samedi 20 octobre 2018

Louis-Philippe Couraud (1830-1910), collectionneur cognaçais




D’une famille originaire de Mortagne-sur-Gironde [Charente-Maritime], Louis-Philippe Couraud est né à Cozes [Charente-Maritime], le 15 août 1830.


Il était le troisième enfant d’une fratrie de quatre garçons : Pierre-Adrien-Amédée, né à Royan [Charente-Maritime], le 24 février 1827 ; Henry-Ferdinand-Aristide, né à Cozes, le 6 avril 1829 ; Xavier-Oreste, né à Cozes, le 20 décembre 1838. Tous les quatre mourront célibataires : Amédée, à Bordeaux [Gironde], doyen de la Faculté de droit, le 27 janvier 1892 ; Aristide, à Cognac [Charente], secrétaire de mairie, le 30 janvier 1912 ; Oreste, à Cozes, dans sa onzième année, le 17 octobre 1849.
Leurs parents s’étaient mariés à Royan, le 25 avril 1826 : Pierre Couraud, huissier, né à Mortagne-sur-Gironde le 25 pluviôse an VI [24 janvier 1798], et Marthe-Alzire-Clotilde Broutet, née à Royan, le 23 ventôse an X [14 mars 1802], fille de Adrien Broutet, douanier, et d’Élisabeth-Louise-Agathe Renaudet, mariés à Meschers-sur-Gironde [Charente-Maritime], le 4 messidor an V [22 juin 1797].


34 rue Gabriel Jaulin, Cognac

Appelé en famille « Gustave », Louis-Philippe Couraud s’établit en 1853 à Cognac. Modeste employé de la maison de commerce Jules Robin & Cie, rue Jarrige [34 rue Gabriel Jaulin], fondée en 1850 par André, dit « Jules », Robin-Beauregard (1815-1882) *, il consacra ses loisirs aux recherches bibliographiques et ses modestes ressources à des acquisitions variées : timbres-poste, vieux papiers, ex-libris, estampes, gravures, portraits, autographes, armes, médailles, faïences artistiques, assiettes politiques, cachets, sceaux, livres.   


Fidèle client de la librairie Élie-Felix de Valois-Émile Bourquin, successeur en 1855 de V. Gérard, place d’Armes, pour les nouveautés parisiennes, ses désirs de collectionneur le poussèrent à faire la chasse aux livres d’occasion.
Il chercha les petits ouvrages d’amateurs contemporains, les réimpressions elzéviriennes, les plaquettes de Techener, de Tross, d’Aubry, de Jannet ou de Delahaye, les éditions de Poulet-Malassis ou de Pincebourde.

Membre de la Société française des collectionneurs d’ex-libris, il fit faire trois ex-libris, deux en 1894 et un, en couleurs, en 1895 :


-         [80 x 85 mm], signé « DC » [Charles Demengeot, 48 rue de la Tour d’Auvergne, Paris IX] : D’or à la Fortune d’argent sur sa roue, sur une terrasse de sinople, au chef de gueules chargé de trois fleurs de lys d’argent, entre deux coqs affrontés, sous une banderole portant le dicton « FORTUNE SECORT LES HARDIZ », puisé dans le Roman de Renart, au-dessus de la légende « Ex libris L. P. COURAUD ».
-          [95 x 70 mm], par Henry-André [pseudonyme de Henry-André Schultz (1857-1932)] : dans un écu, un coq fécondant une poule, et le soleil et la lune grimaçants, sous une banderole portant le mot « Eclipse » et au-dessus de l’inscription « Bibliothèque érotique, 1894 ».
-    


         [125 x 75 mm], signé « L. P. C. inv. 1895  Henry André, del. et sc. » : au centre d’une ornementation Louis XV formée par des arabesques et des guirlandes de fleurs, s’entrecroisent un flambeau allumé et un carquois orné de trois fleurs de lis, au-dessous desquels est suspendu un anneau chargé de six diamants ; au-dessus se trouve un arc dont la corde est une banderole où est écrit « J’aime un cœur Fidèle » et sur lequel repose une colombe qui vient embecqueter une autre volant vers elle. Avec, en bas, la légende : « Ex-Libris L. P. Couraud ».
Daniel Salaverria, de Buenos Aires, a retrouvé la peinture décorative du XVIIIe siècle, dont s’est inspiré Louis-Philippe Couraud pour cet ex-libris : il s’agit d’une décoration commandée par le comte d’Artois au peintre Van Spaendonk (1746-1822), pour la célèbre courtisane Rosalie Duthé ; l’hôtel que ces peintures ornaient dans le quartier de la Chaussée-d’Antin [IXe] ayant été démoli, elles furent acquises par Léopold Double (1812-1881), qui les a employées à la décoration d’un boudoir dans son hôtel de la rue Louis-le-Grand [IIe].


A. Racinet. L’Ornement polychrome. Paris, Firmin-Didot et Cie, s. d., 3e édition, pl. C
(photographie BnF)


Louis-Philippe Couraud mourut en son domicile, 15 rue des Marchands, le 29 mai 1910, après avoir légué sa bibliothèque à la ville de Cognac.


« En 1910-1911, la bibliothèque [de Cognac] s’enrichit du legs Louis-Philippe Couraud (1830-1910), employé dans une maison de négoce d’eau-de-vie à Cognac et en relation avec des littérateurs cognaçais dont Marc Marchadier. Cette collection de 3.425 ouvrages se différencie de celle d’Émile Albert [(1795-1876)] par les thèmes traités et l’importance accordée à la reliure. De plus, Louis-Philippe Couraud a rédigé le catalogue de sa bibliothèque : un manuscrit en 4 tomes illustrés par Aris Lacharde. De nombreux sujets en littérature sont abordés : le théâtre, le roman, le conte et la nouvelle, du Moyen Âge au XIXe siècle, les pensées et les maximes (La Rochefoucauld, Voltaire, etc.), l’éloquence, l’art épistolaire (Mme de Sévigné), la facétie, les proverbes, la poésie en éditions des XVIIIe et XIXe siècles, la linguistique (surtout les parlers du Poitou et de la Saintonge). La section histoire contient un nombre important d’ouvrages sur l’histoire de France du XVIe au XIXe siècle, sur Louis-Philippe.
Dans la division théologie, on remarque un ensemble de traités d’auteurs de Port-Royal-des-Champs imprimés au XVIIIe siècle. Des documents concernant la Charente et la Charente-Maritime forment un ensemble important, et traitent de la géographie, de l’histoire, des célébrités, des monuments et eaux-de-vie de la région (livres devenus rares) ; on y découvre aussi des œuvres d’auteurs locaux.
Le fonds de Louis-Philippe Couraud est riche en livres illustrés d’artistes du XVIIIe siècle, dont Charles Nicolas Cochin, Charles Eisen et François Denis Nee, Antoine Coypel et le régent Philippe d’Orléans, John Pine, et d’artistes du XIXe siècle, dont Gustave Doré, Alfred Grévin, Albert Robida, Tony Johannot, Grandville, etc…
Louis-Philippe Couraud montre aussi un goût prononcé pour les livres brochés qu’il a fait relier. Ainsi, la majorité de ses livres sont en demi-reliure non rognés, tête dorée. On peut mentionner quelques reliures du XIXe siècle : celle de Cuzin pour l’Amour des livres de Jules Janin (Paris, 1866) ; trois reliures de Petit pour les Conversations nouvelles sur divers sujets de Magdeleine de Scudéry (La Haye, 1685), l’Art de connaître les femmes, avec une dissertation sur l’adultère par le chevalier Plante-Amour (La Haye, 1730) et la Correspondance inédite de Mme [sic] du Deffand (Paris, 1859). Pour marquer ses livres, Louis-Philippe Couraud a fait créer deux ex-libris : l’un dessiné par Devambez [i. e. Demengeot] et l’autre mis au point par Henry André. »
(Frédérique Martin. « Cognac. Bibliothèque municipale ». In Patrimoine des bibliothèques de France. Paris, Payot, 1995, t. 8, p. 58-61)

Bibliothèque municipale de Cognac

*André, dit « Jules », Robin-Beauregard est né au logis de Lafont, à Mérignac [Charente], le 1er décembre 1815, et est décédé au même lieu, le 11 juillet 1882.


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