* Son nom étant écrit
indifféremment « d’Heiss », « de Heiss » ou « de
Hesse », on a adopté l’orthographe dont il usait pour sa signature et pour
son ex-libris [30 x 65 mm.].
Au rapport des dates dont nous
disposons, le baron d’Heiss qui intéresse les bibliophiles serait l’arrière-petit-fils
de Jean Heiss, auteur d’une Histoire de
l’Empire (Paris, Claude Barbin, 1684, 2 vol.), en français, mise à jour et
rééditée en 1685, 1694, 1711, 1715, 1731 et 1733. Seigneur de Kogenheim
[Bas-Rhin], Jean Heiss, né vers 1615 à Clèves [Allemagne], fut résident à la
cour de France pour l’électeur Palatin et décéda à Paris, en 1688 [sa dernière
lettre connue est du 25 septembre].
Thomas Heiss, intendant des
armées du Roi, baron du Saint-Empire, qui demeurait en 1696 rue du Hasard [rue
Thérèse, Paris Ier], et qui possédait, en 1709, à Seine-Port
[Seine-et-Marne], une maison rue de Seine et une maison rue de Melun, pourrait
être son grand-père.
François-Adrien d’Heiss, décédé le
10 juin 1818, à l’âge de 54 ans, maréchal de camp, lieutenant du Roi à Calais,
serait son fils, issu d’un premier mariage.
Joseph-Louis d’Heiss, dont on
ignore donc les noms de ses parents, ainsi que la date de sa naissance, était baron
libre du Saint-Empire romain. Il fut capitaine au régiment d’Alsace, régiment d’infanterie
allemand du royaume de France. Ce fut en cette qualité qu’il assista à
l’escalade de Prague [Tchécoslovaquie], dans la nuit du 25 au 26 novembre 1741,
pendant la guerre de succession d’Autriche. En 1758, pendant la guerre de Sept
Ans, il combattit à Lutzelberg [Staufenberg, Allemagne] et reçut, après la
victoire, la croix de Saint-Louis.
En 1770, il était à Phalsbourg [Moselle] :
découvrant dans un exemplaire du numéro du mois d’août 1687 des Nouvelles extraordinaires de divers endroits,
dite « Gazette de Leyde », la traduction d’une dépêche italienne qui
donnait le récit de l’emprisonnement du comte Mattioli, secrétaire d’État du
duc de Mantoue, le baron d’Heiss se crût obligé d’adresser une note au Journal encyclopédique qui parut dans le
numéro du 15 août 1770, ravivant le débat sur l’homme au masque de fer :
« DEpuis l’anecdote de l’homme au masque de fer que nous a donné
M. de Voltaire dans son Siecle de Louis
XIV, j’ai toujours été très-curieux de chercher à découvrir quel pouvoit
ètre ce prisonnier ; mais toutes mes recherches ne m’avoient jusqu’ici
rien donné qui put me contenter ; le hazard vient de me faire trouver une
feuille détachée d’un ouvrage qui a pour titre : Histoire abrégée de l’Europe pour le mois d’Août 1687, imprimée la
même année. A Leide, chez Claude Jordan. A l’article MANTOUE, j’ai lu la lettre dont j’ai l’honneur
de vous envoyer copie, traduite de l’italien. Il paroit que ce Secrétaire de M.
le Duc de Mantoue dont il est question, pourroit bien être cet homme au masque
de fer, transféré de Pignerol aux isles Ste. Marguerite, & de-la à la
bastille en, 1690, lorsque M. de St. Mars en eut le gouvernement. Je le
croirois d’autant plus, que, comme dit M. de Voltaire & tous ceux qui ont
fait des recherches à ce sujet, il n’est disparu dans ce tems-là aucun Prince,
ni personne de marque dans toute l’Europe. » [sic] (p. 132-133)
Armes de Camus de Pontcarré |
Le 2 mars 1772, à Paris, le baron
d’Heiss épousa, en secondes noces, Angélique-Élisabeth Camus de Pontcarré
(1733-1780), veuve de Nicolas-Élie-Pierre Camus de Viarmes (1733-1771), son
cousin germain ; elle était la fille de Geoffroi-Macé Camus de Pontcarré
(1698-1767), baron de Maffliers [Val-d’Oise], premier président au Parlement de
Rouen, ardent bibliophile, et de Marie-Marguerite-Élisabeth de Baussan
(1709-1757), sa seconde femme. Le contrat de mariage portait deux articles, en
particulier :
« L’article 3 déclare en
conséquence que “ les futurs époux ne seront tenus des dettes &
hypothèques créées avant et pendant le mariage, & que s’il s’en trouve
aucunes, elles seront payées & acquittées par celui des futurs époux qui
les aura contractées, & sur ses biens, sans que l’autre en soit tenu ”. […] ;
enfin l’article 8 est conçu en ces termes : “ La dame future épouse
demeurera seule chargée de toute la dépense courante de la maison ;
savoir, de la nourriture dudit seigneur futur époux, & de ses domestiques,
fixés à trois ; de la nourriture des chevaux, ceux dudit seigneur futur
époux fixés au nombre de deux ; & des loyers d’hôtel, sans aucune
contribution de la part du seigneur futur époux ”. »
(Répertoire universel et raisonné de jurisprudence. Paris,
Panckoucke et Visse, 1783, t. 58, p. 114-115)
Le 8 août 1775, la baronne
d’Heiss acheta 112.400 livres un hôtel qui « était situé rue
Saint-Louis-au-Marais, attenant à l’hôtel d’Ecquevilly, et se composait d’un
corps de logis sur la rue, derrière lequel s’étendait une cour garnie de deux
ailes et occupée au fond par un autre corps de logis donnant à la fois sur la
cour et sur le jardin et précédé sur ce dernier de deux pavillons en
saillie ; cet hôtel est aujourd’hui représenté par le n° 62 de la rue de
Turenne. » (Bulletin de la Société
de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France. Paris, H. Champion, 1903, p.
35)
Château de Maffliers |
En 1778 et 1779, Barthélemy Mercier
(1734-1799), abbé de Saint-Léger de Soissons, qui avait été bibliothécaire de
Sainte-Geneviève de 1760 à 1772, vint examiner la bibliothèque du baron
d’Heiss, qui était alors au château de Maffliers.
L’abbé avait contribué pour une
large part à la formation de cette bibliothèque, le conseillant dans ses
achats, le baron étant plus amateur que connaisseur. Il lui fit acquérir des
manuscrits des Augustins déchaussés de la Croix-Rousse de Lyon, d’autres provenant
des Célestins de Colombier-le-Cardinal [Ardèche], 37 manuscrits de théologie
exécutés au XIIe siècle dans l’abbaye de Fontenay [Marmagne,
Côte-d’Or] et quelques manuscrits de l’abbaye de Clairvaux [Ville-sous-la-Ferté,
Aube].
Plusieurs libraires de Paris
furent les fournisseurs du baron d’Heiss : Guillaume-François De Bure, Antoine
Fournier, Guillaume-Luc Bailly, Antoine Santus, Simon Gibert « le Jeune »,
etc. Sa bibliothèque eut son plus grand développement entre 1773 et 1781, et la
plupart des acquisitions furent faites à crédit.
Après le décès de son épouse, survenu
le 12 décembre 1780, qui avait légué l’hôtel de la rue Saint-Louis-au-Marais
[rue de Turenne, IIIe] à sa sœur aînée, Adélaïde-Jeanne-Claude Camus
de Pontcarré, épouse du marquis Henri-François de Bricqueville, le baron
d’Heiss s’installa à Paris, rue Neuve -d’Orléans [rue Daubenton, Ve].
En 1781, le chiffre des dettes du
baron d’Heiss était devenu si élevé, et les libraires se montraient si
impatients d’être payés, que la bibliothèque fut vendue au marquis de Paulmy
(1722-1787) pour la somme de 100.000 livres, après estimation par De
Bure : 60.000 à la signature du contrat, 40.000 payés dans le courant des
six premiers mois de 1782.
Vincent de Beauvais. Miroir historial (XIVe s., f 1 r°) Bibliothèque de l'Arsenal (Ms 5080 Rés.) Provient des Augustins déchaussés de Lyon |
Paulmy l’avait acquise surtout à
cause des manuscrits qu’elle contenait ; il fit son choix dans la
collection [près de 300 manuscrits] et revendit les volumes qu’il n’avait pas
voulu conserver :
Catalogue des
livres de la bibliothèque de M. le baron d’H** (Paris, Guillaume De Bure,
fils aîné, 1782, in-8, [1]-[1 bl.]-viij-440 p., 3.558 + 88 [« Supplément »]
+ 2 [doubles, dont 1 vendu non imprimé] – 1 [pas de n° 900] = 3.647 lots), avec
un « Supplément » (p. 397-407) et une « Table alphabétique des
auteurs ».
Hors « Supplément »
[non classé] : Théologie [368 lots = 10,33 %], Jurisprudence [104 lots = 2,92
%], Sciences et Arts [540 lots = 15,17 %], Belles-Lettres [868 lots = 24,38 %],
Histoire [1.679 lots = 47,17 %].
Bien que les exemplaires les plus
précieux en eussent été enlevés, cette collection contenait encore un assez
grand nombre de manuscrits et de bonnes éditions. La partie de l’Histoire
naturelle dans les Sciences et Arts, la classe des Belles-Lettres surtout et
celle de l’Histoire présentaient de belles suites qu’il était difficile de se
procurer.
La vente, qui se fit à partir du
lundi 22 juillet 1782, dans une des salles de l’hôtel de Bullion, rue
Plâtrière, produisit 25.390 livres et 13 sols.
Privé de ses livres, mais
débarrassé de ses dettes, le baron d’Heiss se remit aussitôt à l’œuvre et
parvint, en deux ou trois années, à reconstituer une nouvelle bibliothèque,
moins considérable, mais presque aussi précieuse que la première.
Son ami
l’abbé de Saint-Léger lui adressa des lettres sous le titre Lettres de M. l’Abbé de St.-L***, de Soissons, à M. le baron de H***. Sur différentes éditions rares du XVe
siècle (Paris, Hardouin, 1783).
La seconde collection, peu
nombreuse, aurait pu rivaliser avec les meilleures bibliothèques privées pour
les manuscrits et les exemplaires rares. Elle fut vendue en deux fois :
Catalogue des livres rares et précieux de M. ***. Ce cabinet consiste
principalement en manuscrits sur vélin, avec
de superbes miniatures, en premières
éditions, livres imprimés sur vélin,
&c.&c. (Paris, De Bure, fils
aîné, 1785, in-8, [1]-[1bl.]-[2]-155-[1 bl.]-7-[1 bl.] p., 1.065 + 65
[« Supplément »] = 1.130 lots), avec une « Table alphabétique
des auteurs ». Hors « Supplément » [non classé] : Théologie
[44 lots = 4,13 %], Jurisprudence [4 lots = 0,37 %], Sciences et Arts [76 lots
= 7,13 %], Belles-Lettres [754 lots = 70,79 %], Histoire [187 lots = 17,55 %].
La vente eut lieu en l’une des salles de l’hôtel de Bullion, rue Plâtrière, du
lundi 7 au jeudi 17 mars 1785, en 10 vacations, et le vendredi 18 mars 1785
pour le « Supplément ». Le total de la vente ne s’est guère élevé
au-dessus de quinze à vingt mille francs, même si, à la fin de la première
vacation, le lot 138 fut adjugé 800 livres :
« 138 Anacréon, Sapho, Bion
& Moschus, Hero & Léandre, (trad. Par M. Moutonnet de Clairfonds). Sous la direction de Lamy, Libraire, 1782, 2 vol. in-4. gr. pap. m.
r. doubl. de tab.
EXEMPLAIRE
UNIQUE, contenant les Dessins originaux d’Eisen, les vingt-huit Tableaux
peints en miniature, sur Vélin, les Gravures premieres épreuves, & le texte
tiré sur papier d’Hollande. » [sic]
Catalogue des livres de M. ***. (Paris, De Bure, fils aîné, 1785,
in-8, [1]-[1 bl.]-[2]-47-[1 bl.] p., 431 + 1 double = 432 lots) :
Théologie [24 lots = 5,55 %], Jurisprudence [5 lots = 1,15 %], Sciences et Arts
[77 lots = 17,82 %], Belles-Lettres [230 lots = 53,24 %], Histoire [96 lots =
22,22 %]. La vente eut lieu en l’une des salles de l’hôtel de Bullion, rue
Plâtrière, du lundi 6 au samedi 11 juin 1785, en 6 vacations.
On ignore la date de la mort du
baron d’Heiss.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire