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Les Grésy sont originaires de Samer [Pas-de-Calais], à 17 km au sud-est de Boulogne-sur-Mer. Leur généalogie remonte au XVIe siècle.
À Samer, Antoine [I] Grésy mourut
le 23 novembre 1675, âgé de 57 à 60 ans ; il avait épousé, en secondes
noces, le 28 janvier 1669, Antoinette Guiot, décédée le 11 mai 1697 à l’âge de
70 ans. François Grésy mourut le 21 janvier 1749, à environ 80 ans ; il
avait épousé, le 20 février 1696, Marie Flahault.
Antoine [II] Grésy est né le 2
novembre 1697 et est décédé le 10 novembre 1745 ; il épousa, le 21 février
1729, Marie-Françoise Grebet, baptisée le 8 janvier 1699 et décédée le 26
octobre 1763.
Jean-Marie-Antoine Grésy, notaire, né et décédé à Samer, les 26 août 1732 et 22 ventôse An VIII [13 mars 1800], épousa à Questinghen [Pas-de-Calais], le 20 octobre 1767, Marie-Claude-Joseph Marcadé, née à Bergues [Nord] et décédée à Samer, rue de Neufchâtel, le 8 octobre 1824, à l’âge de 77 ans.
Louis-Marie-Eustache Grésy, notaire à Melun [Seine-et-Marne] de 1807 à 1840, né à Samer le 9 novembre 1780, décéda à Melun, 14 boulevard Saint-Jean [boulevard Gambetta], le 23 janvier 1858. Le 20 germinal An XII [10 avril 1804], en l’église Saint-Thomas-d’Aquin de Paris [VIIe], il avait épousé Adélaïde-Sophie Boudet, née à Paris et décédée 14 boulevard Saint-Jean à Melun, le 12 septembre 1832, à l’âge de 49 ans, probablement victime du choléra. Tous deux furent membres du conseil municipal de Melun.
Eugène Grésy est né à Melun, le 14 septembre 1806. Destiné au barreau, il suivit les cours de l’École de droit, mais sa position de fortune lui permit de se livrer entièrement à ses goûts pour les beaux-arts et les études historiques.
Archéologue distingué,
correspondant du ministère de l’Instruction publique pour les travaux
historiques en 1845, membre de la Société impériale des Antiquaires de France
en 1846 et membre fondateur de la Société d’archéologie, sciences, lettres et
arts du département de Seine-et-Marne en 1864, il fut l’auteur de nombreuses
publications : Recherches sur les sépultures récemment découvertes en
l’église Notre-Dame de Melun (1845), La Chasse de Sainte Jule à Jouarre
(1848), Notice généalogique sur Jean des Barres, chevalier, mort
avant 1289 et inhumé avec ses deux femmes en l’église d’Oissery (1850), Description
historique du château royal de Melun, figuré sur un sceau du XVe siècle (1852), Notice sur
trois crosses historiées du XIIe
siècle (1852), Ancien Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Melun (1854), Les
Sandales de Chelles (1855), Notice sur l’abbaye de Preuilly (1857), Catalogue
raisonné de l’œuvre de Langot, graveur melunois (1858), Sceaux et
blasons de la ville de Melun (1863), Notice sur un carrelage émaillé du XIIIe siècle, découvert en
octobre 1861 près de Milly (1863), Notice sur une statue gauloise
découverte à Melun en 1861 (1863), Le Calice de Chelles, œuvre de
Saint Éloi (1864), Observations sur les monuments d’antiquité trouvés à
Melun en février 1864 (1865), Étude historique et paléographique sur le
rouleau mortuaire de Guillaume des Barres (1865), Notice sur l’ancien
fief et hôtel Le Cocq, logis des ducs d’Orléans-Longueville à Melun
(1866), Iconographie de Saint-Loup (1867).
Eugène Grésy épousa, le 31 janvier 1832 à Paris, Marie-Charlotte-Joséphine-Alexandrine-Sophie Desprez, née à Besançon, qui décéda le 18 décembre 1882, 5 boulevard Montmartre [IIe], à l’âge de 75 ans.
Tombe de Eugène Grésy, à Melun Photographie Stéphane Asseline |
Lui-même mourut à Paris, 3 rue de Grammont [« Gramont » depuis 1930, IIe], le 16 novembre 1867, et fut inhumé au cimetière Nord de Melun.
Ses collections d’objets d’art furent vendues à l’Hôtel des commissaires-priseurs, 5 rue Drouot, salle n° 4, au premier étage, du lundi 17 au mercredi 19 février 1868 : Miniatures du XVe siècle, Tableaux anciens, Dessins, Estampes. Collection des plus intéressantes sur le département de Seine-&-Marne, Fontainebleau, Meaux, Melun, etc., se composant de : Topographie, Pièces Historiques, Portraits (Paris, Delbergue-Cormont et Rochoux, 1868, in-8, 50 p., 549 lots).
(p. 50) |
Sa bibliothèque fut dispersée du
jeudi 12 au samedi 14 mars 1868, en 3 vacations, 28 rue des Bons Enfants,
Maison Silvestre, salle n° 3, au rez-de-chaussée : Catalogue des livres,
documents, manuscrits & imprimés, autographes, 370
bois gravés des Armoiries des Villes de France, la plupart relatifs au
département de Seine-et-Marne, composant la bibliothèque De feu M.
Eugène Grésy, Membre de la Société des Antiquaires de France, Correspondant
du Ministère de l’Instruction Publique, pour les Travaux Historiques,
etc. (Paris, Auguste Aubry, 1868, in-8, 49-[2]-[1 bl.] p., 434 lots),
dont Théologie [46 lots = 10,59 %], Sciences et Arts [63 lots = 14,51 %],
Belles-Lettres [38 lots = 8,75 %], Histoire [287 lots = 66,12 %].
23. Vita et processus
sancti Thome cantuariensis martyris super libertate ecclesiastica. -
Libellus de iruisdictione ecclesiastica. 2 partes en 1 vol. Paris, Johannem
Philippi, 27 mars et 2 avril 1495, pet. in-4 goth. à 2 col., rel. anc. en v.
gauf.
30. La Vie de Saincte
Fare. Paris, Robert Sara, 1629, in-8, front., parch.
38. La Vie excellente de
Sainte Bathilde Royne de France, Fondatrice & Religieuse de Chelles. Par le
R. P. Estienne Binet. Paris, Sebastien Chappelet, 1624, in-12, fig., bas.
75. Le Gouvernail
d’Ambroise Bachot. Paris, 1598, in-fol., titre et pl. gravés, rel. vélin.
Imprimé à Melun.
136. Discours en forme de
comparaison sur les vies de Moyse & d’Homere. Paris, Jean Gesselin, 1604,
pet. in-12, parch.
142. La Défense des
femmes, contre l’alphabet de leur pretendue malice & imperfection. Paris,
Pierre Chevalier, 1617, pet. in-12, fil., veau fauve.
153. Les Antiquitez et
Recherches des villes, chasteaux, et places plus remarquables de France. Paris,
Michel Bobin et Nicolas Le Gras, 1668, 2 vol. in-12, v. gr.
155. Recherche des
connestables, mareschaux, et Admiraux de France. Paris, François Julliot, 1623,
in-12, cart.
163. Discours sur la mort
de Monsieur le President Brisson. Paris, Claude de Montr’œil et Iean Richer,
1595, pet. in-8, v. fauve, fil., tr. dor. (Koehler).
188. Histoire de Melun par
M. H. G. Nicolet. Melun, Desrues, 1845, in-8, br., fig.
220. Vues de Provins,
dessinées et lithographiées, en 1822, par plusieurs artistes avec un texte par
M. D. Paris, Gide, et Provins, Lebeau, 1822, in-4, en feuilles.
359. Étude historique et
paléographique sur le rouleau mortuaire de Guillaume des Barres, comte de
Rochefort, grand sénéchal du roi Philippe-Auguste, décédé au couvent de
Fontaine-les-Nonains (près Meaux) le XXII mars MCCXXXIII. Par Eugène Grésy.
Meaux, A. Le Blondel, et Paris, Auguste Aubry, 1865, in-fol., 1 pl.
chromolithographiée et 3 dessins sur bois, cart.
Sous-préfecture de La Tour-du-Pin (1907)
Hilaire Grésy voulut former l’une des plus importantes collections de livres qui ait jamais été faite relativement au XVIIIe siècle : on y trouvait Les Œuvres de maitre François Rabelais en grand papier, payé 3.700 francs à la vente Brunet, Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé de la même vente, les Fables choisies de La Fontaine en grand papier avec les figures d’Oudry ; la perle était, sans contredit, la collection des dessins originaux que composa Charles-Nicolas Cochin (1715-1790) pour La Gerusalemme liberata, di Torquato Tasso.
Photographie BnF |
En 1868, il fit graver sur acier son ex-libris par Auguste-François Alès (1798-1878), formé à Paris auprès de Antoine-François Tardieu (1757-1822) et de Augustin-Félix Fortin (1763-1832).
À peine commencée, sa
bibliothèque fut mise aux enchères les vendredi 14 et samedi 15 mai 1869, en
l’Hôtel des commissaires-priseurs, rue Drouot, salle n° 3, au premier
étage : Catalogue des livres précieux composant la bibliothèque de M.
Hilaire Grésy, Chevalier de la Légion d’Honneur (Paris,
Bachelin-Deflorenne, 1869, in-8, [4]-VII-[1 bl.]-80 p., 405 + 4 doubles [bis] –
7 manquants = 394 lots), dont Théologie [1 lot = 0,25 %], Sciences et Arts [25
lots = 6,34 %], Belles-Lettres [341 lots = 86,54 %], Histoire [17 lots = 4,31
%], Catalogues de ventes – Mélanges [17 lots = 4,31 %], avec une préface par
Jules Janin (1804-1874), reproduite dans le Journal des Débats politiques et
littéraires du 12 mai 1869.
« Rarement collection plus charmante et plus aimable, avec tant d’ornements précieux, fut exposée au feu des enchères ! Ex libris Hilarii Grésy. On dirait que ce joli cartouche est dessiné par Martin [!?] Eisen lui-même. Or le propriétaire ambitieux de ces gaîtés poétiques s’est bien gardé d’ajouter ce vieux mensonge : et amicorum. Ces belles choses ne se prêtent guère, même aux amis les plus intimes ; en revanche, on les montre à tout le monde avec le juste orgueil du collectionneur riche et content. » (p. I)
Même s’il y avait plusieurs très beaux livres, la collection ne répondait pas aux merveilles imaginaires vantées par Jules Janin. La vente rapporta au total 44.500 francs.
6. Recueil de 82 dessins originaux
de Cochin, payés 40.000 fr. à l’artiste par le comte de Provence, pour La Gerusalemme liberata, di Torquato Tasso ;
stampata d’ordine di Monsieur. Parigi, Presso Franc. Ambr. Didot l’Aîné, 1784,
2 vol. gr. in-4, mar. orange, mos. comp. de coul., dent. à petits fers sur les
dos et sur les plats, doublés de mar. vert à larges dent., gardes de moire
antique verte, tr. dor., étuis (Lortic). De la bibliothèque de L. Double. 5.150
fr. à Heredia.
38. Quinti Horatii Flacci
opera. Londini, Iohannes Pine, 1733-1737, 2 vol. gr. in-8, mar. vert anglais, dent.
à petits fers sur les plats, dos ornés, dent. int., tr. dor. (Chambolle-Duru).
260 fr.
66. Les Saisons, poëme.
Septième édition. Amsterdam, 1775, in-8, fig. de Moreau avant la lettre, pap.
de Hollande, mar. vert angl., dos orné à petits fers, plats à la Duseuil, dent.
int., tr. dor. (Lortic). 135 fr.
72. Œuvres complètes de
Grécourt, enrichies de gravures ; nouvelle édition. Paris, Imprimerie de
Chaignieau Aîné, An V. 1796, 4 vol. in-8, pap. vélin, fig. de Fragonard avant
la lettre, veau marb., dent., tr. dor. 215 fr.
79. Recueil d’Héroïdes, 12
vol. in-8, premières épreuves des figures, d.-rel., dos ornés et coins de mar.
violet, fil., tr. dor. (Allô). 155 fr.
88. Le Temple de Gnide.
Nouvelle Édition, Avec Figures Gravées par N. le Mire. Paris, le Mire, 1772,
gr. in-8, gr. pap., rel. dite « à la fanfare », mar. r., large dent.,
fil., tr. dor. (Derome). 265 fr. à Bauchard.
120. Phædri, Aug. liberti
fabularum Æsopiarum libri V. Amstelædami, Ex typographia Francisci Halmæ, 1701,
in-4, gr. pap., fig., lettres ornées, cul-de-lampes, têtes de pages, sujets
tirés du texte, mar. bleu, fil., tr. dor. (Padeloup). 180 fr. à Heredia.
123. Fables choisies,
mises en vers par J. de La Fontaine. Paris, Desaint et Saillant, et Durand,
1755-1759, 4 vol. gr. in-fol., très grand pap., fig. Oudry, mar. r., dos ornés,
plats à la Duseuil, fil., tr. dor. (Hardy-Mennil). Ex. de Montesquiou-Fezensac.
1.100 fr.
129. Fables nouvelles. La
Haye, Et se trouve à Paris, Delalain, 1773, 2 t. en 1 vol. in-8, gr. pap., fig.
de Marillier en premières épreuves, mar. r., dos orné, large dent. à petits
fers sur les plats, doublé de moire antique verte, mors de mar., tr. sup. dor.,
non rogn. (Lortic). Lettre autographe de Dorat jointe. 455 fr.
134. Recueil des meilleurs
contes en vers. Londres [Liège], s. n. [faux Cazin], 1778, 4 vol. in-18, fig. à
mi-page, mar. r., fil., tr. dor. (Rel. anc.). 255 fr.
Photographie BnF |
137. Contes et nouvelles
en vers, Par M. de La Fontaine. Amsterdam [Paris], s. n. [Barbou], 1762, 2 vol.
in-8, fig. d’Eisen et de Choffard, mar. r., fil., tr. dor. Les deux fig. du Cas
de conscience et du Diable de Papefiguière sont découvertes. Édition dite
« des fermiers généraux ». 350 fr.
Photographie BnF |
138. Contes et nouvelles
en vers, Par M. de La Fontaine. Amsterdam [Paris], s. n. [Barbou], 1762, 2 vol.
in-8, fig. d’Eisen et de Choffard, mar. r., dent. sur les plats, tr. dor.
(Derome). Les deux fig. du Cas de conscience et du Diable de Papefiguière sont
découvertes. Édition dite « des fermiers généraux ». 315 fr.
155. Choix de chansons
mises en musique par M. de La Borde, ornées d’estampes par J. M. Moreau. Paris,
De Lormel, 1773, 4 t. en 2 vol. gr. in-8, non rogn., mar. r., dos ornés, large
dent. à petits fers sur les plats, doublés de moire verte, dent. int., mors en
mar., tr. sup. dor. (Hardy-Mennil). 700 fr.
185. Œuvres de Moliere.
Nouvelle edition. Paris, s. n., 1734, fig. de Boucher, 6 vol. in-4, mar. r.,
dos ornés, plats à la Duseuil, dent. int., tr. dor. (David). Premier tirage
portant « comteese » au lieu de « comtesse » à la 12e
ligne de la page 360 du vol. VI. 600 fr. à Heredia.
Exemplaire Hilaire Grésy |
186. Œuvres de Moliere.
Nouvelle edition, Augmentée de la Vie de l’Auteur & des Remarques
Historiques & Critiques Par M. de Voltaire. Amsterdam et Leipzig, Arkstee
et Merkus, 1765, 6 vol. in-18, fig. de Punt, mar. r., dos ornés, au chiffre de Hilaire Grésy, fil., dent.
int., tr. sup. dor., non rogn. (Lortic).
187. Œuvres de Moliere,
avec des remarques grammaticales ; Des Avertissemens Et des Observations
sur chaque Piéce, par M. Bret. Paris, Compagnie des Libraires associés, 1773, 6
vol. in-8, fig. de Moreau, mar. r., dent., tabis, mors de mar., tr. dor.
(Bozerian). Ex. de Brunet. 530 fr.
194. Œuvres de Jean
Racine, avec des commentaires, Par M. Luneau de Boisjermain. Paris, Imprimerie
de Louis Cellot, 1768, 7 vol. in-8, gr. pap. de Hollande, fig. de Gravelot
avant la lettre, mar. r., fil., tr. dor. (Padeloup). Aux armes de la comtesse
du Barry. 315 fr.
200. Œuvres complettes de
Crébillon, nouvelle édition, Augmentée & ornée de belles Gravures. Paris,
Libraires associés, 1785, 3 vol. in-8, mar. bleu, larges dent., doublés de
tabis, fil., tr. dor. (Bradel, successeur de Derome). Pap. fort de Renouard,
doubles fig. avant et avec la lettre. 300 fr.
203. La Folle Journée, ou
le Mariage de Figaro, comédie en cinq actes, en prose. Par M. de Beaumarchais.
Imprimerie de la Société littéraire-typographique ; Et se trouve à Paris,
Ruault, 1785, in-8, très gr. pap. vélin, fig., mar. bleu, dos orné, riches
ornem. sur les plats, dent. int., dor. en tête, non rogn. (Lortic). Trois
suites de fig., portr., lettre autographe de l’auteur ajoutés. 256 fr.
Exemplaire Hilaire Grésy |
210. Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé. S. l., s. n., 1718, pet. in-8, fig. du Régent, gravées par Audran, mar. r., larges dent. à petits fers, tabis, tr. dor. (Derome le Jeune). La planche des « petits pieds » [gravée en 1728], qui ne fait pas partie de cette édition, a été jointe. Ex. Brunet (1868), Mosbourg (1893), Montgermont (1911), Rahir (1930), Léon Mercier, Paul May (1949), Gérard Hupin, Michel Wittock (2004). 850 fr. à Gonzalès. [Paris, Christie’s, 8 novembre 2004 : 37.600 €]
229. Les Avantures [sic]
de Telemaque fils d’Ulysse. Par feu Messire François de Salignac de la Motte
Fenelon. Premiere edition conforme au Manuscrit original. Paris, Florentin
Delaulne, 1717, 2 vol. in-12, 24 fig. de Bonnard, mar. r., fil., dos à petits
fers, dent. int., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet). 400 fr.
Exemplaire Hilaire Grésy |
240. Le Roman comique, Par Scarron. Édition ornée de Figures dessinées par Le Barbier. Paris, Imprimerie de Didot Jeune, Chez Janet et Hubert, An IV, 3 vol. in-8, fig. avant la lettre, mar. r., dos ornés, au chiffre de Hilaire Grésy, fil., dent. int., tr. sup. dor., non rogn. (Lortic). [Paris, Sotheby’s, 6 novembre 2014 : 2.250 €]
243. Histoire de Gil Blas
de Santillane. Par M. Le Sage. Dernière Edition revue, & corrigée. Paris,
Les Libraires associés, 1747, 4 vol. in-12, 32 fig. par Dubercelle, mar. r.,
riche dent. à petits fers, dos ornés, tr. dor., non rogn. (Belz-Niedrée). 640
fr.
249. Histoire du chevalier
des Grieux, et de Manon Lescaut. Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie, 1753, 2
vol. pet. in-12, gr. pap. fort, 8 fig. de Gravelot et de Pasquier, mar. orange,
dos ornés, fil., tr. dor. (Hardy). Ex. Pixerécourt, provenant antérieurement
des bibliothèques de Bonnemet, de La Vallière, de Naigeon et de F. Didot. 385
fr. à Heredia.
250. Histoire de Manon
Lescaut et du chevalier des Grieux, par l’abbé Prevost. Paris, Imprimerie de P.
Didot l’Aîné, An V. 1797, 2 vol. in-18, gr. pap. vélin, fig. de Moreau avant la
lettre, mar. violet, fil., tr. dor. (Simier). Ex. Brunet. 435 fr.
Photographie BnF |
260. Paul et Virginie, par
Jacques-Bernardin-Henri de Saint-Pierre. Avec figures. Paris, Imprimerie de
Monsieur, 1789, in-18, pap. vél., fig. de Moreau, mar. r., comp., doubl. mar.
vert, dos à petits fers, tr. dor. Ex. de J.-J. De Bure. 185 fr.
281. Les Amours du
chevalier de Faublas ; Par J.-B. Louvet. Troisième édition. Paris, Chez
l’Auteur et chez les marchands de nouveautés, An VI, 4 vol. in-8, gr. pap.
vélin, fig., reliés sur brochure en veau fauve, dent., tr. dor. (Bozerian). 235
fr.
284. Les Cent Nouvelles
nouvelles. Suivent les cent nouvelles contenant. Les Cent Histoires Nouveaux,
Qui sont moult plaisans a raconter, En toutes bonnes Compagnies ; par
manière de joyeuseté. Cologne, Pierre Gaillard, 1701, 2 vol. pet. in-8, mar.
noir, fil., tr. dor. (Rel. anc.). Ex. Nodier et Brunet. 430 fr. à Marquis.
285. Contes et nouvelles
de Marguerite de Valois, reine de Navarre. Amsterdam, George [sic] Gallet,
1708, 2 vol. pet. in-8, fig. de Harrevyn, mar. r., dos ornés de petits fers
représentant des reines-marguerites (Derome). Ex. Nodier. 500 fr. à Marquis.
286. Les Nouvelles de Marguerite,
reine de Navarre. Berne, Nouvelle Société Typographique, 1780-1781, 3 vol.
in-8, fig. de Freudenberg et front. et fleurons par Dunker, mar. r., fil., tr.
dor., rel. sur brochure (Bozerian). Ex. Brunet. 515 fr.
288. Le Decameron de Jean
Boccace. Londres, 1757-1761, 5 vol. in-8, gr. pap., fig. de Gravelot et de
Cochin, avec la suite complète des figures doubles, mar. amar., dos orn., large
dent. sur les plats, tr. dor. (Petit-Simier). 425 fr. à Calluaud.
Exemplaire Hilaire Grésy |
303. L’Histoire des
imaginations extravagantes de Monsieur Oufle, causées par la lecture des livres
qui traitent de la Magie, du Grimoire, des Démoniaques, Sorciers, Loups-garoux
[…], & d’autres superstitieuses pratiques. Paris, Nicolas Gosselin et
Charles Le Clerc, 1710, 2 vol. in-12, fig., mar. r., fil., tr. dor. (Derome). [Paris,
Drouot, 14 février 2018 : 3.760 €]
Photographie BnF |
340. Les Œuvres de maitre François Rabelais, avec des remarques historiques et critiques De Mr. Le Duchat. Nouvelle edition, Ornée de Figures de B. Picart &c. Amsterdam, Jean Frederic Bernard, 1741, 3 vol. in-4, fig., mar. r., fil., tr. dor. (Padeloup). Ex. en gr. pap. de Girardot de Préfond, de Mac-Carthy et de Brunet. 4.110 fr. à Gonzalès.
342. Fables de La Fontaine.
Paris, Pierre Didot l’Aîné, An VII, 2 t. en 4 vol. in-18, pap. vél., portr. et
fig. – Contes et nouvelles en vers, par Jean de La Fontaine. Paris, P. Didot
l’Aîné, An III. 1795, 4 vol. in-18, pap. vél., fig. d’Eisen et culs-de-lampe
par Choffard. – Œuvres diverses. Paris, Nyon, 1758, 4 vol. pet. in-12, 3 portr.
d’après Rigault. Ensemble 12 vol., mar. bleu, dent., tr. dor. (Bozerian). Fig.
ajoutées. 350 fr.
349. Œuvres de M. Boileau
Despréaux. Nouvelle Édition, Avec des Eclaircissemens Historiques donnés par
lui-même, & rédigés par M. Brossette. Par M. de Saint-Marc. Paris, David et
Durand, 1747, 5 vol. pet. in-8, fig., mar. noir, doublé de tabis rouge, fil.,
tr. dor. (Padeloup). 590 fr. à Gonzalès.
352. Œuvres diverses de M.
de Fontenelle, de l’Academie françoise. Nouvelle edition, Augmentée &
enrichie de Figures gravées Par Bernard Picart le Romain. La Haye, Gosse et
Neaulme, 1728-1729, 3 vol. in-fol., mar. r., fil., tr. dor. (Derome). 300 fr.
357. Œuvres complettes en
vers, et en prose. Par M. Dorat. Paris, Sébastien Jorry, 1766-1780, 14 vol. gr.
in-8, gr. pap., mar. r., dos ornés, large dent. à petits fers sur les plats,
doublés de moire antique verte, tr. dor. (Lortic). 1.900 fr.
368. Œuvres de Salomon
Gessner. Paris, Antoine-Augustin Renouard, An VII, 4 vol. in-8, fig., mar. r.,
dent., tab., mors de mar. tr. dor. (Bozerian). Un des 20 ex. en gr. pap. vélin,
avec les fig. de Moreau avant la lettre. Ex. Brunet. 420 fr.
Un incident regrettable eut lieu au cours de l’été 1869 :
« M. Grésy, qui a été sous-préfet de la Tour-du-Pin du 4 août 1869 au 19 septembre 1870, a acheté et fait installer à la sous-préfecture pour l’ameublement de son cabinet, sous prétexte de délabrement de l’ancien mobilier, des meubles de luxe dont le prix s’élèverait à 4,297 fr. 85 c., et de plus, pour mettre le comble à l’irrégularité, il a fait disparaître une partie du mobilier qui existait, de telle sorte que le conseil d’arrondissement, dans sa session de 1870, a déclaré qu’il lui était impossible de constater en parfaite connaissance de cause le degré de nécessité qu’il y avait à faire ces acquisitions. […]
M. Grésy a compris ce qu’il y
avait de grave et d’illicite dans cette acquisition de mobilier qui ne pouvait,
en aucun cas, engager le département. Il a offert de contribuer lui-même au
paiement, à concurrence de 1,500 fr., et il s’en est remis, en un mot, à la
décision du conseil général. »
(Conseil général du
département de l’Isère. Session de 1871. Tome II. Procès-verbal des délibérations.
Grenoble, F. Allier Père et Fils, 1872, p. 420)
Le 9 novembre 1878, à Blosseville-Bonsecours, Hilaire Grésy épousa une ancienne modiste parisienne, Marie-Geneviève Gaudry, née le 1er janvier 1842 à Tronville [Meuse]. Ils légitimèrent alors leurs six enfants : Edmond-Hilaire, né le 23 février 1863 à Poitiers [Vienne], boulevard du Pont Achard ; Marie-Hélène, née le 30 avril 1864 à Angoulême [Charente], au domicile de la sage-femme, 28 rue du Soleil ; Joseph-François, né le 15 janvier 1866 à Paris [IIIe], 32 rue Charton ; Élise, née le 2 avril 1867 à Paris [XIe], 1 passage Saint Sébastien ; Bathilde-Yolande-Françoise, née le 18 mai 1871 à La Tour-du-Pin, rue des Jardins ; Odile-Françoise-Bathilde, née le 21 janvier 1875 à Blosseville-Bonsecours, 103 Grande Route.
Hilaire Grésy et Francisque Sarcey (1827-1899) échangèrent souvent leurs avis sur la passion des livres et leur collection.
« J’ai pour ami de collège, et cela ne le rajeunit point, bien qu’il fût dans la cour des petits, quand j’étais déjà un grand, j’ai donc pour ami un des bibliomanes les plus intelligents et les plus passionnés de ce temps. Avec une fortune relativement fort modeste, il avait fini, grâce à un goût très éclairé, à une curiosité toujours en éveil, à une patience et une adresse de mohican sur la piste d’une proie, par se constituer une des bibliothèques les plus riches en livres précieux qu’il y eût à Paris. Son ex libris était connu sur le marché. Ex libris Hilarii Grésy. Cette marque donnait du prix à tout volume qui le portait.
Des malheurs de famille le
contraignit, il y a quelques années, à vendre une partie de ses beaux livres, collectionnés
avec tant d’amour et de soin. Ce fut un gros crève-cœur pour lui, et je crois
pourtant qu’il s’en consola par la maligne pensée que tel millionnaire
achèterait quinze cents francs un volume qui lui avait coûté à lui, pauvre
diable, mais homme de goût, cent écus. Ce sont les spirituelles revanches de
l’amateur vrai, de l’amateur qui aime, sur le faux amateur, sur l’amateur financier
qui finance.
Nous avons souvent avec Grésy de
grandes discussions sur le livre et la passion qu’il excite. Nous ne nous
entendons guère. Ce qu’il estime dans un volume, c’est le précieux et le rare.
De quoi traite l’ouvrage ? est-il bon ou mauvais ? est-on bien aise
de le lire ou jamais ne sera-t-on sollicité à en prendre connaissance ? Ce
sont là questions dont il ne s’inquiète guère. Ce qui le préoccupe et l’attire,
c’est la perfection de la reliure et le nom dont elle est signée ; c’est
la beauté typographique du texte, la grandeur des marges, le bon état de
conservation du volume, les armoiries ou l’ex libris dont il est
estampillé, c’est le fini des gravures, s’il y en a, et la mention
suprême : Avant la lettre ; c’est surtout, c’est avant tout la
rareté de l’exemplaire. – Il n’y en a que trois pareils en Europe, et encore le
sien n’est-il pas coupé. Merveilleux avantage ! »
(Francisque
Sarcey. « Les Bibliomanes ». Le XIXe Siècle, 5 mai
1880, p. 1)
« Je reçois, en réponse au dernier article qui portait ce titre, une bien jolie lettre de mon ami Grésy (Hilarius Grésy). Grésy est percepteur en province. Eh bien, on n’a pas seulement le goût bibliomane dans les finances, on y a de l’esprit, et cela ne gâte jamais rien. Je détache de cette lettre quelques lignes amusantes :
Quelle jolie réplique il y aurait à vous faire ! une réplique en action.
Supposez
que vous receviez demain, richement reliés et soigneusement enveloppés dans du
papier de soie, deux volumes in-8°, portant pour titre : Contes et
Nouvelles de la Fontaine.
Vous
feuilletez les deux tomes : - Oui, c’est bien là l’édition des fermiers
généraux. Voilà les charmantes compositions d’Eisen, le portrait de l’auteur
gravé par Fiquet. Les deux figures du Cas de conscience et de Diable
de Papefiguière sont découvertes… peste !
Deux
mois plus tard, après m’avoir adressé un petit autographe de remerciement, vous
montrez votre exemplaire à un des amateurs que vous qualifiez gaiement de
bibliomanes, - un malin, celui-là – qui l’examine avec le respect que l’on doit
aux beaux livres, et qui tout à coup s’écrie :
-
Mais, monsieur,
vous êtes volé ! C’est la contrefaçon des fermiers généraux que vous a
envoyée Grésy. Voyez, les figures sont retournées ! D’ailleurs, cherchez à
la page 66 du second volume ; au lieu de :
“ Taille, non pas de quelque mingrelet ”, vous devez
lire :
“ Taille, non pas de quelque mégrelet. ”
Le
papier de cette contrefaçon est tout aussi beau ; l’impression, faite en
Allemagne, est très soignée, et il faut un œil bien exercé pour s’apercevoir de
la différence qui existe entre les figures des deux éditions. L’une pourtant
vaut mille écus, et l’autre…, mon Dieu ! la vôtre, comme la reliure est
superbe et sans défaut… Oui, c’est un exemplaire dont vous trouveriez peut-être
quatre cents francs.
Avouez,
mon cher Sarcey, que cette découverte vous laisserait quelque peu rêveur, que
la plaisanterie vous semblerait médiocre, et qu’à par vous, tout bas, vous me
traiteriez de joli farceur.
Et
cependant, avec votre théorie !
Eh ! sans doute, la convention entre pour beaucoup dans le prix des choses. »
(Francisque Sarcey.
« Bibliomanes ». Le XIXe Siècle, 11 mai 1880, p. 1)
« Nos lecteurs se souviennent peut-être de quelques articles que j’ai adressés à mon ami Grésy – hilarius Grésy, pour les amateurs de beaux livres ; - je l’y avais traité de bibliomane !
-
Moi, bibliomane ! s’est-il écrié.
Jamais ; c’est une injure, une grave injure. Bibliophile, à la bonne
heure.
-
Où est la différence ? avais-je demandé. Et
Grésy me répond en m’envoyant cette définition du bibliophile. Personne n’est
plus que lui compétent sur la question.
Oyez donc, ou plutôt lisez :
“ Le vrai bibliophile est, à mon sens, un homme de goût et d’un luxe érudit - erudito luxu, comme dit Tacite – qui se propose pour but, en composant une bibliothèque, d’élever un monument à la gloire de ses auteurs favoris.
Je
reprends, un à un, les termes de ma définition.
Est(ce
qu’en effet il ne faut pas un goût très sûr, très épuré, très éclairé pour
faire un bon choix parmi tant d’écrivains, et n’ouvrir la porte du tabernacle
qu’à ceux dont la postérité a définitivement consacré la renommée ? Vous
avez admis Regnard. Admettrez-vous également Destouches ? Accepterez-vous
toute l’œuvre de l’abbé Prévost ou n’accueillerez-vous que Manon Lescaut ?
Je veux toutes les lettres de Mme de Sévigné ; un admirateur moins
enthousiaste se contentera des Lettres choisies. Veuillez remarquer en passant
qu’un bibliophile ne saurait accorder droit de cité à des auteurs vivants. Leur
place est marquée dans un corps de bibliothèque à part, qui est à l’autre comme
le musée du Luxembourg est au Louvre.
Je
pose aussi en principe qu’il est indispensable, pour être sacré bibliophile,
d’allier l’opulence avec l’érudition. Eh ! mon Dieu ! oui ! Un
pauvre drille a beau aimer passionnément Rabelais, jamais il n’aura assez
d’argent de poche pour s’offrir, surtout par le temps qui court, un exemplaire
sortable de Le Duchat, la seule édition qui soit vraiment digne du maître, la
seule dans laquelle l’étincelant railleur se gaudira de se relire, au jour du
jugement dernier.
Quant
aux connaissances nécessaires à un ami des livres, et qui veut que les livres
le paient de retour, elles sont assez multiples. Non-seulement les archaïsmes
et les locutions de notre vieux langage doivent lui être entièrement familiers,
mais il lui faut encore posséder sur le bout du doigt les dates des éditions et
celles des contrefaçons. Il doit avoir des notions exactes sur leur valeur
commerciale, n’être étranger ni à l’art de la gravure ni à celui de la reliure,
savoir discerner du premier coup d’œil les qualités qui constituent un bel
exemplaire et les défauts qui le déprécient, dépister toutes les fraudes, être
au fait de toutes les supercheries littéraires et bibliographiques.
Un
imperceptible sourire a passé sur vos lèvres quand j’ai dit : “ Le but du
bibliophile est d’élever un monument à la gloire de ses auteurs favoris.” Un
peu bien ambitieuse vous a paru la phrase. Vous trouvez que nous nous exagérons
furieusement l’importance de notre rôle, et qu’il ne suffit pas d’avoir passé
trente ans de sa vie à réunir de beaux livres pour avoir bien mérité des
Lettres françaises. Pourtant, quelle manière plus délicate de rendre hommage à
la mémoire d’un écrivain illustre et populaire que de réimprimer son livre dans
une édition magnifique ! Les commentaires dont il est enrichi sont dûs à
la plume d’un grand critique, Janin ou Sainte-Beuve ; les figures (si le
sujet en comporte) sont l’œuvre d’un burin célèbre ; le papier semble
défier l’outrage du temps ; jusqu’au format qui est solennel. Peste !
voilà qui vaut autant pour la gloire de l’auteur qu’une statue au milieu d’un
carrefour. Eh bien, c’est à nous que vous la devez, cette édition monumentale,
et si nos souscriptions n’en couvraient pas les frais, elle ne verrait jamais
le jour. Et ne venez pas dire que c’est l’attrait de la curiosité qui nous
pousse. Ce livre, dont nous allons payer au poids de l’or un exemplaire de
luxe, nous l’avons lu et relu dix fois, nous le savons pour ainsi dire par
cœur. Nous l’avons prêté à des amis qui ont oublié de nous le rendre ;
c’est dans ce volume que notre dernier né a appris à épeler ; il voyage
avec nous en chemin de fer, il est à l’entrée de notre bibliothèque de
campagne ; le voici encore sur notre table de nuit, mais qu’importe !
On ne se lasse pas de contempler les traits d’un ami sincère ; nous ne
possédions de lui que des cartes photographiques, des épreuves que le soleil
pâlit et efface : On nous propose son buste en marbre, nous n’hésitons pas
à l’acquérir, même au prix de privations sérieuses. C’est notre façon, à nous,
d’honorer son génie, de lui prouver notre admiration, de lui rendre notre
culte.
Je
suis, comme vous savez, fanatique de La Fontaine. Je crois, Dieu me
pardonne ! que je lui donnerais le pas sur Molière. En retour des
ineffables délices que me fait goûter, depuis ma jeunesse, le plus aimable des
philosophes, est-ce donc trop que de conserver pieusement les cinq ou six plus
belles éditions de ses œuvres ? Pourvu qu’après moi elles n’aillent pas à
des mains profanes ! Pourvu que nos petits enfants les transmettent à
leurs descendants aussi immaculées que les ont léguées à leurs héritiers les
d’Hoym, les Bonnemet, les Naigeon, les Lavallière ! Ah ! mon ami,
quelle jouissance de manier ces Fables, éditées en 1755 par les libraires Desaint
et Saillant ! Il s’exhale des quatre nobles in-folio un parfum de vieux
maroquin qui rappelle celui de l’encens, et qui sied bien aux mains d’un humble
thuriféraire. Notre exemplaire est en grand papier de Hollande, s’il vous
plaît ! et les figures sont avant le léopard.
Daignez
feuilleter avec moi les admirables compositions d’Oudry placées en regard de
chaque fable, et, si le temps vous manque, arrêtez-vous au moins sur le Rat
de ville et le Rat des champs, la Mort et le Bûcheron,
le Renard et la Cigogne. Il est impossible, n’est-il pas
vrai ? d’interpréter d’un crayon plus grandiose la pensée de l’immortel
moraliste, et l’on peut dire sans hyperbole que l’artiste se tient constamment
à la hauteur de l’écrivain.
Pour
compléter l’oblation, j’ai inséré une lettre autographe de mon idole, en face
du beau portrait de La Fontaine gravé par Cochin, et il me semble qu’ainsi il
revit tout entier : il respire, il parle, il me sourit. Je vois, en même
temps que son visage, son génie, son cœur et son âme.
Cependant
ma passion pour La Fontaine n’est point exclusive. Elle ne saurait attiédir la
ferveur de ma dévotion à Molière. Aussi, envié-je l’heureuse fortune qu’a M.
Paillet de posséder un des rares spécimens de l’édition de Bret où se trouvent
les délicieuses vignettes de Moreau le Jeune avant toute lettre. Mais, à défaut
de ce fin joyau, j’ai encore de quoi me régaler avec la splendide édition de
1734, ornée des charmantes scènes de Boucher. Il est difficile de rencontrer
les gravures de Laurent Cars en brillantes épreuves, et celles du second tirage
sont presque toujours grises ou baveuses. Les nôtres, veloutées comme des ailes
de papillon, portent avec elles la garantie de leur supériorité ; à la
page 360 du sixième volume, on lit en effet “ comteese ” au lieu de “ comtesse
”.
Ah !
Ah ! la faute, la fameuse faute, nous y voilà ! Sont-ils assez
maniaques ces amateurs ! Dire qu’ils poussent l’absurdité jusqu’à préférer
l’exemplaire où est la faute ! – Tel est le grand cheval de bataille sur
lequel caracolent depuis bien des années les loustics de la bibliographie. Quand
ils ont réédité cette plaisanterie de commis-voyageur, ils pensent nous avoir
couverts de ridicule. Pourtant, j’imagine que notre préférence est parfaitement
raisonnable et logique. Dans un livre à figures, il est assez naturel, n’est-ce
pas ? de tenir compte de l’état des figures, et tout le monde sait que le
jeu des rouleaux finit par user le cuivre d’une planche. D’autre part, il va de
soi qu’aux premiers volumes imprimés ont été jointes les premières épreuves
tirées, celles qui ont le flou et la fleur. Or, ces premiers exemplaires se
reconnaissent précisément à la faute qui subsiste, et qui n’est échappée à
l’œil du correcteur qu’au début du tirage.
De
même pour l’estampe : Le Singe et le Léopard. Le graveur avait omis
représenter un petit Léopard sur l’enseigne du bateleur carnassier. On lui
signala cet oubli, et quelques touches à la pointe sèche l’eurent vite réparée.
Mais dans l’intervalle, un certain nombre d’exemplaires avaient déjà été livrés
au libraire ; ceux-ci gardèrent la pancarte blanche. On les appela, pour
cela, exemplaires de remarque, et comme on est sûr qu’ils contiennent les
meilleures planches, on les prise naturellement plus que les autres.
Eh !
parbleu oui, nous préférons le livre avec la faute ! Parbleu oui, nous
cherchons la petite bête… pour nous en garer, quand nous achetons les Fables de
1755. Et vous, mon maître ? Est-ce que vous n’aimez pas mieux un tableau
bien conservé, sans craquelures, qu’une toile marouflée et pleine de repeints.
Tout
doucement, et sans avoir l’air d’y toucher, je crois avoir fait justice de
certains préjugés qu’accueille un peu trop à la légère le monde des profanes.
Je
me résume donc.
Les
beaux livres veulent être traités avec beaucoup d’égards. Le bibliophile ne les
lit pas par l’excellente raison qu’il en connaît déjà à fond le contenu, au
moment où il leur ouvre les portes de sa bibliothèque. Il ne les lit pas, parce
qu’à ses yeux ce sont de véritables objets d’art, aussi peu faits pour subir
les attouchements d’une main droite, d’un pouce habitueux, ou les injures d’un
ongle trop long, qu’une soupière en ancienne pâte tendre de Sèvres est peu
faite pour qu’on y trempe le pot-au-feu.
Les
livres précieux ne sont point destinés à être prêtés, et si Grolier
ressuscitait en notre égoïste dix-neuvième siècle, il commencerait par
supprimer, de sa devise, le célèbre et amicorum. Je le soupçonne
d’ailleurs de n’avoir pris cet ex-libris que pour faire une malicieuse
antiphrase. Sous quel prétexte prêterait-on ses livres plutôt que son éponge ou
sa brosse à dents ? L’ami qui vous les demande à emprunter est un
indiscret et mérite d’être traité comme tel.
Enfin,
ce n’est jamais par pure manie qu’un bibliophile se décide pour un exemplaire
plutôt que pour un autre. Il est évident, par exemple, que la grandeur des
marges ajoute à la beauté d’un livre, comme la longueur des cheveux ajoute aux
attraits d’une jolie femme. ” »
(« Bibliophile et Bibliomane ».
Le XIXe Siècle, 8 septembre 1880, p. 2)
« Ah ! ces gens du monde ! pas journalistes pour deux sous. Voilà mon ami Grésy. Je lui demande comment il distingue le bibliophile du bibliomane. Il m’écrit sur le bibliophile et les caractères qui le distinguent une lettre que vous avez lue dans le XIXe Siècle. Elle était charmante, cette lettre, et faisait un excellent article de journal.
Eh bien, et le bibliomane à
présent ?
Ah ! bien oui ! Grésy
n’est plus en train. Le journal, ce n’est pas son affaire. Il me répond tout
bonnement par cette boutade :
“ Nous autres, nous appelons
bibliomane tout ce qui n’est pas bibliophile.”
Et voilà !
Le type du bibliomane, ajoute-t-il, c’est cet Anglais, M. Hankey, réunissant pour deux millions de livres érotiques, et disant à son médecin, dans le délire de la fièvre typhoïde :
-
M’apportez-vous Justine
en grand papier ?
Voilà
quarante ans qu’il cherche le roman du marquis de Sade dans cette condition.
C’est
encore M. Wolfenbütel, possédant 4,751 éditions différentes de la Bible, et
espérant toujours en découvrir une 4,752e.
C’est
aussi M. Marquis, le chocolatier, poussant à 10,000 francs un exemplaire non
rogné du Pâtissier français, petit in-12, elzévir 1655.
Le
volume, orné d’un bois grossier, est mal imprimé ; la justification des
pages est trop grande pour le format ; l’ouvrage, comme vous pensez,
n’offre aucun intérêt. Son seul mérite est d’être rarissime en cette condition.
Et la raison en est facile à deviner : c’est que fort peu d’exemplaires
ont échappé aux mains grasses des gâtes-sauces et des cordons bleus du temps.
Le
bibliophile recherche les livres précieux ; le bibliomane, les livres
rares, sans tenir compte de la valeur intrinsèque de l’ouvrage.
Etc.,
etc.
Oui, mais ce sont précisément ces et cœtera que j’aurais voulu que Grésy nous développât, en les accompagnant de commentaires passionnés, en les relevant d’anecdotes. Il en sait tant, et de si curieuses !
Et cet enragé bibliophile est percepteur.
Après cela, les receveurs généraux aimaient, eux aussi les belles éditions ; à preuve, Lafontaine ! Et je crois bien que mon ami Grésy aimerait assez, lui aussi, passer receveur général. »
(Francisque Sarcey. « Bibliophile et Bibliomane ». Le XIXe Siècle, 16 septembre 1880, p. 3)
Veuf de Marie-Geneviève Gaudry depuis le 15 mai 1887, décédée à Paris [XVIIIe], Hilaire Grésy, alors attaché au cabinet du préfet de la Seine et demeurant 10 rue Gros à Paris [XVIe], épousa, le 29 avril 1899, Victoire-Marie-Louise Boudrillet, née le 6 mai 1861 à Arceau [Côte-d’Or] : ils légitimèrent alors leur fils Hilaire-Marie-Georges, né au 135 rue Mozart à Paris [XVIe], le 6 novembre 1893.
Photographie Archives de la Seine |
Hilaire Grésy mourut à Cesson [Seine-et-Marne], le 7 octobre 1912.
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