galeries de Bois.
Les toitures de ces bouges étaient toutes d'ailleurs en si mauvais
état, que la Maison d'Orléans eut un procès avec un célèbre
marchand de cachemires et d'étoffes, qui, pendant une nuit, trouva
des marchandises avariées pour une somme considérable, et le
marchand eut gain de cause. Les toitures, en quelques endroits,
étaient composées d'une double toile goudronnée. Le sol de la
Galerie Vitrée, où Chevet commença sa fortune, et celui des
Galeries de Bois étaient le sol naturel de Paris, augmenté du sol
factice amené par les bottes ou les souliers des passants. En tout
temps, les pieds y heurtaient des montagnes et des vallées de boue
durcie, incessamment balayées par les marchands, et qui demandaient
aux nouveaux-venus une certaine habitude pour y marcher.
Ce sinistre amas de crottes, ces
vitrages encrassés par la pluie et par la poussière, ces huttes
plates et couvertes de haillons au dehors, la saleté des murailles
commencées, cet ensemble de choses qui tenait du camp des Bohémiens,
des baraques d'une foire, des constructions provisoires dont Paris
entoure les monuments qu'on ne bâtit pas, cette physionomie
grimaçante allait admirablement aux différents commerces qui
grouillaient sous ce hangar impudique, effronté, plein de
gazouillements et d'une gaîté folle, où depuis la révolution de
1789 jusqu'à la révolution de 1830, il s'est fait d'immenses
affaires. […] Il n'y avait là que des libraires, de la poésie, de
la politique et de la prose, des marchandes de modes et des filles
qui venaient seulement le soir. Là fleurissaient les nouvelles et
les livres, les jeunes et les vieilles gloires, les conspirations de
la tribune et les mensonges de la librairie. Là se vendaient les
nouveautés au public, qui s'obstinait à ne les acheter que là. […]
Jusqu'au jour où périt cette étrange colonie sous le marteau de
l'architecte Fontaine, les boutiques sises entre les deux galeries
furent entièrement ouvertes, soutenues par des piliers comme les
boutiques des foires de province, et l'œil
plongeait sur les deux galeries à travers les marchandises ou les
portes vitrées. Comme il était impossible d'y avoir du feu, les
marchands n'avaient que des chaufferettes, ils faisaient eux-mêmes
la police du feu : une imprudence pouvait enflammer en un quart
d'heure cette république de planches desséchées par le soleil et
comme enflammées déjà par la prostitution, encombrées de gaze, de
mousseline, de papiers, et soufflées par des courants d'air.
[…] Les libraires et les
marchandes de modes vivaient en bonne intelligence.
Dans le passage, nommé si
fastueusement la Galerie Vitrée, se trouvaient les commerces les
plus singuliers. Là s'établissaient les ventriloques, les
charlatans de toute espèce, les spectacles où l'on ne voit rien et
ceux où l'on vous montre le monde. […]
Le matin, jusqu'à deux heures
après midi, les Galeries de Bois étaient muettes, sombres et
désertes. Les marchands y causaient comme chez eux. Le rendez-vous
que s'y est donné la population parisienne ne commençait que vers
trois heures, à l'heure de la Bourse. Dès que la foule venait, il
se pratiquait des lectures gratuites à l'étalage des libraires par
les jeunes gens affamés de littérature et dénués d'argent. Les
commis chargés de veiller sur les livres exposés laissaient
charitablement les pauvres gens tourner les pages. […]
Ce terrible bazar brillait de
toute sa poésie à la tombée du jour. Des rues adjacentes, allaient
et venaient un certain nombre de filles qui pouvaient s'y promener
sans rétribution. De tous les points de Paris, une fille accourait
faire son Palais. Les Galeries de Bois étaient le Palais par
excellence, mot qui signifiait le temple de la prostitution. Les
Galeries de Pierre appartenaient à des maisons privilégiées qui
payaient le droit d'exposer des créatures habillées comme des
princesses, entre telle ou telle arcade, et à la place
correspondante dans le jardin. Les Galeries de Bois étaient pour la
prostitution, un terrain public. […]
Le libraire Ladvocat s'était
établi depuis quelques jours à l'angle du passage qui partageait
ces Galeries par le milieu, devant Dauriat, jeune homme maintenant
oublié, mais audacieux, et qui défricha la route où brilla depuis
son concurrent. La boutique de Dauriat se trouvait sur une des
rangées donnant sur le jardin, et celle de Ladvocat était sur la
cour. Divisée en deux-parties, la boutique de Dauriat offrait un
vaste magasin à sa librairie, et l'autre lui servait de cabinet.
[…]
- [...] Moi, je ne m'amuse pas à
publier un livre, à risquer deux mille francs pour en gagner deux
mille, je fais des spéculations en littérature : je publie quarante
volumes à dix mille exemplaires, comme Panckoucke, comme les
Beaudouin. Ma puissance et les articles que j'obtiens poussent une
affaire de cent mille écus au lieu de pousser un volume de deux
mille francs. Il faut autant de peine pour faire prendre un nom
nouveau, un auteur et son livre, que pour faire réussir les Théâtres
Étrangers,
Victoires et Conquêtes, ou
les Mémoires sur la révolution
qui sont une fortune. Je ne suis pas ici pour être le marchepied
des gloires à venir, mais pour gagner de l'argent et pour en donner
aux hommes célèbres. Le manuscrit que j'achète cent mille francs
est moins cher que celui dont un inconnu me demande six cents francs
! Si je ne suis pas un Mécène, j'ai droit à la reconnaissance de
la littérature, j'ai fait déjà hausser de plus du double le prix
des manuscrits. […] - Si je causais avec tous les auteurs qui
veulent que je sois leur éditeur, il faudrait fermer ma boutique, je
passerais mon temps en conversations extrêmement agréables, mais
beaucoup trop chères. Je ne suis pas encore assez riche pour écouter
les monologues de chaque amour-propre. Ça
ne se voit qu'au théâtre dans les tragédies classiques. Le luxe de
la toilette de ce terrible Dauriat appuyait, aux yeux du poète de
province, ce discours cruellement logique. » [sic]
(H.
de Balzac. Un grand homme de province à Paris, scène
de la vie de province. Paris, Hippolyte Souverain, 1839, t. I, p.
193-227)
En 1840, Ladvocat fit imprimer
par Schneider et Langrand, 1 rue d'Erfurth [VIe, supprimée
en 1866], une nouvelle édition de l' Histoire du royaume de
Naples, qui est intitulée Histoire de Naples depuis Charles
VI [sic] jusqu'à Ferdinand IV […] ; traduite de
l'italien par MM. B. et Lefebvre (1840, nouvelle édition, 4 vol.
in-8, portr.).
Il fit encore imprimer par
Eugène Dépée, à Sceaux [Hauts-de-Seine], une seconde édition des
Mémoires sur la reine Hortense et la famille impériale, par
Mademoiselle Cochelet (1841-1842, 2e éd., 4 vol.
in-8).
Les tentatives de Ladvocat pour
renouer avec le succès furent vaines : les lecteurs achetaient
désormais leurs livres chez Gosselin et chez Renduel. Ladvocat
abandonna définitivement la librairie.
Le Trésor ayant assigné
Ladvocat devant le tribunal de commerce en paiement intégral des
40.000 francs prêtés, de la valeur du gage qui lui avait été
donné et en dommages-intérêts, le jugement du 10 août 1843
repoussa la demande en paiement de la totalité de la créance et
condamna seulement Ladvocat par corps à payer 6.000 fr., montant de
la valeur du gage, et aux dépens pour tous dommages-intérêts. Dans
ses attendus, le tribunal n'a retenu que deux faillites [1832 et
1834] du libraire. Ladvocat ayant fait appel, ce jugement fut
confirmé le 20 avril 1844.
Ladvocat était
devenu l'associé de Madame Camille. Il se rendit un jour en Espagne,
où il reçut le titre de fournisseur des objets d'art de la reine
d'Espagne.
Dessin de Renard, gravé par Lavieille In L'Illustration, 14 août 1852, p. 101 |
En 1851, il présenta à la reine d'Espagne un
divan-jardinière pour le palais de Madrid, qu'il avait composé et
qu'il avait fait exécuter par Thomire, pour les bronzes, et par
Sallandrouze, pour la tapisserie. Le même meuble fut exécuté pour
le prince-président de la République Louis-Napoléon Bonaparte, au
palais de Saint-Cloud, dans le salon de Mars.
Ladvocat végéta
jusqu'au dernier jour de sa vie.
Hôtel-Dieu de Paris en 1859 |
Il finit par tomber malade et dut
quitter son appartement de quatre pièces du 48 rue de Provence [IXe]
pour l'Hôtel-Dieu [IVe]. Celui qui avait été le plus
grand éditeur de la Restauration mourut, seul, abandonné de tous,
des complications d'un ictère, le 4 septembre 1854. Il fut enterré
dans la fosse commune, le titre de la concession qu'il avait achetée
au cimetière du Père-Lachaise ayant été perdu. Madame Camille
l'aurait fait retirer de cette fosse et transporter dans un
cimetière, introuvable, où un monument convenable aurait été
érigé sur sa tombe.
Son
ami Jules Janin fut le seul à publier un article nécrologique dans
le Journal des débats
du lundi 11 septembre 1854.
Devenue aveugle,
Madame Ladvocat bénéficia des secours du gouvernement et d'une
souscription ouverte par Simon-Alexandre Ledoyen, éditeur-libraire
au Palais-Royal, 31 galerie d'Orléans. Elle décéda en son
domicile, 42 rue de Sèvres [VIIe], le 27 mai 1862.
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Philibert. Petit courrier. In Les Modes parisiennes illustrées.
Paris, Successeur d'Aubert et Cie, 27 juillet 1867, p.
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n° 11, t. LII, 9 septembre 1893, p. 321-329.
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Libraire Ladvocat. In Figaro, jeudi 14 juin 1860, p 5-6 ;
dimanche 17 juin 1860, p 4-5 ; jeudi 21 juin 1860, p 5-6 ; dimanche
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1822-1837. Essai sur la librairie romantique. Paris, Promodis,
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Rotterdam et Madrid,1854, t. XXIII, p. 252-253.
Viel
Castel Horace de. Vendredi 16 février [1855]. In
Mémoires du comte Horace de Viel Castel sur le règne de Napoléon
III. Paris, chez toutes les librairies, 1883, t. III, p. 110-112.
Merci pour ce message, toujours très intéressant.
RépondreSupprimerUne petite précision. La rue de Chartres où Constance-Sophie Aubé habitait ne peut pas être celle qui existe actuellement dans le 18e arrondissement. Elle date de 1842 et, à cette époque, c'était la campagne dans ce coin de Paris. Ne serait-pas la galerie de Chartres, une voie privée située dans le Palais Royal ? Ce serait plus logique.
Cordialement
Jean-Marc
Bien vu.
SupprimerJe l'avais remarqué, mais n'avais pas trouvé la preuve (autre mention, etc.)
de la possible adresse au Palais-Royal...
"Ne jamais remettre au lendemain ce que vous pouvez faire le jour même" ...
Va falloir que je reprenne ce problème.
C'est l'intérêt d'un blog "évolutif" : je corrige parfois mes textes précédents,
au fur et à mesure de mes nouvelles lectures.
La rue de Chartres, disparue lors de l'aménagement du Louvre, commençait rue de Rohan et se terminait place du Palais-Royal, dans le Ier arrondissement. Encore merci d'avoir relevé cette erreur.
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