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Carte de Cassini |
Les Flammarion sont originaires
d’Avrecourt [Haute-Marne], où ils furent laboureurs, de père en fils, à la
ferme de Belfays, au XVIIe siècle.
Au siècle suivant, ils épousèrent des jeunes filles des villages voisins, Is-en-Bassigny,
Recourt et Montigny-le-Roi.
Maison natale d'Ernest Flammarion, à Montigny-le-Roi |
Étienne-Jules Flammarion, né à
Montigny-le-Roi le 10 décembre 1810, tailleur d’habits, épousa, le 30 janvier
1839 à Illoud [Haute-Marne], Pauline-Françoise Lomon, née à Illoud le 25
janvier 1819, fille d’un meunier. Ils eurent quatre enfants : Nicolas-Camille,
le 26 février 1842, Céline-Berthe, le 16 octobre 1844, et Jules-Ernest, le 30
mai 1846, nés à Montigny-le-Roi ; Anne-Marie, née le 17 avril 1856 chez son
grand-oncle maternel, vigneron à Illoud. Arrivé en 1856 à Paris après un
mauvais investissement dans une tuilerie, Étienne-Jules Flammarion était devenu
concierge, 17 boulevard des Italiens [IIe, détruit ; siège
central du Crédit Lyonnais depuis 1878], au coin de la rue de Grammont, en face
de la Librairie nouvelle : celle-ci, fondée par Achille Bourdilliat
(1818-1882) en 1852, était à l’autre coin de la même rue, 15 boulevard des
Italiens [détruit ; salle Marivaux de 1919 à 1986, puis Café Grammont].
Après avoir débuté comme commis
chez un marchand de tissus de la rue du Sentier [IIe] dès l’âge de
13 ans, Ernest Flammarion devint, en 1867, représentant de commerce à la
Librairie académique Didier et Cie, 35 quai des Augustins [VIe,
ancien hôtel Feydeau de Montholon] : il était domicilié alors 10 rue des
Moineaux [Ier, disparue en 1876 à l’achèvement de l’avenue de
l’Opéra].
Photographie Eugène Atget |
Pierre-Paul Didier (1800-1865),
succédant à l’Imprimerie et librairie ecclésiastiques d’Adrien Le Clère et Cie,
avait ouvert sa librairie en 1828 sous le nom de Librairie académique
Didier ; en 1856, il avait associé ses commis Désiré Glorian et Charles
Morel sous la raison sociale Librairie académique Didier et Cie ;
il s’était retiré vers 1862 et était décédé brutalement le 2 décembre 1865 en
son domicile du 2 rue Séguier [VIe, hôtel des Didot].
Ernest Flammarion |
Le 20 septembre 1873, à Paris [VIIe],
Ernest Flammarion épousa Eugénie-Constance Conty, couturière, née à Paris le 29
avril 1850, fille de Philippe-Victor-Dieudonné Conty, ouvrier menuisier en
bâtiments, et d’Adélaïde-Marie Ladoué. Le couple eut trois enfants : Sylvie-Camille,
née à Paris [VIe] le 28 juillet 1874, qui épousa, le 22 mars 1897 à
Paris [VIe], Alfred-Louis Monprofit, né à Fismes [Marne] le 5 août
1872, fils de Louis Monprofit, chef de station au chemin de fer de l’Est, et de
Hortense Dubuisson ; Louis-Albert, né à Paris [VIe] le 20
mars 1877, qui épousa, le 2 juin 1902 à Paris [VIe],
Jeanne-Constance-Berthe Engel, née le 28 octobre 1875 à Paris [VIe],
fille de Michel Engel (1844-1916), relieur, et de Anna-Eugénie Delimoges
(1854-1923) ; Charles-Clément, né à Saint-Mandé [Val-de-Marne] le 28 septembre
1884, qui épousa, le 12 janvier 1907 à Paris [VIe], Lucienne-Éva-Catherine-Émilie-Madeleine
Engel, née à Meudon [Hauts-de-Seine] le 20 juillet 1884, fille de Michel Engel,
relieur, et de Anna-Eugénie Delimoges.
Galeries de l'Odéon Photographie Eugène Atget, BnF |
Au cours de cette année 1873, Ernest
Flammarion avait fait la connaissance du libraire Charles-Adolphe Marpon
(1838-1890), installé sous les galeries de l’Odéon [VIe], qui le prit
comme commis le 2 novembre 1874. Ernest Flammarion habitait alors 22 boulevard
Saint-Michel [VIe].
Charles Marpon était né à Nancy
[Meurthe-et-Moselle] le 26 septembre 1838, fils d’un ancien jardinier devenu imprimeur
sur mousseline. Venu tout jeune à Paris avec sa famille, il fut mis en
apprentissage dès sa sortie de l’école communale, avant d’entrer comme
conducteur de machine à l’imprimerie Dubuisson et Cie, 5 rue
Coq-Héron [Ier], imprimerie spéciale pour les entreprises de
journaux. Son frère Lucien-Alphonse Marpon (1835-1888) ayant pris la succession
du libraire Louis-Alphonse Taride (1825-1859), 4-7 galeries de l’Odéon, il
s’associa avec lui en 1867. Les deux frères rachetèrent progressivement les
boutiques qui se libérèrent sous les arcades de l’Odéon. En 1869, Charles
Marpon resta seul maître, son frère étant plus intéressé par les spéculations
boursières. Pendant la guerre de 1870, il conserva ses employés et vint même au
secours de l’un de ses confrères, en lui achetant d’un coup plusieurs milliers
de volumes.
« Quand je me suis associé
avec Charles Marpon en 1873, un de ses frères, qu’on appelait le major, était
installé dans la petite guérite qui servait de caisse, bureau, comptabilité,
etc. Il faut ajouter que cette dernière ne se composait que d’un seul registre
et que, l’hiver, les inscriptions devaient se faire au crayon, l’encre étant
gelée dans l’encrier. Le major était un ancien sergent des grenadiers de la
garde, qui avait eu l’honneur d’apprendre les premiers maniements du chassepot
au petit prince, le fils de Napoléon III.
Nous avions comme voisin et
confrère le brave père Hurtau de qui nous devions reprendre le fonds quelques
années plus tard. C’était un amoureux du livre et il collectionnait tellement
que l’achat de son stock nous a effrayés au premier abord.
Brasseur louait depuis déjà longtemps
les journaux dans un cabinet de lecture d’au moins quatre mètres de surface, où
une dizaine de lecteurs se sentaient les coudes. Le journal à un sou a tué
cette industrie.
Notre librairie se composait
alors de trois arcades seulement et c’était un continuel casse-tête de placer
dans un aussi petit espace la quintessence d’une bonne librairie
d’assortiment. »
(Ernest Flammarion. « Les
Galeries de l’Odéon ». In Le Gaulois, lundi 26 mars 1900, p. 1)
Galeries de l'Odéon et rue Rotrou-rue de Vaugirard |
Le 24 juin 1875, Charles Marpon
et Ernest Flammarion s’associèrent pour développer les ventes de livres au
rabais et agrandir la maison : aux 1 à 7 galeries de l’Odéon et au 4 rue
Rotrou [VIe] s’ajoutèrent les succursales du 3 boulevard
Saint-Martin [IIIe, Librairie populaire de la Ruche], dès 1875, et du
10 boulevard des Italiens - 2 passage de l’Opéra [galerie du Baromètre, IXe ;
Eugène Rey (1869-1949), libraire boulevard des Italiens, puis rue Drouot, y fut
commis vers 1884 ; détruit en 1925] en 1876.
Ils publièrent bientôt leur
premier livre : La Corde au cou (1876), du caricaturiste André
Gill. Suivirent en 1877 : La Grande Symphonie héroïque des punaises,
par Nadar et Charles Bataille,
et Voyage aux pays annexés, par Victor
Tissot, où ils se présentèrent pour la première fois comme éditeurs. Ernest
Flammarion habitait alors 4 rue Rotrou.
A l’époque, Marpon et Flammarion
commencèrent à séjourner, pendant l’été, à Pornichet [Loire-Atlantique] où Philippe
Toubon, libraire 21 rue des Grands Augustins [VIe], avait ouvert en
1875 les portes de l’Hôtel des Bains et de la Plage [aujourd’hui Résidence de
la Plage, 70 boulevard des Océanides].
Famille Taride, dans la villa "Ker Marie", à Pornichet |
D’autres libraires, comme Jules Taride
(1832-1895) et Georges Charpentier, firent construire à Pornichet leurs
résidences de vacances, contribuant à la notoriété de la commune et de sa
plage, qui jouxte celle de La Baule et qui fut surnommée la « Plage des Libraires ».
Par suite d’arrangements
intervenus entre Marpon et Flammarion d’une part et la Librairie internationale
A. Lacroix [Albert Lacroix (1834-1903)] et Cie, 13 rue du Faubourg
Montmartre [IXe], premier éditeur d’Émile Zola, d’autre part, Marpon
et Flammarion furent chargés de la vente exclusive des ouvrages du fonds de la
Librairie internationale, ainsi que de leur exploitation à partir du 1er
avril 1878.
Engagé comme commis par
solidarité régionale, Auguste Vaillant, né le 21 mai 1853 à Bourmont [Haute-Marne],
épousa, le 30 novembre 1878, Anne-Marie Flammarion, née à Illoud le 17 avril
1856, sœur d’Ernest Flammarion, domicilié alors 20 rue de Vaugirard [VIe].
Le succès des éditions de Marpon
et Flammarion vint avec la première édition illustrée de L’Assommoir
(1878) par Émile Zola,
l’Astronomie populaire (1879) par Camille
Flammarion, l’Histoire de la Révolution française (1879, 9 vol.) et l’Histoire
de France (1879, 19 vol.) par Jules Michelet, suivi par le Précis de la
Révolution française (1881), par le même. Les livres illustrés furent
souvent vendus en fascicules.
En 1881, Marpon et Flammarion
inaugurèrent la « Collection des grands historiens contemporains
étrangers » avec Histoire de la civilisation en Angleterre (3 vol.),
par Henry-Thomas Buckle, traduite de l’anglais par A. Baillot. Les deux
associés installèrent d’autres succursales, dont celle du 14 rue Auber [IXe].
« Le matin, les effluves
odorants du Luxembourg se changeaient parfois en bourrasques qui faisaient
voltiger les livraisons de la Géographie de Reclus, de la Nature
et de l’Astronomie populaire, dont les trois grandes piles formaient
l’avant-garde des séries illustrées.
A dix heures, Marpon arrivait du
Voltaire, dont il était administrateur, et m’apportait le dernier mot de
Scholl à son ami Camille Etiévant. Un des premiers visiteurs quotidiens était
M. de Bullemont, secrétaire général de la Préfecture de police, souscripteur
fidèle à la Bibliothèque littéraire de Lemerre et à la collection artistique de
Jouaust, dont les premiers volumes faisaient prime aussitôt leur apparition.
Puis c’était Asseline, se rendant à une commission du conseil municipal installé
au Sénat pendant l’exil des deux Chambres à Versailles ; Larroumet, qui
faisait son cours de rhétorique au lycée Henri IV ; O. Sainsère, Joanne,
allant chez Hachette corriger les épreuves de ses Guides ; Théodore
de Banville, qui venait fouiller dans les boîtes de livres d’occasion.
A midi je descendais dans la
petite boutique de la rue Rotrou où le gazouillement de ma fille – depuis Mme
Monprofit – effaçait les soucis de la matinée. Cette boutique était placée
entre le grand café Tabourey, qui faisait le coin de la rue Vaugirard, où
Barbey d’Aurevilly et François Coppée prenaient leur apéritif, et la brasserie
Schaller, où André Gill et Jules Vallès se faisaient un malin plaisir de
terrifier les consommateurs par l’annonce d’une nouvelle Commune !
A deux heures apparaissait la
silhouette majestueuse de Leconte de Lisle faisant sa promenade quotidienne des
galeries, puis Bourget venant recommander la bonne exposition de son premier
né : la Vie inquiète ; Léon Bourgeois, Savary, futur
sous-secrétaire d’Etat, disparu aussi vite qu’il était monté dans les sphères
gouvernementales ; Alphonse Daudet et son éditeur et ami Georges
Charpentier, dont j’ai conservé la photographie prise à leur insu devant
l’étalage de livres ; Paul Meurice, avec qui nous étions en affaire
d’édition pour les volumes in-18 de l’Homme qui rit et des Travailleurs
de la Mer, de Victor Hugo ; Duquesnel et son acteur favori Porel, qui
devait devenir à son tour directeur de l’Odéon. Il avait succédé à La Rounat
que j’aidais à monter en voiture avec ses béquilles. Une chute malheureuse
l’avait estropié. […]
Vers six heures, nous nous
égayions des rendez-vous discrets dont les seuls habitués reconnaissaient les
favorisés. Cela était si commode d’attendre le bien-aimé en feuilletant les nouveautés !
A la même heure, Verlaine montait à l’Académie – celle de la rue
Saint-Jacques ; Camille Flammarion se dirigeait vers l’Observatoire, en
revenant de chez Gauthier-Villars, où il publiait alors la suite des Etudes
et Lectures de l’illustre Babinet.
Le soir, le Parnasse nous
apparaissait avec Albert Mérat et Mendès débordant d’enthousiasme, avec ce bon
sourire des yeux que nous retrouvons toujours chez ce bon Catulle ;
Richepin, suivi de son fidèle Raoul Ponchon ; Octave Uzanne et son ami Rochard,
tenant en laisse un superbe chien ; Paul Arène, Brunetière, Jules Roche et
Pichon, le petit Pichon, comme on l’appelait ; il est actuellement le
représentant de la France à Pékin. »
(Ernest Flammarion. Ibid.)
Bibliothèque de Camille Flammarion, à Juvisy-sur-Orge |
Ce fut en 1882 que Camille Flammarion
hérita d’un mécène la propriété de Juvisy-sur-Orge [Essonne], qu’il transforma
en observatoire. Au premier étage furent installés ses appartements privés.
Près de la volée d’escalier, se trouvaient un couloir tapissé de livres, la
bibliothèque et le bureau. Le décor des boiseries de la bibliothèque était
recherché : douze signes du zodiaque, douze instruments d’astronomie et autant
d’emblèmes scientifiques ou littéraires y furent sculptés. La bibliothèque
aurait contenu un exemplaire de son ouvrage Dans le ciel et sur la terre (Paris,
C. Marpon et E. Flammarion, 1886) – et non Les Terres du ciel, comme il
a été dit-, relié avec la peau des épaules de la comtesse de Saint-Ange et
portant en lettres d’or « Souvenir d’une morte ».
Marque de Marpon et Flammarion |
En mars 1882, Marpon et
Flammarion achetèrent l’Imprimerie Arnous de Rivière, 26 rue Racine [VIe], près l’Odéon, et s’y installèrent. Trois
ans plus tard, ils se rendirent acquéreurs de l’Imprimerie Tolmer, 3 rue Madame
[VIe].
L’éditeur Georges Charpentier,
qui se trouvait depuis 1879 dans une situation financière précaire, avait dû
faire appel à des financements extérieurs. Après l’échec de négociations avec
Calmann-Lévy, il se tourna vers Marpon et Flammarion : il leur céda la
moitié de sa maison en 1883, devant alors leur soumettre ses choix en matière
d’édition. Mais il ne parvint jamais à apurer complètement ses comptes et dut
céder à ses associés des parts du capital à plusieurs reprises : en 1884,
Marpon et Flammarion étaient devenus propriétaires des trois quarts de la Société
G. Charpentier et Cie.
Le 25 août 1883, à Paris [IXe],
Charles Marpon épousa Marie-Ernestine Poux, née à Champagnole [Jura] le 25
avril 1848, fille de Pierre-Ambroise Poux, voiturier, et de Joséphine
Michoudet, ménagère : ils reconnurent alors leur fille
Jeanne-Léonie-Marie, née quinze ans auparavant, le 29 janvier 1868.
En cette année 1883, Ernest
Flammarion possédait une résidence secondaire à Saint-Mandé [Val-de-Marne], 39
avenue Daumesnil.
On trouvait alors au catalogue Marpon
et Flammarion des ouvrages aussi divers que le Bréviaire de l’amour
expérimental (1882), par le Dr Jules Guyot ;
le Dictionnaire de
l’argot des typographes (1883), par Eugène Boutmy ;
Les Tireurs au
pistolet (1883), par le baron de Vaux ; Les Églises de Paris (1883),
par Viollet-le-Duc ; La Navigation aérienne (1885), par
Augustin-Henry et Augustin-Frédéric Hamon,
ou La Vie de Victor Hugo
(1886), par Alfred Barbou, éditée avec Georges Charpentier.
Le romancier Alexis Bouvier confia
à Marpon et Flammarion Le Bel Alphonse (1883),
Hector Malot La
Petite Sœur (1884)
et Guy de Maupassant les Contes du jour et de la
nuit (1885) et Toine (1885).
Les livres de cuisine firent
leur entrée avec La Cuisine à l’usage des ménages (1884), par le
baron Brisse.
Marpon et Flammarion publièrent Les
Gaîtés de l’escadron (1886), le premier livre de Georges Courteline ;
La
Belle Nivernaise. Histoire d’un vieux bateau et de son équipage
(1886), par Alphonse Daudet ; La France juive. Essai d’histoire
contemporaine (1886, 2 vol.), traité antisémite qui fit scandale, par Édouard
Drumont ;
Le Monde avant la création de l’homme (1886), par Camille
Flammarion,
suivi de La Création de l’homme (1887), par Henri Du
Cleuziou, dans la collection « Bibliothèque scientifique populaire ».
Ils lancèrent un Dictionnaire
populaire de médecine usuelle d’hygiène publique et privée (1887, 2
vol.), par le Docteur Paul Labarthe.
La même année 1887, ils créèrent
la collection des « Auteurs célèbres », à 60 centimes, avec Lumen,
par Camille Flammarion, et Thérèse Raquin, par Émile Zola :
riche d’environ deux cents titres en 1890, cette collection s’arrêta en 1912,
après six millions d’exemplaires vendus.
Les Femmes d’amis, par
Georges Courteline [né Georges Moinaux],
Photographie BnF |
et Les Gaîtés bourgeoises, par
son père Jules Moinaux [né Joseph-Désiré Moinaux], inaugurèrent en
1888 une collaboration avec l’illustrateur Théophile-Alexandre Steinlen
(1859-1923).
Marpon et Flammarion donnèrent Sur l’eau (1888), par Guy de
Maupassant,
une « Bibliothèque de la vie moderne » avec Le
Mahatma (1888), par Gaston Bussy et Gaston Lèbre,
Les Premières Civilisations
(1889), par Gustave Le Bon, et le Mariage riche (1889),
par Hector Malot.
Le 24 octobre 1887, Jeanne-Léonie-Marie
Marpon avait épousé Noël-Eugène Fasquelle, secrétaire de la « Bibliothèque
Charpentier » depuis 1886, né à Paris [Xe] le 28 mars 1863,
fils de Léon-Alfred Fasquelle (1835-1917), architecte, et de Joséphine Charlot.
Parmi les témoins se trouvaient Georges Charpentier, éditeur, chevalier de la
Légion d’honneur, demeurant 11 rue de Grenelle [VIIe], Arsène
Houssaye, homme de lettres, officier de la Légion d’honneur, 49 avenue de
Friedland [VIIIe], et Ernest Flammarion, éditeur, 26 rue Racine.
Dans la « Collection
Guillaume », qui se composait d’ouvrages publiés aussi chez d’autres
éditeurs [Calmann Lévy, Dentu, Édouard Guillaume, Lemerre], Marpon et
Flammarion publièrent :
Tartarin sur les Alpes (1886),
Tartarin
de Tarascon (1887),
Sapho, mœurs parisiennes (1887),
Trente
ans de Paris (1888),
Jack
(1889),
La Faute de l’abbé Mouret (1890),
Port-Tarascon, dernières aventures de l’illustre Tartarin
(1891),
L’Obstacle, pièce en 4 actes (1891),
Daphnis et Chloé (1892),
Rose et
Ninette. Mœurs du jour (1892).
Après la mort de Charles Marpon,
arrivée le 25 juin 1890 en son domicile du 24 boulevard Poissonnière [IXe],
Ernest Flammarion céda à Eugène Fasquelle l’intégralité des droits de la
Société Marpon et Flammarion dans la Société G. Charpentier et Cie :
la Société G. Charpentier et E. Fasquelle fut alors créée.
Au mois de septembre 1890,
Flammarion engagea comme commis un autre haut-marnais, le futur éditeur Albin
Michel (1873-1943), qu’il confia à Auguste Vaillant.
Le 1er octobre 1891,
Flammarion acquit, à un prix dérisoire, le fonds de l’éditeur Damase Jouaust
(1834-1893) qui, découragé, quittait les affaires.
La même année 1891, Flammarion
lança une collection « Bibliothèque pour tous », à 75 centimes, avec
des titres comme Manuel complet de tous les jeux de cartes, par Adhémar
de Longueville, ou Manuel du serrurier, par L. Therrode.
Le catalogue Flammarion s’étendit
en 1892 avec la collection « Les Auteurs gais », inaugurée par Pas
de bile ! d’Alphonse Allais,
suivi, en particulier, par Georges
Courteline : Messieurs les ronds-de-cuir (1893), Un client
sérieux (1897).
Jules Renard donna Poil de
carotte en 1894, illustré par Félix Vallotton (1865-1925).
Le 29 juin 1895, Flammarion
s’associa avec son beau-frère Auguste Vaillant (1853-1921) pour la gestion des
librairies, lui-même s’occupant de la maison d’édition. Flammarion apportait
ses huit librairies : galeries de l’Odéon, rue Rotrou-rue de Vaugirard, boulevard
des Italiens, rue Auber [fermée en 1929], boulevard Saint-Martin, rue du Faubourg-Saint-Honoré
[VIIIe, ouverte en 1890 et cédée en 1896 au fils de sa sœur Berthe ;
une autre ouvrira dans la même rue en 1924], rue de Marengo [Ier,
achetée en 1887] et Versailles [achetée en 1890, rétrocédée en 1898]. Vaillant
apportait deux librairies : avenue de l’Opéra [IIe], achetée
aux successeurs de Dentu, et rue de Rennes [VIe].
Bibliothèque des Chemins de Fer |
En 1896, ce réseau s’agrandit momentanément
d’une partie des bibliothèques de gare, Flammarion ayant réussi à contester à
Hachette une exclusivité qui entravait la distribution de son catalogue
populaire, mais il les céda à Hachette en 1903.
En 1897, Albin Michel fut nommé
gérant de la succursale de l’avenue de l’Opéra. Il aurait pu y rester encore de
nombreuses années s’il ne s’était décidé à se marier en 1901 et à quitter
Flammarion et Vaillant qui lui avaient refusé une association.
Le Havre, place Gambetta |
Les dix fonds de commerce parisiens
et versaillais furent étendus aux boutiques de Le Havre, à l’angle de la rue de
Paris et de la place Gambetta, en 1906 [transférée place de l’Hôtel de Ville en
1910],
Lyon, place Bellecour (photographie de 1946) |
et Lyon, à l’angle de la place Bellecour et de la place Antonin Poncet,
en 1908 [vendue en 1999]. La librairie de Marseille, rue Paradis, achetée en
1891, fut revendue, puis reprise et fermée en 1987.
26 et 28 rue Racine, à Paris |
Reprenant l’immeuble du 28 rue
Racine, Flammarion fit démolir les 26 et 28 rue Racine pour faire construire en
1899 un nouvel immeuble par l’architecte Alfred Fasquelle, père d’Eugène
Fasquelle.
Le « Boucicaut du livre » - surnom donné à Ernest
Flammarion par Octave Uzanne à cause de ses rabais systématiques sur le prix
marqué des volumes -, y emménagea au début de l’année 1900.
Les romans d’aventures
militaires de l’officier Émile Driant, qui utilisait le pseudonyme « Capitaine
Danrit », anagramme de son nom, afin d’éviter la censure, furent des succès
de librairie : La Guerre de demain (1888-1893, 6 vol.), L’Invasion
noire (1894), La Guerre fatale (1902, 3 vol.), Robinsons de l’air
(1908), Robinsons sous-marins (1908), L’Aviateur du Pacifique (1909),
L’Invasion jaune (1909, 3 vol.), L’Alerte (1910), Un
dirigeable au pôle Nord (1910), Au-dessus du continent noir (1911).
Flammarion publia en 1897 la
traduction de Vers le pôle de Fridtjof Nansen et, en 1906, les
récits des expéditions polaires du commandant Jean-Baptiste Charcot. Léon
Daudet lui confia en 1901 un roman fantaisiste et antisémite : Le Pays
des parlementeurs.
En 1898, Flammarion commença à
publier la romancière Sibylle Riquetti de Mirabeau, dite « Gyp » :
Israël fut le premier d’une série de quatre ouvrages.
En 1900, il enrichit son
catalogue de livres de cuisine avec l’École des cuisinières, par
Urbain-Dubois.
Une collection « Bibliothèque
de philosophie scientifique » fut lancée en 1902 par le Dr Gustave Le Bon,
avec Psychologie de l’éducation : 108 titres furent publiés dans
cette collection en douze ans.
Le 2 juillet 1909, Flammarion
fit entrer ses fils Albert Flammarion (1877-1937) et Charles Flammarion
(1884-1967) comme associés dans la maison d’édition : le comportement de
son gendre, Alfred Monprofit (1872-1957), lui valut d’être écarté.
Dès le 30 juillet 1909 fut
annoncé un livre de Pierre Souvestre et Auguste Wimille, La Traversée
de la Manche en aéroplane, avec une préface de Louis Blériot, qui avait traversé
la Manche pour la première fois le 25 juillet.
Parmi les sujets de société,
Flammarion publia Le Mariage des prêtres (1911), par l’abbé Jules
Claraz.
Le 14 janvier 1913, Flammarion
et Vaillant formèrent une nouvelle Société pour les librairies, en faisant
entrer chacun leurs fils : Albert et Charles Flammarion, Georges et Jean
Vaillant, et Paul Delloue, gendre d’Auguste Vaillant. La Société géra désormais
onze librairies, dont trois en province. Au cours de l’année, les Flammarion
lancèrent la collection « Bibliothèque de culture générale » : Le
Perfectionnement des plantes (1913), par L. Blaringhem, et Le
Problème de Jésus (1913), par Charles Guignebert, furent parmi les
premiers titres.
Cette même année parut L’Envers du music-hall, par
Colette (Colette Willy).
Ce fut aussi en 1913 que les
Flammarion confièrent la direction littéraire de leur maison aux frères Max
Fisher (1880-1957) et Alex Fischer (1881-1935), romanciers d’origine suisse.
Le
1er février 1914, ils créèrent la nouvelle « Select-Collection », à
50 centimes, avec La Guinguette, par Gyp.
En 1915, Charles-Henry Hirsch
donna la Mariée en 1914 et Tristan Bernard publia Le Poil civil, gazette
d’un immobilisé pendant la guerre.
Le 15 décembre 1916, Le Feu,
par Henri Barbusse, obtint le prix Goncourt.
Au
seuil des guitounes (1918), La Boue (1921)
et Les Éparges
(1923).
Le prix Femina 1918 alla à Henri Bachelin pour Le Serviteur.
Une nouvelle collection, « Une
heure d’oubli », à 45 centimes, fut lancée en 1919, avec Profil de
veuve, par Paul Bourget.
En 1922, Flammarion lança une « Bibliothèque
des connaissances médicales », sous la direction du Docteur Apert, et une
nouvelle collection, « Les Histoires drôles ».
La même année, parut La
Garçonne, par Victor Margueritte, qui fit scandale et qui fut un énorme
succès de librairie ; Le Fruit mûr et Mitsi, par Marie
et Frédéric Petitjean, sous le pseudonyme de « Delly » ; L’Impossible
Rédemption, par Thérèse de Marnyhac, sous le pseudonyme de « T. Trilby ».
Avec Le Blé en herbe (1923),
Colette signa pour la première fois de son seul nom ; de 1924 à 1928, elle
donna La Vagabonde, La Femme cachée, Aventures
quotidiennes, La Fin de Chéri et La Naissance du jour.
À la même époque furent publiés :
La Possession (1927) et Les Deux Baisers (1930), par
Raymonde Machard ; L’Ennemie intime (1931) et Mariage (1933),
par Marcelle Tinayre ; La Marche funèbre (1929) et Le Chef
(1930), par Claude Farrère.
La collection « Éducation »
vit le jour en 1927, sous la direction de Paul Faucher, avec Trois
pionniers de l’éducation nouvelle, par Adolphe Ferrière.
En 1928, Max Fischer reprit La
Chair et le Sang, par François Mauriac, et l’année suivante, Préséances ;
en 1931, il obtint un inédit, Le Jeudi-Saint, dans la nouvelle
collection « Les Belles Fêtes ». De Paul Morand, il publia Paris-Tombouctou (1928), Hiver
caraïbe (1929), New York (1930) et A.O.F.
De Paris à Tombouctou (1932) ; de Mac Orlan, Nuits aux
bouges (1929) et La Légion étrangère (1933). Jules
Romains publia Les Hommes de bonne volonté (27 tomes de 1932 à
1946).
D’autres succès suivirent :
Le Nouveau Savoir-Vivre (1930), par Paul Reboux ; Les Dernières
Années de l’impératrice Eugénie (1933), par Octave Aubry ; Napoléon
et l’amour, par Frédéric Masson ; la collection « Les Albums du
Père Castor » ;
Comment je vois le monde (1934), par
Albert Einstein, et L’Évolution des idées en physique (1938),
par Albert Einstein et Léopold Infeld ; L’Âme allemande (1933),
par Louis Reynaud.
Le 2 janvier 1919, Ernest
Flammarion avait pris sa retraite, au profit de ses deux fils. La Société prit
le nom de « Librairie Ernest Flammarion », qu’elle conserva jusqu’en
1996. Albert Flammarion s’occupa plus particulièrement des librairies et
Charles Flammarion des éditions.
Auguste Vaillant mourut le 24
juin 1921, des suites d’une opération chirurgicale intestinale. Ses héritiers
restèrent associés dans les librairies mais, suite à des contestations sur ce
qui leur revenait, ils acceptèrent de revendre progressivement leurs parts aux Flammarion,
qui rachetèrent également celles de leur père.
La librairie de Bordeaux, cours
Georges Clemenceau, fut ouverte en 1924, celle de l’avenue Victor Hugo, à Paris
[XVIe], en 1925.
En 1928, une brouille entre les
deux frères Fischer entraîna les Flammarion dans un long procès : seul Max
Fischer resta directeur littéraire ; les Flammarion furent condamnés
solidairement à indemniser Alex Fischer.
L’épouse d’Ernest Flammarion, Eugénie
Conty, mourut le 2 février 1928 à Monte-Carlo [Monaco]. Sa succession ouvrit un
conflit avec leur fille Sylvie Flammarion, qui revendiqua son héritage. Ernest
Flammarion, qui avait institué ses fils légataires universels et précisé dans
son testament que la part de sa fille devait être « limitée au
minimum que la Loi m’oblige à lui laisser », dut négocier et proposa de
régler sa propre succession par anticipation. Le conflit dura cinq ans jusqu’à
un accord qui dédommagea Sylvie Flammarion.
Ernest Flammarion vécut avec une
rente jusqu’à son décès le 21 janvier 1936, au 28 rue Racine. Il fut inhumé au
cimetière du Montparnasse [27e division].
Photographie BnF (1925) |
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