Les Balluaux, en Corps-Nuds (octobre 2016) |
Descendant d’une famille originaire
d’Orgères [Ille-et-Vilaine], faite de sénéchaux et d’avocats qui cultivaient
leurs terres, Jacques-Joseph-Guillaume-François-Pierre Corbière est né le 22
mai 1766 au hameau Les Balluaux, sur la commune de Corps-Nuds, dans la ferme de
ses parents : Joseph Corbière (1737-1767), avocat en Parlement et sénéchal
de Bourgbarré, et Perrine-Jeanne Moulin (1736-1830), qui s’étaient mariés le 30
juillet 1765 à Amanlis, haut lieu de la production de fils de lin et de chanvre
pour la fabrication de toiles à voile.
L’ancêtre Pierre Corbière a
épousé Jeanne Monnier à Orgères, le 18 mai 1613. Leur fils Jean Corbière fut
sénéchal d’Orgères et demeura au hameau Le Vivier, sur la commune de
Bourgbarré : veuf une première fois, il épousa à Orgères, le 25 juillet
1651, une veuve de 37 ans, Julienne Desloges, et fut inhumé dans l’église
d’Orgères le 21 octobre 1675.
Le fils de Jean Corbière et de
Julienne Desloges, François Corbière, avocat, épousa Jeanne Romauld, à
Chanteloup, le 30 novembre 1679 ; ils habitèrent le hameau La Moisonnais, sur
la commune de Saint-Erblon, et furent inhumés dans l’église de
Saint-Erblon : François Corbière le 29 mars 1706, Jeanne Romauld, le
lendemain de sa mort, arrivée le 19 octobre 1730.
Leur fils Julien-François
Corbière, né à Saint-Erblon le 17 septembre 1693, sénéchal de Le Châtellier
[Ille-et-Vilaine], habita La Moisonnais et épousa une jeune veuve d’à peine 22
ans, Jeanne Galleran, le 15 mai 1721, à Corps-Nuds, où ils s’installèrent au
hameau Les Balluaux ; ils y décédèrent tous les deux, respectivement le 13
avril 1758 et le 24 avril 1756, et furent inhumés dans l’église de Corps-Nuds.
Jacques Corbière réussit
sa licence en droit le 3 avril 1788 et obtint le grade de docteur en droit le
10 mai 1789 à Rennes, où l’enseignement du droit se faisait depuis 1762 dans la
chapelle des Jésuites [église Toussaints, rue du Capitaine Alfred Dreyfus]. Il
traversa la Révolution en se préservant de faits irréprochables, exerçant
plusieurs fonctions municipales et départementales. Il fut élu député d’Ille-et-Vilaine
pour la première fois le 25 germinal An V [14 avril 1797] au Conseil des
Cinq-Cents, puis nommé au Conseil général de son département par un arrêt
consulaire du 1er prairial An VIII [21 mai 1800].
Corbière fu chargé, comme
avocat, de débrouiller la succession de l’avocat rennais Isaac-René-Guy Le
Chapelier (1754-1794), auteur de la loi du 28 juillet 1791 garantissant aux
écrivains la propriété de leurs œuvres, qui était mort guillotiné à Paris. Le
10 nivôse An VIII [31 décembre 1799], à Rennes, Corbière épousa sa veuve, la
blonde Anne-Marie-Esther Delamarre, fille du procureur au Présidial de Rennes,
née et baptisée en l’église Saint-Aubin le 4 juin 1765, considérée alors comme la
plus belle femme de la ville, qui lui donna deux fils, tous les deux substituts
du procureur du Roi et qui restèrent célibataires : Ernest, né à Rennes,
place de la Monnaie, le 6 thermidor An IX [25 juillet 1801], mort à Rennes le
13 mai 1869 ; Eugène-Marie, né à Rennes, rue Mably, le 16 brumaire An XII
[8 novembre 1803], mort à Paris le 11 septembre 1827.
Amanlis, 4 rue des Dames (novembre 2010) |
Rennes, 3 rue de Corbin (juin 2010) Photographie TCY (sous licence Creative Commons) |
Corbière ne cessa d’augmenter
son patrimoine par des achats successifs et arriva à posséder au total 563
hectares répartis en 32 fermes. En 1803, il se rendit acquéreur d’une maison à
Amanlis, 4 rue des Dames, dite « le château du bourg ». Son hôtel
particulier du 3 rue de Corbin, à Rennes, fut acheté en 1824.
La vraie carrière politique de Corbière commença avec son élection comme député d’Ille-et-Vilaine le 22 août 1815. Il fut réélu cinq fois, le 4 octobre 1816, le 20 septembre 1817, le 9 mai 1822, le 25 février 1824 et le 17 novembre 1827.
Jacques Corbière |
« Les Romains auraient
donné à un orateur tel que M. de Corbière l’épithète d’incumptus, ce qui
répond imparfaitement à notre mot mal léché. L’expression latine est
plus honnête que l’expression française. Cette épithète convenait à un orateur
sans soin de l’arrangement, des plis de sa robe, de sa tenue, de son action, de
son débit, de son élocution. Tel est M. de Corbière, orateur aussi original
qu’homme singulier. Sa taille est petite et d’une conformation impossible à
décrire ; on dirait que le torse ne repose pas sur les hanches. Ses
épaules sont hautes, et sa tête renfoncée ; son front large et chauve
cache des yeux petits, mais étincelans [sic]. Sa figure qui, vue de près, a
quelque chose de burlesque, ne manque pas, à la tribune, d’une certaine
noblesse sauvage. Sa logique n’est pas méthodique, son éloquence est
incorrecte, mais sa diction est brillante d’images, de traits inattendus ;
un débit saccadé, un accent bas-breton, une action vive et désordonnée, un ton
de bonhomie bourrue, voilà l’orateur à la tribune. Le député assis à son banc
n’est pas un personnage moins bizarre : il ne peut guère se tenir plus de
cinq minutes en place ou en silence. Quand il se résigne à rester assis pendant
le discours d’un orateur dont l’opinion contrarie la sienne, il l’interrompt à
chaque phrase en gromelant [sic]. Le plus souvent il se lève d’impatience, se
promène à grands pas ; et, s’il ne trouve pas quelqu’un à qui parler, soit
un député, soit un employé de la Chambre, soit un huissier, soit un garçon de
salle, il parle seul, s’arrête de temps en temps, en regardant l’orateur d’un
air de mauvaise humeur, et lui adresse à demi-voix [sic] des interpellations ou
des apostrophes du genre de celles-ci : Ennuyeux bavard !
finiras-tu ta période ! Crois-tu qu’on t’écoute ! Belle raison, ma
foi ! Cela n’a pas le sens commun ! »
(Biographie pittoresque des
députés de France. Session de 1819 à 1820. Bruxelles, J. Maubach, septembre
1820, p. 84-85)
Déjà nommé, le 5 avril 1817,
professeur de droit civil à la Faculté de droit de Rennes et doyen de cette
Faculté, Corbière fut nommé, le 21 décembre 1820, à la présidence du Conseil
royal de l’Instruction publique. Il devint ministre de l’Intérieur le 14
décembre 1821 dans le cabinet de Villèle.
Photographie Chatsam (sous licence Creative Commons) |
Créé comte de Corbière [mais
souvent dit « comte Corbière »] par une ordonnance du 17 août 1822, il
prit pour armes : « D’azur au chevron d’or, accompagné en pointe d’un
coq de même ».
Profondément religieux et
royaliste, rangé du côté droit de la Chambre, dans le parti de Villèle et des
ultra-royalistes, il appuya toutes les mesures réactionnaires, combattit à
outrance l’enseignement mutuel, poursuivit la presse avec rigueur, fit tous ses
efforts pour rétablir la censure, attacha son nom à la dissolution de la Garde
nationale de Paris en 1827.
Le ministère du comte Corbière
ne fut pas moins favorable que les précédents aux grands intérêts que
l’administration de la Bibliothèque du Roi s’est toujours fait un devoir de
proclamer et de défendre : 159.000 francs de crédit supplétif furent
obtenus durant ce ministère, pour le zodiaque de Dendérah [transféré au Louvre
en 1922], pour la deuxième collection de Frédéric Cailliaud (1787-1869), les
livres de Louis Langlès (1763-1824), les médailles de Pierre-Amédée Durand
(1789-1872) et de Edmond de Cadalvène (1799-1852), les estampes de Dominique-Vivant
Denon (1747-1825) et de Alexandre-Joseph Desenne (1785-1827), et le magnifique
exemplaire imprimé de la charte d’Angleterre.
Il perdit son portefeuille le 4
janvier 1828 et reçut en dédommagement les titres de ministre d’État, membre du
Conseil privé du Roi, de pair de France, de chevalier du Saint-Esprit.
Il quitta la Chambre haute après
les journées de juillet 1830, pour ne pas prêter serment à Louis-Philippe et se
retira dans sa terre d’Amanlis, au milieu de ses livres, avec une pension de
12.000 francs.
Corbière était entré à la
Société des Bibliophiles français le 9 février 1824, remplaçant le chevalier Louis
Langlès. Il en démissionna le 5 avril 1843 – à l’entrée du baron Jérôme Pichon
(1812-1896) -, et fut remplacé le 17 février 1844 par le comte d’Ussy († 1845).
Nombreuses sont les anecdotes de
l’époque faisant état de la passion bibliophilique de Corbière. Les poètes
satiriques marseillais Auguste Barthélemy (1796-1867) et Joseph Méry
(1797-1866) se moquèrent de la bibliomanie de Corbière dans La Villéliade,
ou la Prise du chateau [sic] Rivoli. Poème Héroï-Comique en cinq
chants (Paris, Chez tous les marchands de nouveautés, 1826, p. 74) :
« Elzevirs !
chers objets d’un platonique amour,
C’est
vous qu’il prend plaisir à grossir chaque jour,
Quand
pour se délasser des soins du ministère,
Il s’en
va bouquinant le long du quai Voltaire ! »
et dans La Corbiéréide,
poëme en quatre chants (Paris, Ambroise Dupont et CIE, 1827,
p. 16 et p. 62) :
« Ah !
Corbière, est-ce ainsi que ta reconnaissance
Sert
l’ami chaleureux qui créa ta puissance,
Et
crois-tu t’acquitter d’une dette sans prix
En
flanant [sic] tous les jours sur les quais de Paris ? »
« Tu
fais l’homme d’État, tu n’es qu’un brocanteur. »
L’ex-libris [46 x 53 mm] du
comte de Corbière est anonyme : écu aux armes sommé d’une couronne de
comte et posé sur une tablette portant cinq croix de différents ordres ; manteau
de pair de France surmonté d’un tortil de baron ave bonnet sans plumes. Les armes
sont « D’azur au chevron d’or, accompagné en pointe d’un coq d’argent
contourné » : le graveur a commis une erreur, le coq devant être d’or
et non contourné.
Le chargé d’affaires de
Corbière, à Rennes, était Jean-Marie-Ange Ganche [né et mort à Rennes le 15
prairial An XIII (4 juin 1805) et le 28 décembre 1872], libraire breveté le 20
février 1829 et installé au 14 douve de la Visitation [rue de la Visitation], au
rez-de-chaussée d’une vieille maison délabrée. Son successeur fut Joseph
Plihon, né à Meillac [Ille-et-Vilaine] le 17 mars 1845 et décédé à Rennes le 7
septembre 1916.
Corbière mourut dans son hôtel
rennais le 12 janvier 1853 et fut inhumé à Amanlis, de même que son épouse, qui
lui survécut jusqu’au 6 octobre 1856.
Après le décès de Corbière,
Ganche fut chargé par les héritiers de faire le triage de la bibliothèque,
qu’il connaissait bien, en vue de sa vente.
« Il y avait des livres de
haute valeur, par exemple le Cicéron, imprimé sur vélin en 1466. Ganche
nous racontait qu’il avait été payé par M. Corbière à M. Vatar, libraire à
Rennes, au prix de 150 francs. On avait eu pour fixer ce prix, sur lequel M.
Corbière et M. Vatar n’avaient pas d’idées préconçues, recours à M. Renouard,
libraire à Paris, qui n’avait coté que 50 francs. Le Cicéron a été vendu
aux enchères à Paris et a atteint, en 1870, le prix de 8,500 francs. Il y avait
encore un livre d’heures, sur vélin, à l’usage du diocèse de Saint-Malo.
M. Corbière l’avait acheté 15 francs. Ganche l’estima 1,000 francs, et l’un des
héritiers le retira à ce prix. Parmi les livres qui, au contraire, furent
vendus pour ainsi dire au poids du papier, se trouvait un exemplaire de la quatrième
édition du Manuel des avocats de Camus. C’était tout ce que valait, à
coup sûr, ce très-médiocre ouvrage, bien que cette quatrième édition eût été
faite sous la direction de M. Dupin, déjà le plus célèbre des trois Dupin.
Ganche allait livrer cet ouvrage, lorsque, l’ouvrant par hasard, il reconnut en
tête du premier volume un assez long autographe de M. Corbière. »
(S. Ropartz. Études sur
quelques ouvrages rares et peu connus – XVIIe siècle – écrits
par des Bretons ou imprimés en Bretagne. Nantes, A.-L. Morel, 1879, p. 236)
La bibliothèque de Corbière fut
vendue à Paris, 28 rue des Bons-Enfants - ancienne Maison Silvestre -, salle n°
1, du mercredi 1er décembre au vendredi 10 décembre 1869, en 9
vacations : Catalogue de la bibliothèque de M. le comte de Corbière,
ancien ministre de l’Intérieur et membre de la Société des Bibliophile
français, comprenant le Cicéron, imprimé sur vélin en 1466, par
Jean Fust, des livres imprimés sur peau de vélin, une série de
poètes anciens, des ouvrages classiques grecs, latins et français,
de grandes collections historiques et littéraires, &., &.
(Paris, Bachelin-Deflorenne, 1869, in-8, [4]-188 p., 1.594 + 1 double [bis] – 1
absent [n° 1.174] = 1.594 lots), dont Théologie [80 lots = 5,01 %],
Jurisprudence [110 lots = 6,90 %], Sciences et Arts [212 lots = 13,29 %],
Belles Lettres [772 lots = 48,43 %], Histoire [407 lots = 25,53 %], Articles
omis [13 lots = 0,81 %]. La vente a produit 50.000 francs.
« On vend en ce moment aux
enchères publiques la bibliothèque de M. le comte de Corbière, ancien ministre
de la Restauration et membre de la Société des bibliophiles français. Je viens
de lire avec un curieux intérêt le catalogue de cette collection, patiemment
formée par un homme d’érudition et de goût. J’y ai retrouvé de vieilles
connaissances, c’est-à-dire de beaux et bons livres qu’il m’avait été permis de
voir et de toucher quand ils reposaient sur les rayons où ils avaient été
rangés avec tant d’amour dans ce vieil hôtel de la rue Corbin à Rennes, où M.
de Corbière vivait au milieu de ses trésors.
Il y a vingt ans, toutes les
fois que je traversais la ville de Rennes, je m’empressais d’aller frapper à la
porte hospitalière de l’ancien ministre. Elle s’ouvrait facilement pour la
jeunesse annonçant quelque goût d’étude et de lecture, et j’étais heureux de
pouvoir jouir d’une conversation attachante et pleine de souvenirs, de respirer
l’odeur qu’exhalaient ses vieux livres. Je pressentais bien que la bibliothèque
ne survivrait pas longtemps à son propriétaire et que celui-ci touchait au bout
de sa carrière. Je vois encore l’ancien homme d’Etat avec sa mine de
boule-dogue [sic] intelligent et sa grosse verrue sur le bout du nez : il
trottinait dans son cabinet de travail avec une vivacité singulière, me
montrant son Cicéron imprimé sur vélin en 1466, son beau livre d’heures à l’usaige
de Saint Malo, son Buffon in-folio, ses nombreuses éditions d’Horace, les
vieux poëtes [sic] français, etc.
Mais ce que j’aimais encore
mieux que les livres, c’était sa causerie et ses anecdotes. M. de Corbière
était volontiers laudator temporis acti… Bien que fort détaché des
vanités mondaines, il aimait à parler de l’époque où on l’appelait “
monseigneur ”, et quand on le mettait sur ce sujet, il était intarissable et
exubérant au point de se répéter et de rabâcher un peu. Pour mon compte, je
l’ai bien entendu redire cinq ou six fois l’histoire de ses poches vidées sur
la table du Roi Louis XVIII.
Fidèle à ses souvenirs, M. de
Corbière l’était surtout à ses doctrines. Il était profondément religieux et
royaliste. Mais sa religion se tempérait de gallicanisme, et son royalisme
s’alliait à un certain esprit bureaucratique et centralisateur. Tout cela
m’étonnait prodigieusement, moi qui considérais la liberté et la
décentralisation comme le corollaire obligé de tout gouvernement légitime. Mais
ce mélange d’idées et de principes donnait à la conversation et au tour
d’esprit de M. de Corbière une originalité des plus marquées. Au fond, il était
beaucoup plus de 89 qu’il ne le pensait peut-être, et je ne répondrais pas que,
dans son amour de la centralisation, il n’y eût un reste de rancune contre
l’ancien parlement de Rennes, qui n’était guère populaire, il faut le dire, en
dehors des rangs de la noblesse bretonne. Il y avait du légiste en M. de
Corbière. Mais s’il en gardait l’esprit et certains préjugés, il n’en avait
nullement la lourdeur et le pédantisme. Nul ne fut plus vif et plus gaulois,
plu prêt à toutes ripostes et réparties.
On connait sa réponse à une
grande dame qui sollicitait une faveur que le ministre ne pouvait ou ne voulait
accorder.
-
Avouez, lui disait-elle, non sans une légère
pointe d’impertinence, avouez, monsieur Corbière, que mon père serait bien
étonné s’il vous entendait me refuser ce que je vous demande.
-
Ah ! madame, répondit l’excellence de
fraiche date, le mien le serait bien davantage s’il vous voyait me demander ce
que je vous refuse.
Les amis de M. de Corbière lui
reprochaient eux-mêmes d’être peu accessible au temps de sa puissance, non
certes par morgue de parvenu, mais par suite de sa passion de bibliophile. On
le cherchait au ministère, et il fallait le relancer jusque sur les quais, où
on le trouvait le nez fourré dans la boîte de quelque bouquiniste. Il aimait
tellement ses livres, qu’il s’oubliait souvent en leur compagnie et qu’il
négligeait pour eux jusqu’à ses rendez-vous d’affaires. Un jour, un personnage
muni d’une carte d’audience est annoncé à M. de Corbière, par l’huissier de
service. Le ministre venait de quitter son cabinet. Fatigué d’attendre, le
personnage pénètre dans une pièce voisine qui renfermait la bibliothèque, et il
aperçoit l’Excellence perchée au sommet d’une échelle double et fouillant dans
ses rayons. Après s’être vainement efforcé d’attirer un regard d’attention,
l’homme à l’audience prend le parti de grimper par le côté libre de l’échelle,
jusqu’à ce qu’il se trouve en face du ministre bibliomane. Il n’y avait pas
moyen de reculer. L’audience eut lieu nez à nez, et le solliciteur emporta
ainsi d’assaut la faveur qu’il voulait obtenir.
La révolution de Juillet rendit
tout entier M. de Corbière à ses livres. Jusqu’à sa mort, il continua
d’accroître les richesses de sa bibliothèque. Il lui en venait de toute
provenance. En sa qualité d’ancien ministre, il continuait même à recevoir les
publications de l’Imprimerie royale. Un libraire de Rennes, M. G., était
spécialement chargé de ses commissions.
Peu de jours avant la mort de
l’ancien ministre, un de nos amis se trouvant dans le magasin de M. G. aperçut
un paquet de livres que le libraire ordonnait de porter chez M. de Corbière.
-
Chez M. de Corbière, dit notre ami, mais il est
mourant. On vient de m’assurer qu’il n’a pas deux jours à vivre.
-
Rien de plus vrai, répondit M. G. ; mais on
est toujours bien aise de se compléter avant de mourir.
Voilà certes une parole tombée
du cœur d’un vrai bibliophile.
Hélas ! cette collection,
formée et complétée avec tant de soins, de patience et d’amour, ne sera plus
bientôt qu’un souvenir. A cette heure même, le marteau du commissaire-priseur
est en train de la démolir pièce à pièce. Les commissaires-priseurs sont comme
M. le préfet de la Seine, ils ne respectent rien. La bibliothèque de l’ancien
ministre obéit à la loi de notre siècle, qui n’admet rien de durable, ni de
permanent. Elle va où vont toutes choses, les vieux quartiers et les vieux
hôtels, les échoppes et les maisons somptueuses ; pauperum tabernas
regumque turres, où ont été hier la royauté et la république, où demain ira
ce qui les remplace, comme elles, emporté par le génie de l’Instabilité. »
(G. de Cadoudal. « La
Bibliothèque de M. de Corbière ». In L’Union, mardi 4 janvier 1870,
p. [3])
2. Biblia
Sacra. Vulgatæ editionis Sixti V. & Clementis VIII. Pont. Max. autoritate
recognita. Parisiis, Antonius Vitré, 1662, gr. in-fol., mar. r., fil., comp.,
tr. dor. (Du Seuil).
Photographie BnF |
17. Heures
à lusaige de Sainct Malo. Rennes, Pierre le Bret, 1560, pet. in-8 goth., fig.
sur bois, imprimé sur peau de vélin, v., coins et plaques comme pour les
reliures de Henri III, tr. dor. Très rare.
110. V. C. B.
d’Argentré Redonensis provinciæ præsidis. Commentarii, in patrias Britonum
leges seu Consuetudines generales antiquissimi Ducatus Britanniæ. Editio
tertia. Parisiis, Nicolai Buon, 1621, in-fol., v. br. Titre gravé par L.
Gaultier, portrait de d’Argentré par Thomas de Leu.
297. Buffon.
Histoire naturelle des oiseaux. Paris, Imp. royale, 1771-1786, 10 vol. gr.
in-fol., 1.008 pl. anciennement enluminées, v. m., fil., tr. dor. Ex. difficile
à rencontrer.
Photographie BnF |
312. Alibert
Jean-Louis. Description des maladies de la peau, observées à l’hôpital
Saint-Louis. Paris, Impr. de Crapelet, 1806-1826, gr. in-fol., 49 pl.
coloriées, d-rel. vel. vert, non rog.
313. Antommarchi
François. Planches anatomiques du corps humain, exécutées d’après nature.
Paris, Impr. de Dondey-Dupré, 1823-1826, 1 vol. in-fol. de texte et 1 vol.
in-fol. de 48 planches format atlantique. Ensemble 2 vol. d-rel. mar., n. rog.
380. Le
Demosterion de Roch le Baillif de edelphe medecin spagiric. Rennes, Pierre le
Bret, 1578, in-4, v. fauve, fil. Recherché à cause du Petit traité de
l’antiquité et singularité de Bretagne Armorique [1577], qui se trouve à partir
de la p. 161.
384. Vues,
plans, coupes et détails de la cathédrale de Cologne […]. Par Sulpice
Boisserée. Stuttgart, J. G. Cotta, 1821, in-fol., pap. grand monde, front. et
18 pl. ; texte, 1 vol. in-fol. Ensemble 2 vol. d-rel. mar. vert, n. rog. Épreuves
sur Chine.
390. Les Dix
Livres d’architecture de Vitruve, corrigez et traduits nouvellement en
François, avec des Notes & des Figures. Seconde édition. Paris, Jean Baptiste
Coignard, 1684, gr. in-fol., v. gr. Édition très recherchée.
Photographie Pazzo Books |
398. Apicii
Coelii De opsoniis et condimentis, sive Arte coquinaria, libri decem.
Amstelodami, Janssonio-Waesbergios, 1709, pet. in-8, front., v. m. Livre sur la
cuisine, fort recherché.
417. Glossarium
ad scriptores mediæ & infimæ græcitatis [Charles du Fresne, seigneur du
Cange]. Lugduni, Anissonios, Joan. Posuel & Claud. Rigaud, 1688, 2 vol.
in-fol., front., v. gr. Très recherché et fort rare.
418.
Etymologicum magnum græcum. Venetiis, sumptibus Nic. Blasti, opera Zachariæ
Calliergi, 1499, gr. in-fol., v. rac., dent. Édition princeps.
448.
Cornucopiæ, sive Linguæ latinæ commentarii [Nicollo Perotto]. Venetiis, in ædibus
Aldi et Andreæ Soceri, novembre 1513, in-fol., v. j. Ancre aldine au verso du
dernier feuillet.
480.
Dictionnaire de la langue bretonne, où l’on voit son antiquité, son affinité
avec les anciennes langues […]. Par Dom Louis Le Pelletier, Religieux Bénédictin
de la Congrégation de S. Maur. Paris, François Delaguette, 1752, in-fol., v. m.
Aux armes des États de Bretagne. Rare.
Photographies BnF |
481. Le
Sacré College de Iesus divisé en cinq classes, ou l’on enseigne en langue
Armorique […]. Composé par le R. P. Iulien Mavnoir de la Compagnie de Jesus.
Quimper-Corentin, Jean Hardouyn, 1659, pet. in-8, v. gr., tr. dor. Très
recherché.
543.
Anacreontis Teij odæ. Lutetiæ, Henricum Stephanum, 1554, pet. in-4, v. ec.,
fil., tr. dor. Édition princeps fort rare.
592. Cajus
Valerius Catullus Et in eum Isaaci Vossii observationes. Londres, Isaacum
Littleburii, 1684, in-4, v. br. Édition recherchée des curieux. Exemplaire
Caumartin-Saint-Ange, Denis Secousse et abbé Sepher.
621. Quinti Horatii Flacci Opera. Londini, Iohannes Pine,
1733-1737, 2 vol. gr. in-8, mar. r., fil., tr. dor. (Derome). Aux armes du
marquis de Maillebois, maréchal de France. Exemplaire de premier tirage avec
les mots « POST·EST » et non « POTEST » comme dans le
deuxième tirage, pour la médaille de César Auguste.
Exemplaire Corbière |
623. Quinti
Horatii Flacci Poëmata. Aurelianis, Couret de Villeneuve, 1767, in-12, mar. r.,
fil., tr. dor. (Derome).
Photographie BnF |
660. Les
Cinq Livres des odes de Q Horace, Flacce traduits du latin en vers françois par
I. Mondot Velaunois Docteur en droict Canon. Paris, Nicolas Poncelet, 1579,
pet. in-8, rel. mar. vert. Première traduction française des odes d’Horace,
rarissime.
Photographie Libreria Antiquaria Pregliasco |
690. Hyginii
poeticon astronomicon libri. Venetiis, Thomam de Blavis de Alexandria, 1488,
in-4, fig. en bois, v. fauve.
734. Phædri,
Augusti Cæsaris liberti, fabularum Æsopiarum libri quinque ; Notis
perpetuis illustrati, & cum integris Aliorum observationibus In lucem editi
à Johanne Laurentio JCto. Amstelodami, Johannem Janssonium à
Waesberge, & Viduam Elizei Weyerstraet, 1667, in-8, v. br. Recherché pour
les fig. à mi-page : la fig. libre de la p. 276 est souvent grattée.
Photographie Illibrairie Genève |
759. Publii
Virgilii Maronis bucolica, Georgica, et Æneis. Birminghamiæ, Johannis
Baskerville, 1757, gr. in-4, mar. r., dent. Édition originale. Chef-d’œuvre de
Baskerville.
787. Le
Rommant de la Rose nouvellement Reveu et corrige oultre les precedentes
Impressions. Paris, Galliot du pre, 1529, 2 vol. pet. in-8, rel. mar. r., fil.
(Derome).
Photographie BnF |
801. Le
Champiō des Dames […]. Compose par Martin Franc, secretaire du feu pape Felix.
V. Paris, Galiot dupre, 1530, pet. in-8, fig. en bois, mar. r., fil., milieu,
doublé de tabis, tr. dor. (Thouvenin). Fort rare et recherché.
Photographie Abraxas-libris Bécherel |
802. Les
faictz et dictz de feu de bōne mémoire maistre Jehan Molinet. Paris, Jean
Petit, 1537, pet. in-8 goth., mar. r., fil., tr. dor. (Derome).
803. Les
triũphes de la Noble et amoureuse Dame et l’art de honnestement aymer. Paris,
Jean Real, 1541, in-8 goth.
Photographie Librairie Eric Casteran, Toulouse |
807. Les
Œuvres poetiques de Remy Belleau. Redigees en deux Tomes. Paris, Mamert
Patisson, 1578, 2 vol. pet. in-12, v. fauve, fil. Aux armes du comte d’Hoym.
Photographie Librairie Camille Sourget, Paris |
808. Les
Œuvres francoises de Ioachim du-Bellay Gentil homme Angevin, & Poëte
excellent de ce temps. Paris, Federic Morel, 1569, pet. in-8, v. m. Édition
qu’on peut regarder comme l’originale.
Photographie Michel Lestrade, Toulouse |
810. Les
Œuvres de Philippes des-Portes Abbé de Thiron. Rouen, Raphael du petit Val,
1611, in-12, vél. bl., mosaïque en mar. r., dent, milieu à compartiments en
mar. olive, formant écailles de poissons, tr. dor., doublé de mar. r., dent.
820. Les
Œuvres poetiques de Pontus de Tyard, Seigneur de Bissy. Paris, Galiot du Pré,
1573, in-4, v. fauve, dent.
894. Contes
et nouvelles en vers, Par M. de La Fontaine. Amsterdam [Paris], s. n. [Barbou],
1762, 2 vol. in-8, mar. r., fil., tr. dor. (Derome). Édition dite des Fermiers
généraux. Fig. Cas de conscience et Diable de Papefiguière découvertes.
909. Il
Petrarca con dichiarazioni non piu stampate. Lyone, Gulielmo Rouillio, 1558,
in-16, fig. sur bois, rel. vélin, dos orné et semé des chiffres H C enlacés
[Catherine de Médicis et Henri II].
1.000. Les
Amours pastorales de Daphnis et de Chloé. Avec Figures. S. l. [Paris], s. n.
[Quillau], 1718, pet. in-8, mar. r., dent., tr. dor.
1.055. El Ingenioso
Hidalgo Don Quixote de la Mancha compuesto por Miguel de Cervantes Saavedra.
Madrid, Joaquin Ibarra, 1780, 4 tomes en 2 vol. gr. in-4, figures, rel. en
vélin, non rogn. Chef-d’œuvre typographique.
Photographie Antiquariat Mahrenholz, Oranienbaum-Wörlitz |
1.165. Œuvres
complètes de Voltaire. Paris, Antoine-Augustin Renouard, 1819-1825, 66 vol.
in-8, cart., n. rog. Gr. pap. vélin, 113 vignettes d’après Moreau, 47 portraits
par Saint-Aubin.
1.170.
Bibliothèque classique latine, ou Collection des auteurs classiques latins […]
publiée par Nicolas Éloi Lemaire. Paris, Imprimerie de Firmin Didot, 1819-1838,
144 vol. in-8, cart., n. rog. Gr. pap. vélin. Collection estimée.
1.196. Atlas
universel [par Robert et Robert de Vaugondy]. Paris, Auteurs et Boudet, 1757,
gr. in-fol., 108 cartes coloriées, v. j.
1.337. Traitez
touchant les droits du Roy tres-chrestien sur plusieurs estats et seigneuries possédées
par divers Princes voisins. Rouen, Laurens Maurry, 1670, in-fol., v. gr. Aux
armes de La Bédoyère.
Photographie BnF |
1.352. Recueil
des historiens des Gaules et de la France […]. Par Dom Martin Bouquet, Prêtre
& Religieux Bénédictin de la Congrégation de Saint Maur. Paris, 1738-1855,
22 vol. in-fol., v. rac.
1.354. La Mer des
hystoires et croniques de France. Paris, Galliot du Pré, 1517-1518, 4 vol.
in-fol. goth. à 2 col., v. ant. Exemplaire de la Bibliotheca Colbertina.
1.400. Le
Sacre de S. M. l’Empereur Napoléon, dans l’Eglise Métropolitaine de Paris, le
XI Frimaire An XIII, Dimanche 2 Décembre 1804. Paris, Imprimerie impériale,
1804, in-fol., max., 39 pl. coloriées, v. rac., dent.
1.413.
L’Histoire de Bretaigne, des Roys, Ducs, Comtes et Princes d’icelle […] Par
noble homme Messire Bertrand D’Argentré. Paris, Nicolas Buon, 1618, 3e
édition, in-fol., v. br.
1.439. Britannie
utriusque Regum Et Principum Origo & gesta insignia ab Galfrido Monemutensi
ex antiquissimis Britannici sermonis monumentis in latinum traducta. Paris,
Josse Bade, 1517, 2e édition, pet. in-4.
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