vendredi 22 janvier 2016

Joseph Crozet (1808-1841) et son successeur Paul Colomb de Batines (1811-1855)

Entrée et façade du Palais Royal, rue de Valois.
Plan de Paris en 1830, par X. Girard.
Joseph Crozet, naquit à Paris, le 7 août 1808. Il succéda à son père, Claude Crozet, libraire, 1 rue du Lycée [rue de Valois, Ier] depuis 1809, après son décès le 22 décembre 1829.
Le 20 février 1830, il épousa, à Paris, Marie-Ursule Techener, de quatre ans sa cadette, sœur de Joseph Techener (1802-1873), qui avait ouvert une librairie en 1827 au 12 place de la Colonnade du Louvre [Ier], puis s'installa 17 quai Voltaire [VIIe].


En 1835, Joseph Crozet déménagea au 15 quai Malaquais [VIe], dans le petit hôtel de Chimay, entre l'ancien Musée des monuments français [aujourd'hui Palais des Beaux-Arts] et le grand hôtel de Chimay

Plan de Paris en 1830, par X. Girard.
Anatole France (1844-1924) habitera ce petit hôtel de 1844 à 1853, Honoré Champion (1846-1913) y fondera sa librairie en 1874, son fils Pierre Champion (1880-1942) y naîtra.

« C'est lui qui, avec M. Techener, son beau-frère, est allé reconquérir sur l'Angleterre, à force de sollicitudes et d'argent, ces trésors du Roman de chevalerie, du Mystère et de la Moralité, dépouilles opimes de nos bibliothèques, qu'on pouvoit croire irrévocablement perdues. C'est lui dont le tact ingénieux et délicat nous a rendu le goût de la vieille reliure, et qui a fait revivre par ses conseils assidus l'art délicieux de Gascon, de Deseuille et de Padeloup, dans les habiles essais de Thouvenin et dans les merveilleux travaux de Bauzonnet. » [sic]
(Ch. Nodier. « Nécrologie. Joseph Crozet. » In Bulletin du bibliophile. Paris, Techener, 1841, N° 11, janvier-février, p. 459-460)

Crozet fit des ventes, à la Maison Silvestre, 30 rue des Bons-Enfants [Ier].

Du mercredi 19 au mardi 25 mars 1834, le cabinet de Pierre Revoil (1776-1842), qui avait passé à Paris les quatre dernières années de sa vie : Catalogue des livres anciens, rares et précieux, imprimés et manuscrits, composant le cabinet de M. le chevalier Revoil, ancien professeur de peinture à l'Académie de Lyon (Paris, Crozet, 1834, in-8).
Du 22 janvier 1835 à avril 1840, le fonds des frères Jean-Jacques De Bure (1765-1853) et Marie-Jacques De Bure (1767-1847) : Catalogue des livres faisant partie du fonds de librairie ancienne et moderne de J. J. et M. J. De Bure frères, libraires de la Bibliothèque royale (Paris, De Bure frères et Crozet, 1834-avril 1840, 8 vol. in-8).
Le jeudi 26 novembre 1835 : Catalogue de bons livres, anciens et modernes, presque tous d'une belle condition, provenant de la bibliothèque de M. M. (Paris, Crozet, novembre 1835, in-8, [2]-40 p., 632 lots).

En 1837, Crozet succéda aux frères De Bure dans la fonction de Libraire de la Bibliothèque royale, rue Richelieu [IIe] : cette bibliothèque était alors ouverte, pour les lecteurs, tous les jours (excepté les dimanches et les fêtes), de 10 à 15 heures, et, pour les curieux, les mardis et vendredis, aux mêmes heures.

« J. Crozet, beau-frère de Techener, était alors libraire de la Bibliothèque Royale ; son magasin du quai Malaquais, n° 15, contenait les plus beaux livres, les plus belles reliures, les raretés les plus insignes. Ce magasin voyait tous les jours se réunir un cénacle de bibliophiles, qui causaient livres et reliures, sous la présidence de Charles Nodier, qu'on écoutait et consultait comme un oracle. Crozet parlait peu et ne se compromettait guère ; Nodier lui avait fait une réputation de connaisseur fin et délicat, de bibliophile expérimenté. Tous les habitués du magasin de Crozet se persuadèrent aisément que les éloges de Charles Nodier n'avaient rien d'exagéré. Crozet fut ainsi sacré le plus savant libraire de Paris.
Cependant Crozet était absolument incapable de faire un bon catalogue, et même un simple catalogue de livres, quoiqu'il connût les livres et qu'il fût très-habile à distinguer les reliures en nommant les relieurs. Il avait, dans le travail, une hésitation perpétuelle ; il passait son temps à défaire et à refaire ce qu'il avait fait. Ainsi, après avoir levé lui-même toutes les cartes pour le catalogue de la bibliothèque de Pixérécourt [sic], il s'était mis à remanier de diverses façons ces cartes, qui offraient les plus étranges disparates. Il les avait d'abord abrégées, puis augmentées, puis diminuées ; il changeait le lendemain son ouvrage de la veille. Ce fut bien pis, quand il voulut classer les cartes surchargées de ratures : il les brouilla et rebrouilla, sans parvenir à leur donner un ordre systématique.
Le pauvre homme suait sang et eau ; il en était malade. Le découragement s'emparait de lui et il désespérait d'arriver à un résultat quelconque. Charles Nodier avait beau l'exhorter, le conseiller, le réconforter ; rien ne faisait : Crozet restait absorbé dans son impuissance. Pixérécourt [sic], d'ailleurs, ne lui laissait pas un moment de repos ; il le pressait, il le maudissait. Vous me ferez mourir d'impatience et de chagrin ! lui disait-il sans cesse ; mon catalogue ne sera pas prêt en temps utile, et ma vente est manquée !
Enfin, un matin, Crozet apparut, pâle et tremblant, chez Pixérécourt [sic] ; il s'excusa des retards continuels occasionnés par son mauvais état de santé, et il manifesta timidement l'intention de suspendre son travail, sinon de le cesser tout à fait. Guilbert de Pixérécourt [sic] entra dans une de ses plus furieuses colères. Crozet était bien décidé à n'en pas supporter davantage : il déclara donc, avec calme et fermeté, qu'il renonçait au catalogue et à la vente des livres de ce bibliophile si difficile à contenter, et il prit congé de lui, sans vouloir rien entendre. »
(P.-L. Jacob, bibliophile. « Guilbert de Pixérécourt [sic] ». In Le Bibliophile français - Gazette illustrée. Paris, Bachelin-Deflorenne, N° 5, mars 1869, p. 273-274)

La bibliothèque de René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844) fut vendue du mardi 22 janvier au mardi 26 février 1839, en 29 vacations : Catalogue des livres rares et précieux et de la plus belle condition, composant la bibliothèque de M. G. de Pixerécourt (Paris, J. Crozet, décembre 1838, [8]-4-vii-[1 bl.]-414 p., 2.313 lots), suivi d'une description détaillée du n° 1.910 et avec « Des livres de M. de Pixerécourt », par Charles Nodier, et une « Préface » de Paul Lacroix. Le total de la vente s'éleva à 74.956 francs et 65 centimes. Pixerécourt considéra que sa vente n'avait pas réussi :

« Quant à moi, j'ai été assassiné par le petit Crozet ; il a laissé vendre à vil prix des livres charmants, sur lesquels j'ai perdu 90 pour 100. Il n'a soutenu que ce qui lui convenait, et j'ai perdu au moins 30,000 francs sur ma vente. » (P.-L. Jacob, bibliophile. « Guilbert de Pixérécourt [sic] ». In Le Bibliophile françaisGazette illustrée. Paris, Bachelin-Deflorenne, N° 5, mars 1869, p. 283-284).

Les plaintes de Pixerécourt étaient exagérées : les livres s'étaient vendus à des prix élevés, sinon excessifs, et le propriétaire avait retiré ceux qui ne trouvaient pas preneur à leur valeur réelle.

Du lundi 10 au samedi 29 février 1840, en 18 vacations, ce fut celle de Victor de Saint-Mauris (1797-1868) : Catalogue de beaux livres anciens et modernes et de quelques manuscrits précieux provenant de la bibliothèque de M. le comte de ST-M*** , membre de la Société des Bibliophiles français (Paris, J. Crozet, 1840, in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-202-[2] p., 2.200 lots).
Du lundi 11 au mercredi 13 mai 1840, en 3 vacations, la bibliothèque d'Eugène P. : Catalogue de livres anciens, la plupart rares et curieux, provenant de la bibliothèque de M. Eug. P. (Paris, J. Crozet, avril 1840, in-8, 36 p., 267 lots).

Crozet réalisa aussi quelques éditions, en particulier : La Deffence et Illustation de la langue francoyse, par Joachim du Bellay (Paris, Crozet, 1839) ; deux ouvrages de Théodore-Edme Mionnet (1770-1842), conservateur-adjoint du Cabinet des médailles de la Bibliothèque du Roi et membre de l'Institut : Atlas de géographie numismatique (Paris, Crozet, Constant Potelet et Rollin, 1838) et Poids des médailles grecques d'or et d'argent du Cabinet royal de France (Paris, Crozet et Constant Potelet, 1839).

Joseph Crozet mourut prématurément, à Paris, le samedi 6 février 1841, à cinq heures du matin.

« La mort de M. Crozet laisse un grand vide dans la librairie ancienne ; il s'était occupé avec succès de la bibliographie des livres rares et curieux. Les amateurs ont fait une grande perte qu'il sera difficile de réparer.
M. Crozet laisse un beau fonds de librairie, et un établissement en pleine prospérité. Nous savons que sa veuve serait disposée à traiter de cet établissement à des conditions très-raisonnables. Tout le monde sait que la librairie de M. Crozet est située sur le quai Malaquais. »
(Feuilleton du Journal de la librairie, N° 8, 20 février 1841, p. 5).

Sa veuve, qui épousera Alphonse Porte, en secondes noces, à Paris, le 28 avril 1842, confia à Romain Merlin (1793-1871), libraire 7 quai des Augustins [quai des Grands-Augustins, VIe], la rédaction du catalogue de vente du fonds de la librairie. 



Cette vente commença, à la Maison Silvestre, le lundi 17 mai, et se poursuivit jusqu'au lundi 7 juin 1841, pendant 18 vacations : Catalogue des livres composant le fonds de librairie de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale […]. Première partie. (Paris, R. Merlin, 1841, in-8, [4]-124 p., 1.859 + 23 bis = 1.882 lots) ; les pages 22 et 25 du catalogue sont chiffrées respectivement 23 et 21.
Pendant la vente, on pouvait lire, dans le Feuilleton du Journal de la librairie (N° 23, 5 juin 1841, p. 6-7) :

« Avis à MM. les Libraires.
Paris, le 20 mai 1841.
J'ai l'honneur de vous prévenir que je viens de céder le fonds de librairie ancienne et moderne qui était exploité par mon mari, quai Malaquais, n. 15, à M. COLOMB DE BATINES. La confiance que vous vouliez bien accorder à M. CROZET, m'engage à venir vous prier de la reporter sur son successeur, qui entre dans le commerce de la librairie avec des connaissances acquises, et qui, j'en suis persuadée, ne négligera rien pour remplir d'une manière satisfaisante les commissions que vous daignerez lui adresser.
J'ai l'honneur, etc.
Ve CROZET.

Paris, le 20 mai 1841.
Porté par mes goûts vers le commerce de la librairie ancienne, dont j'ai fait depuis long-tems, comme amateur de livres, une étude approfondie, je viens d'acquérir le fonds de feu M. CROZET, libraire de la Bibliothèque royale. J'ose espérer que vous voudrez bien me continuer la confiance dont vous l'honoriez, et je chercherai à la justifier en m'acquittant avec célérité et intelligence des commissions que vous daignerez m'adresser.
A la partie des livres rares, curieux, singuliers, tirés à petit nombre ou sur papier de luxe si bien exploitée par M. CROZET, j'en joindrai une autre non moins importante et non moins recherchée aujourd'hui, c'est la librairie historique des provinces, comprenant tous les ouvrages relatifs à leur histoire générale et particulière, et ceux écrits dans leurs divers patois. Quant à MM. les auteurs ou éditeurs de livres dans ces spécialités, à qui il conviendra de faire choix à Paris d'un libraire dépositaire qui s'occupe sérieusement de leur placement, au lieu de les reléguer dans un coin de son magasin, ainsi que cela se fait d'habitude, je prendrai la liberté de réclamer d'eux la préférence. Je donnerai de la publicité aux ouvrages qui seront déposés chez moi, en les mentionnant dans un Bulletin de ma librairie qui sera publié tous les deux mois, et adressé gratuitement aux amateurs de livres et à toutes les personnes qui en feront la demande par lettre affranchie.
Enfin, je m'occuperai de la rédaction des catalogues de ventes de livres, et recevrai les commissions des personnes qui ne pourraient y assister.
J'ai l'honneur, etc.
P. COLOMB DE BATINES.
15, quai Malaquais. »

Venu de Vienne [Isère], Paul Colomb de Batines s'etait rendu acquéreur du fonds de Crozet et voulut s'occuper spécialement de librairie historique des provinces de la France.

Frère jumeau de Marie-Laurence-Virginie Colomb, Étienne-Paul-Cyrus Colomb, était né à Gap [Hautes-Alpes], le 14 novembre 1811. Son père était le vicomte Jean-Paul-Cyrus Colomb (Gap, 8 avril 1782 – acte à la date du 22 août-Gap, quartier de Puymaure, 18 juillet 1835), juge-auditeur à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence [Bouches-du-Rhône] en 1808, puis avocat général au même lieu en 1814, procureur du Roi à Marseille [Bouches-du-Rhône] en 1815, puis premier avocat général à la Cour royale de Paris la même année, maître des requêtes au Conseil d'État en 1819 et député des Hautes-Alpes en 1815, réélu de 1822 à 1830. Sa mère était Marie-Jeanne-Françoise Blanc (Gap, 14 novembre 1790-8 juillet 1856), fille de Étienne Blanc, maire de Gap. Ils s'étaient mariés à Gap, le 30 avril 1806.

Hôtel de Batines, 5 rue Centrale, La Côte-Saint-André.
Originaires de La Côte-Saint-André [Isère], selon Gustave de Rivoire de La Batie (Armorial de Dauphiné. Lyon, Louis Perrin, 1867, p. 164), 

Saint-Marcellin, par Alexandre Debelle.
Album du Dauphiné (Grenoble, Prudhomme, 1837, 3e année, p. 130).
ou de Saint-Marcellin [Isère], selon Joseph Roman (Dictionnaire topographique du département des Hautes-Alpes. Paris, Imprimerie nationale, 1884, p. 11), 

La Roche-des-Arnauds
les Colomb étaient venus se fixer à La Roche-des-Arnauds [Hautes-Alpes] au XVIe siècle, où ils étaient devenus seigneurs de Batines, écart de la commune. Suivant une tradition de famille, celle-ci serait originaire de Gênes [Italie] : il est en effet curieux que leur devise soit en italien, « En fedelta finiro la vita. » [En fidélité je finirai la vie]. Leurs armes étaient : « Tiercé en fasce de gueules, or et sable. L'or chargé de trois colombes d'azur, becquées de gueules ».

Ayant conçu, comme l'avait fait son père avant lui, le projet de former une bibliothèque publique à Gap, Paul Colomb de Batines, qui était alors surnuméraire au ministère des Finances, avait couru les ventes, les librairies et les quais de la Seine : il était parvenu à réunir environ 2.000 volumes, dont il avait fait imprimer le catalogue, qui formèrent le premier fonds de la Bibliothèque de Gap, installée au collège, dans une salle du rez-de-chaussée indépendante et ouverte à partir du 15 novembre 1829. C'est à cette époque qu'il avait suivi, à la Sorbonne, les conférences d'Abel-François Villemain (1790-1870) sur La Divine comédie de Dante. Mais, ayant alors oublié trop souvent son bureau, Colomb de Batines avait été remercié, et avait entrepris des études de droit à Grenoble [Isère] et à Aix-en-Provence.

Colomb de Batines au Café [détail].
(Musée de l'ancien évêché de Grenoble)
Photographie J.-M. Barféty
Devenu avocat, et vicomte à la mort de son père, il avait épousé, à Vienne, le 30 janvier 1837, Charlotte-Marie-Louise David (°1819), fille de Jean David, receveur de l'enregistrement. Il avait écrit alors dans la Revue de Vienne, puis s'était lié avec Jules Ollivier (1804-1841), qui l'avait chargé des articles bibliographiques dans sa Revue du Dauphiné. S'il avait porté la lumière sur la bibliographie du Dauphiné, Colomb de Batines avait négligé ses intérêts matériels. 



Il dut mettre en vente une partie de sa bibliothèque, à Lyon [Rhône], Salle du 42 quai du Port-du-Temple, du mardi 26 au samedi 30 novembre 1839, en 5 vacations : Catalogue d'une partie des livres composant la bibliothèque de M. C. de B. (Lyon, Fontaine, et Paris, Dumoulin et Techener, 1839, in-8, [4]-43-[1 bl.] p., 418 + 18 bis = 436 lots).

En 1841, il décida de quitter Vienne pour Paris, où il s'établit libraire par amour pour les livres : le noyau de sa librairie fut sa propre bibliothèque, à laquelle il joignit le fonds de Crozet dont il se rendit acquéreur.
Il devint également éditeur : Traité de la législation et de la jurisprudence des chemins de fer, par H. Nogent St-Laurens (Paris, Colomb de Batines, 1841) ; Légendes e t chroniques suisses, par G. de Valayre (Paris, Colomb de Batines et J. Belin-Leprieur fils, 1842) ; Nouvelle bibliothèque bleue ou Légendes populaires de la France, par Charles Nodier (Paris, Colomb de Batines et J. Belin-Leprieur fils, 1842) ; Histoire des traités de 1815 et de leur exécution, par J. Crétineau-Joly (Paris, Colomb de Batines, 1842) ; Histoire des rois et des ducs d'Aquitaine et des comtes de Poitou, par A.-D. de la Fontenelle de Vaudoré et J.-P.-M. Dufour (Paris, Derache, Dumoulin, Techener et Colomb de Batines, 1842, t. I) ; Roisin. Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille, par Brun-Lavainne (Lille, Vanackere, et Paris, Colomb de Batines, 1842) ; Les Poésies du duc Charles d'Orléans publiées sur le manuscrit de la Bibliothèque de Grenoble (Paris, J. Belin-Leprieur et Colomb de Batines, 1842) ; Histoire littéraire du Maine, par Barthélemy Hauréau (Le Mans, Adolphe Lanier, et Paris, Colomb de Batines, 1843-1845, 3 vol.) ; etc.



En 1842, il ressuscita Le Bibliologue de Joseph-Marie Quérard, dont il réutilisa la vignette de titre, sous le nom de Le Moniteur de la librairie ancienne et moderne, bimensuel dont le premier numéro parut le 15 janvier 1842.

Comme son prédécesseur, il fit quelques ventes aux enchères publiques, reprenant celles du fonds de Crozet, en la Salle Silvestre.



Du jeudi 2 au lundi 20 décembre 1841, en 16 vacations : Catalogue des livres composant le fonds de librairie de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale ; publié avec des notes littéraires et bibliographiques de MM. Charles Nodier, G. Duplessis et Leroux de Lincy. […]. Seconde partie contenant les raretés bibliographiques et les belles reliures. (Paris, Colomb de Batines, Successeur de Crozet, 1841, in-8, viij-196 p., 1.652 + 58 bis + 8 ter = 1.718 lots). Vingt exemplaires du catalogue ont été tirés sur grand papier de Hollande, et 5 avec titre en rouge.

« Tout ce qui rend un livre recommandable et précieux, l'importance de ce qu'il contient, le nom de son auteur, son extrême rareté, sa parfaite conservation, l'antiquité ou la beauté de l'édition, la grandeur du papier et des marges, fut constamment l'objet des recherches de M. Crozet, et lui échappa rarement. Il rehaussa encore ce luxe bibliographique par l'éclat et la somptuosité des reliures, et l'on trouvera dans notre Catalogue de vrais chefs-d'œuvre en ce genre dus à MM. Bauzonnet, Niedrée et Koehler, auxquels il serait injuste de ne pas adjoindre M. Simonnin, qui s'entend si bien à restaurer, ou pour mieux dire, à refaire un livre.
[…]. Mais la partie la plus riche de notre Catalogue, celle qui renferme le plus d'articles hors ligne, est sans contredit la classe des Belles-Lettres. On y trouvera une belle suite de nos anciens poëtes français, la plupart d'éditions originales ; le rare Mistère de la passion (n° 782), qui a successivement appartenu à Girardot de Préfond et à Mac-Carthy ; sept précieux Romans de chevalerie (nos 828-835), admirables de conservation et de reliure ; enfin, un beau manuscrit in-folio (n° 1000), contenant l'Evangille des Quenouilles et les Advineaux amoureux. L'article le plus précieux de cette série, selon nous, celui qui doit séduire tout à la fois le bibliomane et le bibliophile, est un Recueil factice (n° 748) annoté par La Monnoye, contenant 48 petits poëmes, chansons et facéties italiennes, imprimés dans les premières années du XVIe siècle. » [sic]
(« Avertissement », p. v-vj)

Nombreuses étaient les reliures de Derome, Bauzonnet et Niedrée. Outre Colomb de Batines, les principaux acheteurs furent Joseph Techener, Guillaume Chimot et Victor Tilliard. Deux vacations supplémentaires suivirent : Catalogue des livres de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale. Seconde partie. - Supplément. (Paris, Colomb de Batines , Successeur de Crozet, 1841, in-8, [4]-24 p., 197 [chiffrés 1.652-1.848] + 2 bis = 199 lots et 10 autographes).

« Quelques personnes, dans des intentions qu'il ne nous appartient pas de qualifier, ont fait courir le bruit que Madame Crozet, depuis la mort de son mari, avait cédé une partie de ses livres de fonds. Nous sommes autorisé à déclarer, et pouvons attester au besoin, que cette allégation est de toute fausseté. Madame Crozet, depuis cette époque, n'a vendu que quelques unités desdits ouvrages, et toujours au prix fort. » (p. [2-3])

Le 15 avril 1842 : Notice de quelques ouvrages provenant des bibliothèques de MM. de L*** et J. O***. (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8.



Les 26 et 27 mai 1842 : Catalogue de livres en nombre provenant du fonds de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale (Paris, Colomb de Batines et Guilbert, 1842, in-8, 12-[1]-[1 bl.] p., 115 lots).

Le 10 juillet 1842, Paul Colomb de Batines déménagea 7 rue d'Anjou-Dauphine [rue de Nesle, VIe], au rez-de-chaussée : voulant se livrer exclusivement à la gestion d'un « Comptoir de la librairie des provinces » et à la rédaction du Moniteur de la librairie, il annonça le 15 août qu'il désirait céder le fonds de librairie ancienne qu'il avait acquis de Crozet. Depuis le 1er juillet, le « Comptoir des Imprimeurs-Unis », société en nom collectif fondée pour l'exploitation en commun des livres édités par les imprimeurs Jules Belin-Leprieur, Maximilien Béthune, Jean-Charles Crapelet, Charles Lahure, Louis Ducessois, Eugène Duverger, Henry Fournier, André Henry et Paul Renouard, et gérée par Gustave Comon, ancien libraire, était installé au 15 quai Malaquais.



Du jeudi 15 au mercredi 21 septembre 1842, en 6 vacations, eut lieu la dernière vente Crozet : Catalogue de bons livres provenant du fonds de feu M. Crozet, libraire de la Bibliothèque royale […]. Quatrième et dernière partie. (Paris, Colomb de Batines et Guilbert, 1842, in-8, [2]-53-[1 bl.] p., 698 + 9 bis + 1 ter = 708 lots).

« Il sera vendu au commencement de chaque vacation une trentaine de lots de 15 à 20 volumes, en total plus de deux mille bons ouvrages en bon état et bien complets, que le temps n'a pas permis de cataloguer ; plus, des défets d'ouvrages anciens, précieux pour les amateurs et les vendeurs de vieux livres. » (« Avis », p. [2])

« Cette quatrième et dernière partie du catalogue Crozet n'est pas aussi bien rédigée que les précédentes. On y trouve pourtant bien des articles curieux qui méritaient quelques observations bibliographiques. On lit en tête une note qui nous a chagrinés : […]. Pourquoi n'avoir pas pris le temps nécessaire pour tout cataloguer ? Tout le monde y eut gagné ; car le catalogue, qui ne contient que 698 articles, en aurait pu offrir le double. Il n'y avait pas, dans la librairie de M. Crozet, un seul livre qui fût indigne d'être catalogué. »
([Paul Lacroix]. « Nouvelles et faits divers  » In Bulletin de l'Alliance des arts, N° 6, 10 septembre 1842, p. 88-89).

« Que ce dernier catalogue soit moins bien rédigé que les précédents, le fait est vrai ; je n'avais pas cru devoir faire de l'érudition bibliographique au sujet d'une notice qui n'était pas destinée à aller entre les mains des amateurs de livres. Mais ce qui a le plus chagriné M. Paul Lacroix, c'est une Note dont je l'avais fait précéder et dans laquelle j'annonçais qu'il serait vendu en lots plus de deux mille bons ouvrages, que le temps (phrase clichée et toute industrielle) n'avait pas permis de cataloguer. […].
M. Paul Lacroix raisonne ici en amateur de livres, et nullement en homme qui, voulant faire son métier de catalographe consciencieusement, doit, avant tout, chercher à tirer le meilleur parti possible des livres dont on lui a confié la vente. Si j'avais rédigé mon catalogue selon ses prescriptions, tout le monde n'y aurait pas gagné, comme il le prétend. Mme Crozet y aurait grandement perdu, je crois, si je m'étais amusé à cataloguer des livres, fussent même des Galiot du Pré et des Elzévirs, qui étaient, soit piqués, soit déchirés, soit rognés à la lettre, soit enfin dotés de défauts qui, malgré leur rareté ou leur mérite intrinsèque, les font peu dans cet état rechercher de l'amateur de livres, même le moins difficile. Mme Crozet, je le répète, y aurait grandement perdu, si j'avais catalogué des livres d'une aussi piètre condition, ou des ouvrages que l'on voit figurer journellement dans les boîtes à 6 et 10 sous de nos bouquinistes parisiens. Cette manière d'opérer n'est possible qu'en Belgique, où l'on vend jusqu'à 500 nos par vacation et où l'on adjuge à tous prix. En France, on ne vend d'habitude (et c'est là un tort, selon moi) que de 100 à 130 articles par vacation, et, en général, les frais à la charge du vendeur se montent à 12 pour 100 (non compris le 5 pour 100 payé par l'acquéreur en sus du prix d'adjudication, ce qui fait le 17 pour 100), lorsque toutefois le produit de la vacation arrive à 1000 francs. Si j'avais catalogué tous les livres restants du fonds Crozet, les frais auraient été plus que quintuplés, et je ne serais pas arrivé à faire 200 fr. par vacation. En veut-on la preuve : les 698 articles catalogués (et il en est au moins 10 qui se sont vendus de 50 à 100 francs) n'ont produit qu'une somme de 2,440 francs, c'est-à-dire un peu plus de 400 francs par vacation. J'avais cependant fait un choix scrupuleux de tout ce qui m'avait paru bon à nomenclaturer ; seulement il en est plus d'un tiers que je n'aurais pas fait figurer dans ma notice, si l'on ne m'avait recommandé de la grossir le plus possible. Mais, dit M. Paul Lacroix, il n'y avait pas dans la librairie de M. Crozet un seul livre qui fut indigne d'être catalogué. C'est encore une erreur ; il s'y en trouvait un fort grand nombre, et il est facile d'en donner l'explication. Outre qu'il est bien difficile à un libraire, quel qu'il soit, de na pas s'embouquiner quelque peu, il arrivait fort souvent à M. Crozet d'acheter des lots de 20 à 30 volumes pour un seul article qui lui convenait, et dont, grâces à Simonnin et Bauzonnet, il comptait faire un livre digne d'un amateur de livres. […]
Le métier de catalographe, lorsqu'on veut s'en acquitter consciencieusement, n'est pas chose aussi facile que nombre de gens veulent bien se l'imaginer ; à moins de cumuler la science des Barrois, des Debure et des Merlin, il est bien difficile, quelque connaissance que l'on ait de la vieille librairie, de ne pas rebuter parfois quelques bons volumes ; mais en vendre sciemment plus de deux mille à la douzaine, je ne m'aviserai jamais de faire une bévue aussi forte et aussi préjudiciable. » (Colomb de Batines. « Réponse au bulletin de l'Alliance des Arts au sujet de la quatrième partie du Catalogue Crozet. » In Le Moniteur de la librairie ancienne et moderne, 1er octobre 1842, p. 13-14).

« M. Colomb de Batines, dont nous nous plaisons à reconnaître le savoir et l'intelligence, s'est ému bien à tort […].
Résumons-nous : il faut cataloguer tout article qui peut être mis sur table à 1 franc, parce qu'il est alors susceptible de monter à un prix quadruple par la concurrence des amateurs, qui font seuls la fortune d'une vente de livres. »
([Paul Lacroix]. « Des livres à cataloguer. » In Bulletin de l'Alliance des arts, N° 8, 10 octobre 1842, p. 113-115).

Du samedi 15 au vendredi 28 octobre 1842, en 12 vacations : Catalogue d'une jolie collection de bons livres anciens et modernes (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8, [2]-121-[1] p., 1.526 lots), suivi d'un Supplément au catalogue d'une collection de bons livres dont la vente commencera le 15 octobre 1842 (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8, 8 p., 99 lots).
Du jeudi 3 au mercredi 16 novembre 1842, en 12 vacations : Catalogue d'une belle collection de livres en différentes langues sur l'histoire et la littérature de l'Espagne, du Portugal et de leurs colonies, provenant de la bibliothèque de feu M. de Sampayo (Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8, VIII-108 p., 1.242 lots).
Du lundi 26 au jeudi 29 décembre 1842, en 4 vacations : Catalogue d'une collection d'ouvrages sur l'histoire des provinces de la France (Paris, L'Alliance des arts et Colomb de Batines, 1842, in-8, [2]-50 p., 662 lots).
Du 20 au 25 mars 1843, en 6 vacations : Catalogue d'une curieuse collection de livres sur l'histoire générale et particulière et sur les idiomes des provinces de la France (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8, [2]-61-[1] p., 919 lots).
Du 16 au 19 mai 1843, la vente eut lieu à la Salle du 2 place de la Bourse : Catalogue de beaux livres anciens et modernes, la plupart en belle reliure en maroquin, provenant de la bibliothèque de feu M. le comte de G*** (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8).
Le 22 mai 1843, Salle Silvestre : Catalogue des autographes, la plupart de l'époque impériale, provenant de la collection de M. P. de G., valet de chambre de l'empereur (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8, 16 p., 155 lots).
Du 26 au 28 juin 1843, même Salle : Catalogue de bons livres français et étrangers, la plupart sur les sciences naturelles et médicales et sur la littérature classique, composant la bibliothèque de feu M. le docteur M. E. (Paris, Colomb de Batines, 1843, in-8, 54 p., 589 lots).

Vers la fin de l'année 1834, Pierre-Alexandre Gratet-Duplessis (1792-1853), recteur de l'académie de Douai, avait trouvé, à la Bibliothèque, deux livres en mauvais état. Après étude, il avait été persuadé qu'ils étaient la Biblia pauperum et de l'Historia S. Johannis :

« Ces productions xylographiques étaient trop précieuses pour qu'on les laissât dans le triste état où elles se trouvaient ; Douai et Lille n'offrant pas d'ouvriers assez habiles pour rétablir le texte et le papier, il fallut les envoyer à Paris ; là seulement il était possible de calquer d'après un exemplaire de la bibliothèque du Roi. M. Duplessis, qui voulut bien se charger de ce soin, confia ces deux ouvrages à M. Crozet, successeur de M. Debure en qualité de libraire de la bibliothèque royale, qu'il faisait travailler pour lui-même depuis longtemps déjà. Des années se passèrent, et, malgré les réclamations de M. Duplessis, la restauration des deux ouvrages n'était point encore achevée ; la maladie des artistes, la nécessité d'achever d'importants travaux y mettaient toujours obstacle. Tout à coup, M. Crozet est atteint d'aliénation mentale et il meurt sans avoir pu arranger ses affaires. M. Duplessis, qui avait lui-même un nombre assez considérable de livres chez M. Crozet, écrit à la veuve de ce libraire pour être remis en possession de ce qu'il avait confié à son mari ; mais, mal secondée par ses commis, cette veuve ne peut, malgré sa bonne volonté, mettre la main sur les livres en question. Cependant un an après, M. Duplessis parvient à retrouver la Bible des pauvres et quelques-uns des livres qui lui appartiennent. En 1843, M. Colomb de Bastine [sic], successeur de M. Crozet, disparaît ; ses livres sont saisis : et ceux qui sont chargés de dresser l'inventaire, ne trouvent ni l'Historia S. Johannis ni aucun des cent cinquante volumes qui manquent encore à M. Duplessis personnellement. Tous ces ouvrages furent perdus.
Qu'est devenu l'Historia S. Johannis Evangelistæ ? Peut-être a-t-on retrouvé sa trace, sept ans plus tard, dans le numéro 1754 du catalogue d'un eminent collector (M. Libri) dont la vente a eu lieu à Londres en février 1850. Le catalogue disait que cet exemplaire était non rogné, comprenait quarante-huit feuillets dont deux ajoutés en fac-simile mais si admirablement qu'on pourrait défier quelqu'un de s'en apercevoir. Or, notre exemplaire était aussi non rogné, il avait aussi quarante-huit feuillets, parmi lesquels deux en si mauvais état que la restauration n'était point possible. Les démarches faites auprès de M. le Procureur général, pour protester au nom de la ville contre cette vente, ne pouvaient pas aboutir ; ce livre fut vendu à Londres à un prix très-élevé et perdu à jamais pour la ville de Douai. »
([Abbé Chrétien Dehaisnes]. Catalogue méthodique des imprimés de la bibliothèque publique de Douai, avec une notice historique. - Droit. Douai, Imprimerie Dechristé, 1869, p. LIII-LIV).

En 1843, Colomb de Batines aurait joué « un mauvais tour à l'un de ses confrères, qui n'est pas le moindrement gentilhomme, et celui-ci, pour s'en venger, au risque de déshonorer une famille toute entière, eût poursuivi à outrance notre étourdi, s'il n'avait pas eu le bon esprit, après avoir reconnu la gravité de sa faute, de fuir de France. »
(J.-M. Quérard. Le Quérard. Paris, Au bureau du Journal, N° 1, Janvier 1855, p. 121).

Fixé à Florence en 1844, Colomb de Batines fut directeur du Corriere dell'Arno et travailla chez Seymour Kirkup (1788-1880) et à la Laurenziana.

« MM. les libraires qui auraient mis des livres en dépôt à la librairie ancienne de M. COLOMB DE BATINES, rue d'Anjou-Dauphine, n° 7, sont priés d'adresser, franco, leurs réclamations à M. FAUQUET, 19, rue de la Monnaie, dans un délai de huitaine ; passé ce délai, il sera procédé à la vente des livres dépendant de cette librairie. » (Feuilleton du Journal de la librairie, N° 22, 1er juin 1844, p. 3).

Les livres composant la librairie furent vendus aux enchères publiques, du 18 au 22 avril 1845, à la Salle Silvestre : Notice d'une partie de livres d'assortiment et en nombre (Paris, Delion, 1845, in-8, 26 p., 333 lots).



Colomb de Batines publia quelques bibliographies, dont la Bibliografia dantesca (Prato, Alberghetti, 1845-1846, 2 vol. in-8), qui fut le monument de sa vie.
Pons de l'Hérault (1772-1853) voyagea en Italie entre 1846 et 1848. Il séjourna longtemps à Florence et il s'intéressa à la situation des lettres et des arts dans la patrie alors endormie des Médicis. Il rencontra Colomb de Batines, qui lui donna sur les bibliothèques publiques et privées de Florence des renseignements qu'on trouverait difficilement ailleurs.

« Les grands seigneurs de ce pays sont en général fort ignorants, et ne mettent jamais le pied dans les bibliothèques de Florence. La Magliabechiana est la seule bibliothèque de Florence fréquentée par les travailleurs italiens, dont beaucoup ne sont que des lecteurs simplement. A la Riccardiana on ne rencontre guère que des élèves des Ecoles Pies, qui vont copier leurs devoirs sur des traductions. Quant à la Laurenziana où j'ai travaillé des mois entiers, je n'ai jamais trouvé plus d'un compagnon, et, tout au plus une fois sur cent, il était florentin. Les Italiens, vous devez le savoir, ne radote que de Dante : eh bien ! le vieux gardien de la Laurenziana qui est là depuis quarante ans, m'a assuré que j'étais le premier qui avait visité et consulté les nombreux et précieux Codices Dantesques conservés dans cet établissement.
Il existe actuellement à Florence peu de bibliothèques particulières ; nous ne sommes plus dans ce temps où les grands seigneurs se faisaient gloire et honneur de se constituer les Mécènes des gens des lettres et de réunir de nombreuses et précieuses collections de livres qu'ils mettaient généreusement à leur disposition. Les bibliothèques, qui jadis se transmettaient de génération en génération comme un héritage de famille, vont actuellement chaque année se détailler à Paris, à la salle Sylvestre [sic] au plus offrant et dernier enchérisseur, ou enrichir les magasins du célèbre libraire de Londres Payne. Le grand seigneur florentin de nos jours se borne à aller chaque jour aux Cascine et à la Pergola. Parmi les bibliothèques particulières encore existantes, je citerai les suivantes :
Palatina ou bibliothèque particulière du grand duc. […] celle du marquis Rinuccini […] celle du Marquis Capponi (Gino) […] celles des Familles Strozzi et Baldovinetti […] celle de la famille Martelli […] celle de la famille Frullani […] celle de la famille Roselli del Curio […] celle des Panciatichi […] celle du Marquis Riccardi Vernaccia […] la collection de Romans de chevalerie de Mr. Moradei […] Mr. Seymour Kirkup, peintre anglais fixé à Florence, érudit aussi instruit que modeste, a réuni une assez grande collection de livres dans laquelle il y a bien des choses précieuses. Il a notamment six manuscrits dantesques et un beau manuscrit du roman français de Lancelot du Lac, dans lequel se trouvent des passages qui ne se trouvent pas dans les textes français ou italiens imprimés. C'est l'homme le plus complaisant que l'on puisse trouver, et il met sa collection à la disposition de tous ceux qui veulent la parcourir. […] le prince Louis Bonaparte, fils du Prince de Canino […] celle de l'Académie des beaux arts, celle de la Société des Georgofili et celle de l'Académie de la Crusca. »
(Léon G. Pélissier. « Notes inédites du bibliographe Colomb de Bâtines [sic] sur les Bibliothèques de Florence (1847) ». In Dr. O. Hartwig. Centralblatt für Bibliothekswesen. Leipzig, Otto Harrassowitz, s. d. [1898], p. 33-48).

Colomb de Batines mourut prématurément, à Florence, le 14 janvier 1855.

Renseignements complémentaires sur le blog 
"Bibliothèque dauphinoise" de J.-M. Barféty
http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/colomb_de_batines.html


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