lundi 18 janvier 2016

Étienne Baluze (1630-1718), bibliothécaire de Colbert

Gravé par Simon Thomassin, d'après Hyacinthe Rigaud.

L’acte de baptême d’Étienne Baluze n’existe plus aux Archives municipales de Tulle, ni aux Archives départementales de la Corrèze : le registre baptistaire de la paroisse de Saint-Julien pour l’année 1630 a disparu.

Tulle en 1890.




Maison natale de Baluze.
Quartier de Redole-Peyre, à Tulle.

Étienne Baluze est né le 24 novembre 1630, comme il l’a écrit dans son autobiographie latine placée en-tête du catalogue de sa bibliothèque et comme il résulte du livre de raison tenu par son père. La généralité des biographes et des bibliographes a reproduit la date erronée, donnée par la traduction de l’autobiographie par Pierre de Chiniac [Histoire des capitulaires des rois françois de la première et seconde race. Paris, Benoît Morin, 1779, p. 157], sans prendre la précaution de recourir à la source :

« Igitur natus sum Tutelæ Lemovicum in prima Aquitania anno MDCXXX. ante diem VIII. Kal. Decembris ex clara & antiqua apud nostrates familia, patre Joanne Karolo Baluzio præstantissimo Jurisconsulto, matre Catharina Teyssieria singularis profecto exempli femina. »
[Je suis né à Tulle ville du Limousin dans la première Aquitaine l’an 1630 le 24 de Novembre d’une des plus illustres et anciennes familles, j’eus pour père Jean Charles Baluze très savant Jurisconsulte, et pour mère Catherine Teyssier femme d’une conduite irréprochable et d’une piété exemplaire.]

Le 8 des Calendes de décembre [ou avant les Calendes de décembre, c’est la même chose] est le 24 novembre et non le 24 décembre, comme le savent ceux qui ont la moindre notion du calendrier en usage chez les Romains.

Après des études à Toulouse, où il acheta une bulle originale de Grégoire XIII, le savant Pierre de Marca l’attira à Paris en 1656, le prit comme secrétaire et lui légua ses papiers.

Bibliotheca Coisliniana, olim Segueriana
(Paris, Guérin et Robustel, 1715, p. 1)
En 1667, Colbert l’appela pour avoir soin de sa magnifique bibliothèque. Pendant les 33 ans qu’il administra la bibliothèque Colbertine, il ne négligea pas son propre cabinet : c’est lui qui posséda les carnets de Mazarin et la cassette de Fouquet. En 1670, il devint professeur de droit canon au Collège royal. C’est surtout à lui qu’on doit l’introduction en France des soupers littéraires, dont l’usage se prolongea jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Avancé en âge, il se retira en 1700 dans une très belle maison, hors des murs de Paris, proche du collège des Écossais, à qui cette maison appartenait. En 1707, après la mort de son ami Jean Gallois, il fut nommé inspecteur du Collège royal. L’année suivante, il donna une Histoire généalogique de la maison d’Auvergne qui lui valut d’être envoyé en exil à Rouen, puis Blois, Tours et Orléans, de 1710 à 1713, accusé injustement d’avoir inséré des pièces fausses dans son ouvrage, pour soutenir les prétentions du cardinal de Bouillon. Il fit imprimer en 1717 une Histoire de la ville de Tulle, en latin, gage de son amour pour sa patrie. 

Rue de Tournon (Plan Turgot).
Hôtel Terrat, 6 rue de Tournon.
Les Œuvres de Saint-Cyprien, en latin, le plus considérable de tous les ouvrages écrits par Baluze, étaient sur le point de paraître lorsque la mort l’emporta le 28 juillet 1718, en son domicile de la rue de Tournon, vis-à-vis l’hôtel Terrat [VIe, depuis hôtel Brancas]. On l’inhuma dans l’église Saint-Sulpice. Il avait composé lui-même son épitaphe :

« Il gît ici le sire Étienne ;
Il a consommé ses travaux :
En ce monde il eut tant de maux,
Qu’on ne croit pas qu’il y revienne. »

Dans son testament du 25 mai 1716, il avait instituée pour légataire universelle Geneviève-Magdeleine Muguet, veuve Le Maire, fille de son ami imprimeur François Muguet (1630-1702), et, au lieu d’imiter presque tous les bibliophiles de son temps, avait ordonné :

« Je deffends et prohibe expressément la vente de ma bibliothèque en gros, volant qu’elle soit vendue en détail au plus offrant et dernier enchérisseur, afin que les curieux puissent en avoir leur part, y ayant une très-grande quantité de livres rares, difficiles à trouver, que les gens de lettres seront bien aises d’avoir occasion d’acquérir. J’excepte néantmoins de cette prohibition ma bibliothèque de manuscrits, au cas qu’il se trouve quelqu’un qui les veuille acheter en gros et en donner un prix raisonnable, dont ma légatrice universelle puisse estre contente. » [sic]



La veuve Le Maire fit imprimer la Bibliotheca Baluziana : seu Catalogus librorum bibliothecae V. Cl. D. Steph. Baluzii Tutelensis (Paris, Gabriel Martin et Jean Boudot, 1719, 3 parties en 2 vol. in-12, [1]-[1 bl.]-[14]-XXXII-[1]-[1 bl.]-527-[1 bl.]-[1]-[1 bl.]-497 [chiffrées 601-1.097]-[1 bl.] p., avec erreurs de pagination, 10.799 lots + « Reliqua » et [1]-[1 bl.]-[2]-136-116 p., 1.672 lots + « Armoires »).

Christie's, Londres, 9 juin 2015 : £ 3.250

Après un avis aux lecteurs [« Lectori. »], on trouve l’autobiographie de Baluze [« Fragmentum De vitâ, moribus & scriptis Viri Cl. Stephani Baluzii, ex ipsius autographo editum. »] et un catalogue de ses œuvres [« Catalogus operum viri clarissimi Stephani Baluzii Tutelensis, quæ hactenùs edita sunt. »]. Les ouvrages sont classés par formats : in-folio et in-quarto [« Pars prima »], in-octavo, in-12 et petits formats [« Pars secunda »], la « Pars tertia » contenant l’ensemble des collections manuscrites, et en 5 classes : « Theologia », « Jurisprudentia », « Historia », « Humaniores litteræ » et « Miscellanei ». Le catalogue se termine par le « Catalogus collectaneorum V. C. Stephani Baluzii », mélanges rangés dans sept armoires.


Les ouvrages utiles étaient facilement identifiables grâce à l’ex-libris manuscrit qui figurait à l’extrémité inférieure de la page de titre : « Stephanus Baluzius Tutelensis ». La vente eut lieu au domicile du défunt, à partir du 8 mai 1719. L’abbé Bignon acheta la « Pars tertia » : 957 manuscrits, 715 actes ou diplômes [dont 249 bulles des papes] et le contenu des 7 armoires, payés 30.000 livres, pour la Bibliothèque du Roi.




1 commentaire:

  1. "Le dimanche, XXIIIIe de novembre 1630, entre troys et quatre heures du matin, nasquit Estienne Baluze, premier filz de Me Jean Charles de Baluze, advocat en parlement, mon fils unique, et de Catherine de Teyssier, sa femme; et fust baptizé en l’esglize Saint Jullien le mecredy au soir, sur la nuict, par Mre Jean de la Salvanye, curé dud. Saint Jullien. Je fus parrin et damoyzelle Marguerite du Verdier, veufve de feu Mr Jean Teyssier, vivant conseiller du Roy et son recepveur general en la generalité de Limoges, mere de lad. Catherine, marrine. Dieu le fasse homme de bien".

    Tel est l'acte de naissance que l'on trouve dans le livre de raison des Baluze, récemment retrouvé par Michel Cassan aux archives départementales de la Corrèze. Il est tout aussi précis qu'un registre baptistaire. Celui de la paroisse Saint-Julien est en effet en déficit aux archives communales (déficit: années 1627-1632), et ce au moins depuis le XIXe siècle.

    Belle biographie!

    Jean Boutier

    RépondreSupprimer