Fils de Henri d’Aguesseau (1636-1716), intendant de Limoges [Haute-Vienne], et de Claire-Eugénie Le Picart de Périgny († 1713), Henri-François d’Aguesseau naquit à Limoges le 27 novembre 1668 – sa maison natale est aujourd’hui au n° 15 de la rue du Consulat.
Henri d'Aguesseau (1636-1716) |
Le portrait de son père est souvent faussement donné comme étant celui du chancelier, que le duc de Saint-Simon décrivait ainsi : « Daguesseau, de taille médiocre, fut gros, avec un visage fort plein et agréable, jusqu’à sa dernière disgrâce, et toujours avec une physionomie sage et spirituelle, un œil pourtant bien plus petit que l’autre. » [sic] (Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon. Paris, Sautelet et Cie, 1829, t. XIV, p. 337)
Henri-François d'Aguesseau (1668-1751) |
Henri-François d’Aguesseau fut reçu avocat du Roi au Châtelet le 29 avril 1690, avocat-général au Parlement le 12 janvier 1691 et procureur-général le 19 novembre 1700, puis fut nommé à la dignité de chancelier de France le 2 février 1717, pour laquelle il prêta serment au Roi le lendemain. Disgracié et exilé en 1718, pour s’être opposé au système de Law, il le fut de nouveau en 1722. Élu honoraire de l’Académie royale des sciences le 24 avril 1728 et commandeur des Ordres du Roi le 31 juillet 1736, il mourut à Paris le 9 février 1751.
Il a été inhumé dans le cimetière de la paroisse d’Auteuil, auprès d’Anne-Françoise Le Fèvre d’Ormesson (1678-1735), sa femme, qu’il avait épousée le 4 octobre 1694, fille d’André Le Fèvre d’Ormesson, maître des requêtes, intendant de Lyon, et de Éléonore Le Maître de Bellejamme.
Le monument d’Aguesseau est resté au même endroit où il avait été érigé en 1753, aujourd’hui place de l’église d’Auteuil (XVIe), à l’emplacement de l’ancien cimetière. De leur mariage sont nés : Henri-François-de-Paule, en 1698 ; Claire-Thérèse, en 1699 ; Jean-Baptiste-Paulin, en 1701 ; Henri-Louis, en 1703 ; Marie-Anne, en 1709 ; Henri-Charles, en 1713.
Gallican d’éducation janséniste, il s’opposa à l’ingérence du Saint-Siège et soutint le Parlement contre Louis XIV dans l’affaire de la bulle Unigenitus. Il rédigea trois ordonnances : sur les donations (1731), les testaments (1735) et les substitutions (1747), dont plusieurs articles ont passé dans le Code civil.
On lui doit des ouvrages d’érudition, sur des sujets d’histoire et de philosophie.
18, rue Séguier |
Il eut deux résidences à Paris – l’hôtel d’Aguesseau, aujourd’hui 18 rue Séguier (VIe),
hôtel de Bourvallais |
et l’hôtel de Bourvallais, aujourd’hui ministère de la Justice, 11-13 place Vendôme (Ier) – et trois résidences à la campagne : une maison à Auteuil, voisine de l’église, à partir de 1727 ;
château de Puiseux-le-Hauberger |
le château de Puiseux-le-Hauberger [Oise] ;
le château de Fresnes-sur-Marne [Seine-et-Marne], aujourd’hui disparu.
Le chancelier d’Aguesseau s’était formé une des plus remarquables bibliothèques de son époque, de plus de 20.000 ouvrages, dont la valeur a été estimée 50.210 livres à son décès. Dans la plupart des cas, la bibliothèque des parlementaires représentait alors un capital inférieur à 20.000 livres.
Tous les volumes portaient ses armes sur les plats – « D’azur, à deux fasces d’or, accompagnées de six coquilles d’argent, 3, 2 et 1. » – avec des masses, insignes de sa qualité : bâtons décorés dont la forme rappelle une masse d’armes.
La Guérinière. L'Ecole de cavalerie (Paris, J. Collombat, 1733, in-fol.) Paris, Drouot, 27/05/2010 : 32.000 € [n° 2.733 du Catalogue de 1785, vendu 30 livres le samedi 30/04/1785) |
Quelquefois, les plats n’ont pas d’armes et ne se font reconnaître que par les coquilles mises aux angles,
et les masses et les coquilles au dos.
Almanach royal (Paris, Le Breton, 1764, in-8) Aux armes de Henri-François-de-Paule d'Aguesseau Paris, Drouot, 16/10/2012 : 1.246 € |
À sa mort, son fils aîné, Henri-François-de-Paule d’Aguesseau (Paris, 1698-31 décembre 1764), hérita de toute sa bibliothèque. Il fut successivement avocat du roi au Châtelet, avocat-général au Parlement, conseiller d’Etat en septembre 1729, conseiller au Conseil royal de commerce en 1757 ; il a épousé, le 4 avril 1729, Françoise-Marthe-Angélique de Nollent, fille de Jean de Nollent, seigneur d’Hesbertot, et de Marie-Magdelène-Angélique de Nollent, dame de Trouville-sur-Mer.
Armes de Jean-Baptiste-Paulin d'Aguesseau |
Mais léguée « à charge d’une substitution purement masculine », cette bibliothèque passa ensuite aux mains de son second fils, Jean-Baptiste-Paulin d’Aguesseau (Paris, 25 juin 1701-8 juillet 1784), comte de Compans et de Maligny, successivement conseiller au Parlement, commissaire en la seconde Chambre des Requêtes du Palais, maître des Requêtes, conseiller d’État ordinaire, en 1734, doyen du Conseil, prévôt-maître des cérémonies de l’Ordre du Saint-Esprit. Il a épousé : 1° le 29 février 1736, Anne-Louise-Françoise du Pré, dame de la Grange-Bleneau, morte le 13 février 1737. 2° le 16 août 1741, Marie-Geneviève-Rosalie le Bret, morte en novembre 1759. 3° le 4 novembre 1760, Gabrielle-Anne de la Vieuville.
Les deux fils du chancelier n’enrichirent guère le fonds légué par leur père : leurs livres se distinguent par les ornements extérieurs de l’écu.
La vente de cette bibliothèque eut lieu du lundi 14 février au lundi 2 mai 1785, en 57 vacations, en son hôtel, rue Saint-Dominique, faubourg Saint-Germain, près les Jacobins [ancien hôtel de Gournay, aujourd’hui occupé par l’ambassade du Paraguay, 1 rue Saint-Dominique, VIIe].
hôtel de Gournay |
Le Catalogue des livres imprimés et manuscrits, de la bibliotheque de feu Monsieur d’Aguesseau, doyen du Conseil, commandeur des Ordres du Roi, &c. (Paris, Gogué et Née de La Rochelle, 1785, in-8, xxxvj-12-366-[1]-[1 bl.] p., 5.583 lots) nous renseigne sur l’origine et l’intérêt des ouvrages :
« On s’apperçoit par la recherche des beaux exemplaires des Poëtes & des Orateurs grecs & latins, qui formerent le premier fonds de la Bibliotheque de Monsieur le Chancelier, de sa prédilection pour la belle Littérature ; & nous avons la preuve qu’il en fit une étude profonde, par le soin qu’il prit de se munir des meilleurs Grammairiens, des Glossateurs, & de tous les bons Critiques anciens & modernes. Ce fut sans doute dans sa jeunesse qu’il devint propriétaire de la plus grande partie de la Bibliotheque de Claude Chrestien, fils de Florent Chrestien, qui étoit aussi bon Poëte qu’excellent Humaniste. Il y trouva les Auteurs grecs & latins les plus estimables, & plusieurs Manuscrits originaux de Jean Passerat, si connu par sa Muse agréable & facile. […]
L’étude de la Jurisprudence Civile & Canonique, celle du Droit public de France & des Etats voisins, le fixerent successivement ; […] Monsieur D’Aguesseau crut qu’il profiteroit beaucoup dans la société même des Jurisconsultes ; c’est ce qui le détermina à former des liaisons avec les plus savans Avocats de son siecle ; & quand la mort venoit à en surprendre quelqu’un, il faisoit en sorte d’acquérir ses Manuscrits. Il eut, par ce moyen, ceux de Mrs. Chuppé, Nublé, Langlois, Germain, Dupré, Loger, Avocats d’un mérite distingué. Il se procura les décisions manuscrites qui avoient servi à la composition des Ordonnances Civile & Criminelle de Louis XIV. Il obtint les Arrêtés fameux des Conférences sur la Coutume de Paris, que l’illustre premier Président De Lamoignon tenoit chez lui […]. Il fit copier presque tous les Ecrits du célebre Avocat Général Denis Talon, […]
Il rechercha l’amitié de M. Toinard, qui nous a donné une si belle Concordance des Evangélistes. Après la mort de ce Savant, il recueillit ses Manuscrits ; […]
Amateur de toutes les branches de la Littérature & des Sciences, M. D’Aguesseau se procura quelquefois des Livres rares & singuliers ; mais l’occasion seule le décida pour ces emplettes, & non la fantaisie, car il préfera toujours les Ouvrages qui, au mérite de la rareté, joignoient encore celui de l’utilité. Il acquit aussi beaucoup de Manuscrits importans de la Bibliotheque de M. Rousseau, Auditeur des Comptes ; il en orna la sienne, & put montrer aux Bibliomanes des raretés littéraires de plusieurs genres, & que feu M. le Duc de la Valliere se fût cru heureux de posséder. » [sic] (p. v-xiij)
« Nous citerons parmi les articles importans ou remarquables de la Bibliotheque de M. D’Aguesseau, la Bible Polyglotte de Walton, tirée sur le plus GRAND PAPIER ; la PREMIERE ÉDITION grecque & latine du Pseautier, publiée à Milan en 1481 ; un Pseautier latin manuscrit, d’une grande antiquité ; l’Evangile en Langue Malabare, écrite sur des feuilles de palmier ; le Synodia…Ugonia, de Mathias Ugonius, Evêque de Famagouste ; deux manuscrits grecs sur la Liturgie, portant toutes les marques de la plus haute antiquité ; la Bibliotheque des Peres, avec l’Apparat de le Nourry, en 29 volumes in-folio ; une Collection très-considérable des meilleurs éditions des Peres de l’Eglise, grecque & latine ; un Recueil de divers Ouvrages de Postel, manuscrits, & inconnus à l’Auteur de sa Vie ; un autre Recueil où se trouve le Testament olographe de ce Savant, dont le cerveau ne fut pas assez vaste pour contenir toutes les connoissances qu’il y voulut faire entrer.
Nous rappellerons ici les ClÉmentines & la Sexte des Décrétales, éditions de Rome, 1472 ; un assez grand nombre de Coutumes anciennes de la France, dont quelques-unes en manuscrit, & L’Original de la rédaction de la Coutume de Paris, par Christophe de Thou & autres grands Magistrats ; plusieurs anciens Styles du Parlement, manuscrits, & différens de celui qui a été publié par Charondas.
Nous pourrions nommer encore l’Autoniana Margarita ; divers Traités de Brunus Nolanus & de Bodin, dont le Colloquium heptaplomeres, qui n’a point été imprimé ; les belles éditions de Platon, & deux beaux manuscrits grecs, contenant des Commentaires sur quelques Dialogues de ce Philosophe ; les meilleures éditions d’Hippocrate & de Galien ; une version de l’Arithmétique de Diophante, manuscrite & autographe d’Ozanam ; la belle Collection des Estampes du Cabinet du Roi, de reliure et de format uniformes.
On verra dans la classe des Belles-Lettres un grand nombre de Glossaires & les meilleurs dans toutes les Langues ; les bonnes éditions des Orateurs & des Poetes grecs & latins, publiées par les Aldes, les Etiennes, & par l’UniversitÉ D’Oxford : un Themistius, sur toutes les autres éditions d’Alde, est remarquable par la grandeur extraordinaire de ses marges. On distinguera le Dictionnaire Egyptien, manuscrit precieux & AUTOGRAPHE DE LA Croze ; L’Anthologie Grecque de Planudes, mise au jour par Lascaris, & imprimée à Florence en 1494, sur VÉLIN ; exemplaire très complet, bien conservé, & qui a apparteu au Pape Léon X ; une Version latine en vers & manuscrite de la même Anthologie ; la PREMIERE ÉDITION grecque d’Homere, & celle d’Eustathe son Commentateur ; les Poésies latines & françoises de Nicolas Bergier, Nicolas Chesneau, César de Nostredame, manuscrites & autographes de ces Auteurs. Outre plusieurs beaux manuscrits d’ancienne Poésie françoise, de Romans de Chevalerie, les Belles-Lettres offrent encore les plus savans Polygraphes & les meilleurs Critiques anciens & modernes ; l’édition de Ciceron, publiée par les soins de l’Abbé d’Olivet, & tirée sur le papier format in-folio ; des Lettres originales des Savans les plus illustres de l’Europe dans le xviie siècle.
L’Histoire nous fourniroit aussi d’excellens morceaux à annoncer dans toutes ses divisions ; mais nous nous bornerons à indiquer une superbe Collection des Cartes Géographiques des freres Sanson ; beaucoup d’anciennes Chroniques manuscrites, relatives à l’Histoire universelle & à celle de France, d’Angleterre & des Pays-Bas ; les meilleures éditions des Historiens grecs & latins ; un très beau manuscrit de l’Abrégé de Tite-Live en françois ; la Collection des Historiens du Bas-Empire, connue sous le nom de Byzantine ; les Recueils des Antiquités grecques & latines par Graevius & Gronovius ; les Antiquités du moyen-âge & les Écrivains de l’Histoire d’Italie, par le docte Muratori. Nous annoncerons aussi les Manuscrits originaux sur l’Histoire de France & sur les Généalogies, laissés par Jean-Baptiste Hautin, Conseiller au Châtelet ; mais non pas ceux dont parle M. Debure le jeune dans sa Bibliographie instructive, sous les Nos. 5453* & 5833 ; il n’avoit pas connu les nôtres, dont personne n’a parlé, & que nous croyons plus précieux. Nous pouvons encore offrir aux Curieux le Codicille de Louis XIII, le Mercure & les Mémoires secrets de Vittorio Siri, avec la suite MANUSCRITE, qui passe très-rarement dans les ventes ; les Recherches de Bouteroue sur les monnoies de France, in-fol. GRAND PAPIER ; beaucoup d’Armoriaux rares & de Genéalogies particulieres ; l’Atlantica de Rudbeck, avec le 4e. volume MANUSCRIT, qui est si rare, que M. le Duc de la Valliere ne le possédoit pas, quoique son exemplaire fût un des plus complets de ceux qui existent en Europe. » [sic] (p. xiij-xv)
Il est précisé, à la fin du catalogue (p. 366) :
« Plusieurs grands Corps de Bibliotheque à vendre en gros ou par parties.
On vendra au commencement de chaque Vacation différens Livres qui ne nous ont pas paru mériter de description. » [sic]
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